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22/03/2001 | SUISSE | N°4C.311/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 mars 2001, 4C.311/2000


«/2»

4C.311/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

22 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
et Pagan, juge suppléant. Greffière: Mme de Montmollin
Hermann.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

Société X.________, défenderesse et recourante, représentée
par Me Alain Schweingruber, avocat à Delémont,

et

dame G.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Alain Steullet, avocat Ã

  Delémont.

(contrat de travail; compétence; légitimation active)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s ...

«/2»

4C.311/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

22 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
et Pagan, juge suppléant. Greffière: Mme de Montmollin
Hermann.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

Société X.________, défenderesse et recourante, représentée
par Me Alain Schweingruber, avocat à Delémont,

et

dame G.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Alain Steullet, avocat à Delémont.

(contrat de travail; compétence; légitimation active)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 1er juillet 1969, la Société X.________,
d'un côté, les époux G.________, de l'autre, ont signé un
"contrat d'engagement" par lequel les seconds s'obligeaient,
en substance, à exploiter une laiterie.

Le 7 septembre 1998, la Société X.________ a li-
cencié les époux G.________ pour le 30 avril 1999. Le 10 dé-
cembre 1998, elle a également déclaré résilier le contrat de
bail pour le 30 avril 1999.

B.- a) Le 29 juillet 1999, la succession de feu
G.________ et dame G.________ ont assigné la Société
X.________ devant le Conseil des prud'hommes du district de
Delémont. Elles réclamaient diverses indemnités totalisant
196 500 fr. en invoquant les dispositions relatives au
contrat de travail. La défenderesse a conclu préjudicielle-
ment à l'irrecevabilité de la demande. Elle soutenait d'une
part que les membres de la communauté héréditaire de feu
G.________ n'avaient pas agi conformément aux règles procé-
durales et aux dispositions du droit civil concernant le
droit des successions, d'autre part que les époux G.________
et elle n'avaient pas été liés par un contrat de travail.

b) Par jugement du 15 juin 2000, le Conseil des
prud'hommes a déclaré les demandes recevables et s'est décla-
ré compétent pour connaître du litige.

c) La Société X.________ a fait appel de ce juge-
ment. La Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura
a
admis très partiellement le recours. Par arrêt du 11 septem-
bre 2000, elle a réformé partiellement la décision de premiè-
re instance et constaté que la communauté héréditaire de feu

G.________ n'avait pas la qualité pour agir, la décision at-
taquée étant confirmée pour le surplus.

C.- La Société X.________ recourt en réforme au
Tribunal fédéral contre l'arrêt du 11 septembre 2000. Ses
conclusions tendent à l'annulation respectivement à la réfor-
me de la décision attaquée, cas échéant au renvoi du dossier
à l'instance cantonale pour complément d'instruction.

Dame G.________ invite le Tribunal fédéral à reje-
ter le recours et à confirmer l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) La cour cantonale a considéré que dame
G.________ avait qualité pour faire valoir à l'encontre de
la
défenderesse non seulement les prétentions personnelles
qu'elle élevait en vertu du contrat, interprété comme un con-
trat de travail, qu'elle avait passé avec la Société
X.________, mais encore les prétentions de feu son mari, qui
lui avaient été cédées par les membres de la communauté héré-
ditaire en cours de procédure.

La défenderesse soutient que la demande aurait dû
être déclarée irrecevable en raison du défaut de qualité
pour
agir de dame G.________. Elle conteste aussi l'existence
d'un
contrat de travail.

b) Selon l'art. 48 al. 1 OJ, le recours en réforme
n'est en principe recevable qu'à l'encontre d'une décision
finale, savoir une décision par laquelle le juge statue sur
le fond ou s'y refuse pour un motif qui empêche définitive-
ment que la même prétention puisse être invoquée à nouveau
(ATF 118 II 447 consid. 1b et les arrêts cités). Tel n'est

pas le cas en l'espèce: l'examen de la cause a seulement
porté sur la qualité pour agir des demandeurs et la qualifi-
cation du contrat conclu le 1er juillet 1969. L'arrêt
attaqué
constitue donc une décision préjudicielle ou incidente
(Poudret, COJ II, n. 1.1.7 ad art. 48 OJ; Corboz, Le recours
en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II p. 1 ss, p.
8).

c) Il existe cependant des exceptions à cette rè-
gle.

aa) L'art. 49 OJ permet ainsi d'attaquer une déci-
sion préjudicielle ou incidente pour violation des prescrip-
tions de droit fédéral portant sur la compétence à raison de
la matière ou à raison du lieu.

En ce qui concerne le contrat de travail, l'art.
343 al. 1 CO ne détermine que la compétence territoriale
(Staehelin/Vischer, Commentaire zurichois, n. 13 ad art. 343
CO) et les cantons restent libres de décider lesquels de
leurs tribunaux sont compétents à raison de la matière pour
connaître d'un litige portant sur un contrat de travail
(Rehbinder, Schweizerisches Arbeitsrecht, 14ème éd., n.
254).
Il s'ensuit qu'en jugeant, comme en l'espèce, que la juridic-
tion des prud'hommes était compétente, la cour cantonale n'a
pas tranché une question procédurale de droit fédéral (ATF
80
II 182; 84 II 131). L'exception de l'art. 49 OJ n'est pas
réalisée.

bb) Selon l'art. 50 al. 1 OJ, le recours en réfor-
me est aussi recevable contre une décision préjudicielle ou
incidente lorsqu'une décision finale peut ainsi être provo-
quée immédiatement et que la durée et les frais de la procé-
dure probatoire seraient si considérables qu'il convient de
les éviter en autorisant le recours immédiat devant le Tribu-
nal fédéral. Ces deux conditions sont cumulatives (Corboz,
op. cit, p. 11). Selon l'art. 50 al. 2 OJ, le Tribunal fédé-

ral examine librement si les conditions de l'art. 50 al. 1
OJ
sont réalisées (cf. ATF 122 III 254 consid. 2a).

Une décision finale ne peut être provoquée immédia-
tement au sens de cette disposition que lorsque le Tribunal
fédéral lui-même peut la rendre. Cela suppose qu'il puisse
mettre définitivement fin à la procédure en jugeant différem-
ment la question préjudicielle ou incidente.

L'ouverture du recours en réforme pour des motifs
d'économie de procédure constitue une exception qui, comme
telle, doit être interprétée restrictivement, ce d'autant
plus que les parties ne subissent aucun préjudice lorsqu'el-
les n'attaquent pas immédiatement des décisions préjudiciel-
les ou incidentes, l'art. 48 al. 3 OJ leur permettant de les
contester en même temps que la décision finale, faculté qui
subsiste lorsque le Tribunal fédéral déclare irrecevable un
recours fondé sur l'art. 50 al. 1 OJ; en pareil cas, l'art.
48 al. 3 2ème phrase OJ n'est pas applicable. S'agissant
d'une question d'appréciation, il faut prendre en considéra-
tion toutes les circonstances, ce qui commande une certaine
flexibilité. D'emblée, on ne saurait entrer en matière sur
un
recours en réforme lorsque le recourant n'expose pas
pourquoi
il s'agit d'un cas exceptionnel, et qu'il ignore
complètement
le problème de la recevabilité. Lorsque le recourant fait en
revanche valoir que les conditions de l'art. 50 sont réali-
sées, il faut distinguer. S'il découle manifestement de la
nature de la cause que la poursuite de la procédure prendra
un temps considérable et exigera des frais importants, on
peut renoncer à une longue démonstration. Si tel n'est pas
le
cas, le recourant doit indiquer de manière détaillée quelles
questions de fait sont encore litigieuses et quelles sont
les
preuves longues et coûteuses qui devraient être administrées
(ATF 116 II 738 consid. 1). Il doit en plus établir, en se
référant aux actes, qu'il a déjà invoqué ou requis ces
moyens
de preuve dans la procédure cantonale (ATF 118 II 91 consid.

1a). Le fait que des mesures probatoires doivent encore être
ordonnées ne suffit pas à justifier un recours immédiat au
Tribunal fédéral. Ainsi, il a été jugé que même une
expertise
aux USA, ou l'envoi de commissions rogatoires en Iran ne
constituaient pas nécessairement des preuves longues et coû-
teuses au sens de l'art. 50 OJ (ATF 122 III 254 consid. 2c
non publié).

Dans le cas particulier, la défenderesse se conten-
te d'alléguer que l'arrêt attaqué constitue une décision fi-
nale prise en dernière instance cantonale. Elle ignore com-
plètement le problème de la recevabilité qui se pose en l'es-
pèce. Ces lacunes entraînent l'irrecevabilité du recours.

3.- Les frais et dépens doivent être mis à la char-
ge de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al.
1
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Déclare le recours irrecevable;

2. Met un émolument judiciaire de 3000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 3000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton du Jura.

___________

Lausanne, le 22 mars 2001
ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.311/2000
Date de la décision : 22/03/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-22;4c.311.2000 ?
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