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15/03/2001 | SUISSE | N°H.341/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 mars 2001, H.341/00


«AZA 7»
H 341/00 Sm

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Rüedi, Leuzinger et Ferrari; Métral, Greffier

Arrêt du 15 mars 2001

dans la cause

S.________, recourant, représenté par Maître Alain-Valéry
Poitry, avocat, rue Juste-Olivier 16, Nyon,

contre

Caisse de compensation AVS/AI/APG de la Chambre vaudoise du
commerce et de l'industrie - Association des industries
vaudoises, avenue d'Ouchy 47, Lausanne, intimée,

et

Tribunal

des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- S.________, C.________ et H.________ étaient admi-
nistrateurs de la société ...

«AZA 7»
H 341/00 Sm

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Rüedi, Leuzinger et Ferrari; Métral, Greffier

Arrêt du 15 mars 2001

dans la cause

S.________, recourant, représenté par Maître Alain-Valéry
Poitry, avocat, rue Juste-Olivier 16, Nyon,

contre

Caisse de compensation AVS/AI/APG de la Chambre vaudoise du
commerce et de l'industrie - Association des industries
vaudoises, avenue d'Ouchy 47, Lausanne, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- S.________, C.________ et H.________ étaient admi-
nistrateurs de la société P.________ SA, dont la faillite a
été prononcée le 9 mai 1997. Par décision du 20 janvier
1999, la Caisse de compensation AVS/AI/APG de la Chambre
vaudoise du commerce et de l'industrie (ci-après : la cais-
se) leur a réclamé le paiement du dommage qu'elle avait
subi, à raison de 55'679 fr. 75. Les administrateurs n'ont
pas formé opposition.

Dans le cadre d'une procédure pénale ouverte à leur
encontre, les administrateurs ont reconnu devoir à la
caisse la somme de 22'078 fr. 55. Ce montant a été payé à
la créancière.
Par lettre du 3 mars 1999, le mandataire de S.________
a demandé à la caisse de reconsidérer sa décision du
20 janvier 1999, au motif que son droit d'exiger la répa-
ration du dommage n'avait pas été exercé à temps et était
périmé. Par ailleurs, un montant de 22'078 fr. 55 devait
être déduit du montant initialement réclamé, de sorte
qu'une nouvelle décision devait être rendue.
La caisse, considérant cette lettre comme une opposi-
tion tardive à sa décision de réparation du dommage, a
refusé d'entrer en matière sur une reconsidération et a
répondu qu'elle imputerait le montant déjà payé sur la som-
me de 55'679 fr. 75. Elle a ensuite fait notifier à
S.________ un commandement de payer le montant de
33'601 fr. 90, qui a été frappé d'opposition.
Le 6 décembre 1999, le Président du Tribunal de dis-
trict de Nyon a examiné si la prétention déduite en pour-
suite avait fait l'objet d'une décision de réparation du
dommage entrée en force et, considérant que tel était le
cas, levé l'opposition formée par le recourant. Il n'a
toutefois prononcé qu'une mainlevée provisoire, au motif
que la caisse n'avait pas précisé si elle entendait obtenir
une mainlevée définitive.
Par écriture du 16 mars 2000, S.________ a ouvert
action en libération de dette devant le Tribunal des assu-
rances du canton de Vaud.

B.- Par jugement du 16 juin 2000, ce dernier a refusé
d'entrer en matière sur l'action en libération de dette.

C.- S.________ interjette recours de droit administra-
tif contre le jugement cantonal, dont il demande l'annula-
tion. Il conclut à la constatation de la nullité de la dé-

cision du 20 janvier 1999 de la caisse, à ce que la créance
faisant l'objet de la poursuite et de la décision de main-
levée susmentionnées soit déclarée inexistante et à
l'octroi de dépens pour la procédure cantonale. L'intimée
conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des
assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- La présente procédure n'ayant pas pour objet l'oc-
troi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal
fédéral des assurances doit se borner à examiner si les
premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si
les faits pertinents ont été constatés d'une manière mani-
festement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis
au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.- Tout en se fondant sur un titre de mainlevée défi-
nitive au sens de l'art. 80 LP, le Président du Tribunal de
district de Nyon a prononcé la mainlevée provisoire de
l'opposition formée par le recourant dans la procédure de
poursuite engagée par l'intimée. Il n'y a pas lieu d'exami-
ner ici le bien-fondé de ce jugement, qui n'a pas fait
l'objet d'un recours. En revanche, il faut déterminer si le
recourant dispose d'une action en libération de dette pour
faire constater l'inexistence de la créance déduite en
poursuite.

a) En règle générale, les prétentions de droit public
ne peuvent pas être soumises directement à un tribunal, par
voie d'action, mais doivent être déterminées dans une déci-
sion administrative sujette à recours (Kölz/Häner, Verwal-
tungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème

édition, Zurich 1998, p. 6 sv., no 16 ss; Pierre Moor,
Droit administratif, vol. II: Les actes administratifs et
leur contrôle, Berne 1991, p. 347 sv.). Par conséquent,
dans le cadre d'une procédure d'exécution forcée, de telles
prétentions ne peuvent en principe pas faire l'objet d'une
action en libération de dette (arrêt B. non publié du
Tribunal fédéral du 5 juillet 1999 [5P.179/1999],
consid. 4b), mais donnent lieu, en cas d'opposition du
débiteur, à une mainlevée définitive, aux conditions des
art. 80 et 81 LP (Staehelin/Bauer/Staehelin, Kommentar zum
Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I,
art. 1 - 87 LP, no 46 ad art. 82 LP; Dominique Rigot, Le
recouvrement forcé des créances de droit public selon le
droit de poursuite pour dettes et la faillite, thèse
Lausanne 1991, p. 206; Tibère Adler, La mainlevée de
l'opposition par une caisse-maladie dans une poursuite pour
dettes, in : Droit privé et assurances sociales,
Enseignement de 3ème cycle de droit 1989, Fribourg 1990,
p. 248 sv.; Knapp/Hertig, L'exécution forcée des actes
cantonaux pécuniaires de droit public, [art. 80 al. 2 LP],
in : BlSchKG 1986 p. 167).
Toutefois, dans certains domaines du droit administra-
tif, l'instrument de la décision cède le pas à celui de
l'action de droit administratif; un juge pourra alors être
appelé à se prononcer sur un litige relatif à une préten-
tion de droit public, non pas à la suite d'un recours
contre une décision, mais directement à la demande de
l'administration ou d'un particulier (Kölz/Häner,
op. cit., p. 6 sv., no 16 ss; Moor, op. cit., p. 347 sv.).
Tel est le cas, par exemple, en matière de prévoyance
professionnelle, pour les contestations relevant de
l'art. 73 LPP, à propos desquelles les institutions de
prévoyance n'ont pas de pouvoir de décision (ATF 116 V 343
consid. 4a). La voie de l'action en libération de dette
n'est alors pas exclue, sous réserve de l'autorité de chose

jugée dont serait revêtu un jugement rendu préalablement,
sur action de droit administratif (dans ce sens
Staehelin/Bauer/Staehelin, op. cit., no 46 ad art. 82 LP;
Rigot, op. cit., p. 205 sv., no 190 sv., p. 210 sv., no
193; Adler, loc. cit., p. 248 sv.; Knapp/Hertig, loc. cit.,
p.
167).

b) En l'espèce, il n'y a pas de motif de déroger à la
règle générale énoncée ci-dessus et d'admettre la receva-
bilité d'une action en libération de dette, bien que les
prétentions d'une caisse en réparation du dommage au sens
de l'art. 52 LAVS fassent l'objet d'une procédure particu-
lière, énoncée à l'art. 81 RAVS. D'après cette disposition,
si la caisse de compensation décide de la réparation d'un
dommage causé par l'employeur, elle doit notifier à
celui-ci une décision contre laquelle il peut former oppo-
sition dans les trente jours, auprès de la caisse (al. 1 et
2). Si la caisse de compensation maintient sa décision,
elle doit, dans les trente jours également et sous peine de
déchéance de ses droits, porter le cas devant l'autorité de
recours du canton dans lequel l'employeur a son domicile
(al. 3; ATF 123 V 13 consid. 3).
Cette procédure confère un pouvoir de décision à la
caisse vis-à-vis de l'employeur qu'elle déclare responsa-
ble : en l'absence d'opposition dans le délai requis, la
décision de la caisse entre en force et constitue un titre
de mainlevée définitive (art. 97 al. 4 let. a LAVS en
relation avec l'art. 80 LP). Le recourant ne saurait remet-
tre en cause une telle décision et trouver dans l'action en
libération de dette une alternative à l'opposition prévue
par l'art. 81 al. 2 RAVS. C'est donc à raison que la juri-
diction cantonale a déclaré irrecevable l'action ouverte
par S.________.

3.- Le recourant soutient que les premiers juges
devaient, sans égard à la recevabilité de sa demande, cons-
tater d'office la nullité de la décision de l'intimée du
20 janvier 1999, en raison de la péremption de son droit à
demander la réparation du dommage (art. 82 RAVS). Toute-
fois, la péremption d'un droit, même si elle doit être
constatée d'office, est une question de fond. Comme la
juridiction cantonale ne devait pas entrer en matière sur
l'action du recourant, elle n'avait pas à se prononcer sur
la péremption invoquée ni à déterminer si une telle péremp-
tion aurait, cas échéant, constitué un motif de nullité de
la décision de l'intimée du 20 janvier 1999. Sur ce point
également, le recours doit être rejeté.

4.- Enfin, le recourant fait valoir une violation de
son droit à soumettre sa cause à un tribunal indépendant et
impartial, au sens des art. 29 et 30 Cst et de l'art. 6
par. 1 CEDH. Cependant, la garantie procédurale qu'il
invoque intervient dans le cadre de la procédure définie à
l'art. 81 RAVS. Si l'employeur visé par une décision de
réclamation du dommage entend qu'un juge connaisse de sa
cause, il lui appartient de s'opposer à cette décision en
temps utile, sans quoi elle entre en force.
Dans la mesure où le recourant conteste l'existence ou
l'entrée en force d'une telle décision, voire sa validité,
il remet en cause l'existence d'un titre de mainlevée et le
bien-fondé du jugement de mainlevée. A cet égard, il lui
appartenait d'utiliser les voies de recours prévues par le
droit cantonal et fédéral contre ce jugement, subsidiaire-
ment d'agir par un recours de droit public au Tribunal
fédéral (art. 84 ss OJ; ATF 111 III 8 consid. 1).

5.- La procédure n'est pas gratuite lorsqu'elle ne
porte pas sur l'octroi ou le refus de prestations (art. 134
OJ a contrario). Le recourant, qui succombe, supportera les
frais judiciaires (art. 156 al. 1 en liaison avec
l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Les frais de justice, d'un montant de 3000 fr., sont
mis à la charge du recourant et compensés jusqu'à
concurrence de 500 fr. avec l'avance de frais qu'il a
versée, le solde de 2500 fr. restant dû.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 15 mars 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

p. le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.341/00
Date de la décision : 15/03/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-15;h.341.00 ?
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