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27/03/2001 | SUISSE | N°I.475/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 mars 2001, I.475/00


«AZA 7»
I 475/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berset, Greffière

Arrêt du 27 mars 2001

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, Vevey, recourant,

contre

S.________, intimée, représentée par ses parents,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- S.________ présente une anomalie de la poitrine
(sein tubulaire droit et aplasie d

u sein gauche). Ses
parents ont déposé, le 24 avril 1998, une demande tendant à
la prise en charge par l'assurance-invalidité d'un...

«AZA 7»
I 475/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berset, Greffière

Arrêt du 27 mars 2001

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, Vevey, recourant,

contre

S.________, intimée, représentée par ses parents,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- S.________ présente une anomalie de la poitrine
(sein tubulaire droit et aplasie du sein gauche). Ses
parents ont déposé, le 24 avril 1998, une demande tendant à
la prise en charge par l'assurance-invalidité d'une opéra-
tion de chirurgie plastique.
Par décision du 9 juin 1999, l'Office de l'assurance-
invalidité pour le canton de Vaud (ci-après : l'office) a
rejeté la demande dont il était saisi. Il a considéré que

la prestation requise ne pouvait pas être octroyée au titre
des mesures médicales nécessaires au traitement d'une in-
firmité congénitale (art. 13 LAI) et que les implants mam-
maires ne pouvaient être remboursés à titre de moyens
auxiliaires.

B.- Saisi d'un recours contre cette décision, le Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud l'a admis par juge-
ment du 27 juillet 2000. Il a jugé, en bref, que l'affec-
tion alléguée par l'assurée était de nature à la perturber
moralement, tant dans sa vie professionnelle que dans
l'accomplissement d'actes de la vie de tous le jours, de
sorte que l'opération envisagée devait être prise en charge
par l'assurance-invalidité, en tant que mesure médicale di-
rectement nécessaire à la réadaptation professionnelle
(art. 12 LAI).

C.- L'office interjette recours de droit administratif
contre ce jugement, dont il demande l'annulation.
Représentée par ses parents, S.________ conclut impli-
citement au rejet du recours, tout en produisant une lettre
du 27 octobre 2000, dont il ressort que la Concordia, assu-
rance-maladie, est disposée à prendre en charge les frais
nécessités par l'opération en question.
Quant à l'Office fédéral des assurances sociales,
considérant que l'assurée n'est ni invalide, ni menacée
d'invalidité, il propose l'admission du recours.

Considérant en droit :

1.- a) La loi sur l'assurance-invalidité prévoit
l'octroi de mesures médicales en général (art. 12 LAI) et
en cas d'infirmité congénitale, en particulier (art. 13
LAI; VSI 2001 consid. 1a, p. 73; Meyer-Blaser, Bundesgesetz
über die Invalidenversicherung, Zürich 1997, p. 77-108).

b) Selon l'art. 12 al. 1 LAI, un assuré a droit aux
mesures médicales qui n'ont pas pour objet le traitement de
l'affection comme telle, mais sont directement nécessaires
à la réadaptation professionnelle et sont de nature à amé-
liorer de façon durable et importante la capacité de gain
ou à la préserver d'une diminution notable. En règle géné-
rale, on entend par traitement de l'affection comme telle
la guérison ou l'amélioration d'un phénomène pathologique
labile. L'assurance-invalidité ne prend en charge, en prin-
cipe, que les mesures médicales qui visent directement à
éliminer ou à corriger des états défectueux stables, ou du
moins relativement stables, ou des pertes de fonction, si
ces mesures permettent de prévoir un succès durable et
important au sens de l'art. 12 al. 1 LAI (ATF 120 V 279
consid. 3a et les références; VSI 2000 p. 301 consid. 2a).
Cette disposition légale vise notamment à tracer une
limite entre le champ d'application de l'assurance-invali-
dité et celui de l'assurance-maladie et accidents. Cette
délimitation repose sur le principe que le traitement d'une
maladie ou d'une lésion, sans égard à la durée de l'affec-
tion, ressortit en premier lieu au domaine de l'assurance-
maladie et accidents (ATF 104 V 81 sv. consid. 1, 102 V 41
consid. 1; RCC 1981 p. 519 consid. 3a; Meyer-Blaser, op.
cit. p. 78 sv.).

c) Aux termes de l'art. 13 LAI, les assurés ont
droit aux mesures médicales nécessaires au traitement des
infirmités congénitales jusqu'à l'age de 20 ans révolus
(al. 1). Faisant usage de la délégation de compétence
prescrite à l'art. 13 al. 2 LAI, le Conseil fédéral a
édicté l'ordonnance concernant les infirmités congénitales
(OIC). Sont réputées mesures médicales nécessaires au
traitement d'une infirmité congénitale tous les actes dont
la science médicale a reconnu qu'ils sont indiqués et
qu'ils tendent au but thérapeutique visé d'une manière

simple et adéquate (art. 2 al. 3 OIC). De manière analo-
gue, l'art. 2 al. 1 2ème phrase RAI stipule au sujet des
mesures médicales au sens de l'art. 12 LAI qu'elles doi-
vent être considérées comme indiquées en l'état actuel des
connaissances médicales et permettre de réadapter l'assuré
d'une manière simple et adéquate (VSI 2001 p. 73 con-
sid. 1a). Comme toute mesure de réadaptation, le traite-
ment médical des infirmités congénitales est également
soumis au principe de la proportionnalité. Pour que la
mesure puisse être mise à la charge de l'assurance-invali-
dité, elle doit ainsi être appropriée et nécessaire pour
atteindre le but visé (VSI 2001 p. 77 consid. 4b; Meyer-
Blaser, op. cit. p. 105 sv).

2.- En l'espèce, les affections présentées par l'in-
timée (sein tubulaire et aplasie) ne figurent pas dans la
liste des infirmités congénitales annexée à l'OCI. Le
chiffre 113 de cette liste ne prévoit en effet que la pri-
se en charge d'une amastie congénitale (absence de la
glande mammaire) ou d'une athélie congénitale (absence du
mamelon). Par conséquent, l'assurée n'a pas droit au trai-
tement de ces anomalies en vertu de l'art. 13 LAI. Il faut
donc examiner s'il existe, en ce qui concerne ces affec-
tions, un droit à la prise en charge de l'opération chi-
rurgicale litigieuse au sens de l'art. 12 LAI, conjoin-
tement avec l'art. 5 al. 2 LAI (dans la mesure où l'as-
surée était agée de moins de 20 ans révolus).

3.- a) Les premiers juges ont admis que l'intimée
avait droit à la prise en charge par l'assurance-invali-
dité de l'opération de chirurgie esthétique envisagée, au
titre de mesures médicales au sens de l'art. 12 LAI, pour
le motif que sa souffrance morale était de nature à entra-
ver sa vie professionnelle (future).

b) Dans un arrêt du 22 septembre 1976, la Cour de
céans avait retenu, en ce qui concerne une assurée présen-
tant une anomalie de la croissance d'un sein, que les dé-
fauts d'ordre esthétique n'influencent généralement pas la
capacité de gain, sous réserve des cas exceptionnels où
ils causent des souffrances morales qui influencent à leur
tour l'aptitude à exercer une activité lucrative. En con-
séquence, du point de vue de l'assurance-invalidité, ces
défauts ne peuvent être pris en considération que s'ils
sont graves au point qu'il faut s'attendre à une diminu-
tion effective et sensible de l'aptitude de l'intéressée à
exercer un métier ou à accomplir sa besogne habituelle
(RCC 1977, p. 125 consid. 2). Dans cette espèce, le
Tribunal fédéral des assurances avait nié le caractère
invalidant de la souffrance morale ressentie par l'as-
surée.

c) En l'occurrence, même si l'on doit admettre que
l'intimée peut souffrir moralement de la malformation de
sa poitrine dans une mesure non négligeable, le dossier ne
contient aucun élément permettant de considérer - au degré
de la vraisemblance prépondérante requis en matière
d'assurance sociale (ATF 121 V 47 consid. 2a, 208 con-
sid. 6b) - qu'elle est perturbée par le développement iné-
gal de ses seins au point que sa capacité de gain future
serait entravée. Cela est d'autant plus vrai que cette
anomalie peut être aisément dissimulée dans un contexte
professionnel. En particulier, l'intimée n'était pas
suivie sur le plan psychique par un psychologue ou un psy-
chiatre. A cet égard, contrairement à ce qu'ont retenu les
premiers juges, on ne saurait admettre d'une manière géné-
rale, que les troubles psychologiques qui pouvaient
résulter des difformités physiques avaient un caractère
moins invalidant en 1976 qu'à l'heure actuelle (cf. con-
sid. 3b ci-dessus). Le fait qu'une telle affection revête

un caractère invalidant ou non résulte bien plutôt de
l'analyse de l'ensemble des circonstances dans chaque cas
individuel.
Cela étant, l'office était fondé à nier (implicite-
ment) le droit de l'assurée à la prise en charge de l'opé-
ration envisagée au titre des mesures médicales prévues à
l'art. 12 al. 1 LAI.

4.- L'intimée ne peut non plus prétendre l'octroi de
moyens auxiliaires, dès lors que seules les exoprothèses
du sein figurent dans la liste exhaustive des moyens auxi-
liaires annexée à l'OMAI (ch. 1.03).
Sur le vu de ce qui précède, c'est à juste titre que
l'office recourant a nié le droit de l'intimée à des mesu-
res médicales et à des moyens auxiliaires. Le recours se
révèle dès lors bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du 27 juillet 2000
du Tribunal des assurances du canton de Vaud est annu-
lé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 27 mars 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.475/00
Date de la décision : 27/03/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-27;i.475.00 ?
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