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14/03/2001 | SUISSE | N°I.274/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 mars 2001, I.274/00


«AZA 7»
I 274/00 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 14 mars 2001

dans la cause

C.________, recourante, représentée par Maître Marc Labbé,
avocat, Place Centrale 51, Bienne,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Berne,
Chutzenstrasse 10, Berne, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

A.- a) C.________ travaillait comme ouvrière au ser-
vice de l'entre

prise R.________ SA. Le 28 mars 1994, elle a
cessé son activité en raison de douleurs au dos ainsi qu'à
la main et au bras gauches et...

«AZA 7»
I 274/00 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 14 mars 2001

dans la cause

C.________, recourante, représentée par Maître Marc Labbé,
avocat, Place Centrale 51, Bienne,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton de Berne,
Chutzenstrasse 10, Berne, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

A.- a) C.________ travaillait comme ouvrière au ser-
vice de l'entreprise R.________ SA. Le 28 mars 1994, elle a
cessé son activité en raison de douleurs au dos ainsi qu'à
la main et au bras gauches et n'a depuis lors jamais repris
de travail. Par décision sur opposition du 4 novembre 1994,
la Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA) a refu-
sé de répondre du cas, motif pris que l'incapacité de
travail annoncée n'était pas due à une maladie profession-

nelle. Le 14 mars 1995, C.________ a présenté une demande
de rente à l'assurance-invalidité.
Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'Of-
fice de l'assurance-invalidité du canton de Berne (ci-
après : l'office) a requis l'avis des docteurs W.________,
rhumatologue, et I.________, psychiatre. Sur la base de ces
deux appréciations, l'office a rejeté la demande dont il
était saisi, considérant que l'état de santé de l'assurée
était compatible avec une activité de contrôleuse, si bien
que cette dernière ne subissait pratiquement aucune incapa-
cité de gain (décision du 4 décembre 1996).

b) C.________ a recouru contre cette décision devant
le Tribunal administratif du canton de Berne, en contestant
le taux d'invalidité retenu et en sollicitant la mise en
oeuvre d'une nouvelle expertise. Par jugement du 26 juin
1997, le tribunal a admis le recours, annulé la décision
litigieuse, et renvoyé la cause à l'office pour instruction
complémentaire et nouvelle décision.
Après avoir recueilli des renseignements médicaux sup-
plémentaires auprès des médecins traitants de l'assurée
(les docteurs B.________, G.________ et V.________), l'of-
fice a chargé le Centre médical de R.________ à X.________
de procéder à une expertise pluridisciplinaire. Pour rendre
leurs conclusions, outre le dossier médical constitué par
l'office, les experts se sont également fondés sur un rap-
port établi le 7 avril 1997 par les docteurs Z.________ et
Y.________ de la Division de médecine psychosomatique
L.________ de l'Hôpital de D.________ (ci-après : la divi-
sion L.________) qui avaient, pour leur part, attesté une
incapacité de travail totale. Les experts ont déposé leur
rapport le 10 juillet 1998 : à leurs yeux, l'assurée était
en mesure, malgré ses douleurs, de mettre à profit une ca-
pacité de travail résiduelle de 66 2/3 % dans une activité
adaptée. L'office a alors rendu le 18 juin 1999 une nouvel-
le décision par laquelle il a derechef nié le droit de

C.________ à une rente, au regard d'un taux d'invalidité de
17 %.

B.- L'assurée a recouru contre cette décision devant
le Tribunal administratif du canton de Berne qui, après
avoir requis des explications complémentaires des experts
du Centre R.________ et des médecins de la division
L.________, l'a déboutée par jugement du 31 mars 2000.

C.- C.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement, dont elle requiert l'annulation, en
concluant, sous suite de frais et dépens, à l'allocation
d'un rente entière d'invalidité.
L'office conclut au rejet du recours; l'Office fédéral
des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le jugement entrepris expose correctement et de
manière complète les dispositions légales et les principes
jurisprudentiels applicables au cas d'espèce, notamment en
ce qui concerne l'évaluation du taux d'invalidité, de sorte
qu'il suffit d'y renvoyer.

2.- En l'occurrence, les premiers juges ont accordé
plus de poids à l'opinion des experts du Centre médical
R.________ qu'à celui des docteurs Z.________ et Y.________
de la division L.________. Ils ont ainsi retenu que la re-
courante ne présentait, comme atteinte à la santé, que des
limitations d'ordre rhumatologique, lesquelles n'entra-
vaient toutefois pas sa capacité de travail dans une mesure
supérieure à 33 2/3 %. Dès lors, se fondant sur un taux
d'invalidité de 31,2 %, ils ont nié le droit à une rente.
Pour sa part, C.________ estime que le diagnostic posé par
les experts du Centre médical R.________ est incom-

plet : ceux-ci auraient méconnu son état psychique et sous-
évalué les conséquences de cet état sur sa capacité de tra-
vail.

3.- a) Les médecins de la division L.________ ont ob-
servé la recourante du 11 au 25 mars 1997, période au cours
de laquelle celle-ci a séjourné dans leur établissement. A
l'examen clinique, ces médecins ont constaté un bras gauche
douloureux, dont l'aspect laissait penser à une maladie de
Sudeck mais qui, d'un point de vue radiologique et angiolo-
gique, ne révélait que des signes d'une irrigation insuffi-
sante causée par la non-utilisation prolongée du bras.
S'appuyant, d'une part, sur l'anamnèse et l'environnement
psychosocial de la recourante et, d'autre part, sur la
manière dont celle-ci transcrivait ses plaintes, ils sont
parvenus à la conclusion que son état avait une origine
psychogène et ont posé le diagnostic d'un syndrome doulou-
reux chronique ayant valeur de maladie dans le cadre d'un
processus douloureux de nature affectivo-végétatif. Au vu
du caractère durable et non évolutif de cette souffrance,
ils ont évalué la capacité de travail de la recourante à
0 %.

b) De leur côté, les experts du Centre médical
R.________ ont procédé à un bilan rhumatologique et psy-
chiatrique de la recourante. Spécialiste en rhumatologie,
la doctoresse H.________ a relevé un état chronique doulou-
reux sans substrat organique qui, selon elle, ne pouvait
s'expliquer que par une surcharge fonctionnelle des parties
molles de l'avant-bras gauche liée à une forte composante
psychique. Aussi, sur le plan strictement rhumatologique,
cette praticienne a-t-elle conclu que la recourante était
encore à même d'accomplir un travail léger à 66 2/3 %, à la
condition que celui-ci ne mette pas à contribution, de ma-
nière trop uniforme, le membre supérieur gauche. Quant au
docteur T.________, psychiatre, il n'a pas trouvé, chez la

recourante, d'indices parlant en faveur d'une atteinte
psychique invalidante (pas de dépression, ni de troubles de
la personnalité). Il a par ailleurs exclu l'existence de
troubles somatoformes douloureux, n'ayant pu constater, ni
lors des entretiens menés avec l'assurée, ni sur la base
des pièces versées au dossier, la présence d'un conflit
émotionnel ou de problèmes psychosociaux assez intenses
pour provoquer le développement de tels symptômes. Selon
lui, la fixation de la recourante sur ses douleurs devait
être attribuée à des motifs tels que son âge, son manque de
formation professionnelle ou encore le fait que son mari
bénéficie déjà d'une rente, soit des facteurs étrangers à
l'invalidité.

c) Sur le plan somatique, les examens pratiqués depuis
1994 n'ont pu mettre en évidence une quelconque anomalie ou
maladie au bras gauche (cf. les rapports des docteurs
V.________ et G.________, neurologues, ainsi que ceux du
docteur W.________, rhumatologue). La doctoresse H.________
partage ce constat, tout en admettant une limitation fonc-
tionnelle du membre supérieur gauche de l'ordre d'un tiers.
On peut s'en tenir, sur ce point, aux conclusions de cet
expert, dès lors que les médecins de la division L.________
n'ont examiné le cas de la recourante que sous l'angle psy-
chique. Or, c'est là que les opinions des uns et des autres
divergent : alors que pour les médecins de la division
L.________, C.________ souffre d'un syndrome douloureux
chronique (ou troubles somatoformes douloureux) l'empêchant
totalement de travailler, pour le docteur T.________,
l'incapacité de travail de l'intéressée procède en défini-
tive seulement d'un manque de volonté de sa part.
Cela étant, on peut difficilement, à la seule analyse
des considérations médicales de chacun de ces praticiens,
départager leurs conclusions respectives, car ceux-ci
- quoi qu'en pense la juridiction cantonale - posent un
diagnostic diamétralement opposé en se fondant pourtant sur

une anamnèse et sur des constatations cliniques pour l'es-
sentiel similaires. Il est d'autant plus malaisé de se con-
vaincre du bien-fondé de l'un ou l'autre de ces avis
qu'aucun d'entre eux n'est motivé de manière très détail-
lée; en particulier, la question de l'influence des
facteurs sociaux sur l'état psychique de la recourante est
traitée de façon sommaire. A cet égard, c'est à tort que
les experts du Centre médical de R.________ estiment, de
façon toute générale, que de tels facteurs n'ont rien à
voir dans l'évaluation médicale d'un assuré : considérés
pour eux-mêmes, ces facteurs sont certes étrangers à l'in-
validité, mais s'ils génèrent des troubles psychiques
invalidants, l'assurance-invalidité doit en répondre (Pra
1997 no 49 p. 256 consid. 4b). Quant au rapport des méde-
cins de la division L.________, il n'échappe pas non plus à
toute critique. Ces derniers ne discutent en effet pas à
satisfaction de droit les critères consacrés par la juris-
prudence pour qu'on puisse se prononcer en connaissance de
cause sur l'existence d'un syndrome douloureux chronique et
sur ses conséquences économiques pour l'assurée (cf. VSI
2000, p. 152).
Il convient par conséquent de renvoyer la cause à
l'intimée pour qu'elle ordonne une expertise psychiatrique.
Il appartiendra en particulier à l'expert psychiatre de po-
ser un diagnostic clair et de déterminer avec précision la
capacité de travail résiduelle de la recourante, compte
tenu de ses éventuelles affections psychiques et de celles
qui ont été constatées sur le plan somatique.
Dans cette mesure, le recours est bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
31 mars 2000 du Tribunal administratif du canton de

Berne, ainsi que la décision litigieuse de l'Office du
18 juin 1999 sont annulés, la cause étant renvoyée à
cet office pour instruction complémentaire et nouvelle
décision au sens des considérants.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Berne
versera à la recourante une indemnité de 2500 fr. à
titre de dépens pour la procédure fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Berne et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 mars 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.274/00
Date de la décision : 14/03/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-14;i.274.00 ?
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