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15/03/2001 | SUISSE | N°6S.6/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 mars 2001, 6S.6/2001


«/2»
6S.6/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

15 mars 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffière: Mme Angéloz.
___________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, représenté par Me Jean-Luc Subilia, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 15 mai 2000 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal

cantonal vaudois dans la cause qui
oppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d;

(recel; fixation de ...

«/2»
6S.6/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

15 mars 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffière: Mme Angéloz.
___________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, représenté par Me Jean-Luc Subilia, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 15 mai 2000 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui
oppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d;

(recel; fixation de la peine)

Vu les pièces du dossier, d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Dans le cadre d'un rapt commis par une bande
de malfaiteurs, dont faisaient notamment partie
B.________ et C.________, une rançon a été demandée à la
famille de la victime, laquelle a versé une première
partie du montant exigé. Entrés en possession d'une
partie de cette somme, soit de 239.000 fr. au moins,
B.________ et C.________ se sont rendus chez la soeur de
ce dernier, D.________, à laquelle ils ont confié cet
argent. La victime a été libérée le même jour, grâce à
une intervention policière, lors de laquelle B.________
et C.________ ont été arrêtés.

Environ trois semaines plus tard, B.________ a reçu
en prison la visite de son frère, E.________, qu'il a
chargé de récupérer l'argent de la rançon auprès de
D.________. E.________ s'est alors rendu, en compagnie de
A.________ ainsi que de F.________ et G.________, au
domicile de D.________ et H.________. Pendant que leurs
comparses attendaient dans la voiture, E.________ et
A.________ sont allés chercher l'argent, que A.________,
qui en connaissait l'origine criminelle, a compté.
D.________ et H.________ ayant refusé de conserver la
part du butin revenant à C.________, les quatre hommes
sont repartis avec le montant de 239.000 fr., qu'ils sont
allés dissimuler au domicile de F.________.

Par la suite, I.________, père de E.________, mis
au courant par ce dernier, a récupéré 114.000 fr.
provenant de la somme déposée chez F.________. Sur ce
montant, I.________ a prélevé 73.000 fr., qu'il a
apportés à A.________. Ce dernier, qui connaissait
l'origine illicite de cet argent, l'a caché à son

domicile; entre ce moment et son arrestation, il a
dépensé environ 5000 fr.; le solde de 68.000 fr. a été
retrouvé et saisi par la police à son domicile.

B.- Par jugement du 15 décembre 1999, le Tribunal
correctionnel du district de Payerne a condamné
A.________, pour blanchiment d'argent (art. 305bis ch. 1
CP), à la peine de 5 mois d'emprisonnement, avec sursis
pendant 2 ans. Il l'a en revanche libéré du chef
d'accusation de recel (art. 160 CP), estimant que l'une
des conditions de cette infraction n'était pas réalisée,
dès lors que l'argent provenait d'un enlèvement.

Le Ministère public a recouru contre ce jugement,
concluant à ce qu'il soit réformé en ce sens que l'accusé
soit reconnu coupable de recel et à ce que la peine pro-
noncée contre lui soit portée à 8 mois d'emprisonnement,
avec sursis pendant 2 ans, le jugement étant confirmé
pour le surplus.

Par arrêt du 15 mai 2000, la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis le recours.
Elle a modifié le verdict de culpabilité en retenant, en
sus du blanchiment d'argent, le recel et a porté la peine
privative de liberté à 15 mois d'emprisonnement, avec
sursis pendant 2 ans, prononçant en outre l'expulsion de
l'accusé pour une durée de 5 ans, sans sursis.

C.- A.________ se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral. Invoquant une violation des art. 160 et
63 CP, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.
Après avoir sollicité l'assistance judiciaire, il a

finalement effectué l'avance de frais initialement
requise.

Le Ministère public conclut au rejet du pourvoi.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Saisie d'un pourvoi en nullité, qui ne peut
être formé que pour violation du droit fédéral (art. 269
PPF), la Cour de cassation contrôle l'application de ce
droit sur la base d'un état de fait définitivement arrêté
par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1
let. b PPF; ATF 124 IV 53 consid. 1 p. 55, 81 consid. 2a
p. 83 et les arrêts cités).

2.- Le recourant conteste que le recel puisse être
retenu à son encontre. Selon lui, l'argent qu'il lui est
reproché d'avoir recelé provient d'une prise d'otage au
sens de l'art. 185 CP, non pas d'un enlèvement ou d'une
séquestration avec demande de rançon au sens des art. 183
et 184 CP; il s'agit donc d'une infraction contre la li-
berté, non pas contre le patrimoine, de sorte que le
recel est exclu.

a) Se rend coupable de recel, celui qui acquiert,
reçoit en don ou en gage, dissimule ou aide à négocier
une chose dont il sait ou doit présumer qu'un tiers l'a
obtenue au moyen d'une infraction contre le patrimoine
(art. 160 ch. 1 al. 1 CP).

L'art. 160 ch. 1 al. 1 CP, en vigueur depuis le
1er janvier 1995, prévoit donc expressément que la chose

recelée doit provenir d'une infraction contre le patri-
moine, ce qui ne ressortait pas textuellement de l'art.
144 aCP, mais que la jurisprudence relative à cette
dernière disposition avait déjà admis (cf. ATF 115 IV 256
consid. 6b p. 259; 101 IV 402 consid. 2 p. 405). Ainsi le
Tribunal fédéral a-t-il nié qu'il puisse y avoir recel
d'argent provenant d'un trafic de stupéfiants (ATF 115 IV
256 consid. 6b p. 259). Il a en revanche admis que le
recel pouvait être retenu à l'encontre d'un accusé ayant
dissimulé des passeports vierges qui avaient été dérobés
dans des locaux officiels de ce qui était alors la Répu-
blique fédérale d'Allemagne, étant observé que ces passe-
ports avaient été obtenus par un comportement punissable
qui, quelle qu'en soit la qualification juridique exacte
(vol, soustraction ou autre infraction contre le patri-
moine au sens large), était dirigé contre le patrimoine
de la République fédérale allemande (ATF 101 IV 402
consid. 2 p. 405). Dans une affaire d'extradition, il a
par ailleurs admis qu'il pouvait y avoir recel du produit
d'une banqueroute frauduleuse au sens de l'art. 163 aCP
(ATF 112 Ib 225 consid. 5a p. 233 s.).

De cette jurisprudence, il résulte notamment que
la notion d'infraction contre le patrimoine au sens de
l'art. 160 ch. 1 al. 1 CP, respectivement de la juris-
prudence relative à l'art. 144 aCP, englobe en tout cas
les infractions contre le patrimoine qui sont classées
dans le titre deuxième de la partie spéciale du code
pénal qui leur est expressément consacré, c'est-à-dire
non seulement les infractions contre le patrimoine pro-
prement dites, soit celles qui sont rassemblées dans la
première section du titre deuxième (art. 137 à 161 CP),
mais également celles figurant dans d'autres sections de
ce titre, telles que les infractions commises dans la
faillite ou la poursuite pour dettes (art. 163 ss CP).
A ce jour, le Tribunal fédéral n'a en revanche pas été

amené à se prononcer sur la question de savoir s'il peut
y avoir recel d'une chose provenant d'une infraction qui
touche certes au patrimoine d'autrui, mais ne figure pas
dans le titre du code pénal expressément consacré aux
infractions contre le patrimoine.

b) Le Message du Conseil fédéral du 24 avril 1991
relatif à la modification des dispositions du code pénal
suisse et du code pénal militaire réprimant les infrac-
tions contre le patrimoine et les faux dans les titres,
relève que le recel peut certes porter sur l'objet d'un
délit d'appropriation tel que le vol, l'abus de confiance
ou le détournement, mais que le champ d'application de
cette disposition s'étend aussi aux cas où l'infraction
préalable constitue un autre type de délit contre le
patrimoine et qu'il peut notamment y avoir recel d'une
chose obtenue par le biais d'une escroquerie ou d'une
extorsion (FF 1991 II 933 ss, p. 1024). Il ne se prononce

en revanche pas sur la question ici litigieuse de savoir
s'il peut y avoir recel d'une chose provenant d'une
infraction ne figurant pas dans le titre du code pénal
consacré aux infractions contre le patrimoine.

Dans la doctrine, il est très généralement admis
que la notion d'infraction contre le patrimoine au sens
de l'art. 160 ch. 1 al. 1 CP, respectivement de l'art.
144 aCP, doit être interprétée dans un sens large et
qu'il faut entendre par là tout délit qui a pour effet de
soustraire une chose au patrimoine dont elle fait partie,
ce que certains des auteurs de langue allemande tradui-
sent par "Vermögensverschiebungsdelikt" (Stratenwerth,
Schweizerisches Strafrecht, Partie spéciale I, 5ème éd.
Berne 1995, § 20 n° 6; Schubarth, Kommentar zum
schweizerischen Strafrecht, vol. II, art. 144 CP
n° 24 ss; Rehberg/Schmid, Strafrecht III, 7ème éd. Zurich
1997, p. 245; Trechsel, Zum Tatbestand der Hehlerei, in:
RPS 91 (1975) p. 385 ss, p. 397 s.; Jean-Arnaud de
Mestral, Le recel de choses et le recel de valeurs en
droit pénal suisse, thèse Lausanne 1988, p. 110). On ne
peut que souscrire à cette interprétation large, qui va
d'ailleurs dans le sens de la jurisprudence. On ne sau-
rait en effet s'en tenir au critère de la classification
formelle d'une disposition dans la loi. La notion d'in-
fraction contre le patrimoine au sens de l'art. 160 ch. 1
al. 1 CP doit bien plutôt être définie en fonction de la
nature du recel, qui selon la théorie dite de la perpé-
tuation, est punissable parce qu'il a pour effet de faire
durer, au préjudice de la victime du premier délit,
l'état de chose contraire au droit que cette infraction a
créé (cf. ATF 117 IV 445 consid. 1b p. 446 s.; 116 IV 193
consid. 3 p. 198 et les références citées) et qui se
caractérise donc comme une atteinte au droit d'autrui de
récupérer une chose dont il a été privé à la suite d'une
première infraction (sur ce point, cf. Stratenwerth, op.
cit., loc. cit.; Schubarth, op. cit., art. 144 n° 7 ss;
Rehberg/Schmid, op. cit., p. 244; Trechsel, op. cit.,
p. 398; Corboz, Les principales infractions, vol. II,
Berne 1999, p. 85; Jean-Arnaud de Mestral, op. cit., loc.
cit.). Or, comme on le verra, toutes les infractions
pouvant aboutir à priver autrui d'une chose ne figurent
pas nécessairement dans le titre du code pénal réprimant
spécifiquement les infractions contre le patrimoine. Il y
a donc lieu d'admettre que, par infraction contre le pa-
trimoine au sens de l'art. 160 ch. 1 al. 1 CP, il faut
entendre toute infraction dirigée contre le patrimoine
d'autrui, même si elle ne figure pas formellement parmi
les infractions contre le patrimoine.

c) Plus concrètement, divers auteurs de doctrine
évoquent certaines infractions, ne figurant pas formel-
lement parmi les infractions contre le patrimoine, dont
le produit peut donner lieu à un recel subséquent. Ainsi,

Stratenwerth et Schubarth estiment qu'il peut y avoir
recel de titres soustraits au sens de l'art. 254 CP
(Stratenwerth, op. cit., § 20 n° 6; Schubarth, op. cit.,
art. 144 CP n° 25), opinion que Rehberg/Schmid ne par-
tagent en revanche pas (Rehberg/Schmid, op. cit., p. 246
note 770). S'agissant des infractions réprimées par les
art. 183 ss CP, la doctrine, dans la mesure où elle a
examiné la question, tend plutôt à considérer qu'il
peut y avoir recel du produit de telles infractions;
Stratenwerth est clairement d'avis qu'il peut y avoir
recel d'une somme d'argent obtenue par une séquestration
ou un enlèvement ou par une prise d'otage (art. 184,
185 CP; Stratenwerth, op. cit., § 20 n° 6); Rehberg/
Schmid estiment que ce point de vue est défendable
(Rehberg/Schmid, op. cit., p. 246 note 770), alors que
Trechsel, tout en évoquant l'opinion de Stratenwerth à
ce sujet, ne paraît pas prendre position (Trechsel,
Kurzkommentar, 2ème éd. Zurich 1997, art. 160 CP n° 3 in
fine).

Avec Stratenwerth et Rehberg/Schmid, on doit ad-
mettre qu'il peut y avoir recel d'une somme d'argent
(rançon) obtenue par une séquestration ou un enlèvement
(art. 183 et 184 al. 1 CP) ou par une prise d'otage (art.
185 CP). Certes, le bien juridique protégé par les dispo-
sitions réprimant ces infractions est la liberté d'autrui
et c'est à cette liberté que l'auteur porte directement
atteinte. Le plus souvent, cependant, cette atteinte
n'est pas, pour l'auteur, un but en soi; elle n'est pour
lui qu'un moyen d'obtenir quelque chose de la victime
elle-même ou de tiers; si c'est la remise d'une chose,
notamment d'une somme d'argent, qui est ainsi recherchée,
l'auteur s'en prend alors non seulement à la liberté de
la victime et du tiers, privant la première de sa liberté
et contraignant le second à faire quelque chose, mais au
patrimoine d'autrui; dans ce cas, l'atteinte à la liberté

n'est voulue que pour porter atteinte au patrimoine d'au-
trui. Celui qui enlève ou séquestre une personne en vue
d'obtenir une rançon ne s'en prend donc pas uniquement à
la liberté mais au patrimoine d'autrui. Si la rançon est
versée, il y a incontestablement atteinte à ce patri-
moine. Le cas échéant, celui qui, par l'un des comporte-
ments réprimés par l'art. 160 CP, prolonge cette at-
teinte, se rend coupable de recel; on se trouve typique-
ment dans un cas où le comportement de l'auteur entrave
ou empêche la restitution d'une chose, en l'occurrence
d'une somme d'argent, à une personne qui en a été privée
par une infraction préalable, qui, par le biais d'une
atteinte à la liberté, visait précisément ce but.

Peu importe que, dans le cas de la prise d'otage
(art. 185 CP), la loi n'érige pas la demande d'une rançon
en circonstance aggravante, comme dans le cas de la sé-
questration ou de l'enlèvement (art. 183 et 184 al. 1
CP). Cela ne
change rien au fait que, si l'auteur de la
prise d'otage demande et obtient une rançon, il porte non
seulement atteinte à la liberté mais au patrimoine d'au-
trui.

d) Dans le cas d'espèce, le recourant s'est rendu
avec des comparses chez les personnes auprès desquelles
avait été déposée une partie de la rançon qui avait été
obtenue de la famille dont l'un des membres avait été
privé de sa liberté en vue d'obtenir cette rançon; il
s'agissait pour lui de récupérer, avec l'un de ses
comparses, la part de la rançon de l'un des auteurs du
rapt, lequel avait été arrêté; après avoir compté cet
argent, dont il connaissait la provenance criminelle, il
l'a dissimulé chez un tiers; ultérieurement, une partie
de cette somme, soit 73.000 fr., lui a été remise; il a
dissimulé chez lui ce montant, dont il a dépensé 5000 fr.
Le recourant a donc reçu et dissimulé une somme d'argent

dont il savait qu'elle avait été obtenue au moyen d'une
infraction.

S'agissant de l'infraction dont provenait cet ar-
gent, la cour cantonale n'a pas voulu trancher la ques-
tion de savoir si elle devait être qualifiée d'enlèvement
ou de séquestration, tous deux réprimés par l'art. 183
CP, dès lors que les auteurs du rapt n'ont pas encore été
jugés. De son côté, le recourant objecte qu'il ne peut
s'agir que d'une prise d'otage au sens de l'art. 185 CP,
car la rançon n'a pas été réclamée à la victime, mais aux
parents de celle-ci. Cela n'est certes pas exclu (cf. ATF
121 IV 162 consid. 1c p. 170 ss; 111 IV 144 consid. 2
p. 145 ss, notamment consid. 2d p. 147). Contrairement à
ce qu'estime le recourant, il n'est toutefois pas néces-
saire de trancher cette question, puisque, comme on l'a
vu (cf. supra, let. c), il peut y avoir recel d'une somme
d'argent obtenue non seulement par une séquestration ou
un enlèvement au sens des art. 183 et 184 al. 1 CP, mais
aussi par une prise d'otage au sens de l'art. 185 CP.

Comme il est établi que le recourant a reçu et dis-
simulé une somme d'argent dont il savait qu'elle avait
été obtenue au moyen d'une infraction, qui, pour les
motifs exposés plus haut, doit être considérée comme une
infraction contre le patrimoine au sens de l'art. 160
ch. 1 al. 1 CP, il pouvait être admis, sans violation du
droit fédéral, que le recourant s'était rendu coupable de
recel.

e) Le recourant ne conteste pas qu'il peut y avoir
concours entre le recel et le blanchissage d'argent au
sens de l'art. 305bis ch. 1 CP, également retenu à son
encontre. Au demeurant, avec raison. La doctrine majori-
taire admet que le recel peut entrer en concours avec le
blanchissage d'argent, car l'intérêt juridiquement pro-

tégé n'est pas le même, le blanchissage d'argent étant
une infraction dirigée contre l'administration de la
justice (Stratenwerth, Partie spéciale II, 4ème éd.
Berne 1995, § 54 n° 41; Trechsel, Kurzkommentar, art.
305bis CP n° 32; Corboz, les principales infractions,
vol. II, p. 95 n° 72; contra, Rehberg/Schmid, op. cit.,
p. 250); cette infraction entrave en effet l'accès de
l'autorité pénale au butin provenant d'un crime (cf. ATF
124 IV 274 consid. 2 p. 275 s.; cf. cependant Jürg-Beat
Ackermann, Geldwäscherei, publié in Niklaus Schmid,
Kommentar Einziehung, organisiertes Verbrechen, Geld-
wäscherei, vol. I, Zurich 1998, n° 515, qui est plutôt
d'une opinion contraire).

f) Au vu de ce qui précède, la condamnation du
recourant pour recel ne viole pas le droit fédéral.

3.- Invoquant une violation de l'art. 63 CP, le
recourant reproche à la cour cantonale d'avoir fixé une
peine exagérément sévère au vu des éléments à prendre en
considération; il se plaint en outre d'une inégalité de
traitement dans la fixation de la peine, compte tenu de
celle qui a été infligée à deux accusés, jugés par
d'autres tribunaux de première instance, pour des faits
similaires.

a) Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large
pouvoir d'appréciation. Un pourvoi en nullité portant sur
la quotité de la peine ne peut donc être admis que si la
sanction a été fixée en dehors du cadre légal, si elle
est fondée sur des critères étrangers à l'art. 63 CP, si
les éléments d'appréciation prévus par cette disposition
n'ont pas été pris en compte ou enfin si la peine appa-
raît exagérément sévère ou clémente au point que l'on

doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 123
IV 49 consid. 2a p. 51 et les arrêts cités).

Les éléments pertinents pour la fixation de la
peine ont été exposés de manière détaillée dans les ATF
117 IV 112 consid. 1 et 116 IV 288 consid. 2a, auxquels
on peut se référer. Il suffit ici de rappeler que la
gravité de la faute - comme cela ressort déjà du texte de
l'art. 63 CP - est le critère essentiel à prendre en con-
sidération dans la fixation de la peine et que le juge
doit l'évaluer en fonction de tous les éléments perti-
nents, notamment ceux qui ont trait à l'acte lui-même
(résultat de l'activité délictueuse, mode d'exécution,
intensité de la volonté délictuelle, mobiles, etc.) et
ceux qui concernent l'auteur (antécédents, situation
personnelle, comportement après l'acte et au cours de la
procédure pénale, etc.) (ATF 117 IV 112 consid. 1; 116
IV 288 consid. 2a).

Une inégalité de traitement dans la fixation de la
peine peut être examinée dans le cadre d'un pourvoi en
nullité (ATF 120 IV 136 consid. 3a, 116 IV 292 consid. 2;
cf. également ATF 117 IV 112 consid. 2b/cc, 401 consid.
4b). La comparaison avec d'autres cas concrets est cepen-
dant d'emblée délicate, compte tenu des nombreux para-
mètres qui interviennent dans la fixation de la peine, et
généralement stérile dès lors qu'il existe presque tou-
jours des différences entre les circonstances, objectives
et subjectives, que le juge doit prendre en considération
dans chacun des cas; il ne suffit d'ailleurs pas que
puissent être cités un ou deux cas où une peine particu-
lièrement clémente a été fixée pour prétendre à un droit
à l'égalité de traitement (ATF 120 IV 136 consid. 3a, 116
IV 292 consid. 2; cf. également ATF 114 Ib 238 consid.
4c, 113 Ib 307 consid. 3, 112 Ib 381 consid. 6 et les
références).

b) Il résulte de l'arrêt attaqué que, lorsqu'elle
est amenée à réformer un jugement qui lui est déféré, la
cour de cassation pénale vaudoise est habilitée à fixer
librement la peine en fonction de la nouvelle solution
adoptée et que si le recours qui lui est soumis émane du
Ministère public et tend à l'aggravation de la situation
du condamné, elle peut infliger toute peine supérieure à
celle prononcée par le premier juge, et même une peine
supérieure à celle proposée par le Ministère public. En
vertu du droit cantonal, dont l'application ne peut être
remise en cause dans un pourvoi en nullité (art. 269
al. 1 PPF), la cour cantonale, ayant modifié le verdict
de culpabilité, pouvait donc revoir librement la peine
prononcée en première instance et n'était notamment pas
liée par les conclusions du Ministère public et moins
encore par celles des parties civiles.

c) La cour cantonale a porté la peine de 5 mois
d'emprisonnement prononcée en première instance à
15 mois. Elle a essentiellement justifié cette augmen-
tation par la trop grande clémence avec laquelle les
premiers juges auraient apprécié les éléments pris en
compte pour fixer la peine; d'une part, les premiers
juges auraient sous-estimé l'importance de la faute du
recourant; d'autre part, il fallait "constater sans
ambiguïté" que le fait que l'accusé avait remboursé, sur
les 5000 fr. dépensés, 600 fr. à la famille de la victime
du rapt ne constituait pas un acte de repentir sincère au
sens de l'art. 64 al. 7 CP; enfin, le fait d'avoir un
casier judiciaire suisse vierge n'était pas particulière-
ment exemplaire de la part de l'accusé, compte tenu de ce
qu'il avait commis des infractions moins de trois mois
après son arrivée en Suisse.

d) S'agissant de la faute du recourant, l'arrêt
attaqué considère qu'elle doit être appréciée en tenant

compte de l'importance de l'infraction préalable, dès
lors qu'elle était connue de lui, ainsi que de l'impor-
tance du montant recelé et blanchi, soit 239.000 fr. dans
un premier temps, puis 73.000 francs.

Ce raisonnement n'est pas critiquable. La faute de
celui qui recèle une somme d'argent dont il sait qu'elle
provient de la rançon d'un rapt est assurément plus
lourde que celle de celui qui recèle le produit d'un vol
ou d'un cambriolage. Que le recourant n'ait pas participé
à l'infraction préalable et ne soit "entré en scène"
qu'un mois après le rapt, comme il le fait valoir, n'est
pas pertinent pour apprécier l'importance de sa faute;
par définition, le receleur ne peut être un participant à
l'infraction préalable et n'intervient qu'après la com-
mission de cette dernière (cf. art. 160 ch. 1 al. 1 CP),
qui doit être consommée au moment de son intervention
(ATF 98 IV 83 consid. 2c p. 85 s.; 90 IV 14 consid. 1
p. 16; cf. également Stratenwerth, Partie spéciale I,
§ 20 n° 24; Schubarth, vol. II, art. 144 CP n° 36;
Rehberg/Schmid, Strafrecht III, p. 246; Trechsel, Kurz-
kommentar, art. 160 n° 6; Corboz, vol. II, p. 87 n° 24),
étant au reste observé que le recourant est intervenu
pratiquement dès qu'il a été sollicité, puisqu'il a
commencé son activité délictueuse quelques jours après
que l'un de ses comparses avait été chargé de récupérer
une partie de la rançon.

e) Le recourant soutient que, pour blanchir l'ar-
gent, il devait l'avoir à sa disposition, que le concours
entre le blanchissage d'argent et le recel n'est ainsi
pas de nature à augmenter sa culpabilité et que l'on se
trouve donc dans un cas où l'aggravation de la peine
commandée par le concours doit tendre vers zéro.

L'auteur cité par le recourant relève en effet
qu'en cas de concours entre le recel et le blanchissage
d'argent, on se heurte aux limites de la notion de con-
cours d'infractions; si l'on ne parvient pas à discerner
en quoi la faute de l'accusé est plus lourde, l'aggrava-
tion de la peine résultant du concours tend vers zéro
(Corboz, Les principales infractions, vol. II p. 95
n° 72, et non pas vol. I p. 241 comme l'indique erro-
nément le recourant). Il ne ressort toutefois pas de
l'arrêt attaqué que le concours d'infractions aurait joué
un rôle déterminant dans l'aggravation de la peine opérée
par la cour cantonale, qui n'a même plus évoqué cet élé-
ment au stade de la fixation de la peine.

f) Le recourant se plaint de ce qu'il n'a en défi-
nitive aucunement été tenu compte du fait que, sur les
5000 fr. dépensés, il a remboursé 600 fr. à la famille de
la victime du rapt.

La cour cantonale a relevé qu'il s'agissait là d'un
acte louable au vu de la situation financière du recou-
rant; elle a toutefois tenu à préciser que, dans la
mesure où les premiers juges, bien qu'ils n'aient pas
fait application de l'art. 64 al. 7 CP, avaient admis que
le recourant, en effectuant ce remboursement, avait "fait
preuve d'un repentir sincère", il y avait lieu de consta-
ter sans ambiguïté que cette circonstance atténuante
légale n'était pas réalisée.

Il n'est pas certain, au vu de cette formulation,
que la cour cantonale ait voulu dénier toute valeur à
l'élément favorable invoqué par le recourant. L'argumen-
tation adoptée et le contexte dans lequel elle s'inscrit
tendent cependant à démontrer qu'elle entendait à tout le
moins en relativiser la portée. A tort, toutefois; les
premiers juges n'ayant pas fait application de l'art. 64

al. 7 CP, comme elle l'admet, le fait que cette circons-
tance atténuante légale n'était pas réalisée ne pouvait
entraîner aucune aggravation de la peine.

g) Le recourant fait valoir que la circonstance
qu'il a commis les infractions qui lui sont reprochées
peu après son arrivée en Suisse ne permettait pas de
relativiser son absence d'antécédents judiciaires.

L'arrêt attaqué, s'il admet que le recourant est un
délinquant primaire, considère en effet que son absence
d'antécédents doit être relativisée, observant que celui-
ci n'est arrivé en Suisse que trois mois avant le rapt et
qu'il n'est donc pas particulièrement exemplaire de sa
part d'être au bénéfice d'un casier judiciaire suisse
vierge et de n'avoir pas été inquiété par la police pen-
dant ce bref laps de temps. En soi, ce raisonnement n'est
pas critiquable. S'il y avait lieu de tenir compte en sa
faveur de l'absence d'antécédents du recourant, il était
aussi justifié de prendre en considération l'élément
défavorable que constitue le fait qu'il a commis des
infractions, qui ne sont certes pas légères, peu après
son arrivée en Suisse et de considérer que le premier de
ces éléments était partiellement compensé par le second
(cf. ATF 116 IV 300 consid. 2a p. 302).

h) Reste à examiner si la cour cantonale a abusé de
son pouvoir d'appréciation en considérant que les élé-
ments à prendre en compte justifiaient le prononcé d'une
peine de 15 mois d'emprisonnement.

La faute du recourant est indéniablement impor-
tante. Comme le relève l'arrêt attaqué, il savait que
l'argent provenait de la rançon d'un rapt; il l'a trans-
féré et dissimulé à deux reprises et en a même dépensé
une partie; en outre, même si cet élément n'est pas à lui

seul déterminant, il y a lieu de tenir compte du fait
qu'il s'agissait de sommes élevées, 239.000 fr. dans un
premier temps, puis 73.000 francs. Dans cette mesure, on
doit admettre, avec la cour cantonale, que la peine de
5 mois d'emprisonnement prononcée en première instance
est exagérément clémente au vu de l'importance de la
faute du recourant. La peine devait donc être augmentée
de manière à ce que sa quotité corresponde à la culpa-
bilité du recourant. Celle-ci ne suffit cependant pas à
justifier une aggravation aboutissant à fixer
une peine
trois fois plus élevée. Or, dans le cas particulier, le
concours d'infractions ne peut avoir qu'un effet aggra-
vant très limité, dès lors que la faute du recourant
n'apparaît guère plus lourde du fait qu'il doive être
reconnu coupable de recel, en sus du blanchissage d'ar-
gent retenu en première instance; il ne ressort d'ail-
leurs pas de l'arrêt attaqué que la cour cantonale aurait
attribué à cet élément une importance déterminante dans
l'aggravation de la peine (cf. supra, let. e). La cir-
constance que le recourant a commis des infractions peu
après son arrivée en Suisse ne peut contrebalancer que
partiellement son absence d'antécédents judiciaires, qui
devait être prise en compte en sa faveur, de sorte
qu'elle ne peut justifier qu'une faible augmentation de
la peine. S'il pouvait être judicieux de préciser que le
fait que le recourant se soit efforcé, dans la mesure de
ses moyens, de rembourser la famille de la victime du
rapt ne constitue pas un acte de repentir sincère au sens
de l'art. 64 al. 7 CP, cette précision ne pouvait entraî-
ner aucune aggravation de la peine, puisque les premiers
juges n'avaient pas fait application de la disposition
précitée (cf. supra, let. f).

Force est donc de constater que la peine prononcée
en première instance ne pouvait guère être augmentée que
pour être adaptée à la culpabilité du recourant, dont les

premiers juges avaient sous-estimé l'importance, mais que
cet élément ne suffit pas à justifier l'aggravation de la
peine opérée par la cour cantonale. En augmentant massi-
vement la peine sans motif suffisant, cette dernière a
abusé de son pouvoir d'appréciation. Le pourvoi, sur ce
point, est donc fondé.

i) L'admission du pourvoi en ce qui concerne la
quotité de la peine rend superflu l'examen du grief
d'inégalité de traitement dans la fixation de la peine,
également soulevé par le recourant. On peut toutefois
observer qu'il n'est pas établi ni même allégué que la
cour cantonale aurait été saisie d'un recours contre les
jugements rendus par d'autres tribunaux de première ins-
tance qu'invoque le recourant, lesquels ne la liaient
donc pas.

4.- Le pourvoi doit ainsi être partiellement
admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision en ce qui
concerne la peine.

Le recourant succombe sur l'un de ses deux griefs,
lequel méritait toutefois d'être soulevé, et obtient gain
de cause sur le second. En conséquence, il ne sera pas
perçu de frais et une indemnité de dépens sera allouée au
recourant pour la procédure devant le Tribunal fédéral
(art. 278 PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Admet partiellement le pourvoi, annule l'arrêt
attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision.

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.

3. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera au
recourant une indemnité de dépens de 1000 francs.

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud
et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois.
__________

Lausanne, le 15 mars 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.6/2001
Date de la décision : 15/03/2001
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 160 CP; recel; notion d'infraction contre le patrimoine. Par infraction contre le patrimoine au sens de l'art. 160 ch. 1 al. 1 CP, il faut entendre toute infraction dirigée contre le patrimoine d'autrui, même si elle ne figure pas formellement parmi les infractions contre le patrimoine (consid. 2a et b). Art. 160, 183, 184 al. 1 et 185 CP; recel de la rançon d'un rapt. Celui qui séquestre ou enlève une personne en vue d'obtenir une rançon ne s'en prend pas uniquement à la liberté mais au patrimoine d'autrui. Il peut donc y avoir recel de la rançon obtenue par une séquestration ou un enlèvement ou par une prise d'otage (consid. 2c et d). Art. 160 et 305bis CP; recel et blanchiment d'argent. Le recel peut entrer en concours avec le blanchiment d'argent (consid. 2e).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-15;6s.6.2001 ?
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