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22/03/2001 | SUISSE | N°2A.423/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 mars 2001, 2A.423/2000


2A.423/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

22 mars 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hungerbühler et Berthoud, juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________, représenté par Me Yves Grandjean, avocat à
Neuchâtel,

contre

l'arrêt rendu le 8 août 2000 par le Tribunal administratif
du
canton de Neuchâtel, dans l

a cause qui oppose le recourant
au
Département de l'économie publique du canton de Neuchâtel;

(infractions à la loi su...

2A.423/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

22 mars 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hungerbühler et Berthoud, juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________, représenté par Me Yves Grandjean, avocat à
Neuchâtel,

contre

l'arrêt rendu le 8 août 2000 par le Tribunal administratif
du
canton de Neuchâtel, dans la cause qui oppose le recourant
au
Département de l'économie publique du canton de Neuchâtel;

(infractions à la loi sur le travail)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ exerce la fonction de sous-directeur
au Centre pour handicapés "P.________", à G.________.

Après avoir été saisi d'une plainte pour harcèlement
psychologique déposée par M.________, éducatrice auprès du
Centre "P.________", le Service de l'inspection et de la san-
té au travail du canton de Neuchâtel a ouvert, le 6 mars
1997, une procédure administrative à l'encontre du directeur
de l'institution, Y.________. Cette procédure administrative
semble toutefois avoir été suspendue depuis le recours de
l'intéressé auprès du Département de l'économie publique du
8
juillet 1997.

Le 13 juillet 1999, M.________ a adressé au Service
de l'hygiène et de la santé une dénonciation contre les orga-
nes directeurs du centre "P.________", soit Y.________ et
X.________, en application de l'art. 54 de la loi fédérale
sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce
du 13 mars 1964 (LTr ou loi sur le travail; RS 822.11).

Considérant que les faits portés à sa connaissance
constituaient des infractions aux art. 6 LTr, ainsi que 2 et
3 de l'ordonnance 3 relative à la loi sur le travail du 18
août 1993 (OLT3; RS 822.113), le directeur du Service de
l'inspection et de la santé au travail a adressé, le 1er oc-
tobre 1999, un rapport de dénonciation au Ministère public,
conformément à l'art. 6 du Code de procédure pénale neuchâ-
telois du 19 avril 1945 (CPP neuch.). Par ordonnances du 28

avril 2000, le procureur général du canton de Neuchâtel a
renvoyé Y.________ et X.________ devant le Tribunal de
police
du district du Val de Ruz en requérant, sur la base des art.
59, 61 al. 1 LTr, éventuellement 125 CP, une peine de
1'000 fr. d'amende.

B.- X.________ a recouru auprès du Département de
l'économie publique du canton de Neuchâtel le 22 mars 2000,
en concluant à la constatation de la nullité du rapport de
dénonciation du 1er octobre 1999. Il invoquait notamment un
déni de justice dans le cadre de l'enquête administrative ou-
verte à son encontre.

Par décision du 15 mai 2000, le Département de
l'économie publique du canton de Neuchâtel a déclaré ce re-
cours irrecevable, aux motifs que le rapport de dénonciation
adressé au Ministère public ne constituait pas une décision
susceptible de recours au sens de l'art. 3 de la loi sur la
procédure et la juridiction administratives du canton de Neu-
châtel du 27 juin 1979 (LPJA) et que l'intéressé ne faisait
personnellement l'objet d'aucune enquête administrative.

Saisi d'un recours contre la décision d'irrecevabi-
lité du Département de l'économie publique, le Tribunal admi-
nistratif l'a rejeté pour les mêmes motifs, par arrêt du 8
août 2000.

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler
l'arrêt rendu par le Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel du 8 août 2000. Il fait valoir que le rapport de
dénonciation du 1er octobre 1999 à l'intention du Ministère
public constituait bien une décision sujette à recours et in-
voque la violation des règles de procédure applicables à la
loi fédérale sur le travail, ainsi que la violation de son
droit d'être entendu.

Le Tribunal administratif se réfère aux considérants
de son arrêt, alors que le Département de l'économie
publique
du canton de Neuchâtel a renoncé à formuler des observations
sur le recours.

Sans se prononcer sur les questions relevant de la
procédure cantonale, le Département fédéral de l'économie
conclut implicitement au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et avec
plein pouvoir d'examen la recevabilité des recours qui lui
sont soumis (ATF 126 I 81, consid. 1 p. 83; 126 III 274, con-
sid. 1 p. 275 et les arrêts cités).

b) Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA,
la voie du recours de droit administratif est ouverte contre
les décisions fondées sur le droit public fédéral - ou qui
auraient dû l'être -, à condition qu'elles émanent des auto-
rités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune des
exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législa-
tion spéciale ne soit réalisée (ATF 124 I 223 consid. 1a/aa
p. 224, 231 consid. 1a p. 232).

En l'espèce, la décision attaquée a été rendue par
une autorité judiciaire cantonale statuant en dernière ins-
tance sur la question des voies de recours ouvertes contre
les décisions d'application de la loi sur le travail en
vertu
de l'art. 10 du règlement cantonal d'exécution de la loi fé-
dérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le
commerce du 16 février 1983. Le litige porte dès lors sur

l'application du droit cantonal non autonome d'exécution du
droit fédéral, de sorte que le présent recours, qui remplit
les autres conditions de recevabilité des art. 97 ss OJ, est
recevable comme recours de droit administratif (ATF 120 Ib
224 consid. 2a p. 228; 118 Ib 234 consid. 1a p. 237).

2.- Le recourant reproche essentiellement au Tribu-
nal administratif d'avoir refusé d'admettre que le Service
de
l'inspection de la santé au travail avait ouvert une procédu-
re administrative pour harcèlement psychologique à son encon-
tre et que le rapport de dénonciation établi le 1er octobre
1999 à l'intention du Ministère public constituait bien la
première décision administrative qui lui était notifiée à ce
titre.

a) D'une manière générale, l'autorité saisie d'une
dénonciation pour inobservation de la loi sur le travail
doit, selon l'art. 54 LTr, procéder à un certain nombre d'in-
vestigations pour en examiner le bien-fondé. L'exécution
d'une telle enquête préliminaire doit lui permettre de déci-
der des suites à donner à la dénonciation. En cas de consta-
tation d'une infraction, elle peut procéder par la voie de
la
communication avec avertissement (art. 51 LTr), le cas
échéant renforcée par des mesures de contrainte (art. 52 et
53 LTr), ou par la voie de la dénonciation pénale (art. 59
LTr).

A noter que ces dispositions n'ont pas changé depuis
l'entrée en vigueur, le 1er août 2000, des modifications de
la loi sur le travail du 20 mars 1998, mis à part le terme
"hygiène" de l'art. 59 al. 1 lettre a LTr, qui a été
remplacé
par l'expression "protection de la santé" (RO 2000 p. 1562).

En ce qui concerne plus particulièrement le harcèle-
ment psychologique ou mobbing, la stratégie d'intervention
se

diversifie selon la gravité des cas, la contrainte pénale
ayant toutefois un caractère subsidiaire par rapport à la
contrainte administrative, généralement plus efficace qu'une
répression pénale (Message du 30 septembre 1960 concernant
un
projet de loi sur le travail, FF 1960 II p. 988). Selon les
circonstances, l'autorité cantonale compétente tentera donc
d'abord de rappeler l'employeur à ses responsabilités en lui
imposant de prendre les mesures qu'elle juge nécessaires au
rétablissement de l'ordre légal dans l'entreprise, avant
d'avoir recours à la contrainte pénale. Elle peut cependant
suivre les deux voies en parallèle, voire même la voie
pénale
seule, si les mesures administratives se révèlent être d'em-
blée inopérantes (Gabriella Wennubst, Mobbing ou harcèlement
psychologique analysé sur le lieu de travail, Lausanne 1999,
p. 179 et 180).

b) En l'espèce, il est constant que, sur le plan ad-
ministratif, le Service de l'inspection de la santé au tra-
vail est intervenu en mars 1997 à l'encontre du directeur de
l'établissement "P.________", à la suite de la dénonciation
de l'employée qui se plaignait de harcèlement psychologique.
Le directeur ayant toutefois contesté les faits qui lui
étaient reprochés, l'enquête administrative n'a abouti à au-
cune mesure concrète et semble toujours bloquée par un re-
cours (voir la lettre dudit service adressée le 1er octobre
1999 au Ministère public). C'est donc seulement à la suite
de
la dénonciation reprise par le mandataire de l'intéressée à
l'encontre des deux membres de la direction, en juillet
1999,
que le Service de l'inspection de la santé au travail a pour-
suivi ses investigations et que l'enquête a alors englobé le
recourant. Au vu de la gravité des faits constatés, ledit
service n'était toutefois pas tenu de rendre une décision
formelle au sens de la loi sur le travail et pouvait décider
de dénoncer le cas au Ministère public, conformément à
l'art.

6 CPP neuch. Selon cette disposition, toute autorité consti-
tuée, tout fonctionnaire, tout agent de la police judiciaire
qui acquiert, dans l'exercice de ses fonctions, la connais-
sance d'une infraction qui se poursuit d'office, est tenu
d'en donner sur-le-champ avis au Ministère public et de lui
remettre tous les renseignements, procès-verbaux et actes y
relatifs. Ainsi, le rapport de dénonciation du 1er octobre
1999 ne constitue pas une décision administrative et ne sau-
rait déployer des effets de droit administratif. Comme le
Tribunal administratif l'a en effet relevé avec pertinence,
des actes tels que l'ouverture d'une enquête ou le dépôt
d'une plainte pénale n'entraînent pas d'effets juridiques
obligatoires pour l'administré (Fritz Gygi, Bundesverwal-
tungsrechtspflege, 2ème édition, Berne 1983, p. 1137; André
Grisel, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984
p. 863).

Dans ces conditions, le recourant soutient en vain
qu'il aurait d'abord dû faire l'objet d'une enquête adminis-
trative, à l'instar du directeur de l'établissement. L'auto-
rité compétente pouvait au contraire choisir d'agir directe-
ment par la voie pénale. Il s'ensuit que le rapport du 1er
octobre 1999 n'est pas une décision administrative au sens
de
l'art. 3 LPJA, et que le Tribunal administratif a considéré
à
juste titre que la voie du recours prévue à l'art. 10 du rè-
glement d'exécution de la loi cantonale d'introduction de la
loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et
le commerce du 16 février 1983 n'était pas ouverte dans un
tel cas.

3.- Le recourant reproche aussi au Service cantonal
de l'inspection et de la santé au travail d'avoir violé son
droit d'être entendu. La jurisprudence a déduit du droit
d'être entendu, en particulier, le droit pour le justiciable

de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son dé-
triment, celui de fournir des preuves quant aux faits de na-
ture à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir ac-
cès au dossier, celui de participer à l'administration des
preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à
leur
propos (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51; 241 consid. 2 p. 242;
124 II 132 consid. 2 p. 137 et les arrêts cités).

Comme on l'a vu (supra consid. 2b), l'autorité can-
tonale a choisi de dénoncer directement le recourant au Mi-
nistère public et n'était nullement tenue d'ouvrir encore
une
enquête administrative contre lui. Le recourant, qui n'en-
court aucune sanction à ce titre, ne peut donc pas revendi-
quer le droit d'être entendu dans une procédure qui n'existe
pas. Il lui appartient ainsi de faire valoir ses droits de
partie au procès dans le cadre de l'instruction pénale en
cours, car la voie du recours de droit administratif ne sau-
rait être utilisée pour se plaindre d'une éventuelle viola-
tion du droit d'être entendu en matière de poursuite pénale
(art. 100 al. 1 lettre f OJ).

4.- Il résulte de ce qui précède que le recours doit
être rejeté avec suite de frais à la charge du recourant
(art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l,

1. Rejette le recours.

2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 2'000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant, au Département de l'économie publique et au
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, ainsi qu'au
Département fédéral de l'économique publique.

_______________

Lausanne, le 22 mars 2001
ROC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.423/2000
Date de la décision : 22/03/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-22;2a.423.2000 ?
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