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14/03/2001 | SUISSE | N°4C.285/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 mars 2001, 4C.285/2000


«/2»

4C.285/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

14 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

____________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., à La Chaux-de-Fonds, défenderesse et
recourante, représentée par Me Patrick Burkhalter, avocat au
Locle,

et

D.________, demandeur et intimé, représenté par Me Ivan
Zender, avocat à La Chaux-
de-Fonds;


(contrat de travail; responsabilité du travailleur)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- ...

«/2»

4C.285/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

14 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

____________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., à La Chaux-de-Fonds, défenderesse et
recourante, représentée par Me Patrick Burkhalter, avocat au
Locle,

et

D.________, demandeur et intimé, représenté par Me Ivan
Zender, avocat à La Chaux-
de-Fonds;

(contrat de travail; responsabilité du travailleur)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ S.A. (ci-après: la défenderesse) a
engagé D.________ (ci-après: le demandeur) en tant que méca-
nicien. Depuis octobre 1994, le demandeur a occupé le poste
de responsable du département "Reprise" de la défenderesse
pour un salaire mensuel de 5130 fr., plus un 13ème salaire.
A
partir de janvier 1996, il a assuré le contrôle qualité de
la
défenderesse. Le 26 mars 1998, le demandeur a été licencié
pour le 31 mai 1998. Le 1er avril 1998, il a pris un emploi
auprès d'une autre entreprise.

B.- a) Le demandeur a ouvert action le 9 décembre
1998, concluant à ce que la défenderesse soit condamnée à
lui
payer la somme de 52 272 fr.15 à titre de salaire, de droit
aux vacances, de solde du 13ème salaire et d'heures supplé-
mentaires. Ces conclusions ont été ramenées à 40 000 fr.
lors
de l'audience de conciliation.

La défenderesse a conclu principalement au rejet de
la demande et, reconventionnellement, au paiement d'un mon-
tant de 40 000 fr. à titre de réparation des dommages que le
demandeur lui a causés dans l'accomplissement de son travail.

Par jugement du 3 juin 1999, le Tribunal de
prud'hommes du district de La Chaux-de-Fonds a admis la de-
mande principale à concurrence de 38 881 fr. brut et la de-
mande reconventionnelle à concurrence de 13 881 fr. brut, re-
jetant les deux demandes pour le surplus. Il a jugé fondées,
pour l'essentiel, les prétentions du demandeur, mais a consi-
déré que le grand nombre de retours enregistrés par la défen-
deresse était de nature à causer un dommage à celle-ci, que
le demandeur en était partiellement responsable, notamment
parce que sa négligence était ("tout juste") grave, et qu'en

équité il convenait de mettre à sa charge un montant de 13
881 fr. ("brut").

b) La défenderesse a recouru contre ce jugement au-
près du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. Elle a no-
tamment fait valoir que le Tribunal des prud'hommes avait ex-
cédé son pouvoir d'appréciation en n'admettant la demande re-
conventionnelle qu'à concurrence de 13 881 fr. brut -
montant
qu'elle jugeait manifestement insuffisant, compte tenu des
circonstances - et a donc repris sa conclusion en paiement
de
40 000 fr. Le demandeur a conclu au rejet du recours et a
formé un recours joint. Il a fait valoir que les premiers ju-
ges avaient eu tort de mettre à sa charge le montant de
13 881 fr., de sorte qu'il y avait lieu de modifier leur dé-
cision sur ce point.

Dans ses observations au Tribunal cantonal, le Pré-
sident du Tribunal de prud'hommes a admis qu'après rectifica-
tion d'une erreur de calcul, le montant à porter au crédit
du
demandeur aurait dû s'élever à 38 801 fr. et non pas
38 881 fr. Il a ajouté que, dans l'idée du Tribunal, il de-
vait subsister un solde de 25 000 fr. brut en faveur de l'em-
ployé.

Par arrêt du 14 août 2000, la Cour de cassation ci-
vile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le recours
principal et le recours joint.

C.- La défenderesse interjette un recours en réfor-
me au Tribunal fédéral. Elle conclut à ce que le demandeur
soit condamné à lui verser, après compensation, un montant
de
40 000 fr. et requiert, à titre subsidiaire, le renvoi de la
cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le
sens
des considérants.

Le demandeur propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) La cour cantonale, en dépit du fait qu'elle
a corrigé les chiffres retenus par les premiers juges, a con-
firmé le jugement de première instance. Estimant que le juge-
ment entrepris devait être compris comme l'allocation de
25 000 fr. brut au demandeur (38 881 fr. brut alloués au de-
mandeur et 13 881 fr. brut alloués à la défenderesse), elle
a
cherché à déterminer quelle part avait été mise en compte, à
la charge du demandeur, au titre de la réparation du dommage
causé à la défenderesse. Elle l'a fait en ces termes au con-
sidérant 6 de son arrêt:

"Il suit de ce qui précède que l'on peut établir le
décompte suivant. Conformément à sa demande, l'in-
timé pouvait prétendre au paiement de 40'060 francs
au titre d'heures supplémentaires, montant auquel
il convient d'ajouter 8'840 francs correspondant
aux autres postes de la demande, tels qu'alloués
par le Tribunal de prud'hommes, ce qui donne un
total de 48'900 francs bruts ou, après déduction de
9,455% de charges sociales (cf. les fiches de paie
1997 et 1998), 44'276.50 francs nets. Le jugement
entrepris, qui doit être compris comme le versement
de 25'000 francs bruts à l'intimé par la recourante
(voir observation du président du Tribunal de
prud'hommes), ce qui revient à 22'636.25 francs
nets après déduction des charges sociales, signifie
qu'en définitive et après compensation, 21'640.25
francs nets (44'276.50 francs ./. 22'636.25 francs)
sont mis à la charge de l'intimé au titre de la ré-
paration du dommage causé à la recourante. La pro-
portion de 22,6% que cette participation représen-
te, par rapport au dommage pris en considération,
est ainsi conforme à la jurisprudence du Tribunal
fédéral en la matière."

b) La cour cantonale, comme les premiers juges, a
estimé que la responsabilité du demandeur, découlant de
l'art. 321e CO, était engagée en raison des nombreux retours
de pièces non conformes qu'il avait pourtant eu l'obligation
de vérifier en tant que responsable du département "Reprise"

de la défenderesse. Elle a admis, à l'instar du Tribunal de
prud'hommes, une faute grave à la charge du demandeur et n'a
imputé qu'une faute concomitante légère à la défenderesse.

S'agissant des autres critères permettant de fixer
la prétention de la défenderesse, la Cour de cassation
civile
a relevé que, même si celle-ci avait créé un département qui
avait précisément pour tâche la vérification et la mise en
conformité des pièces produites par d'autres départements,
il
n'était pas possible d'exclure totalement le risque que cer-
taines pièces soient retournées. Constatant aussi que le
taux
des retours était déjà élevé avant 1997, elle a écarté la so-
lution, préconisée par la défenderesse, de mettre l'intégra-
lité des coûts additionnels répertoriés à la charge du deman-
deur.

La cour cantonale a, en outre, refusé de prendre en
considération la totalité des coûts effectifs afférents aux
19 dossiers présentés par la défenderesse, pour un total de
226 392 fr., estimant que l'intéressée n'avait rendu vraisem-
blable qu'un dommage lié aux activités du demandeur de l'or-
dre de 100 000 fr. Elle a cependant ajouté que, si l'on com-
pare les circonstances de la présente espèce à celles qui
ont
donné lieu au litige tranché par le Tribunal fédéral dans
l'ATF 110 II 344, il faut bien admettre que le résultat au-
quel est parvenu le Tribunal des prud'hommes heurte le senti-
ment d'équité, du moment que cette autorité a retenu, sans
que pareille opinion soit critiquable, que le demandeur
avait
commis une négligence grave. Et la Cour de cassation civile
d'ajouter la série de considérations suivantes:

- certes, il n'est pas possible de quantifier pré-
cisément le dommage effectivement imputable aux négligences
du demandeur, ne serait-ce que parce qu'il faut avoir égard
au fait qu'un certain taux de retours est inévitable;

- de même, il faut tenir compte de l'organisation
de la défenderesse, en particulier de son département "Repri-
se", qui n'était visiblement pas optimale;

- il demeure qu'un dommage effectif apparaît incon-
testable, tout particulièrement dans les cas où des pièces
ont été retournées deux fois, ou lorsque la défenderesse a
finalement renoncé à facturer les pièces livrées pour préve-
nir la perte d'un client;

- ainsi, la défenderesse a raison de reprocher, sur
ce point, au Tribunal de prud'hommes, d'avoir excédé son pou-
voir d'appréciation;

- pour le surplus, la faute du demandeur paraît
d'un degré comparable à celle du défendeur dans l'ATF 110 II
344; on peut en dire autant de la rémunération du
travailleur
dans les deux affaires (4000 fr. en 1980, 5130 fr. en 1994),
ainsi que de leur niveau de responsabilités respectif;

- contrairement à l'état de fait de l'arrêt précité
en revanche, une faute concomitante légère peut être retenue
à la charge de la défenderesse; mais, d'un autre côté, le de-
mandeur a obtenu la rémunération d'heures supplémentaires
dont une partie a été rendue nécessaire par sa propre faute;
ces dernières représentaient toutefois une proportion
modeste
de la totalité des heures supplémentaires dues, de sorte
que,
eu égard à la faute concomitante de la défenderesse, il est
possible de réduire quelque peu la proportion d'un quart re-
tenue par le Tribunal fédéral dans l'arrêt publié;

- par ailleurs, il faut relever que le demandeur a
rempli ses obligations à satisfaction jusqu'à l'automne 1997
environ et que ce n'est que depuis ce moment-là qu'une
partie
des heures supplémentaires accomplies par lui peuvent avoir
eu pour cause la mauvaise qualité de son travail; sur le vu

des preuves rapportées par la défenderesse, on peut partir
de
l'hypothèse qu'en 1995 et pour les trois premiers trimestres
de 1997, la moyenne des heures supplémentaires était la même
qu'en 1996, soit 47,5 heures par mois: ainsi, l'évaluation
des heures supplémentaires faite par l'employé dans sa deman-
de, soit 100 heures par trimestre, n'est en tout cas pas ex-
cessive et peut être admise;

- pour la période d'octobre 1997 à février 1998, la
moyenne mensuelle des heures supplémentaires du demandeur
s'élève à environ 57,5 heures, ce qui fait apparaître une
différence d'une dizaine d'heures (par rapport à la moyenne
antérieure), à mettre sur le compte de la négligence et de
la
mauvaise qualité du travail de l'employé, soit de l'automne
1997 à fin mars 1998, de 50 à 60 heures.

C'est après ces constatations et considérations que
la cour cantonale a conclu par le considérant 6 de son
arrêt,
reproduit sous lit. a) ci-dessus.

2.- a) La défenderesse critique tout d'abord l'ar-
rêt attaqué dans la mesure où il considère que l'on peut ad-
mettre qu'elle a rendu vraisemblable un dommage lié aux acti-
vités du demandeur de l'ordre de 100 000 fr. Elle fait
valoir
que ce point de vue est insoutenable et viole le droit fédé-
ral, en particulier l'art. 321e CO, car la cour cantonale au-
rait, ce faisant, tenu compte de la réalisation du risque
professionnel (soit en l'espèce le retour de certaines
pièces
ou séries de pièces), alors qu'il s'agit d'un élément à pren-
dre en considération lors de la fixation de l'étendue de la
réparation due par l'employé pour le dommage qu'il a causé,
et non pas pour servir à évaluer le dommage lui-même; à ce
défaut, on utiliserait deux fois le même critère, la
première
pour fixer le dommage et la seconde pour décider de
l'ampleur
de la réparation due.

La défenderesse soutient, en outre, que la réduc-
tion de 226 392 fr. à 100 000 fr. du dommage imputable au
demandeur résulte d'une mauvaise appréciation de l'état de
fait, qui ne retiendrait pas correctement le nombre de re-
tours devant être imputés au demandeur. Ainsi, le dommage
causé par ce dernier à son employeur aurait été fixé arbi-
trairement à 100 000 fr. Dès lors que le rôle de l'employé
était précisément de s'assurer de la qualité des pièces que
l'entreprise livrait et de leur conformité à la commande du
client, il eût fallu imputer au seul demandeur la totalité
du
dommage subi suite aux retours pour défaut de qualité ou non-
conformité à la commande, soit 226 392 fr.

b) La défenderesse semble perdre de vue que le Tri-
bunal fédéral, statuant comme juridiction de réforme, est
lié
par les constatations de fait de la dernière autorité can-
tonale (art. 63 al. 2 OJ). L'existence et le montant du
dommage sont des points de fait, à propos desquels le juge
du
fond se détermine en principe définitivement. Saisi d'un re-
cours en réforme, le Tribunal fédéral peut uniquement exami-
ner si la juridiction inférieure a méconnu la notion juridi-
que du dommage ou si elle a violé des principes juridiques
relatifs au calcul du dommage (ATF 123 III 241 consid. 3a,
122 III 219 consid. 3b p. 222 et les arrêts cités).

Pour retenir que la défenderesse a rendu vraisem-
blable un dommage lié aux activités du demandeur de l'ordre
de 100 000 fr. et non de 226 392 fr. comme allégué, la cour
cantonale s'est fondée sur diverses appréciations et consta-
tations de fait, telles que l'aggravation des cas de retours
dès 1997, les causes de ces retours, qui étaient parfois dus
à des exigences de clients que la défenderesse n'était pas
en
mesure de satisfaire, soit en raison des matériaux utilisés
soit en raison des performances insuffisantes des machines,
le pourcentage de retours des pièces et le peu de qualifica-
tion des personnes qui travaillaient au département "Repri-

se". En prenant en considération ces éléments pour
quantifier
le dommage lié aux activités du demandeur, soit pour évaluer

la part de dommage pouvant être en relation de causalité
avec
les négligences de celui-ci, la cour cantonale n'a nullement
méconnu la notion juridique du dommage ni violé des
principes
juridiques relatifs au calcul du dommage; cela ne ressort en
tout cas pas des considérants de son arrêt. Dans ces condi-
tions, le chiffre de 100 000 fr. retenu ne peut pas être re-
vu, si bien que toute critique sur ce point est irrecevable.

Sont également irrecevables les critiques formulées
à l'encontre des constatations faites par la cour cantonale
au sujet du nombre de retours pouvant être imputés au deman-
deur.

3.- a) La défenderesse s'en prend ensuite à l'ap-
préciation qu'a faite la cour cantonale de la faute du deman-
deur. Selon elle, les éléments de preuve figurant au dossier
démontreraient que la faute du demandeur est grave, claire-
ment intentionnelle et, partant, considérablement plus impor-
tante que celle du défendeur dans l'ATF 110 II 334. La défen-
deresse fait aussi valoir que, comparativement à l'arrêt ci-
té, tous les critères servant à évaluer l'étendue du dommage
causé par l'employé - exception faite de l'équivalence des
salaires - sont aggravés dans le cas présent. Elle relève
que, dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt, il n'y
avait pas de système de prévention contre le risque profes-
sionnel, ce qui constituait une faute concomitante grave de
l'employeur, alors qu'en l'espèce le rôle du demandeur était
précisément d'éviter la survenance d'un tel risque. Elle
ajoute que, dans ladite affaire, il y avait négligence in-
consciente, tandis qu'en l'occurrence il y a eu faute grave
et délibérée. L'autorité cantonale aurait ainsi
manifestement
mal apprécié la situation de fait en fixant une
participation
à la réparation du dommage de 21,6 % (et non pas de 22,6%
comme indiqué par erreur dans l'arrêt attaqué), ce taux
étant

inférieur à celui retenu par le Tribunal fédéral dans
l'arrêt
de référence. Pour elle, il eût fallu retenir un taux de par-
ticipation à la réparation de l'ordre de 50 %.

b) Aux termes de l'art. 321e al. 1 CO, le travail-
leur répond du dommage qu'il cause à l'employeur intention-
nellement ou par négligence. En principe, il doit réparer in-
tégralement ce dommage (arrêt du 21 février 1994 reproduit
in
SJ 1995 p. 777, consid. 3a). Toutefois, en vertu de l'art.
321e al. 2 CO, la mesure de la diligence incombant au tra-
vailleur se détermine par le contrat, compte tenu du risque
professionnel, de l'instruction ou des connaissances techni-
ques nécessaires pour accomplir le travail promis, ainsi que
des aptitudes et qualités du travailleur que l'employeur con-
naissait ou aurait dû connaître. Ces circonstances peuvent
aussi être prises en considération pour déterminer l'étendue
de la réparation (art. 99 al. 3, 42 à 44 CO). Selon la juris-
prudence, le juge dispose en la matière d'un large pouvoir
d'appréciation (ATF 110 II 344 consid. 6b p. 349).

La cour cantonale a fixé la part du demandeur à la
réparation du dommage causé par lui à 21,6%. Elle est parve-
nue à cette proportion après avoir comparé la situation des
parties avec celle des protagonistes de l'affaire jugée dans
l'ATF 110 II 344. Elle a considéré que les situations
étaient
similaires, après avoir apprécié le risque professionnel, la
quotité du salaire (relativement bas) et la faute concomitan-
te de l'employeur résidant dans l'organisation laissant à dé-
sirer de son département "Reprise". En procédant de la
sorte,
elle a usé du large pouvoir d'appréciation dont elle
dispose.
Or, le Tribunal fédéral ne contrôle qu'avec retenue l'usage
que le juge cantonal fait de son pouvoir d'appréciation et
il
n'intervient qu'en cas d'abus de celui-ci (Poudret, COJ, n.
4.6.22 ad art. 63, p. 560).

On ne peut pas dire pas qu'en jugeant comme elle
l'a fait la cour cantonale ait abusé de son large pouvoir
d'appréciation. La comparaison de la situation de l'espèce
et
de celle de l'arrêt susmentionné n'apparaît pas comme insou-
tenable; ce ne sont pas les affirmations de la défenderesse
au sujet de la gravité de la faute du demandeur et de son
prétendu caractère clairement intentionnel et délibéré qui
peuvent démontrer l'abus du pouvoir d'appréciation des juges
précédents, car l'existence d'un acte fautif intentionnel ne
ressort pas des faits constatés dans l'arrêt attaqué.

4.- a) La défenderesse relève que l'autorité canto-
nale part du principe que le demandeur avait droit au paie-
ment de 40 060 fr. à titre d'heures supplémentaires. Elle
en déduit que le fait d'accorder à son ex-employé un montant
de 25 000 fr. brut après compensation (ou 22 636 fr. 25 net)
revient à faire supporter à l'intéressé 21,6% du dommage
subi
par elle. Ce faisant, la cour cantonale aurait omis de pren-
dre en compte le fait que le demandeur avait limité à
30 036 fr. ses prétentions en matière d'heures supplémentai-
res afin de rester dans la compétence du Tribunal de
prud'hommes. En allouant au demandeur un montant de
25 000 fr. brut, après une compensation non sollicitée par
l'intéressé avec un montant supérieur à celui qu'il avait
fait valoir en justice, la cour cantonale aurait statué au-
delà de ce qui lui était demandé, violant ainsi le droit fé-
déral.

b) La violation du droit fédéral alléguée n'existe
pas. En effet, la possibilité ou l'interdiction pour le juge
cantonal de s'écarter des conclusions et de statuer ultra pe-
tita relève de la procédure cantonale et non du droit
fédéral
(ATF 89 II 56 consid. 3 p. 62; Poudret, op. cit., n. 1.3.2.7
ad art. 43, p. 118, et n. 1.4.2.11 ad art. 43, p. 134). Le
moyen est donc irrecevable dans un recours en réforme (art.
55 al. 1 let. c OJ).

5.- Les moyens soulevés par la défenderesse ont
tous été rejetés ou déclarés irrecevables. Cela signifie que
l'arrêt cantonal doit être confirmé. Or, cet arrêt a
confirmé
un jugement allouant 38 881 fr. brut au demandeur et
13 881 brut à la défenderesse. Constatant que le jugement
ainsi confirmé devait être compris comme accordant au deman-
deur, après possible compensation, un montant brut de
25 000 fr., la cour cantonale a approuvé cette solution. Tou-
tefois, dans le corps de son arrêt, elle a effectué des cor-
rections de chiffres, ce qui ne l'a pas empêchée de mainte-
nir le dispositif du premier jugement, sans égard aux chif-
fres erronés qui y figurent, car il aboutissait ou devait
aboutir à l'allocation du montant brut voulu.

Dans ces conditions, il se justifie de corriger
d'office le dispositif de l'arrêt cantonal en y introduisant
des chiffres exacts - non plus bruts, mais nets - conformé-
ment au considérant 6 de l'arrêt déféré.

6.- En application de l'art. 156 al. 1 OJ, la dé-
fenderesse, qui succombe, devra supporter les frais de la
procédure fédérale, laquelle n'est pas gratuite puisqu'elle
a
trait à un différend résultant du contrat de travail dont la
valeur litigieuse dépasse 20 000 fr. (cf. art. 343 al. 3 CO
a
contrario). Il lui appartiendra, en outre, d'indemniser le
demandeur, conformément à l'art. 159 al. 1 OJ.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable;

2. Réforme d'office l'arrêt attaqué en ce sens que
les chiffres 1 et 2 du dispositif du jugement rendu le 3
juin
1999 par le Tribunal de prud'hommes du district de La Chaux-
de-Fonds dans la présente cause sont rectifiés comme il suit:

" 1. Admet la demande principale à hauteur de Fr.
44'276,50 net.

2. Admet la demande reconventionnelle à hauteur
de Fr. 22'636,25 net."

3. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de la recourante;

4. Dit que la recourante versera à l'intimé une
indemnité de 2500 fr. à titre de dépens;

5. Communique le présent arrêt en copie aux
mandataires des parties et à la Cour de cassation civile du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

____________

Lausanne, le 14 mars 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.285/2000
Date de la décision : 14/03/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-14;4c.285.2000 ?
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