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28/03/2001 | SUISSE | N°4C.349/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 mars 2001, 4C.349/2000


«/2»

4C.349/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Eric-Alain Bieri, avocat à La Chaux-de-Fonds,

et

L.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Céline Immelé, avocate à Neuchâtel;
> (contrat de travail; licenciement abusif)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L.________ t...

«/2»

4C.349/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Eric-Alain Bieri, avocat à La Chaux-de-Fonds,

et

L.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Céline Immelé, avocate à Neuchâtel;

(contrat de travail; licenciement abusif)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L.________ travaillait comme ouvrière pour
X.________ S.A. depuis le 23 octobre 1997 contre un salaire
de 3000 fr. brut à l'engagement.

Le 1er février 1999, les employés ont été informés
par leur supérieur qu'il serait désormais interdit de sortir
entre les pauses, que ce soit pour aller fumer ou boire un
café. Cette annonce a été mal accueillie; L.________, qui ne
se sentait déjà pas très bien, l'a spécialement mal ressen-
tie. Perdant les nerfs, elle s'est brusquement levée de sa
place de travail, a jeté ses fournitures sur un chariot, ce
qui a eu pour effet de les éparpiller, a proféré un juron et
est allée dans les vestiaires pour prendre ses affaires et
s'en aller. Là, elle a été rejointe par son supérieur, puis
par le directeur de l'entreprise, qui l'a dans un premier
temps empêchée de partir, puis sommée de reprendre sa place,
et enfin menacée de résilier son contrat de travail avec ef-
fet immédiat si elle abandonnait son poste. Se sentant inca-
pable de reprendre sa place vu son état nerveux et le trem-
blement de ses mains, L.________ a quitté les locaux pour
aller consulter à l'hôpital, d'où un rendez-vous a été pris
chez la doctoresse Z.________, du Centre psychosocial de
Neuchâtel. Ce médecin a certifié que sa patiente était en
incapacité de travail totale du 1er au 5 février 1999.

Par courrier express et recommandé du 1er février
1999, X.________ S.A. a résilié avec effet immédiat le con-
trat de l'ouvrière; le motif invoqué était l'abandon sans
raison valable de la place de travail.

L.________ a contesté son congé par lettre du 2
février 1999. Elle faisait valoir que le licenciement avait
été donné alors qu'elle se trouvait en incapacité de travail
totale, et que celle-ci résultait d'une maladie non
imputable
à faute. Elle estimait en conséquence que le congé était nul
(art. 336c CO), et se déclarait disposée à reprendre son em-
ploi sitôt rétablie. Le certificat de la doctoresse
Z.________ était annexé à cette lettre.

Par courrier du 3 février 1999, la défenderesse a
confirmé le licenciement avec effet immédiat, pour le même
motif.

B.- Le 11 mars 1999, L.________ a saisi le Tribunal
des prud'hommes de La Chaux-de-Fonds d'une demande tendant
en
dernier lieu principalement à la constatation de la nullité
du congé et à la condamnation de X.________ S.A. au paiement
de 8190 fr. à titre de salaire jusqu'au 18 avril 1999, de
1233 fr.90 pour solde de vacances, et de 1050 fr. à titre de
13e salaire, le tout avec intérêts. Subsidiairement, elle ré-
clamait la condamnation de X.________ S.A. à lui verser
9450 fr. à titre de salaire durant le délai de congé,
1233 fr.90 pour solde de vacances, 1050 fr. à titre de 13e
salaire, et 18 900 fr. à titre d'indemnité pour licenciement
abusif, ces divers montants portant intérêts à 5 % dès le 11
mars 1999.

Par jugement du 6 septembre 1999, le Tribunal a
condamné la défenderesse à verser à la demanderesse
6461 fr.70 brut et 3150 fr. net, intérêts en sus, rejetant
toutes autres ou plus amples conclusions. Il a retenu en sub-
stance que la demanderesse n'avait pas quitté fautivement sa
place de travail, partant que les justes motifs de résilia-
tion immédiate n'étaient pas donnés, et que la travailleuse
avait droit en conséquence à une indemnité couvrant les mois
de février et mars 1999, la part aux vacances et à un trei-

zième salaire au prorata, ainsi qu'à une indemnité pour rési-
liation injustifiée équivalente à un salaire mensuel.

Par arrêt du 12 octobre 2000, la Cour de cassation
civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a rejeté
un recours interjeté par la défenderesse contre le jugement
du Tribunal.

C.- La défenderesse recourt en réforme au Tribunal
fédéral contre l'arrêt du 12 octobre 2000. Ses conclusions
tendent à la constatation du bien-fondé de la résiliation im-
médiate du contrat de travail et, partant, au rejet de
toutes
les conclusions de la demanderesse.

La demanderesse conclut au rejet du recours et à la
confirmation de l'arrêt cantonal.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La cour cantonale a constaté que l'employeur
avait à réitérées reprises fondé sa décision de renvoi immé-
diat sur l'abandon de son poste de travail par la demanderes-
se le 1er février 1999. Elle a estimé que l'argumentation dé-
veloppée dans le recours au sujet d'un motif de résiliation
de moindre gravité (jet d'un gobelet de graisse) précédé
d'avertissements ou d'une appréciation globale de l'attitude
de la travailleuse était tardive et dénuée de pertinence.

La question à résoudre était donc de savoir si la
demanderesse avait fautivement quitté sa place le 1er
février
1999 au matin. Sur le vu des preuves administrées, la cour
cantonale a admis que les premiers juges avaient avec raison
tranché par la négative. Les déclarations de la
travailleuse,
selon lesquelles l'annonce relative aux pauses avait sérieu-

sement aggravé un état nerveux déjà très fragile étaient cor-
roborées par le certificat et le témoignage d'un médecin.
Celui-ci avait pu constater, lors de la consultation du 1er
février 1999, que la demanderesse présentait un état de per-
turbation psychique qui la rendait à l'évidence incapable de
reprendre le travail immédiatement, cette incapacité résul-
tant principalement des incidents du 1er février 1999. Les
justes motifs de résiliation immédiate du contrat de travail
n'étaient donc pas donnés.

2.- La défenderesse invoque une violation de l'art.
337 CO. Elle reproche à la cour cantonale de ne pas avoir
tenu compte du fait que la travailleuse avait déjà, à une re-
prise au moins, eu un comportement inadmissible envers l'un
de ses supérieurs. Ses manquements, suivis de vains avertis-
sements, rempliraient les conditions d'une résiliation immé-
diate au sens défini par la jurisprudence

La défenderesse allègue par ailleurs que le dossier
ne permettrait pas de retenir que la demanderesse était en
incapacité de travail le 1er février au moment où elle est
arrivée à l'atelier; il serait en revanche établi qu'elle
était dans un état perturbé, anxieux, nerveux et dépressif
déjà au mois de janvier, sans toutefois que cet état ait
justifié une incapacité de travail. La défenderesse ajoute
que, le 1er février, lorsqu'elle a quitté le travail, la
travailleuse n'a aucunement fait valoir qu'elle se sentait
mal et qu'elle devait aller voir le médecin. Bref, la respon-
sabilité de l'incapacité de travail, principalement liée à
l'incident du 1er février, incomberait exclusivement à l'ou-
vrière, et non à l'employeur. La demanderesse n'aurait pas
apporté la preuve qu'au moment de quitter son poste, elle
était sans sa faute en incapacité de travail.

3.- a) La cour cantonale a rappelé les principes
généraux régissant la résiliation immédiate du contrat de

travail pour justes motifs. Avec raison, la défenderesse ne
conteste pas cet exposé, si bien qu'on peut se dispenser d'y
revenir.

La faute est bien l'élément essentiel de la jus-
tification d'un renvoi immédiat du travailleur. Selon l'art.
337 al. 3 CO, le juge apprécie librement s'il existe de jus-
tes motifs, mais en aucun cas il ne peut considérer comme
tel
le fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de
travailler. La notion de faute est ici la même que celle fi-
gurant aux art. 324a al. 1 et 336c al. 1 let. b CO (Streiff/
von Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., n.
23
ad art. 337 CO). Elle doit être interprétée d'une manière
restrictive (Rehbinder, Commentaire bernois, n. 16 ad art.
324a CO). Le manquement doit être manifeste et grave pour
être imputé au travailleur (Rehbinder, eod. loc.). C'est à
l'employeur qu'il appartient de prouver la faute de
l'employé
(Rehbinder, op. cit., n. 20 ad art. 324a CO).

L'absence injustifiée d'un travailleur peut, selon
les circonstances, constituer un juste motif de résiliation
par l'employeur. Elle peut également tomber sous le coup de
l'art. 337d al. 1 CO. Il y a abandon d'emploi au sens de cet-
te disposition lorsque le travailleur quitte son poste abrup-
tement sans justes motifs, ce qui présuppose un refus cons-
cient, intentionnel et définitif de poursuivre l'exécution
du
travail confié. Une absence n'est injustifiée que s'il y a
obligation de travailler (arrêt reproduit in SJ 1997 p. 149
consid. 2 c). Il faut donc un abandon fautif du travail.
Constituent un empêchement non fautif de travailler non seu-
lement les souffrances physiques, mais aussi les atteintes
psychiques à la santé, telles que la dépression ou la schi-
zophrénie (Staehelin, Commentaire zurichois, n. 8 ad 324a et
n. 7 ad 336c CO).

b) Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, le
Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait des
magistrats cantonaux, et ne peut entrer en matière sur des
faits qui ne ressortent pas de l'arrêt attaqué (art. 55 al.
1
let. c, 63 al. 2 OJ). En l'occurrence, il est constant que
l'abandon de poste a été causé par l'annonce relative aux
pauses, qui a aggravé un état nerveux déjà très fragile et
créé un état de perturbation psychique rendant l'ouvrière
incapable de reprendre le travail immédiatement. Il faut en
déduire que l'état de la demanderesse constituait un empê-
chement non fautif de travailler. Sur le vu de cet état de
fait, la cour cantonale a correctement appliqué les disposi-
tions légales applicables.

c) Les références à des avertissements préalables
ne pourraient être pris en considération que si le comporte-
ment reproché à la travailleuse devait être considéré comme
fautif.

4.- Le recours sera rejeté. Les frais et dépens
doivent être mis à la charge de la défenderesse qui succombe
(art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 2200 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour de cassation civile du Tribu-
nal cantonal du canton de Neuchâtel.

___________

Lausanne, le 28 mars 2001
ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.349/2000
Date de la décision : 28/03/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-28;4c.349.2000 ?
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