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16/03/2001 | SUISSE | N°U.259/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 mars 2001, U.259/00


«AZA 7»
U 259/00 Sm

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Wagner, Greffier

Arrêt du 16 mars 2001

dans la cause

F.________, recourant, représenté par Maître Gilbert
Bratschi, avocat, rue d'Aoste 4, Genève,

contre

Vaudoise Assurances, Place de Milan, Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) F.________, cuisinier de formation, a travaillé
en cette qualité dès le 26 juin

1989, date de son engage-
ment par N.________, qui exploite le restaurant de la pis-
cine, à X.________. A ce titre, il était assur...

«AZA 7»
U 259/00 Sm

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Wagner, Greffier

Arrêt du 16 mars 2001

dans la cause

F.________, recourant, représenté par Maître Gilbert
Bratschi, avocat, rue d'Aoste 4, Genève,

contre

Vaudoise Assurances, Place de Milan, Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) F.________, cuisinier de formation, a travaillé
en cette qualité dès le 26 juin 1989, date de son engage-
ment par N.________, qui exploite le restaurant de la pis-
cine, à X.________. A ce titre, il était assuré par la
VAUDOISE Assurances pour les accidents professionnels et
non professionnels.
Le 20 mars 1991, F.________ circulait avec un motocy-
cle léger, lorsqu'il fut victime d'une collision avec un
véhicule automobile. Il fut transporté à l'Hôpital cantonal

universitaire de Genève, où les médecins constatèrent une
fracture ouverte de la jambe droite (rapport médical ini-
tial LAA, du 10 avril 1991).
Le cas fut pris en charge par la VAUDOISE. Ayant re-
couvré une capacité totale de travail dès le 10 juillet
1991, F.________ a repris son activité professionnelle. Il
a séjourné à la Clinique d'orthopédie de l'hôpital cantonal
du 6 au 13 juillet 1992, où les médecins procédèrent à
l'ablation du matériel d'ostéosynthèse de la jambe droite.
Le 13 août 1992, F.________ a été victime d'un nouvel
accident de la circulation routière, au cours duquel il
s'est fracturé la jambe gauche. La VAUDOISE a pris le cas
en charge. De son côté, F.________ a présenté une demande
de prestations de l'assurance-invalidité.
Le docteur R.________ a fixé au 30 août 1993 la re-
prise en plein de l'activité de cuisinier (rapport médical
intermédiaire du 11 septembre 1993). F.________ a exercé à
nouveau son emploi, mais à la suite d'absences répétées au
travail pour des motifs de santé, il a été licencié par son
employeur pour le 31 août 1994.
Dans une expertise pour l'assurance-invalidité, du
17 août 1994, les docteurs C.________ et K.________, méde-
cins de la Division de psychiatrie et de psychologie médi-
cale, ont conclu que F.________ souffrait d'une vulnérabi-
lité émotionnelle importante qui se greffait sur un trouble
de la personnalité, associant des traits borderline et des
traits de personnalité dépendante. Selon eux, la capacité
de travail restait restreinte à une activité partielle
(ex. 20 %) et indépendante du besoin financier (activité
«d'appoint» peu rémunérée ou bénévole).
Dans une communication à la VAUDOISE du 3 octobre
1994, le docteur S.________, médecin généraliste à
Y.________, a conclu à la reprise d'une activité profes-
sionnelle à 100 % dès le 30 octobre 1994.
La VAUDOISE a confié une expertise au docteur
L.________, médecin à Z.________. Dans un rapport du 8 mai

1995, ce praticien a posé le diagnostic de status après
fracture transverse des deux os de la jambe gauche ouverte
stade IIIC et de suspicion de fracture parcellaire de la
rotule droite, de consolidation après enclouage médullaire
à deux reprises et de persistance d'une pseudarthrose du
péroné. Selon lui, le traitement médical était terminé et
il ne subsistait pas d'invalidité médico-théorique à la
suite de l'accident du 13 août 1992, ni du reste à la suite
de l'accident du 20 mars 1991. Pour tenir compte des sé-
quelles discrètes de l'altération du sciatique poplité ex-
terne gauche et de la présence de la pseudarthrose du pé-
roné, l'expert évaluait l'atteinte à l'intégrité à 5 % de
manière globale.
Par décision du 16 mai 1995, la VAUDOISE a refusé
toute rente d'invalidité. Elle a alloué à F.________ une
indemnité de 4860 fr. pour une atteinte de 5 % à son inté-
grité physique.
Dans un écrit du 31 mai 1995, F.________ a formé op-
position contre cette décision. Il estimait que, compte
tenu de la gravité des blessures qu'il a subies lors des
accidents survenus le 20 mars 1991 et le 13 août 1992,
l'atteinte à son intégrité est bien plus importante que
celle relevée par l'expert L.________.

b) Par décision du 25 juillet 1995, l'Office AI du
canton de Genève a alloué à F.________ une rente entière
d'invalidité pendant la période du 1er août 1993 au
31 octobre 1994, compte tenu d'un degré d'invalidité de
70 %. Par une autre décision rendue le même jour, il lui a
alloué une demi-rente d'invalidité à partir du 1er novembre
1994, compte tenu d'un degré d'invalidité de 55 %.
Par jugement du 7 mars 1996, la Commission cantonale
genevoise de recours en matière d'AVS/AI a admis le recours
formé par F.________ contre la décision du 25 juillet 1995
lui allouant une demi-rente d'invalidité, annulé celle-ci
et renvoyé le dossier à l'administration pour nouvelle dé-

cision au sens des considérants. En bref, elle a considéré
que l'assuré était incapable à 100 % de reprendre son an-
cien métier et qu'en raison des troubles psychiques qui
l'affectent, sa capacité de travail devait être estimée à
quelque 20 %, avec un rendement faible, de sorte que son
invalidité dépassait manifestement le taux de 66 2/3 % don-
nant droit à une rente entière.
Par décision du 2 avril 1997, dont une copie a été en-
voyée à la VAUDOISE, l'office AI a alloué à F.________ une
rente entière d'invalidité dès le 1er novembre 1994, compte
tenu d'un degré d'invalidité de 70 %.

c) Par décision du 5 septembre 1997, la VAUDOISE a re-
jeté l'opposition, sans procéder à l'expertise sollicitée
entre-temps par l'assuré.

B.- Le Tribunal administratif de la République et can-
ton de Genève, devant lequel F.________ a formé recours
contre la décision du 5 septembre 1997, a ordonné une ex-
pertise médicale pluridisciplinaire, qu'il a confiée au
docteur B.________, spécialiste FMH en médecine du travail
et médecine interne, professeur associé à la Faculté de mé-
decine et médecin adjoint à l'Institut universitaire romand
de santé au travail, à Z.________.
Le docteur B.________ a retenu une réduction de la ca-
pacité de travail de 5 % en raison de l'atteinte du membre
inférieur gauche et de 25 % en raison du rôle partiel des
accidents des 20 mars 1991 et 13 août 1992 dans les change-
ments de la personnalité de F.________, en ce sens qu'ils
avaient déstabilisé un équilibre fragile.
Par jugement du 9 mai 2000, le tribunal administratif
a admis partiellement le recours, annulé la décision sur
opposition du 5 septembre 1997 «dans la mesure où elle re-
fuse au recourant toute rente et met fin au traitement
médical», arrêté à 30 % le taux de l'incapacité de travail
de F.________, renvoyé le dossier à la VAUDOISE pour qu'el-

le détermine son revenu d'invalide, et ordonné la prise en
charge par la VAUDOISE de sa rééducation active ainsi que
d'une thérapie de soutien de longue durée. Pour le surplus,
il a confirmé la décision précitée, au motif qu'il n'y
avait pas lieu de condamner la VAUDOISE à un versement com-
plémentaire s'agissant de l'indemnité pour atteinte à
l'intégrité.

C.- F.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement, en concluant, sous suite de frais
et dépens, à l'annulation de celui-ci. Il demande que son
incapacité de travail soit fixée à 70 % et que la VAUDOISE
soit condamnée à lui allouer une rente d'invalidité pour
une incapacité de gain de 70 % à partir du 1er novembre
1994, ainsi qu'une indemnité de 29 160 fr. pour une attein-
te de 30 % à son intégrité physique et mentale, sous déduc-
tion du montant de 4860 fr. déjà perçu. Il sollicite l'as-
sistance judiciaire.
Dans sa réponse du 25 août 2000, la VAUDOISE demande
que le jugement attaqué soit annulé et que la décision du
16 mai 1995 soit confirmée.
SWICA Organisation de santé, assureur-maladie de
F.________, a déposé une brève détermination.

Considérant en droit :

1.- Devant la Cour de céans, le litige a pour objet le
droit à la rente d'invalidité (sous l'angle du degré de
l'incapacité de travail du recourant voire le taux de son
invalidité) et le refus par l'intimée de lui allouer une
indemnité pour atteinte à l'intégrité mentale.
L'intimée n'a pas recouru contre le jugement attaqué.
Dans la mesure où ses conclusions concernent le droit du
recourant au traitement médical, celles-ci ne se rapportent
pas à l'objet du litige et sont dès lors irrecevables (ATF
125 V 414 ss. consid. 1b et 2 et les références citées).

2.- La Vaudoise reproche aux premiers juges d'être
entrés en matière sur les conclusions du recourant tendant
à l'allocation d'une rente d'invalidité. Selon elle, le
refus de rente d'invalidité contenu dans la décision du
16 mai 1995 n'a pas été contesté dans l'opposition du
31 mai 1995, de sorte qu'il a acquis force de chose déci-
dée.

a) Selon la jurisprudence (ATF 119 V 347; voir aussi
ATF 123 V 131 consid. 3a), dans la mesure où la décision
n'est pas attaquée en procédure d'opposition et ne fait pas
l'objet d'un examen d'office, elle entre partiellement en
force .

b) Il est constant que la décision du 16 mai 1995
portait sur l'octroi d'une indemnité pour atteinte à l'in-
tégrité physique de 5 % et sur le refus d'une rente d'inva-
lidité et que le recourant n'a formé opposition dans le
délai utile uniquement en ce qui concerne le taux de l'at-
teinte à son intégrité.
Dans la procédure sur opposition, la décision du
16 mai 1995 a cependant fait l'objet d'un nouvel examen
aussi bien en ce qui concerne l'invalidité que l'atteinte à
l'intégrité. Dès lors la Vaudoise est malvenue de reprocher
à la juridiction cantonale d'avoir statué, prétendument à
tort, sur le droit à la rente alors que dans la décision
sur opposition elle a examiné cette question, avant de re-
jeter à nouveau la prétention.

3.- Le degré d'incapacité de travail du recourant, fi-
xé à 30 % par les premiers juges, est litigieux. Celui-ci
allègue que le taux de son incapacité de travail est de
70 % au moins, ainsi que cela ressort de l'expertise des
docteurs C.________ et K.________ pour l'assurance-invali-
dité, du 17 août 1994. De son côté, l'intimée, se référant
à l'expertise du docteur L.________ du 8 mai 1995, fait

valoir que les accidents des 20 mars 1991 et 13 août 1992
n'entraînent pas d'incapacité de travail à moyen et long
terme.

a) Pour statuer sur le lien de causalité entre les ac-
cidents des 20 mars 1991 et 13 août 1992 et l'atteinte à la
santé du recourant, les premiers juges se sont fondés sur
l'expertise du docteur B.________.
Celui-ci a consulté en particulier le docteur
G.________, médecin associé du Service d'orthopédie et de
traumatologie de l'appareil moteur du Centre hospitalier
universitaire vaudois (CHUV), à Z.________, et le docteur
T.________, médecin adjoint du Service de psychiatrie de
liaison du CHUV. Dans son rapport, le docteur G.________ a
retenu des séquelles douloureuses persistantes sous forme
d'un syndrome fémoro-patellaire surtout droit mineur sur
troubles dégénératifs discret et fatigabilité anormalement
importante de la loge antéro-externe gauche. De son côté,
le docteur T.________ a posé le diagnostic sur le plan
psychique d'un grave trouble de la personnalité, associant
des traits borderline, des traits d'immaturité et des
traits dépendants. Selon lui, les événements accidentels
s'étaient probablement greffés sur une vulnérabilité psy-
chologique et avaient certainement déstabilisé un équilibre
fragile, leurs conséquences devant être expliquées par la
vulnérabilité psychologique préexistante de l'assuré.
Se référant à l'avis des docteurs G.________ et
T.________, l'expert a déclaré que les séquelles physiques
- soit l'atteinte du membre inférieur gauche - imputables à
l'accident du 13 août 1992 réduisent de 5 % sa capacité de
travail. Les séquelles psychologiques imputables aux acci-
dents des 20 mars 1991 et 13 août 1992, qui se caractéri-
sent par une déstabilisation d'un équilibre psychologique
fragile, réduisent de 25 % sa capacité de travail.
Sur la base de l'expertise judiciaire, les premiers
juges ont retenu un taux d'incapacité de travail de 30 %

composé de 5 % pour l'affection somatique touchant la jambe
gauche et de 25 % pour les suites psychiques.

b) C'est en vain que le recourant allègue que son in-
capacité de travail est de 70 % au moins.
A la différence de l'assurance-accidents, la causalité
ne joue aucun rôle dans l'appréciation de la capacité de
travail médico-théorique de l'assurance-invalidité. Le fait
que, dans le jugement du 7 mars 1996, la Commission canto-
nale genevoise de recours en matière d'AVS/AI a retenu que
l'assuré est incapable à 100 % de reprendre son métier de
cuisinier et qu'en raison des troubles psychiques qui l'af-
fectent, sa capacité de travail doit être estimée à quelque
20 %, avec un rendement faible, n'est donc pas décisif.
Il résulte de l'expertise du docteur B.________ que la
réduction de 5 % de la capacité de travail du recourant
pour l'affection somatique est essentiellement liée à ce
qui s'est passé après l'accident du 13 août 1992. Les acci-
dents des 20 mars 1991 et 13 août 1992 ont une responsabi-
lité dans les changements de la personnalité de l'assuré,
en ce sens qu'ils ont déstabilisé un équilibre psychologi-
que fragile, la réduction de 25 % de la capacité de travail
pour les suites psychiques tenant compte du rôle partiel
des accidents incriminés. L'existence d'un lien de causali-
té naturelle est donc établie.

4.- Lors de troubles d'ordre psychique consécutifs à
deux, voire plusieurs accidents, il faut, si les accidents
ont porté atteinte à des parties différentes du corps et
qu'ils entraînent des lésions complètement distinctes, exa-
miner en principe pour chaque accident le caractère adéquat
du lien de causalité sur la base des principes applicables

en la matière exposés dans les arrêts ATF 115 V 138 ss.
consid. 6 et 407 ss. consid. 5 (RAMA 1996 n° U 248 p. 177
consid. 4b).

Il n'est pas admissible de s'écarter après coup des
conclusions qui s'imposent à l'issue d'un examen du carac-
tère adéquat du lien de causalité et de considérer, sous
l'angle de l'art. 36 al. 2 LAA, les troubles physiques et
psychiques comme une seule atteinte à la santé. Bien qu'ils
soient dans un rapport de connexité étroit, ces troubles
représentent des atteintes à la santé distinctes (ATF
126 V 116).

a) Les deux accidents de la circulation routière des
20 mars 1991 et 13 août 1992 sont de gravité moyenne (arrêt
non publié P. du 14 décembre 1989 [U 91/87], cité in RAMA
1995 n° U 215 p. 91). Aucun n'apparaît comme l'un des plus
graves de la catégorie intermédiaire ni ne se trouve à la
limite de la catégorie des accidents graves (RAMA 1999 n°
U 330 p. 123 sv. consid. 4b/bb et cc).

b) L'accident du 20 mars 1991, au cours duquel le mo-
tocycle léger avec lequel circulait le recourant est entré
en collision avec un véhicule automobile, n'avait pas un
caractère particulièrement impressionnant. Il n'y a pas eu
non plus de circonstances concomitantes particulièrement
dramatiques.
Atteint d'une fracture ouverte de la jambe droite,
l'assuré a quitté l'hôpital le 5 avril 1991. Le docteur
R.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique à la
Permanence de M.________, s'est occupé de la suite du trai-
tement. Dans un rapport médical final du 12 août 1991, il a
noté l'évolution favorable du cas : la reprise du travail
fut fixée à 50 % depuis le 24 juin 1991 et à 100 % dès le
10 juillet 1991. A la suite de l'ablation du matériel d'os-
téosynthèse, l'assuré présentait une capacité totale de
travail depuis le 10 août 1992.
Aucun des critères déterminants dans l'examen de la
causalité adéquate n'entre en l'occurrence en considéra-
tion.

c) En soi, la fracture de la jambe gauche subie lors
de l'accident du 13 août 1992 n'était pas propre, selon
l'expérience, à entraîner des troubles psychiques.
Cependant, les lésions artérielles et tronculaires
nerveuses ont rendu difficile le processus de guérison.
L'assuré présente des séquelles douloureuses et persistan-
tes de la réinnervation. La lésion du nerf sciatique
poplité externe et celle du nerf sciatique poplité interne,
devenues chroniques, sont considérées par le docteur
J.________ comme définitives. Un traitement médical est
encore nécessaire en ce qui concerne la fatigabilité de la
loge antéro-externe gauche.
Les critères déterminants que sont, selon la jurispru-
dence, la durée anormalement longue du traitement médical
et les douleurs physiques persistantes, sont donc réunis en
l'occurrence.
Le recourant présente des séquelles psychologiques,
que l'expert judiciaire met en relation avec ses douleurs
vertébrales et ses blocages dus aux crampes musculaires. En
raison des séquelles de la réinnervation, l'accident du
13 août 1992 revêt donc une importance particulière dans la
survenance de son incapacité de travail d'origine psychi-
que. La causalité adéquate est ainsi admise.

5.- Les atteintes à la santé, imputables aux accidents
des 20 mars 1991 et 13 août 1992, entraveront de manière
durable le recourant dans l'exercice de la profession de
cuisinier (expertise précitée du docteur B.________, du
9 octobre 1999). Sa capacité de gain subit donc vraisembla-
blement une atteinte de longue durée. Il est dès lors
réputé invalide (art. 18 al. 2 première phrase LAA). Aussi,
est-ce à tort que l'intimée n'a pas procédé à l'évaluation
de son invalidité, réglée par l'art. 18 al. 2 deuxième
phrase LAA.
Le recourant fait grief aux premiers juges d'avoir
renvoyé la cause à l'intimée pour qu'elle détermine son

revenu d'invalide, au lieu de procéder eux-mêmes à l'éva-
luation de son invalidité et de se référer au taux admis
par l'office AI.

a) Dans un arrêt G. du 26 juillet 2000, destiné à la
publication et paru in VSI 2001 p. 82 ss. consid. 2d, 3 et
4, le Tribunal fédéral des assurances a posé le principe
que l'uniformité de la notion d'invalidité, qui doit con-
duire à fixer pour une même atteinte à la santé un même
taux d'invalidité, règle la coordination de l'évaluation de
l'invalidité en droit des assurances sociales.
Cela signifie que l'assurance-invalidité, l'assurance-
accidents et l'assurance militaire doivent non seulement
procéder séparément à la fixation du taux d'invalidité de
l'assuré, mais également tenir compte d'évaluations de
l'invalidité entrées en force. Il ne se justifie donc pas,
contrairement à la pratique administrative antérieure qui
consacrait la primauté de l'assureur-accidents (ATF
112 V 175 consid. 2a et 106 V 88 consid. 2b), de conférer à
un assureur la priorité sur un autre dans la fixation du
taux d'invalidité.
En conséquence, s'agissant de la coordination de
l'évaluation de l'invalidité de l'assurance-invalidité et
de l'assurance-accidents, l'assurance-invalidité est liée,
en principe, par l'évaluation de l'invalidité de l'assuran-
ce-accidents passée en force. Elle ne saurait s'en écarter
qu'à titre exceptionnel et seulement s'il existe de solides
raisons. Il ne suffit donc pas qu'une appréciation diver-
gente soit soutenable, voire même équivalente.
Encore faut-il, pour que l'assurance-invalidité soit
liée par l'évaluation de l'invalidité de l'assurance-acci-
dents, que celle-ci ait fait l'objet d'une décision, passée
en force. Tel est le cas si l'entrée en force de la déci-
sion de l'assurance-accidents est postérieure à la décision
attaquée de l'assurance-invalidité, mais qu'elle est inter-
venue au cours de la procédure de recours.

b) Ces principes valent également lorsque, comme en
l'espèce, la situation qui se présente est l'inverse de
celle qui prévalait dans l'arrêt G. résumé ci-dessus, la
décision de l'office AI du 2 avril 1997 - antérieure de
cinq mois à la décision sur opposition de l'intimée du
5 septembre 1997 - étant passée en force.
Il y a donc lieu d'examiner s'il existe de sérieuses
raisons de s'écarter de la décision de l'office AI du
2 avril 1997. Cette décision, selon communication de l'of-
fice à la Caisse de compensation Gastro-suisse (Wirte) du
18 décembre 1996, reprend la motivation du jugement de la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'AVS/AI du 7 mars 1996. Elle repose ainsi non pas sur une
comparaison des revenus, mais sur une estimation médico-
théorique de la capacité de travail et de gain qui se fonde
sur les troubles d'ordre psychique du recourant.
Faute de comparaison des revenus, il existe de sérieu-
ses raisons de s'écarter de l'évaluation de l'assurance-in-
validité, passée en force, l'atteinte à la santé en rela-
tion de causalité avec l'accident du 13 août 1992 consis-
tant dans l'atteinte du membre inférieur gauche et dans la
déstabilisation de l'équilibre psychologique fragile du
recourant.

c) En vertu de l'art. 18 al. 2 deuxième phrase LAA,
pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du travail que
l'assuré devenu invalide par suite d'un accident pourrait
obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement
attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de
réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du
marché du travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu
obtenir s'il n'était pas invalide.

d) aa) En ce qui concerne le revenu d'invalide, il
doit être évalué avant tout en fonction de la situation
professionnelle concrète de l'intéressé. En l'absence d'un

revenu effectivement réalisé, la jurisprudence considère
que le revenu d'invalide peut être évalué sur la base des
statistiques salariales (ATF 126 V 76 sv. consid. 3b/aa et
bb).
La mesure dans laquelle les salaires ressortant des
statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des
circonstances personnelles et professionnelles du cas par-
ticulier (limitations liées au handicap, âge, années de
service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et
taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les
limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale
maximum de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir
compte des différents éléments qui peuvent influencer le
revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 79 sv. con-
sid. 5b/aa-cc).

bb) Dans l'expertise du 9 octobre 1999, le docteur
B.________ a retenu qu'idéalement, il serait important de
pouvoir réintégrer l'assuré dans la profession de cuisi-
nier, mais qu'apparemment cela n'était pas possible, ex-
cepté pour de brèves périodes. Toutefois, il n'est pas
exclu de prévoir une reprise de cette profession, ce qui
devrait pouvoir se faire progressivement, dans un milieu
protégé. Quant à une réinsertion dans une autre profession,
il faut tenir compte de la fatigabilité de la jambe gauche
lors d'efforts prolongés. On devait donc penser à des pro-
fessions permettant d'alterner position assise et position
debout (par. ex. magasinier, travaux de surveillance).
Ni le handicap de la jambe gauche, ni les séquelles
psychologiques des accidents incriminés n'empêchent le
recourant d'exercer un emploi. En ce qui concerne la repri-
se de l'activité de cuisinier, elle n'est apparemment pos-
sible que pour de brèves périodes. En revanche, on peut
raisonnablement attendre de l'assuré, même en l'absence de
mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité, qu'il se
réadapte par lui-même dans une autre profession adaptée à

son handicap, soit dans une activité simple pouvant être
exercée de manière alternative en position debout et assi-
se, par ex. comme magasinier ou surveillant.

cc) Si l'on évalue le revenu d'invalide du recourant
sur la base des statistiques salariales, le salaire mensuel
brut (valeur centrale) pour des activités simples et répé-
titives du secteur privé, toutes branches économiques con-
fondues, était de 4294 fr. en 1996. Indépendamment de
l'augmentation des salaires nominaux intervenue entre 1996
et 2000 (cf. Annuaire statistique de la Suisse 1999 p. 123
et 2000 p. 122), un salaire mensuel hypothétique de
4294 fr. représente, compte tenu du fait que les salaires
bruts standardisés se basent sur un horaire de travail de
40 heures, soit une durée hebdomadaire inférieure à la
moyenne usuelle dans les entreprises (41,9 heures en 1997;
La Vie économique 2000/2, annexe p. 27, Tabelle B9.2), un
revenu d'invalide de 53 976 fr. par année (4294 fr. x 12 x
41,9 : 40).
Avec un abattement de 20 % - qui tient compte en l'es-
pèce de l'ensemble des circonstances personnelles et
professionnelles du cas particulier, à savoir les limita-
tions dues à la fatigabilité du membre inférieur gauche
(voir aussi RAMA 1998 n° U 320 p. 601 consid. 2a) -, il en
résulte un revenu d'invalide de 43 180 fr. (53 976 fr. x
80 %), soit de 3598 fr. par mois.

e) En ce qui concerne le calcul du revenu que le re-
courant, sans invalidité, aurait pu réaliser en 1997 dans
l'activité de cuisinier, il convient de se fonder sur le
salaire mensuel de 4333 fr. qui était le sien en 1993
(questionnaire pour l'employeur, du 1er mars 1994).
Si l'on considère l'évolution des salaires dans l'hô-
tellerie et restauration à partir de 1993, soit sur quatre
ans, l'indice des salaires nominaux a progressé de 3,8 %
(Statistique de la Suisse, Evolution des salaires
1997 - Résultats commentés et tableaux, p. 17).

En 1997, le recourant, sans invalidité, aurait donc pu
réaliser dans l'activité de cuisinier un revenu de 4497 fr.

f) Il résulte de la comparaison des revenus une inca-
pacité de gain de 20 % ([4497 - 3598] x 100 : 4497).
Le recourant a donc droit à une rente d'invalidité
pour une incapacité de gain de 20 %. L'intimée se pronon-
cera d'une manière qui la lie dans la décision allouant au
recourant une rente d'invalidité pour une incapacité de
gain de 20 % sur la naissance du droit à la rente d'invali-
dité (art. 19 LAA).

6.- a) Le refus par l'intimée d'allouer au recourant
une indemnité pour atteinte à l'intégrité mentale est liti-
gieux.
En vertu de l'art. 24 al. 1 LAA, si, par suite de
l'accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et
durable à son intégrité physique ou mentale, il a droit à
une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité.
Aux termes de l'art. 36 al. 1 première phrase OLAA
(ATF 124 V 29 et 209), une atteinte à l'intégrité est répu-
tée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera
avec au moins la même gravité, pendant toute la vie.
En principe, il existe un droit à une indemnité pour
atteinte à l'intégrité également en cas d'atteinte à la
santé psychique. Des troubles psychiques consécutifs à un
accident ouvrent droit à une indemnité pour atteinte à
l'intégrité lorsqu'il est possible de poser de manière in-
discutable un pronostic individuel à long terme qui exclut
pratiquement pour toute la vie une guérison ou une amélio-
ration. Pour se prononcer sur le caractère durable de l'at-
teinte à l'intégrité et sur la nécessité de mettre en oeu-
vre une instruction d'ordre psychiatrique, on se fondera
sur la pratique en matière de causalité adéquate en cas de
troubles psychiques consécutifs à un accident (ATF 124 V 29
et 209).

En cas d'accident de gravité moyenne, le caractère du-
rable de l'atteinte doit, en règle générale, être nié sans
qu'il soit nécessaire de mettre en oeuvre dans chaque cas
une instruction plus approfondie au sujet de la nature et
du caractère durable de l'atteinte psychique. Il ne con-
vient de s'écarter de ce principe que dans des cas excep-
tionnels, à savoir lorsque l'on se trouve à la limite de la
catégorie des accidents graves, pour autant que les pièces
du dossier fassent ressortir des indices évidents d'une at-
teinte particulièrement grave à l'intégrité psychique,
qui
ne paraît pas devoir se résorber. On doit voir de tels in-
dices dans les circonstances qui sont en connexité étroite
avec l'accident et qui servent de critères lors de l'examen
de la causalité adéquate, pour autant qu'ils revêtent une
importance et une intensité particulières et qu'en tant que
facteurs stressants, ils ont, de manière évidente, favorisé
l'installation de troubles durables pour toute la vie.
Enfin, en cas d'accidents graves, le caractère durable de
l'atteinte à la santé psychique doit toujours être examiné,
au besoin par la mise en oeuvre d'une expertise psychiatri-
que, pour autant qu'il n'apparaisse pas déjà évident sur le
vu des éléments ressortant du dossier (ATF 124 V 214).

b) Selon le jugement attaqué, il ressort clairement du
rapport d'expertise du 9 octobre 1999 ainsi que du rapport
complémentaire du psychiatre du 10 août 1999 que les acci-
dents des 20 mars 1991 et 13 août 1992 ont nui à un équili-
bre fragile, mais qui avait permis au recourant de s'insé-
rer dans le monde du travail et y fonctionner avec succès.
Compte tenu de l'échec de la tentative de reprise du tra-
vail de cuisinier à plein temps, l'assuré paraît durable-
ment stabilisé et les médecins conseillent une thérapie de
soutien de longue durée. Toutefois, l'accident (du 13 août
1992) n'était en lui-même pas suffisamment important pour
qu'on le qualifie de grave au sens de la jurisprudence,
même si en eux-mêmes, les troubles paraissent installés de
manière durable (cf. ATF 124 V 214).

c) Ainsi que l'ont admis les premiers juges, l'acci-
dent du 13 août 1992 est de gravité moyenne. Il en va ainsi
également de l'accident du 20 mars 1991. Il est établi que
ces accidents ont déstabilisé l'équilibre fragile du recou-
rant, qui présente des séquelles psychologiques.
Pour autant, contrairement à ce qu'exige l'art. 24
al. 1 LAA, le recourant ne se trouve pas dans la situation
de l'assuré qui, par suite de l'accident, souffre d'une
atteinte durable à son intégrité mentale. Il ressort du
dossier qu'il est atteint de troubles d'ordre psychique
nécessitant un traitement médico-psychiatrique depuis octo-
bre 1988, d'une durée indéterminée (rapport médical du doc-
teur O.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psycho-
thérapie à Y.________, du 8 juin 1994).
Il n'y a dès lors pas de lien de causalité entre les
accidents incriminés, qui ont laissé des séquelles psycho-
logiques, et le caractère apparemment durable des troubles
d'ordre psychique dont souffre le recourant.
Sur ce point, la réponse du docteur B.________ à la
question précitée des premiers juges, qui propose d'appli-
quer par analogie les barèmes des indemnités pour atteintes
à l'intégrité figurant dans l'annexe 3 à l'OLAA, n'est pas
déterminante.
Il s'ensuit que les conditions du droit à une indemni-
té pour atteinte à l'intégrité mentale ne sont pas rem-
plies.

7.- S'agissant d'un litige en matière de prestations
d'assurance, la procédure est en l'occurrence gratuite
(art. 134 OJ). Représenté par un avocat, le recourant a
droit à une indemnité de dépens pour l'instance fédérale
(art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ), si bien
que sa demande d'assistance judiciaire est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis en ce sens que le
jugement du Tribunal administratif de la République et
canton de Genève, du 9 mai 2000, et la décision sur
opposition litigieuse, du 5 septembre 1997, sont ré-
formés en ce sens que le recourant a droit à une rente
d'invalidité de l'assurance-accidents pour une inca-
pacité de gain de 20 %.

II. La cause est renvoyée à la Vaudoise pour qu'elle fixe
tant le montant que le début du droit à la rente.

III. Il n'est pas entré en matière sur les conclusions de
l'intimée, dans la mesure où elles concernent le droit
du recourant au traitement médical.

IV. Il n'est pas perçu de frais de justice.

V. La VAUDOISE Assurances versera au recourant la somme
de 2500 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée)
à titre de dépens pour l'instance fédérale.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif de la République et canton de
Genève, à SWICA Organisation de santé et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 16 mars 2001
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.259/00
Date de la décision : 16/03/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-16;u.259.00 ?
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