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13/03/2001 | SUISSE | N°5C.233/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 mars 2001, 5C.233/2000


«/2»
5C.233/2000

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

13 mars 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Reeb, président,
Bianchi et Merkli. Greffier: M. Braconi.

__________

Statuant sur le recours en nullité
formé par

Dame X.________, représentée par Mes Jean-Jacques Martin et
Pierre de Preux, avocats à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 6 septembre 2000 par la Chambre civile de
la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui opposer> la recourante à X.________, représenté par Me Michel A.
Halpérin, avocat à Genève;

(mesures provisoires, compétence)
...

«/2»
5C.233/2000

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

13 mars 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Reeb, président,
Bianchi et Merkli. Greffier: M. Braconi.

__________

Statuant sur le recours en nullité
formé par

Dame X.________, représentée par Mes Jean-Jacques Martin et
Pierre de Preux, avocats à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 6 septembre 2000 par la Chambre civile de
la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
la recourante à X.________, représenté par Me Michel A.
Halpérin, avocat à Genève;

(mesures provisoires, compétence)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) X.________ et dame X.________ se sont mariés le
22 août 1977 à Istanbul (Turquie); deux enfants sont issues
de cette union: Laetitia, née le 1er mai 1981, et Aurélia,
née le 14 mars 1984. Les époux ont la double nationalité
suisse et turque, et sont tous deux domiciliés à Genève. Ils
vivent séparés depuis 1993.

b) Le 18 mai 1994, X.________ a introduit une demande
en
divorce en Turquie. Par jugement du 22 octobre 1998, le Tri-
bunal de grande instance de Sariyer a rejeté la demande, dé-
cision que la Cour d'appel d'Ankara a confirmée le 17 mars
1999. Le 20 octobre suivant, ladite cour, statuant en
qualité
de Cour de cassation, a accueilli une requête de révision du
demandeur, annulé le jugement de première instance et
renvoyé
la cause au premier juge. Lors d'une audience qui s'est
tenue
le 27 janvier 2000, celui-ci a imparti aux plaideurs un
délai
pour déposer leurs conclusions sur les effets accessoires du
divorce.

Le 30 mars 2000, le tribunal turc a prononcé le
divorce,
attribué à dame X.________ la garde des enfants communs et
fixé les contributions à leur entretien; sur mesures provi-
soires, il a accordé à la femme et aux enfants une pension à
partir de la date de l'introduction de la demande jusqu'au
jour de l'entrée en force du jugement de divorce. Dame
X.________ a fait appel de cette décision, en invoquant, no-
tamment, la nullité de la procédure turque pour faux dans la
procuration initiale et l'incompétence des juridictions loca-
les.

c) Le 20 janvier 2000, dame X.________ a ouvert action
en divorce à Genève. A l'audience de comparution personnelle
du 16 mars suivant, X.________ a excipé de la litispendance

en raison de la procédure introduite en Turquie; la demande-
resse a, de son côté, sollicité des mesures provisoires ten-
dant au versement d'une contribution d'entretien pour elle-
même et sa fille mineure, ainsi qu'à la production de divers
documents bancaires et comptables.

B.- Par jugement du 8 mai 2000, le Tribunal de première
instance de Genève a prononcé la suspension de l'instance
provisionnelle, pour cause de litispendance, et débouté les
parties de toutes leurs conclusions.

Statuant le 6 septembre 2000 sur l'appel interjeté par
la requérante, la Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève a annulé le jugement entrepris et déclaré
irrecevable la requête de mesures provisoires.

C.- a) Agissant par la voie du recours en nullité au
Tribunal fédéral, dame X.________ conclut à l'annulation de
cet arrêt, à la constatation de la compétence des juridic-
tions genevoises pour statuer sur la requête de mesures pro-
visoires et, partant, au renvoi de la cause à l'autorité
cantonale.

L'intimé propose le rejet du recours.

b) Par arrêt de ce jour, la IIe Cour civile a déclaré
irrecevable le recours de droit public connexe (5P.393/2000).

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) N'étant pas finale au sens de l'art. 48 al. 1
OJ,
la décision entreprise n'est pas susceptible d'un recours en
réforme (ATF 126 III 261 consid. 1 p. 263 et les
références);
rendue dans une affaire civile (art. 68 al. 1 OJ), elle peut
en revanche faire l'objet d'un recours en nullité (ATF 118
II

184 consid. 1a p. 185/186; Poudret, COJ II, N. 2.3 ad art.
68
et les références citées). Le présent recours est, dès lors,
recevable sous cet angle.

b) Le chef de conclusions tendant à la constatation de
la compétence des juridictions genevoises est, en principe,
recevable (art. 73 al. 2 OJ; Poudret, op. cit., N. 2.2 in
fine ad art. 73).

2.- La recourante soutient d'abord que la compétence
des
autorités genevoises est donnée, car le jugement de divorce
turc ne peut être reconnu en Suisse. Elle expose, en bref,
que la procuration conférée par l'intimé à son conseil turc
repose sur un «faux»; or, l'établissement de faux documents
et leur utilisation aux fins d'acquérir un avantage
illicite,
en l'occurrence le prononcé du divorce, constituent des
faits
pénalement répréhensibles, de sorte qu'il serait contraire à
l'ordre public (matériel) suisse de reconnaître une décision
rendue dans ces conditions (art. 27 al. 1 LDIP).

Comme l'a rappelé l'autorité cantonale, l'art. 65 LDIP
doit être lu en relation avec les dispositions générales sur
la reconnaissance des jugements étrangers (art. 25 ss LDIP;
ATF 126 III 327 consid. 2a p. 330). Les circonstances dans
lesquelles a été établie et utilisée la procuration en cause
ne ressortent toutefois pas des constatations de la décision
attaquée (art. 63 al. 2 OJ, applicable en vertu du renvoi de
l'art. 74 OJ; Poudret, op. cit., N. 2.1 ad art. 73 et N. 2
ad
art. 74); celle-ci retient seulement que la recourante
s'est,
notamment, prévalue devant la juridiction d'appel turque «de
la nullité de la procédure ... pour faux dans la procuration
initiale». Fondé sur des faits nouveaux, le moyen est, par
conséquent, irrecevable (art. 55 al. 1 let. c OJ, applicable
en vertu du renvoi de l'art. 74 OJ; Poudret, op. cit., N. 3
ad art. 71 et N. 2 ad art. 74). Par ailleurs, on peut douter
du caractère causal du vice de procédure allégué, dès lors

que, dans un premier temps, les autorités locales ont
débouté
l'intimé de ses conclusions en divorce, le privant ainsi de
l'«avantage illicite» que l'établissement de la procuration
incriminée aurait dû précisément lui garantir.

3.- La recourante fait ensuite valoir que le jugement
turc n'est pas entré en force, tant sur le divorce que sur
les mesures provisoires, en raison de l'effet suspensif dont
bénéficie l'appel qu'elle a interjeté en Turquie.

L'autorité cantonale paraît admettre, il est vrai, que
l'effet suspensif attribué à l'appel s'étendrait également
au
prononcé des mesures provisoires. Quoi qu'il en soit, il est
constant que l'intimé s'acquitte des pensions
provisionnelles
mises à sa charge par le juge turc du divorce, de sorte
qu'on
ne voit pas la nécessité, encore moins l'urgence, justifiant
l'intervention du juge suisse des mesures provisoires
(arrêts
de la IIe Cour civile du 5 mars 1991, in SJ 113/1991 p. 463
let. c et 465 let. a, et du 17 décembre 1999, in SJ 122/2000
I p. 201).

4.- Il n'est pas contesté, en l'espèce, que les mesures
provisoires ordonnées par le juge turc quant au sort de la
fille mineure constituent - à l'exception de la fixation de
la contribution d'entretien (ATF 124 III 176 consid. 4 p.
179
et les références citées) - des mesures de protection au
sens
de la Convention de La Haye, du 5 octobre 1961, concernant
la
compétence des autorités et la loi applicable en matière de
protection des mineurs (ATF 126 III 298 consid. 2a/bb p.
302;
pour les mesures provisoires: arrêt de la IIe Cour civile du
18 décembre 1998, in RSDIE 1999 p. 322 consid. 3a/cc),
entrée
en vigueur le 12 avril 1986 dans les rapports entre la
Suisse
et la Turquie (RS 0.211.231.01, p. 7 n. 4).

Bien que la décision attaquée soit muette sur ce point,
il faut admettre que l'enfant a sa résidence habituelle en
Suisse auprès de sa mère, à laquelle le juge turc a attribué
le droit de garde; on doit également partir du principe que
l'intéressée a, pour le moins, la nationalité turque de ses
parents. Or, comme le souligne l'intimé - qui cite toutefois
à tort l'art. 3 (sur la portée de cette disposition: ATF 114
II 412 consid. 2 p. 415/416) -, si les autorités turques ne
sont effectivement pas compétentes au regard de l'art. 1er
de
la convention, elles le sont du chef de l'art. 4 (compétence
fondée sur la nationalité). Dans un tel cas, les mesures de
protection ordonnées sont alors reconnues dans tous les
Etats
contractants (art. 7; v. Staudinger/Kropholler, Kommentar
zum
BGB, 13 éd., N. 542, 554 et 563 ad Vorbem. zu Art. 19
EGBGB),
même si le juge s'est en réalité fondé sur la réserve prévue
par l'art. 15 du traité (Siehr, Münchener Kommentar, vol.
10,
N. 454 ad art. 19 Ahn. I EGBGB).

Nonobstant la retenue qui s'impose à l'égard d'un tel
chef de compétence (arrêt précité de la IIe Cour civile, in
RSDIE 1999 p. 323 consid. 3c; Bucher, ibidem, p. 326 ch. 8),
il n'y a aucun motif de remettre en discussion sous cet
angle
les mesures déjà prises par le tribunal étranger. Il n'est
pas davantage allégué, à juste titre, que l'intervention des
autorités suisses serait justifiée par la menace d'un danger
sérieux ou l'urgence (art. 8 et 9 de la convention). Quant à
l'arrêt invoqué par la recourante, il est dénué de
pertinence
dans le cas présent. Le Tribunal fédéral y déclare bien que
la compétence des autorités de la résidence habituelle reste
acquise même si une procédure a été introduite dans l'Etat
d'origine avant celle qui a été ouverte dans le pays de la
résidence habituelle du mineur; toutefois, il a expressément
réservé la compétence fondée sur le for d'origine (art. 4),
laquelle n'entrait d'ailleurs pas en considération (ATF 126
III 298 consid. 2a/aa p. 301/302).

5.- En conclusion, le recours doit être rejeté dans la
mesure où il est recevable, avec suite de frais et dépens à
la charge de son auteur (art. 156 al. 1 et 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est receva-
ble.

2. Met à la charge de la recourante:
a) un émolument judiciaire de 2'500 fr.,
b) une indemnité de 2'500 fr. à payer
à l'intimé à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève.
__________

Lausanne, le 13 mars 2001
BRA/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.233/2000
Date de la décision : 13/03/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-13;5c.233.2000 ?
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