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20/03/2001 | SUISSE | N°5P.445/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 mars 2001, 5P.445/2000


«/2»
5P.445/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

20 mars 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

E.________,
G.________,
K.________,
L.________,
P.________,
T.________,
tous les six représentés par Me Peter Schaufelberger, avocat
à Lausanne,

contre

le jugement rendu le 17 octobre 2000 par le

Tribunal des as-
surances du canton de Vaud dans la cause qui oppose les re-
courants à X.________, assurance maladie et accident;
...

«/2»
5P.445/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

20 mars 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

E.________,
G.________,
K.________,
L.________,
P.________,
T.________,
tous les six représentés par Me Peter Schaufelberger, avocat
à Lausanne,

contre

le jugement rendu le 17 octobre 2000 par le Tribunal des as-
surances du canton de Vaud dans la cause qui oppose les re-
courants à X.________, assurance maladie et accident;

(art. 6 § 1 CEDH, 30 al. 3 Cst.; assurance
complémentaire, publicité des débats)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- E.________, P.________, T.________, G.________,
L.________ et K.________ sont assurés auprès de X.________,
assurance maladie et accident (ci-après: X.________) pour
l'assurance obligatoire et pour diverses assurances complé-
mentaires, notamment en cas d'hospitalisation en division
privée ou en clinique, avec limitation du choix de l'établis-
sement.

Les six assurés ont séjourné à l'hôpital de La Pro-
vidence, à des dates différentes, dans le courant de 1998.
X.________ a refusé de prendre en charge une partie des
frais
résultant de ces hospitalisations pour le motif que
l'hôpital
précité ne figurait pas sur la liste des établissements
agréés par l'assurance pour 1998.

B.- Le 7 octobre 1999, lesdits assurés ont ouvert
action contre X.________ devant le Tribunal des assurances
du
canton de Vaud.

Par jugement du 17 octobre 2000, cette juridiction a
rejeté l'action.

C.- a) Agissant par la voie du recours de droit pu-
blic, les assurés précités demandent au Tribunal fédéral
d'annuler ce jugement. Ils se plaignent d'une violation du
principe de la publicité des débats et d'une application ar-
bitraire des preuves.

L'intimée propose le rejet du recours et la confir-
mation du jugement attaqué.

L'autorité cantonale a renoncé à présenter des ob-
servations.

b) Les recourants ont également interjeté un recours
en réforme contre le même jugement.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Conformément à la règle générale de l'art. 57
al. 5 OJ, il y a lieu de statuer d'abord sur le recours de
droit public.

2.- Aux termes de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de
droit public n'est recevable qu'à l'encontre des décisions
prises en dernière instance cantonale. Cette disposition si-
gnifie que les griefs soulevés devant le Tribunal fédéral ne
doivent plus pouvoir faire l'objet d'un recours ordinaire ou
extraordinaire de droit cantonal (ATF 126 I 257 consid. 1a
p.
258 et l'arrêt cité).

a) Le moyen tiré de la violation du principe de la
publicité des débats ne constitue apparemment pas un motif
de
nullité au sens de l'art. 444 al. 1 ch. 3 CPC/VD (Poudret/
Wurzburger/Haldy, Procédure civile vaudoise, 2e éd., n. 15
ad
art. 444 CPC). Dans le doute, il convient de toute manière
de
faire abstraction d'une éventuelle violation de la règle de
l'épuisement préalable des instances cantonales,
conformément
à la jurisprudence en la matière (ATF 116 Ia 442 consid. 1a
p. 444 et les références). Formé en temps utile (art. 89 OJ)
contre une décision finale (cf. art. 87 al. 2 OJ), le
recours
est, dans cette mesure, recevable.

b) En procédure civile vaudoise, le recours en nul-
lité est ouvert pour appréciation arbitraire des preuves
(ATF
126 I 257 consid. 1 p. 258 ss) et peut être formé contre
tout

jugement principal d'une autorité judiciaire quelconque
(art.
444 al. 1 CPC/VD). Le second moyen soulevé par les
recourants
paraît dès lors irrecevable (art. 86 al. 1 OJ). La question
peut cependant rester ouverte, car le recours doit de toute
façon être admis pour les raisons qui vont être exposées ci-
après.

3.- Les recourants reprochent à l'autorité cantonale
d'avoir violé les art. 6 § 1 CEDH et 30 al. 3 Cst., en refu-
sant de tenir une audience publique malgré leurs demandes
réitérées en ce sens.

L'art. 30 al. 3 Cst. n'offre pas de garanties procé-
durales supplémentaires par rapport à l'art. 6 § 1 CEDH (cf.
FF 1997 I p. 186). Le grief sera donc examiné uniquement au
regard de cette disposition conventionnelle.

a) En vertu de l'art. 6 § 1 CEDH, toute personne a
droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publi-
quement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indé-
pendant et impartial, établi par la loi, qui décidera notam-
ment des contestations sur ses droits et obligations de ca-
ractère civil. Depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier
1996, de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars
1994 (LAMal; RS 832.10), les assurances complémentaires ne
relèvent plus du droit public, mais du droit privé. La dis-
position conventionnelle précitée est donc manifestement ap-
plicable au présent litige.

b) L'art. 6 § 1 CEDH garantit à chacun le droit à un
examen équitable et public de sa cause, englobant en
principe
le droit pour une partie de pouvoir être entendue oralement
devant un tribunal lors d'une séance publique (ATF 121 I 30
consid. 5d p. 35 et les références; 121 II 22 consid. 4c p.
27/28), pour autant qu'elle n'y ait pas explicitement ou im-

plicitement renoncé (ATF 125 II 417 consid. 4f p. 426; 123 I
87 consid. 2b et c p. 89; 121 I 30 consid. 5f p. 37 s. et
les
citations). La publicité des débats constitue un principe
fondamental, qui est important non seulement pour les indivi-
dus, mais surtout comme moyen de contribuer à préserver la
confiance dans le fonctionnement de la justice (ATF 121 I 30
consid. 5d p. 35, 306 consid. 2b p. 310 s. et les nombreux
arrêts cités). L'importance du principe de la publicité dans
un Etat démocratique interdit que l'on y déroge, sauf pour
des raisons impérieuses (Auer/Malinverni/Hottelier, Droit
constitutionnel suisse, vol. II, n. 1254 p. 598 et l'arrêt
cité à la note 350: ATF 111 Ia 239).

La deuxième phrase de l'art. 6 § 1 CEDH prévoit des
exceptions au principe de la publicité, dans l'intérêt de la
moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale, ou
lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie
privée des parties au procès l'exigent, ou encore lorsque
dans des circonstances spéciales la publicité serait de natu-
re à porter atteinte aux intérêts de la justice (cf. ATF 121
I 30 consid. 5d p. 35, 306 consid. 2b p. 311; 119 Ia 99 con-
sid. 4a p. 104/105 et les références mentionnées). De plus,
il suffit que le principe de la publicité soit respecté par
l'une des instances saisies, pourvu qu'elle puisse se pronon-
cer sur le bien-fondé de l'affaire avec un pouvoir de cogni-
tion complet quant aux faits et au droit. La publicité de la
procédure devant une instance supérieure peut ainsi remédier
au défaut de publicité devant la première instance. A l'in-
verse, si le principe de la publicité a été observé en pre-
mière instance, la procédure peut être seulement écrite au-
près des instances supérieures, surtout lorsqu'il s'agit de
tribunaux de cassation qui se bornent à interpréter les rè-
gles de droit sans connaître du fond des affaires (ATF 121
Ia
30 consid. 5e p. 36-37 et les nombreuses références citées,
306 consid. 2b p. 311; Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit.,

n. 1259 p. 600 et la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l'homme mentionnée; M. E. Villiger, Handbuch der
Europäischen Menschenrechtskonvention [EMRK], n. 444 p.
282).
La garantie de la publicité vise donc, en priorité, le con-
tentieux devant l'autorité judiciaire de première instance
(ATF 120 V 1 consid. 3a in fine p. 7; 119 V 375 consid.
4b/aa
in fine p. 380 et la citation; Frowein/Peukert, EMRK-Kommen-
tar, 2e éd. 1996, n. 117 p. 244/245 et les références citées
aux notes 491 et 492).

S'il paraît admissible, dans certains cas, de refu-
ser la tenue d'une audience publique malgré une requête ex-
presse du justiciable, l'instruction d'une procédure sans dé-
bats oraux ne peut être qu'exceptionnellement considérée com-
me conforme à la CEDH: il en va ainsi dans le domaine des as-
surances sociales, lorsqu'il s'agit de questions hautement
techniques ou pour tenir compte de l'exigence de la célérité
du procès (ATF 121 I 30 consid. 5e p. 37 et les citations;
Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit., n. 1263 p. 602, qui re-
lèvent que cette jurisprudence est critiquée par la
doctrine;
Villiger, op. cit., n. 444 p. 282; Frowein/Peukert, op.
cit.,
n. 117 p. 245; Jean-Maurice Frésard, L'applicabilité de
l'art. 6 § 1 CEDH au contentieux de l'assurance sociale et
ses conséquences sous l'angle du principe de la publicité
des
débats [En relation avec l'arrêt Schuler-Zgraggen c.
Suisse],
in RSA 1994 p. 191 ss, ch. 4.1 p. 195/196).

c) En l'espèce, le Tribunal des assurances agissait
comme première juridiction, dont la compétence ne se
limitait
pas aux points de droit, mais comprenait aussi des questions
de fait. Or l'action des intéressés pouvait soulever des pro-
blèmes sur l'un ou l'autre plan. En outre, le droit cantonal
vaudois ne prévoit en l'occurrence pas de recours auprès
d'une autorité qui disposerait d'un pouvoir de cognition com-
plet, en fait et en droit, et le défaut de publicité ne peut

pas non plus être réparé dans la présente procédure. Enfin,
les recourants ont exigé la tenue de débats publics et aucun
motif ne ressort du dossier qui pourrait justifier, en
accord
avec la Convention, une dérogation au principe de la publici-
té. En refusant de tenir une audience publique et orale,
l'autorité cantonale a donc violé l'art. 6 § 1 CEDH.

Au demeurant, si le droit vaudois ne prévoit aucune
disposition de procédure spécifique dans ce domaine (cf.
Jean
Fonjallaz, Compétence et procédure en matière de contentieux
des assurances complémentaires à l'assurance-maladie, in JT
2000 III p. 79 ss, 82), le Tribunal cantonal des assurances
est, lorsqu'il statue en matière d'assurances complémentai-
res, un juge civil. Or, la procédure civile ordinaire ou ac-
célérée prévoit la tenue d'une audience (cf. art. 290 ss,
340
s. CPC/VD).

4.- Le droit atteint est de nature formelle, de sor-
te que sa violation entraîne l'annulation de la décision
attaquée sans qu'il y ait lieu de se demander si la
publicité
aurait modifié l'issue du litige ou si la cause résiste à
l'examen de sa constitutionnalité (ATF 121 I 30 consid. 5j
p. 40). Le recours doit dès lors être admis, sans qu'il soit
besoin d'examiner le grief d'arbitraire dans l'appréciation
des preuves dont la recevabilité est, au demeurant, douteuse
(cf. supra consid. 1b).

Les frais judiciaires seront supportés par l'intimée
(art. 156 al. 1 OJ), qui versera en outre des dépens aux re-
courants (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule le jugement attaqué.

2. Met à la charge de l'intimée:
a) un émolument judiciaire de 3'000 fr.
b) une indemnité de 3'000 fr. à payer aux recou-
rants, solidairement entre eux, à titre de dé-
pens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et au Tribunal des assurances du canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 20 mars 2001
MDO/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.445/2000
Date de la décision : 20/03/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-20;5p.445.2000 ?
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