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22/03/2001 | SUISSE | N°6S.684/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 mars 2001, 6S.684/2000


«/2»
6S.684/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

Séance du 22 mars 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
MM. Wiprächtiger et Kolly, Juges.
Greffière: Mme Revey.
__________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

P.________, représenté par Me Philippe-Edouard Journot,
avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 6 mars 2000 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vau

dois, dans la cause qui
oppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d;

(art. 19 ch. 1 al. 6 LStup, art...

«/2»
6S.684/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

Séance du 22 mars 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
MM. Wiprächtiger et Kolly, Juges.
Greffière: Mme Revey.
__________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

P.________, représenté par Me Philippe-Edouard Journot,
avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 6 mars 2000 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois, dans la cause qui
oppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d;

(art. 19 ch. 1 al. 6 LStup, art. 63 CP: actes
préparatoires à une infraction à la LStup, motivation et
fixation de la peine)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 29 septembre 1999, le Tribunal criminel
du district de Lausanne a condamné P.________, arrêté le
29 novembre 1997, à seize ans de réclusion et à l'expul-
sion du territoire suisse pendant quinze ans pour contra-
vention et infraction grave à la loi fédérale sur les
stupéfiants, organisation criminelle et blanchiment
qualifié d'argent.

S'agissant de la situation personnelle de l'in-
téressé, le Tribunal criminel a indiqué qu'il était né le
3 septembre 1974 en Albanie, d'où il est ressortissant.
Le Tribunal criminel a ensuite exposé ses origines fami-
liales et son parcours jusqu'à son arrivée en Suisse en
avril 1997 à la faveur du dépôt d'une demande d'asile.
Enfin, il a relevé qu'il était célibataire, sans personne
à charge, et qu'aucune inscription ne figurait à son
casier judiciaire suisse.

Quant aux faits relatifs au trafic de stupé-
fiants, le Tribunal criminel a considéré que P.________
avait acquis au moins 3,05 kg d'héroïne relativement
pure. Après avoir rajouté des produits de coupage, l'in-
téressé avait revendu 5,9 kg d'héroïne d'une pureté com-
prise entre 8,4 et 9,5%. En outre, il avait acquis 650 g
de cocaïne, qu'il avait revendue, après coupage, à hau-
teur de 900 g. Enfin, il avait acquis et revendu quelques
centaines de pilules d'ecstasies. Le bénéfice total de ce
trafic se montait au moins à 233'075 fr. Au surplus, le
Tribunal criminel exposait ce qui suit:

"Le Tribunal a de surcroît acquis la conviction
(...) que P.________ a entamé des négociations,
en vue de l'achat de 4 kg d'héroïne au prix de
25'000 ou 26'000 fr. l'unité. L'un des fournis-
seurs de P.________ lui explique en effet au
téléphone le 20 novembre 1997, à 0008, qu'il va
recevoir dans deux ou trois jours de la marchan-
dise directement depuis la Turquie, plus pré-
cisément 40 pièces qui correspondent dans leur
langage codé à 40 kilos et c'est dans ce cadre-là
que P.________ dit qu'il prendra alors
'4 pains' = 4 kilos."

Le Tribunal criminel a encore retenu que
P.________ avait réalisé les trois circonstances
aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup (soit
quantité de stupéfiants pouvant mettre en danger la santé
de nombreuses personnes, affiliation à une bande, trafic
par métier et gain important). En particulier, il a
relevé que P.________ était à la tête d'une organisation
d'une dizaine de revendeurs, souvent interchangeables, et
qu'il se fournissait chez des compatriotes basés à Berne
et Zurich, avec lesquels il achetait également souvent en
commun pour obtenir de meilleurs prix.

Par ailleurs, le Tribunal criminel a considéré
que P.________ s'était rendu coupable de blanchiment
d'argent au sens de l'art. 305bis CP en transférant en
Albanie les sommes provenant d'actes illicites. Enfin,
le Tribunal criminel a retenu que P.________ avait part-
icipé à une organisation criminelle au sens de l'art.
260ter CP, ce qui conduisait également à aggraver l'in-
fraction de blanchiment d'argent en vertu de la lettre a
du chiffre 2 de l'art. 305bis CP.

S'agissant de la fixation de la peine, le Tri-
bunal criminel a encore précisé les éléments suivants:

"(P.________) s'est livré à un très important
trafic de stupéfiants sur la période concernée,
ne l'a cessé qu'en raison de son arrestation,
faisait partie d'une bande et plus encore d'une
véritable organisation criminelle. Son casier
judiciaire suisse est certes vierge, mais il est
arrivé dans notre pays en avril 1997 seulement.
Sous le prétexte d'une requête d'asile politique,
il a très rapidement fait partie d'un réseau de
trafiquants, si tant est qu'il n'en faisait pas
déjà partie avant!

La culpabilité de P.________ est extrêmement
lourde. En l'espace de quelques mois, il a trafi-
qué de grosses quantités de produits stupéfiants
sans égard aucun pour son prochain, à savoir les
toxicomanes suisses, ne recherchant que son pro-
fit, bien plus, coupant massivement la drogue
relativement pure qu'il achetait, ne tenant aucun
compte des risques d'overdose qui guettaient ses
clients, lorsqu'ils se fourniraient ailleurs.

Son rôle de chef (...) est également une circons-
tance à charge, de même que le fait qu'il rem-
plisse les conditions des trois (circonstances)
aggravantes cumulativement de l'infraction à la
LStup. (...) Il n'est pas lui-même consommateur
et il n'a agi que dans un dessein de lucre. Il a
usé de son intelligence et de son charme pour
utiliser les services de jeunes femmes, ainsi que
de sa coaccusée. Sa persistance à nier l'évi-
dence, à mentir et surtout à revenir sur ses
aveux d'une part démontre son appartenance à une
organisation criminelle où prévaut la loi du
silence et, d'autre part, ses menaces qui ont été
vues à l'audience de jugement envers ses acolytes
venus témoigner, font partie également des élé-
ments à charge (...).

Les regrets de circonstance émis à la clôture des
débats ne peuvent être pris en considération
comme éléments à décharge, car ils n'avaient
aucun accent de sincérité, si ce n'est sur son
sort à lui. (...)"

B.- P.________ a déféré ce jugement devant la
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois.

Statuant le 6 mars 2000, le Tribunal cantonal a
admis le recours et réformé le jugement attaqué. Il a
condamné P.________ à douze ans de réclusion pour
blanchiment d'argent et infraction grave à la loi fédé-
rale sur les stupéfiants, en le libérant des accusations
d'organisation criminelle, de blanchiment qualifié
d'argent et de contravention à la loi fédérale sur les
stupéfiants. Il a confirmé le prononcé incriminé pour le
surplus.

C.- Agissant par la voie du pourvoi en nullité,
P.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt
du 6 mars 2000 du Tribunal cantonal et de renvoyer la
cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision. Il se
plaint d'une violation des art. 19 ch. 1 al. 6 LStup et
63 CP.

P.________ sollicite en outre le bénéfice de
l'assistance judiciaire.

D.- Il n'a pas été requis d'observations des
autorités.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal
fédéral est lié par les constatations de fait contenues
dans la décision attaquée (art. 277bis al. 1 PPF). L'ap-
préciation des preuves et les constatations de fait qui
en découlent ne peuvent pas faire l'objet d'un pourvoi en
nullité, sous réserve de la rectification d'une inadver-
tance manifeste. Le recourant ne peut pas présenter de
griefs contre des constatations de fait, ni de faits ou
de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1 let. b PPF).
Dans la mesure où il présenterait un état de fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, il

ne serait pas possible d'en tenir compte. Autrement dit,
le raisonnement juridique doit être mené exclusivement
sur la base de l'état de fait retenu par l'autorité can-
tonale (ATF 126 IV 65 consid. 1; 124 IV 81 consid. 2a,
92 consid. 1 et les arrêts cités).

Le pourvoi en nullité, qui a un caractère cas-
satoire (art. 277ter al. 1 PPF), ne peut être formé que
pour violation du droit fédéral et non pour violation
directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 269
PPF).

La Cour de cassation n'est pas liée par les mo-
tifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des con-
clusions du recourant (art. 277bis PPF), lesquelles doi-
vent être interprétées à la lumière de leur motivation
(ATF 126 IV 65 consid. 1; 124 IV 53 consid. 1; 123 IV
125 consid. 1).

2.- Le recourant ne conteste pas avoir commis
les infractions consommées mises à sa charge, mais
reproche à l'autorité intimée d'avoir retenu que la
conversation téléphonique du 20 novembre 1997, décrite
dans la présente partie "en fait", constituait un acte
préparatoire au sens de l'art. 19 ch. 1 al. 6 LStup.

a) D'après le recourant, la discussion en cause
se trouve largement en deçà du stade des actes prépara-
toires au sens de l'art. 19 ch. 1 al. 6 LStup. Il sou-
ligne à cet effet que c'est l'interlocuteur qui a pris
l'initiative de passer l'appel et qui a évoqué un
arrivage de drogue, alors que lui-même s'est borné à
déclarer qu'il en prendrait quatre kilos. De plus, les
projets mentionnés dans cette conversation ne se sont
jamais concrétisés.

b) Selon l'art. 19 ch. 1 LStup, celui qui, sans
droit, entrepose, expédie, transporte, importe, exporte
ou passe en transit (al. 3), celui qui, sans droit,
offre, distribue, vend, fait le courtage, procure,
prescrit, met dans le commerce ou cède (al. 4), celui
qui, sans droit, possède, détient, achète ou acquiert
d'une autre manière (al. 5), celui qui prend des mesures
à ces fins (al. 6), est passible, s'il a agi intention-
nellement, de l'emprisonnement ou de l'amende. Dans les
cas graves, la peine sera la réclusion ou l'emprisonne-
ment pour une année au moins; elle pourra être cumulée
avec l'amende jusqu'à concurrence de 1 million de francs.

L'art. 19 ch. 1 al. 6 LStup permet ainsi de ré-
primer les actes préparatoires commis par l'auteur aux
fins de commettre l'une des infractions prévues à l'art.
19 ch. 1 al. 1 à 5 LStup, pour autant que celle-ci ne
soit pas punissable (ATF 115 IV 59 consid. 3).

c) Selon la jurisprudence, la simple décision de
commettre un acte tombant sous le coup de l'art. 19 ch. 1
al. 1 à 5 LStup n'est pas punissable; est seul répréhen-
sible le comportement illicite qui procède de cette dé-
cision. Des intentions, voire des projets, ne suffisent
pas. Pour qu'il y ait des actes préparatoires au sens de
l'art. 19 ch. 1 al. 6 LStup, il faut donc que le projet
de l'auteur se soit traduit par des actes (ATF 117 IV 309
consid. 1a; pour une casuistique: même arrêt consid. 1b,
Peter Albrecht, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht,
Sonderband Betäubungsmittelstrafrecht, Berne 1995,
nos 120 ss ad art. 19, Max Delachaux, Drogues et légis-
lation, thèse Lausanne 1977, p. 158).

En outre, l'art. 19 ch. 1 al. 6 LStup doit être
interprété restrictivement au sens où son application
doit être limitée aux cas où les agissements en cause ne

peuvent avoir d'autre but que la mise en circulation de
stupéfiants. Commet ainsi de tels actes préparatoires
celui qui, en vue d'acquérir de la drogue, se renseigne
sur les sources d'approvisionnement, contrairement à
celui qui, dans une telle intention, se fait ouvrir un
compte d'épargne (ATF 117 IV 309 consid. 1d).

Ainsi, l'art. 19 ch. 1 al. 6 LStup n'est pas
applicable à celui qui acquiert des stupéfiants pour son
propre usage et qui envisage après coup d'en revendre une
partie; n'est pas non plus punissable celui qui, dans
l'intention de s'introduire dans le marché de la drogue,
se contente de songer à la manière dont il s'y prendra
pour acquérir la marchandise et trouver des clients (ATF
117 IV 309 consid. 1a; 104 IV 41). En revanche, celui
qui, dans l'intention de se livrer au trafic, prend
contact avec le milieu concerné et se renseigne sur les
sources de ravitaillement et les possibilités du marché
ou les contrôles à la frontière, tombe sous le coup de
l'art. 19 ch. 1 al. 6 LStup (ATF 106 IV 74 consid. 3;
cf. aussi ATF 112 IV 106 consid. 3 et 106 IV 431).

En particulier, le Tribunal fédéral a appliqué
l'art. 19 ch. 1 al. 6 LStup à un auteur qui s'est rendu
en Turquie pour y rencontrer un éventuel fournisseur dont
il avait obtenu le nom en Suisse, qui s'est renseigné
auprès de cette personne sur la possibilité d'acquérir
une quantité importante d'héroïne, mais qui a renoncé à
cet achat, après que ce contact avait fait les démarches
appropriées et articulé un prix, en raison des risques
élevés et des difficultés de financement. L'auteur avait
ainsi cherché à se mettre en rapport avec le milieu de
la drogue pour pouvoir s'en procurer et avait reçu une
offre; même si, pour aboutir, il aurait dû encore se
préoccuper des détails du financement et du transport, ce
qui excluait la tentative, il ne s'était pas moins rendu

coupable d'actes préparatoires punissables (ATF 117 IV
309 consid. 1f).

d) En l'espèce, selon le dialogue téléphonique
incriminé, un des fournisseurs du recourant lui a proposé
de l'héroïne censée arriver de Turquie trois jours plus
tard, au prix de 25'000 fr. ou 26'000 fr. le kilo. En
réponse, le recourant a alors déclaré qu'il en prendrait
quatre kilos.

Autrement dit, le recourant et son interlocuteur
ont convenu d'une vente d'héroïne, à une quantité et à un
prix déterminés. En outre, le recourant connaissait déjà
son fournisseur, de sorte que certains détails n'avaient
vraisemblablement plus à être mis au point. Dans ces con-
ditions, la discussion téléphonique dépasse le stade de
simple projet ou de réflexion théorique sur les possibi-
lités d'acquérir de l'héroïne et constitue, pour le
moins, un acte préparatoire au sens de l'art. 19 ch. 1
al. 6 LStup. Du reste, le recourant ne nie pas avoir

effectivement voulu procéder à cet achat.

Peu importe en conséquence lequel des protago-
nistes est à l'origine de l'appel, dès lors que l'offre
faite a été acceptée. Il n'est également pas déterminant
que la transaction ne se soit pas concrétisée car, si tel
était le cas, l'infraction consommée absorbant nécessai-
rement l'infraction d'actes préparatoires, celle-ci
serait vide de sens.

Le Tribunal cantonal a donc retenu à juste titre
que le recourant avait effectué, en sus d'infractions
consommées portant sur 5,9 kg d'héroïne, des actes pré-
paratoires visant à acquérir 4 kg d'héroïne.

3.- Invoquant l'art. 63 CP, le recourant sou-
tient que la peine est insuffisamment motivée et exagé-
rément sévère.

a) aa) S'agissant de la motivation de la peine,
nécessaire pour contrôler de quelle manière le droit
fédéral a été appliqué (art. 277 PPF), l'autorité n'est
pas obligée de prendre position sur les moindres détails
qui ont été plaidés et peut passer sous silence des élé-
ments qui, sans arbitraire, lui paraissent à l'évidence
non établis ou sans pertinence; le juge n'est nullement
tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages l'impor-
tance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite
(ATF 121 IV 49 consid. 2a/aa; 120 IV 136 consid. 3a; voir
également ATF 122 IV 265 consid. 2d). Un pourvoi ne sau-
rait d'ailleurs être admis simplement pour améliorer ou
compléter un considérant lorsque la décision rendue appa-
raît conforme au droit (ATF 126 IV 20 consid. 1g; 123 IV
17 consid. 2e et les arrêts cités). Le juge doit cepen-
dant exposer, dans sa décision, les éléments essentiels
relatifs à l'acte ou à l'auteur qu'il prend en compte, de
manière à ce que l'on puisse constater que tous les as-
pects pertinents ont été pris en considération et comment
ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens aggravant
ou atténuant; la motivation doit justifier la peine pro-
noncée, en permettant de suivre le raisonnement adopté, à
savoir les éléments pris en compte et l'importance qui
leur est accordée; plus la peine est élevée, plus la
motivation doit être complète; cela vaut surtout lorsque
la peine, dans le cadre légal, apparaît comparativement
très élevée (ATF 121 IV 49 consid. 2a/aa; 120 IV 136
consid. 3a et les arrêts cités).

bb) Tout en exigeant que la peine soit fondée sur
la faute, l'art. 63 CP n'énonce pas de manière détaillée
et exhaustive les éléments qui doivent être pris en

considération, ni les conséquences exactes qu'il faut en
tirer quant à la fixation de la peine; cette disposition
confère donc au juge un large pouvoir d'appréciation. Les
éléments pertinents pour la fixation de la peine ont été
exposés de manière détaillée dans les ATF 117 IV 112
consid. 1 et 116 IV 288 consid. 2a, auxquels il suffit de
se référer.

Même s'il est vrai que la Cour de cassation
examine librement s'il y a eu violation du droit fédéral,
elle ne peut admettre un pourvoi en nullité portant sur
la quotité de la peine, compte tenu du pouvoir d'appré-
ciation reconnu en cette matière à l'autorité cantonale,
que si la sanction a été fixée en dehors du cadre légal,
si elle est fondée sur des critères étrangers à l'art. 63
CP, si les éléments d'appréciation prévus par cette dis-
position n'ont pas été pris en compte ou enfin si la
peine apparaît exagérément sévère ou clémente au point
que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation
(ATF 124 IV 286 consid. 4a; 123 IV 49 consid. 2a, 150
consid. 2a; ATF du 27 avril 2000 en la cause A. publié
in: SJ 2000 I 493, consid. 2).

b) Le recourant soutient d'abord que les actes
préparatoires au sens de l'art. 19 ch. 1 al. 6 LStup
doivent être moins durement réprimés que la tentative ou
la consommation de l'infraction. Or, toujours d'après le
recourant, l'autorité intimée n'a pas motivé son jugement
sur ce point, de sorte que rien ne permet de croire que
cette circonstance ait été suffisamment prise en compte
dans le cadre de l'art. 63 CP.

Le recourant reproche ensuite aux autorités
cantonales d'avoir insuffisamment motivé la peine au
regard de son absence d'antécédents et de son jeune âge.
Il relève à cet égard qu'elles se sont limitées, à tort,

à mentionner ces deux éléments au début du jugement, sans
les reprendre au moment de fixer la peine ni, partant,
indiquer l'importance qu'elles leur attribuaient. En
outre, en tout état de cause, la peine infligée était
exagérément sévère compte tenu de ces circonstances.

c) aa) Selon la jurisprudence, l'art. 19 ch. 1
al. 6 LStup sanctionne aussi bien la tentative au sens
des art. 21 ss CP que certains actes préparatoires spé-
cifiques, qu'elle érige en infractions indépendantes
réprimées par la même peine menace que les infractions
consommées visées à l'art. 19 ch. 1 al. 1 à 5 LStup.
Ainsi, l'art. 19 ch. 1 al. 6 met en principe sur le même
pied les actes préparatoires, la tentative et les in-
fractions consommées punies par l'art. 19 ch. 1 al. 1
à 5 LStup, en dérogation aux principes généraux du code
pénal, comme l'autorise l'art. 26 LStup. Il n'y a donc
normalement pas lieu de punir moins sévèrement les actes
préparatoires que les tentatives, ni celles-ci moins
durement que les infractions consommées. Du reste, dans
certaines circonstances, des mesures prises en vue d'un
trafic de stupéfiants peuvent apparaître graves parce
qu'elles constituent le premier maillon d'une chaîne
d'infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants
(cf. ATF 121 IV 198 consid. 2a et 2b).

Toutefois, selon les circonstances, l'illicéité
et la culpabilité impliquées par les mesures sanctionnées
par l'art. 19 ch. 1 al. 6 LStup peuvent apparaître moins
graves que celles entraînées par d'autres actes tels que
l'importation ou la vente de stupéfiants. Le juge doit
alors tenir compte de ces circonstances particulières
lorsqu'il fixe la peine dans le cadre de l'art. 63 CP. Il
ne viole cependant pas le droit fédéral s'il considère
que ces mesures peuvent en principe être mises au même
niveau, sous l'angle de l'illicéité, que les comporte-

ments réprimés par les alinéas 1 à 5 de l'art. 19 ch. 1
LStup (ATF 121 IV 198 consid. 2c; voir aussi Bernard
Corboz, La jurisprudence du Tribunal fédéral concernant
les infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants,
in: SJ 1999 p. 1 ss, spéc. n° 17 p. 5; Gustav Hug-Beeli,
Rechtsprechung zu den Betäubungsmitteldelikten seit 1991,
1997, p. 75; Thomas Hansjakob, Strafzumessung in
Betäubungsmittelfällen - eine Umfrage der KSBS, in: RPS
1997 p. 233 ss, spéc. p. 243).

Ainsi, contrairement à ce que semble soutenir le
recourant, les actes préparatoires ne sont pas nécessai-
rement punis moins sévèrement que la tentative ou la
consommation. Le juge doit examiner à cet égard si les
circonstances concrètes justifient une atténuation de la
peine.

bb) En l'occurrence, s'agissant de la fixation de
la peine au regard des quantités de stupéfiants trafi-
quées et des circonstances particulières de ce trafic, le
Tribunal cantonal a comparé le cas du recourant avec
celui d'un auteur condamné au maximum légal de vingt ans
de réclusion pour avoir trafiqué 374 kg d'héroïne, puis a
indiqué ce qui suit (p. 39):

"(...) la situation du recourant est différente:
il ne s'agit en effet que du chef d'une bande
dont l'activité s'était déployée en Suisse; au
surplus, son trafic a porté sur des quantités
moindres, soit sur 5,9 kg d'héroïne coupée, 900 g
de cocaïne et quelques centaines de pilules
d'ecstasies, son bénéfice s'élevant au demeurant
à 233'000 fr. environ."

Au regard de ces circonstances, le Tribunal can-
tonal a considéré que la peine de seize ans de réclusion
infligée au recourant par le Tribunal criminel apparais-
sait excessive, de sorte qu'elle devait être réduite. En

outre, plusieurs chefs d'accusation importants ayant été
abandonnés (soit la participation à une organisation
criminelle et l'aggravation de l'infraction de blanchi-
ment d'argent), la peine devait encore être diminuée pour
cette seconde raison. Finalement, le Tribunal cantonal a
prononcé une peine de douze ans de réclusion.

cc) Le Tribunal cantonal a ainsi fixé une peine
globale pour l'ensemble des actes commis, sans indiquer
quelle importance il accordait à telle ou telle infrac-
tion ou circonstance particulière. Notamment, il n'a pas
mentionné jusqu'à quel point il prenait en considération
l'absence d'antécédents et le fait que le recourant
n'était âgé que de vingt-trois ans au moment des infrac-
tions. De même, il n'a pas exposé dans quelle mesure il
tenait compte des actes préparatoires commis. On ignore
dès lors s'il leur a accordé une portée égale, inférieure
ou même supérieure à celle qu'il aurait retenue si le
recourant était allé jusqu'à la tentative.

Cependant, conformément à ce qui a été dit
ci-dessus (consid. 3a/aa), le Tribunal cantonal n'est pas
tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages l'impor-
tance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite. En
outre, il n'est pas davantage obligé de répéter toutes
les données au stade de la fixation de la peine (cf.
Bernard Corboz, La motivation de la peine, in: RJB 1995
p. 1 ss, spéc. p. 23 s.).

Dans ces conditions, on peut admettre que la
décision attaquée expose de manière suffisante les
aspects pris en considération et la manière dont ils ont
été appréciés.

Il sied toutefois de relever qu'il aurait été
plus judicieux d'indiquer clairement le poids accordé à

l'absence d'antécédents et à l'âge de l'intéressé, ainsi
qu'aux actes préparatoires commis.

dd) Enfin, la peine de douze ans de réclusion
n'apparaît pas exagérément sévère au regard de toutes les
circonstances du cas, quand bien même on ne tiendrait
compte des actes préparatoires portant sur 4 kg d'héroïne
que dans une mesure atténuée, comme le requiert le recou-
rant.

En analysant tout d'abord la gravité de la faute
en fonction des actes délictueux, il faut observer que le
recourant a trafiqué 5,9 kg d'héroïne coupée, 900 g de
cocaïne et quelques centaines de pilules d'ecstasies, en
obtenant un bénéfice de 233'000 fr. environ. Arrivé en
Suisse en avril 1997, il est rapidement devenu le chef
d'une dizaine de revendeurs et s'est intégré dans un
réseau de fournisseurs, en oeuvrant ainsi par bande et
par métier. En l'espace de quelques mois, il a trafiqué
de grosses quantités de stupéfiants et n'a cessé ce com-
merce qu'en raison de son arrestation. De plus, il a
coupé massivement la drogue relativement pure qu'il ache-
tait, sans tenir compte des risques accrus auquel il
exposait la santé de ses clients. Enfin, il a tiré profit
de son intelligence et de son charme pour utiliser les
services de jeunes femmes.

En ce qui concerne les mobiles, il faut relever
que le recourant n'est pas toxicomane et s'est livré à ce
trafic par pur appât du gain. A la différence de ce que
l'on rencontre fréquemment, il n'a pas allégué se trouver
dans des difficultés personnelles qui puissent, dans une
certaine mesure, expliquer le passage à l'acte. Force est
dès lors de retenir qu'il a choisi de se livrer au trafic
alors qu'aucune circonstance extérieure ne l'y incitait,
ce qui aggrave sa faute.

Quant à la situation personnelle du recourant, ses
regrets de circonstances ne peuvent être pris en compte.
Par ailleurs, ni l'absence d'antécédents en Suisse ni son
jeune âge ne rendent la peine infligée exagérée.

Au demeurant, encore faut-il tenir compte, dans
la fixation de la peine, de l'infraction de blanchiment
d'argent, qui entre en concours avec les infractions à la
loi fédérale sur les stupéfiants.

Ainsi, tout bien pesé, la peine de douze ans de
réclusion n'est pas exagérée.

4.- Vu ce qui précède, le pourvoi en nullité
doit être rejeté.

Le recourant a requis l'assistance judiciaire. Sa
demande doit être agréée, car ses conclusions ne sont pas
dénuées de chances de succès et son indigence peut être
admise, dès lors qu'il est détenu depuis quatre ans et
qu'il a bénéficié de l'assistance judiciaire en procédure
cantonale (art. 2 al. 1 et art. 245 PPF; art. 152 OJ). Il
sied ainsi de renoncer à percevoir des frais judiciaires,
de désigner Me Philippe-Edouard Journot à titre d'avocat
d'office et d'allouer à celui-ci une indemnité de ce chef.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le pourvoi.

2. Admet la demande d'assistance judiciaire.

3. Dit qu'il n'est pas perçu de frais judi-
ciaires.

4. Désigne comme avocat d'office du recourant
Me Philippe-Edouard Journot, avocat à Lausanne, et dit
que la Caisse du Tribunal fédéral lui versera une
indemnité de 2'200 fr. à titre d'honoraires.

5. Communique le présent arrêt en copie au man-
dataire du recourant, à la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal vaudois, au Ministère public du canton
de Vaud et au Ministère public de la Confédération.
__________

Lausanne, le 22 mars 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.684/2000
Date de la décision : 22/03/2001
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-22;6s.684.2000 ?
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