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28/03/2001 | SUISSE | N°4C.333/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 mars 2001, 4C.333/2000


«AZA 1/2»

4C.333/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Charif Feller.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

François Bonvin, à Sierre, demandeur et recourant,
représenté
par Me Jean-Charles Haenni, avocat à Sion,

et

PAM Produits alimentaires S.A., à Sion, défenderesse et inti-
mée, représentée par Me Nicolas Fardel, av

ocat à Sion,

(contrat de courtage)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) En 1987, ...

«AZA 1/2»

4C.333/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Charif Feller.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

François Bonvin, à Sierre, demandeur et recourant,
représenté
par Me Jean-Charles Haenni, avocat à Sion,

et

PAM Produits alimentaires S.A., à Sion, défenderesse et inti-
mée, représentée par Me Nicolas Fardel, avocat à Sion,

(contrat de courtage)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) En 1987, PAM Produits alimentaires S.A.
(ci-après: PAM) a décidé de vendre des terrains de 24 000 m2
lui appartenant, sis à Sierre. En vue de cette vente, des
contacts ont eu lieu entre cette société et Maus Frères S.A.
(ci-après: Maus). Le 8 octobre (art. 64 al. 2 OJ) 1987,
François Bonvin, tenancier de boîtes de nuit et agent d'af-
faires, inscrit comme tel au registre du commerce, a commu-
niqué à l'un des administrateurs de PAM l'intérêt porté aux-
dits terrains par un "client du Haut-Valais", Erich
Heinzmann. A cette occasion, Bonvin a précisé à l'administra-
teur de PAM que la commission de vente "serait à rajouter au
prix". Il résulte de l'instruction que Heinzmann entendait
agir pour Maus, laquelle a cependant refusé son offre, décla-
rant pouvoir acquérir les immeubles en question par
elle-même
et à meilleur compte. Par ailleurs, Heinzmann a affirmé que
le projet d'achat de terrains venait de lui et non de Bonvin
auquel il n'a jamais demandé d'agir en son nom.

Après avoir pris contact avec la directrice du ser-
vice immobilier de Maus, Bonvin s'est entretenu avec elle à
Genève, le 13 (recte: 12) octobre 1987. Le lendemain, il a
confirmé à l'administrateur de PAM la présentation des ter-
rains en question à Maus. Le 14 octobre 1987, Bonvin, Heinz-
mann et son adjoint ont rencontré l'administrateur de PAM.
Par courrier du 16 octobre 1987, Bonvin a confirmé à
celui-ci
cette entrevue, lui signalant notamment que la commission de
vente de 5% devait être prévue dans le prix de vente. Le 20
octobre 1987, l'administrateur de PAM a contesté ledit cour-
rier en ces termes:

" (.....)
Nous devons préciser que nos entretiens ont eu lieu
à votre demande et qu'aucun mandat ne vous a été

confié. Au cours de ces entretiens, nous avons sim-
plement enregistré vos propositions et nous ne vous
avons fait aucune offre de vente de terrains
(.....).

En ce qui concerne la commission de vente de 5%,
nous devons vous répéter qu'aucun mandat ne vous a
été accordé et qu'aucune somme ne vous est due à
quelque titre que ce soit.
(.....)".

Bonvin n'a pas réagi à cette mise au point.

Le 28 octobre 1987, la directrice du service immo-
bilier de Maus, accompagnée de Bonvin, s'est réunie avec
l'administrateur de PAM dans les locaux de cette société. Il
résulte de l'instruction que celle-là ne savait pas à quel
titre Bonvin participait à cette réunion. Le lendemain, Bon-
vin a confirmé cette entrevue, rappelant qu'une commission
de
vente de 5% devait être englobée dans le prix de vente. L'ad-
ministrateur de PAM a réagi, le 5 novembre 1987, demandant à
Bonvin "de noter une bonne foi pour toutes que nous ne vous
avons jamais confié de mandat, ni de mission et que nous ne
vous devons absolument rien". Bonvin a contesté les termes
de
ce courrier une semaine plus tard, affirmant que PAM avait
accepté qu'il lui trouve un acheteur, comme en témoignaient
les diverses entrevues et les documents qui lui avaient été
remis, et déclarant qu'il n'exigeait une commission que dans
la mesure où l'affaire était conclue avec l'un de ses
clients, soit Maus ou Heinzmann. Le 17 novembre 1987, l'admi-
nistrateur de PAM a manifesté sa désapprobation quant à la
version des faits présentée par Bonvin.

b) Le 4 juillet 1988, deux pactes d'emption ont été
signés entre PAM et Maus, lesquels prévoyaient expressément
que la réclamation d'une commission de courtage par
quiconque
était exclue, les représentants des sociétés intéressées
ayant pris contact directement entre eux. Le prix des ter-
rains s'élevait à 4 252 560 fr. au total. Les droits d'emp-

tion ont été levés en 1990. A la suite de la publication, au
Bulletin officiel du 3 juillet 1993, d'une mise à l'enquête
publique concernant une construction sur les terrains en
question, Bonvin a réclamé, sans succès, sa commission de 5%
respectivement à Maus le 22 septembre et à l'administrateur
de PAM le 27 septembre 1993.

B.- Le 27 mai 1994, François Bonvin a ouvert action
contre PAM, concluant au paiement de 97 000 fr., avec inté-
rêts, à titre de commission pour ses activités en tant que
courtier.

Par jugement du 3 octobre 2000, la IIe Cour civile
du Tribunal cantonal du canton du Valais a rejeté la demande
de Bonvin.

C.- Parallèlement à un recours de droit public, qui
a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité par arrêt sé-
paré de ce jour, François Bonvin interjette un recours en ré-
forme. Il y conclut, principalement, à la réforme du
jugement
attaqué et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'auto-
rité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des consi-
dérants.

La défenderesse conclut à l'irrecevabilité du re-
cours en réforme.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal
fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été
constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que
des
dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été vio-
lées, qu'il n'y ait lieu de rectifier des constatations repo-

sant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou
qu'il faille compléter les constatations de l'autorité canto-
nale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits perti-
nents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59
consid. 2a et les arrêts cités). Tous ces griefs concernant
l'établissement des faits exigent une motivation précise
avec
l'indication des pièces du dossier (art. 55 al. 1 let. d OJ;
ATF 115 II 399 consid. 2a p. 400).

b) Or en l'espèce, le demandeur considère que le
jugement attaqué comprend des omissions ou lacunes sur des
points importants. Certes, il mentionne expressément les
lettres qu'il a écrites les 8 et 13 octobre 1987 ainsi que
les témoignages des administrateurs de la défenderesse. Le
demandeur précise toutefois qu'il a formé à cet effet un
recours de droit public parallèlement au présent recours en
réforme, mais qu'il appartiendra au Tribunal fédéral d'ap-
précier si lesdites lacunes peuvent être comblées en appli-
cation des art. 63 al. 2 et 64 al. 2 OJ ou si la cause devra
être renvoyée à l'autorité cantonale pour complément d'ins-
truction. Cette manière de faire, qui confond les griefs
admissibles dans chacune des deux voies de droit, ne satis-
fait guère aux exigences signalées (cf. ATF 116 II 745 con-
sid. 2). Partant, le recours est irrecevable sur ce point.

2.- a) Le demandeur invoque en premier lieu la vio-
lation de l'art. 412 CO. Il soutient, en substance, qu'anté-
rieurement au 20 octobre 1987, un contrat de courtage aurait
été conclu, par actes concluants, avant d'être résilié à la
date précitée. Il appuie sa thèse, d'une part, sur le fait
que l'administrateur de la défenderesse lui avait remis les
plans de situation des terrains à vendre et, d'autre part,
sur la correspondance adressée à celui-ci entre le 8 et le
13
octobre 1987, laquelle confirmerait la présentation des ter-
rains à leur acquéreur ultérieur.

b) Le juge doit se montrer exigeant quant à l'ad-
ministration de la preuve de l'existence d'un contrat de
courtage tacite (Engel, Contrats de droit suisse, 2ème éd.,
p. 522 ch. 2 in fine). Selon la jurisprudence (arrêt non pu-
blié dans la cause 4C.66/1992, reproduit partiellement in:
SJ
1993 189, consid. 2b; ATF 72 II 87), l'attitude du courtier
doit être suffisamment nette pour que l'absence d'opposition
de la part du "mandant" puisse être interprétée comme la vo-
lonté de conclure un contrat de courtage. Cela suppose que
l'activité du courtier, par sa durée ou par son importance,
soit assez caractérisée pour constituer une offre de
service.
Devant l'insistance de certains agents immobiliers qui re-
viennent constamment à la charge, le silence gardé par le
vendeur à l'égard de telle ou telle démarche ou déclaration
d'un courtier ne peut valoir déjà acceptation. Une telle ac-
ceptation ne peut se déduire d'un comportement que si son
interprétation permet, sans nul doute, d'en déduire l'expres-
sion d'un accord portant sur la conclusion d'un contrat.

c) aa) En l'espèce et comme l'a bien vu la cour
cantonale, l'indice que constitue en faveur du demandeur la
détention par lui de documents relatifs aux terrains de la
défenderesse ne constitue pas une preuve suffisante de la
conclusion tacite d'un contrat de courtage (SJ 1968 134 ss,
consid. c p. 138).

bb) Il convient donc d'examiner si, comme l'affirme
le demandeur, l'on peut déduire la conclusion d'un tel con-
trat de la correspondance qu'il a rédigée entre le 8 et le
13
octobre 1987. Dans la lettre du 8 octobre, le demandeur fait
état de l'intérêt manifesté par un premier "amateur" et abor-
de la question de la commission de vente. Il découle de la
première lettre du 13 octobre, adressée au futur acquéreur
des terrains, que le demandeur a rencontré celui-ci et qu'il
lui a présenté l'objet de la vente. La deuxième lettre du 13
octobre informe la défenderesse de cette entrevue et lui si-

gnale l'intérêt du futur acquéreur. La troisième lettre du
13
octobre, également adressée à la défenderesse, contredit la
deuxième au sujet du prix exigé pour les terrains. Selon les
constatations de fait de la cour cantonale, qui lient le Tri-
bunal fédéral en instance de réforme, le demandeur a déclaré
qu'il destinait ce troisième courrier à un autre "dossier",
d'où la contradiction constatée. En bref, entre le 8 et le
13
octobre 1987, l'activité du demandeur a consisté à signaler
à
la défenderesse l'intérêt de deux "amateurs", dont il est ce-
pendant avéré que l'un entendait agir pour l'autre.

Contrairement à ce qu'affirme le demandeur, la let-
tre de la défenderesse du 20 octobre 1987 doit bel et bien
être considérée comme une opposition manifeste à l'ensemble
des courriers précités, soit aux démarches du demandeur en
général. S'il est vrai que la défenderesse s'y réfère plus
particulièrement au dernier courrier du demandeur, daté du
16
octobre, il n'en reste pas moins qu'elle y déclare sans équi-
voque et à deux reprises ne jamais lui avoir confié de
mandat
et ne rien lui devoir à ce titre. Il sied de relever que sa
réaction, qui vise clairement tout mandat en général, fait
suite à un courrier dans lequel le demandeur formule pour la
première fois des exigences précises (5%) quant à une commis-
sion. Au demeurant, les propos de la défenderesse intervien-
nent déjà une douzaine de jours après la première lettre du
8
octobre - dont on peut douter de la pertinence dans ce con-
texte, puisqu'il s'est avéré que l'amateur signalé n'en
était
pas vraiment un - et une semaine déjà après la mention du
second amateur. Interprété de bonne foi, le comportement de
la défenderesse ne peut être considéré comme une absence
d'opposition, voire une manifestation de sa volonté de con-
clure un contrat de courtage tacite.

cc) Par ailleurs, l'argument du demandeur ne con-
vainc pas à un autre égard: il est établi qu'il a omis de
réagir à la lettre du 20 octobre 1987, sans raison valable,

puisqu'il a simplement déclaré qu'il n'avait pas pris ce
courrier au sérieux. Or, dans son recours en réforme, le
demandeur considère que ce courrier constitue la résiliation
du contrat de courtage par la défenderesse. Si tel était le
cas, son absence de réaction est incompréhensible, notamment
en regard de la clarification des conséquences de cette pré-
tendue résiliation sur son droit au salaire.

d) Selon le demandeur, la cour cantonale aurait
également violé l'art. 413 CO, qui prévoit le droit au salai-
re du courtier, ainsi que l'art. 8 CC. Le demandeur affirme
qu'il aurait établi, d'une part, l'identité économique entre
l'objet de l'indication et l'objet de la vente (ATF 114 II
357 consid. 3a) et, d'autre part, l'existence d'un lien psy-
chologique entre l'activité déployée et la conclusion de
l'affaire.

aa) La conclusion d'un contrat de courtage suppose
que le mandant s'est engagé envers le courtier à lui verser
un salaire. Cette obligation de rémunérer le courtier consti-
tue une des conditions indispensables (essentialia negotii)
à
l'existence d'un contrat de courtage. A défaut d'un engage-
ment de verser au courtier la commission pour l'activité
développée, le contrat de courtage ne peut aboutir (arrêt
non
publié dans la cause 4C.66/1992, reproduit partiellement in:
SJ 1993 189, consid. 2b et les références).

bb) La cour cantonale estime que le demandeur n'a
nullement établi l'existence d'un accord sur l'octroi d'un
salaire et encore moins sur un montant déterminé. Elle se
fonde sur la déclaration du demandeur selon lequel la défen-
deresse n'a jamais contesté le mandat de vente mais
seulement
la commission. Pour le demandeur, cet argument est dénué de
fondement dans la mesure où il concerne exclusivement une
situation de fait postérieure au 20 octobre 1987, soit posté-
rieure à la prétendue résiliation du contrat de courtage.

Cette affirmation n'est étayée par aucun élément du dossier.
Bien au contraire, dans sa lettre du 20 octobre, qui
concerne

les faits antérieurs à cette date, la défenderesse exclut ex-
pressément le droit du demandeur à toute rémunération.

Au demeurant, il incombe au courtier indicateur de
prouver qu'il a été le premier à désigner, comme s'intéres-
sant en fait à l'affaire, la personne qui a par la suite
acheté, et que c'est précisément sur la base de cette indica-
tion que les parties sont entrées en relation et ont conclu
le marché (ATF 75 II 53 consid. 1a; 72 II 84 consid. 2). Or
en l'espèce, les faits établis par la cour cantonale, que le
demandeur n'a pas réussi à remettre en cause dans son
recours
de droit public, ne permettent pas d'exclure que les parties
aient noué des rapports contractuels et conclu l'affaire sur
la base d'autres indications que celles fournies par le de-
mandeur. A cet égard, le refus de l'offre faite par
Heinzmann
à l'acquéreur, qui envisageait de traiter directement avec
le
vendeur, est significatif. Enfin, selon les constatations du
jugement cantonal, demeurées incontestées à ce sujet, le de-
mandeur n'a pas hésité à exiger dans un premier temps une
commission à la fois du vendeur et de l'acquéreur; son atti-
tude ambiguë ne permet pas non plus de conclure à
l'existence
d'un accord sur le salaire exigé.

Cela étant, le grief de la violation de l'art. 8 CC
tombe à faux. Il en est de même pour les autres questions
soulevées par le demandeur, qu'il n'y a pas lieu d'examiner
plus avant.

3.- Il suit de là que le recours en réforme doit
être rejeté. Le demandeur supportera les frais judiciaires
(art. 156 al. 1 OJ) et les dépens (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l:

1. Rejette le recours dans la mesure où il rece-
vable et confirme le jugement attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 5000 fr. à la
charge du demandeur;

3. Dit que le demandeur versera à la défenderesse
5000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal canto-
nal du canton du Valais.

_____________

Lausanne, le 28 mars 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.333/2000
Date de la décision : 28/03/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-28;4c.333.2000 ?
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