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13/03/2001 | SUISSE | N°2P.296/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 mars 2001, 2P.296/2000


2P.296/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

13 mars 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hungerbühler et Yersin. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif et le recours
de droit public formés par

AX.________ et BX.________, représentés par Me Jacqueline
Chédel, avocate à La Chaux-de-Fonds,

contre

le jugement rendu le 11 octobre 2000 par la Cour des
aff

aires
de langue française du Tribunal administratif du canton de
Berne, dans la cause qui oppose les recourants ...

2P.296/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

13 mars 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hungerbühler et Yersin. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif et le recours
de droit public formés par

AX.________ et BX.________, représentés par Me Jacqueline
Chédel, avocate à La Chaux-de-Fonds,

contre

le jugement rendu le 11 octobre 2000 par la Cour des
affaires
de langue française du Tribunal administratif du canton de
Berne, dans la cause qui oppose les recourants à la Commune
municipale de Court, représentée par Me François Frôté, avo-
cat à Bienne, et au Préfet du district de Moutier,

(art. 19 Cst.; frais de transport scolaire; frais de
déneigement; déni de justice formel)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Depuis 1994, les époux AX.________ et
BX.________, qui ont quatre enfants, habitent un endroit iso-
lé sis à 1260 m d'altitude sur le territoire de la commune
de
Court, au lieu-dit "M.________". Ils y exploitent une ferme
et un restaurant, distants d'environ 7 km du village de
Court, qui se trouve à une hauteur de 670 m.

Les époux X.________ sont chargés de participer au
déneigement de la charrière (chemin) de M.________ qui mène
à
leur ferme. Pour ce faire, ils perçoivent de la commune de
Court une indemnité de 1'500 fr. par année. Le 5 novembre
1996, ladite commune les a informé qu'elle avait décidé de
réduire l'indemnité à 1'000 fr. par année. Au terme d'un
long
échange de correspondance entre les époux X.________ et la
commune de Court, celle-ci a finalement annoncé, le 24 décem-
bre 1997, qu'elle avait reconsidéré sa position et qu'elle
continuerait à leur verser 1'500 fr. au titre d'indemnité de
déneigement.

B.- Le 2 septembre 1998, AX.________ a requis le
paiement d'une indemnité pour les frais de transport de son
fils aîné devant se rendre à l'école primaire éloignée du
lieu de domicile.

Par décision du 5 novembre 1998, le Conseil munici-
pal de Court a rejeté cette requête, considérant que le dé-
dommagement qui était versé pour le déneigement englobait
les
frais de déplacement à l'école.

Dans un acte de recours du 16 novembre 1998 rédigé
en allemand, AX.________ et BX.________ ont contesté cette
décision, en concluant au versement d'une indemnité de trans-

port scolaire de 2'730 fr. par an. N'ayant pas utilisé la
langue officielle du district, les intéressés ont été invi-
tés, le 17 novembre 1999, à déposer une traduction en fran-
çais du recours, ce qu'ils ont fait en date du 24 novembre
1999. Dans cette dernière écriture, ils ont non seulement
traduit leur recours, mais l'ont complété en indiquant notam-
ment que certaines communes avoisinantes versaient aux parti-
culiers des indemnités de déneigement plus élevées que la
commune de Court.

Par décision du 2 mars 2000, le Préfet du district
de Moutier a admis le recours, annulé la décision du 5 novem-
bre 1998 et condamné la commune de Court à payer aux intéres-
sés une somme de 1'064 fr. au titre de frais de transport de
leurs enfants à l'école, à compter de l'année scolaire 1998/
1999. Il ne s'est pas prononcé sur la question des frais de
déneigement, faute de conclusions y relatives.

C.- Le 3 avril 2000, AX.________ et BX.________ ont
recouru contre cette décision du 2 mars 2000, en concluant à
ce que la commune de Court soit condamnée à leur allouer,
d'une part, une indemnité annuelle de 2'660 fr. pour le
transport de leurs enfants à l'école à compter de l'année
scolaire 1996/1997 et, d'autre part, une indemnité de 80 fr.
par heure pour le déneigement du chemin d'accès à la ferme
qu'ils exploitent.

Par jugement du 11 octobre 2000, la Cour des affai-
res de langue française du Tribunal administratif du canton
de Berne a partiellement admis le recours des époux
X.________, dans la mesure où il était recevable. Pour ce
qui
concerne l'indemnité de transport des enfants à l'école, la
décision du 2 mars 2000 a été modifiée en ce sens que la com-
mune de Court doit verser aux intéressés un montant annuel de
1'330 fr. dès l'année scolaire 1996/1997 et une indemnité de
1'729 fr. pour l'année scolaire 1999/2000.

La Cour cantonale a par contre déclaré irrecevable
la conclusion du recours du 3 avril 2000 tendant au paiement
d'une indemnité de déneigement de 80 fr. de l'heure, au
motif
que cette question sortait du cadre de l'objet du litige.

D.- Agissant simultanément par la voie du recours de
droit administratif et par celle du recours de droit public,
AX.________ et BX.________ demandent au Tribunal fédéral, no-
tamment, d'annuler le jugement du 11 octobre 2000 du
Tribunal
administratif en tant qu'il refuse de statuer sur la
question
de l'indemnité de déneigement et de condamner la commune de
Court à leur accorder une indemnisation de 80 fr. par heure
pour le déneigement du chemin d'accès à la ferme qu'ils ex-
ploitent, à partir l'hiver 1996/1997. Pour le surplus, ils
ne
contestent pas le montant de l'indemnité qui leur a été oc-
troyée au titre de frais de transport scolaire.

Le Préfet du district de Moutier et la commune muni-
cipale de Court concluent au rejet des recours, tandis que
le
Tribunal administratif propose de rejeter les recours en
tant
que recevables.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
126
I 207 consid. 1; 126 II 506 consid. 1). Lorsque, comme en
l'espèce, les recourants agissent simultanément par la voie
du recours de droit public et celle du recours de droit admi-
nistratif dans une seule écriture - ce qui est admissible -,
il convient en principe, selon la règle de la subsidiarité
du
recours de droit public énoncée à l'art. 84 al. 2 OJ, d'exa-
miner en premier lieu la recevabilité du recours de droit ad-
ministratif (ATF 126 I 50 consid. 1 et les arrêts cités).

La question de savoir lequel de ces deux recours est
recevable en l'espèce peut cependant rester indécise. En ef-
fet, les recourants se plaignent essentiellement d'une mau-
vaise application du droit cantonal de procédure et le Tri-
bunal fédéral ne contrôle que sous l'angle restreint de l'ar-
bitraire la manière dont le canton a interprété et appliqué
le droit cantonal - autonome - de procédure, que ce soit en
recours de droit administratif ou en recours de droit public
(ATF 118 Ib 326 consid. 1b. Voir aussi ATF 118 Ia 8 consid.
1b; 120 Ib 215 consid. 4b).

2.- Les recourants reprochent au Tribunal adminis-
tratif d'avoir interprété et appliqué de manière arbitraire
(sur cette dernière notion: ATF 126 I 165 consid. 3a; 125 I
161 consid. 2a, 166 consid. 2a p. 168 et les arrêts cités)
le
droit de procédure cantonal et partant d'avoir commis un
déni
de justice formel en ayant refusé de se prononcer sur l'in-
demnité de déneigement. Selon eux, cette question ne sortait
pas du cadre de l'objet du litige.

a) En procédure contentieuse, l'objet du litige
("Streitgegenstand") est défini par trois éléments: l'objet
du recours ("Anfechtungsobjekt"), les conclusions du recours
et, accessoirement, les motifs de celui-ci. La décision atta-
quée délimite l'objet du litige. En vertu du principe de
l'unité de la procédure, l'autorité de recours ne peut sta-
tuer que sur les prétentions ou les rapports juridiques sur
lesquels l'autorité inférieure s'est déjà prononcée ou
aurait
dû le faire. Par conséquent, le recourant qui attaque une dé-
cision ne peut en principe pas présenter de conclusions nou-
velles ou plus amples devant l'instance de recours, c'est-à-
dire des conclusions qu'il n'a pas formulées dans les phases
antérieures de la procédure et qui excèdent l'objet du
litige
(cf. arrêt du Tribunal fédéral 3 juin 1998, reproduit in
RDAF
1999 1 254, consid. 4b/cc. Voir aussi Benoît Bovay,
Procédure

administrative, Berne 2000, p. 390 s.; Alfred Kölz/Isabelle
Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des
Bundes, 2e éd., Zurich 1998, n. 403 ss, p. 149 s.). La loi
cantonale bernoise du 23 mai 1989 sur la procédure et la ju-
ridiction administrative (ci-après: LPJA/BE) n'admet pas la
recevabilité de conclusions qui sortent du cadre des ques-
tions qui ont été examinées dans la procédure antérieure
(Thomas Merkli/Arthur Aeschlimann/Ruth Herzog, Kommentar zum
Gesetz über die Verwaltungsrechtspflege im Kanton Bern,
Berne
1997, nos 4, 13 et 14 ad art. 25, 2 ad art. 51, n. 29 ad
art.
65, n. 6 ad art. 72, n. 5 ad art. 81 LPJA/BE).

b) aa) En l'occurrence, AX.________ a présenté, le 2
septembre 1998, une requête tendant uniquement à
l'allocation
d'une indemnité de déplacement à l'école de son fils aîné.
La
question des frais de déblaiement de la neige n'a pas été
évoquée. Par décision du 5 novembre 1998, le Conseil munici-
pal de Court a rejeté cette requête. Dans un acte de recours
rédigé en allemand, les intéressés ont contesté cette déci-
sion devant le Préfet du district de Moutier, sans toutefois
demander un réexamen de l'indemnisation pour les frais de dé-
neigement. Ce n'est que dans l'écriture rédigée en français
à
la demande dudit préfet que les recourants ont fait avec un
tant soit peu de précision allusion à une indemnité de dénei-
gement, en sus de l'indemnité de transport scolaire. Or,
c'est sans arbitraire que le Tribunal cantonal a constaté
que
ces conclusions (implicites) - nouvelles - sortaient du
cadre
de l'objet du litige et étaient de toute manière manifeste-
ment tardives, partant inadmissibles, puisqu'elles n'avaient
pas été formulées dans le délai de recours légal de 30 jours
à compter de la notification de la décision attaquée (cf.
art. 81 LPJA/BE).

Se plaignant de formalisme excessif sur ce dernier
point, les recourants soutiennent que le Préfet du district
de Moutier aurait dû leur impartir d'office un délai supplé-

mentaire non seulement pour fournir une traduction de l'acte
de recours en allemand du 16 novembre 1998, mais aussi pour
corriger celui-ci qui, selon eux, était peu clair et incom-
plet au sens de l'art. 33 LPJA/BE. Il en résulterait que
leurs conclusions relatives aux frais de déneigement formu-
lées dans l'écriture du 24 novembre 1999 - rédigée en langue
française - devaient être considérées comme recevables. Or,
eu égard à la requête initiale du 2 septembre 1998 qui ne
visait incontestablement que l'indemnité de déplacement à
l'école, il n'est pas arbitraire d'admettre que la
motivation
du mémoire de recours en allemand n'était pas en contradic-
tion avec les conclusions de cette requête ni avec l'objet
du
recours, de telle sorte qu'il n'y avait pas de raisons suf-
fisantes pour inviter les recourants à corriger, voire à com-
pléter les conclusions de leur recours (Merkli/
Aeschlimann/Herzog, op. cit., n. 4 ad art. 33 LPJA/BE).

Selon les recourants, en n'établissant pas d'office
les faits portant sur la question de l'indemnisation des
frais de déblaiement de la neige, la Cour cantonale aurait
violé la maxime inquisitoire prévue par l'art. 18 LPJA/BE.
Mais un tel grief est mal fondé. Outre que quiconque revendi-
que un droit est tenu de collaborer à la constatation des
faits y relatifs (art. 20 al. 1 LPJA/BE), il est à noter que
la maxime officielle ne vaut que dans le cadre de l'objet du
litige tel qu'il a été défini par la partie elle-même
(Merkli/Aeschlimann/Herzog, op. cit., n. 2 ad art. 18
LPJA/BE).

bb) Reste à examiner si, comme le prétendent les re-
courants, les frais de déneigement et les frais de transport
scolaire sont des questions si intimement liées et dépendan-
tes qu'elles auraient dû être traitées ensemble.

Tout d'abord, les recourants ne peuvent rien déduire
du principe de l'enseignement primaire gratuit consacré par

l'art. 19 Cst., qui a pour corollaire que les communes ont
l'obligation d'assumer notamment les frais de déplacement
des
écoliers qui habitent à une trop grande distance de l'école
(cf. Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit
constitutionnel Suisse, vol. II, Berne 2000, n. 1523 à 1525.
Voir aussi Marco Borghi, Commentaire de la Constitution fédé-
rale, n. 60/61 ad art. 27 aCst.). En effet, ce principe n'im-
plique pas que les communes doivent accorder - d'office -
une
telle indemnité, en l'absence même de toute demande en ce
sens. Du moins les recourants ne l'ont pas démontré. Quoi
qu'il en soit, il n'est pas établi que la prise en charge
des
frais de transport scolaire implique nécessairement que tous
les frais engendrés plus ou moins directement par la scolari-
té obligatoire (y compris les éventuels frais de déneigement
de la route) doivent dans tous les cas être entièrement assu-
més par la collectivité publique.

Dès lors, les autorités concernées n'avaient pas
l'obligation de statuer sur la question des frais de dénei-
gement, en l'absence de toute requête allant dans ce sens.
En
outre, le Tribunal administratif pouvait, sans arbitraire,
estimer que ces deux questions étaient indépendantes et se
limiter donc à l'examen du seul point litigieux (frais de
transport scolaire) qui avait été traité par les autorités
inférieures. En effet, le déneigement du chemin en cause pro-
fite non seulement aux enfants qui fréquentent l'école, mais
aussi aux recourants eux-mêmes qui doivent se rendre en plai-
ne, ne serait-ce que pour s'approvisionner. Le déneigement
du
chemin sert également aux tiers qui doivent ou
souhaiteraient
accéder à la propriété des recourants. A cela s'ajoute qu'au

terme d'un long échange de lettres avec les recourants au su-
jet des frais de déneigement, la commune de Court a finale-
ment annoncé, le 24 décembre 1997, qu'elle ne réduirait pas
l'indemnité de déneigement de 1'500 fr. versée jusque-là aux
recourants. Or ceux-ci n'ont pas formellement contesté cet

acte, ni exigé de la commune une décision formelle suscepti-
ble de recours. Ainsi, lorsque la commune de Court a été sai-
sie d'une requête tendant au paiement des frais de transport
scolaire, elle pouvait de bonne foi partir de l'idée que la
question des frais de déneigement était réglée et qu'il n'y
avait pas lieu d'y revenir. Il en va de même des autorités
de
recours qui ont été saisies par la suite.

cc) Dans ces conditions, la décision attaquée n'ap-
paraît pas insoutenable. Dans la mesure où le Tribunal admi-
nistratif n'a pas commis de déni de justice formel en ne se
prononçant pas, pour des raisons d'ordre procédural, sur la
question de l'indemnité de déneigement, il n'y a pas lieu
d'examiner les griefs formulés par les recourants au sujet
du
fond de l'affaire, c'est-à-dire le point de savoir si les re-
courants ont droit ou non à une modification de l'indemnité
de déneigement du fait que leurs enfants doivent parcourir
un
long trajet utilisant la route en cause pour se rendre à
l'école.

3.- Mal fondés, les présents recours doivent être
rejetés en tant que recevables. Succombant, les recourants
supporteront les frais judiciaires, solidairement entre eux
(art. 156 al. 1 et 7 OJ). Ils verseront en outre une indemni-
té à titre de dépens à la Commune municipale de Court qui a
procédé avec le concours d'un avocat. La règle générale, se-
lon laquelle les collectivités publiques n'ont pas droit à
des dépens (art. 159 al. 2 2e phrase OJ), n'est pas applica-
ble en particulier aux petites communes ne disposant pas
d'un
service juridique (ATF 125 I 182 consid. 7 p. 202; arrêt du
Tribunal fédéral du 13 mai 1997, reproduit in ZBl 99/1998 p.
379 consid. 6 p. 385; Poudret, COJ, vol. V, Berne 1992, n. 3
ad art. 159).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette les recours en tant que recevables.

2. Met à la charge des recourants, solidairement en-
tre eux:
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.
b) une indemnité de 2'000 fr. à verser à la Commune
municipale de Court à titre de dépens.

3. Le présent arrêt est communiqué en copie aux man-
dataires des parties, au Préfet du district de Moutier et au
Tribunal administratif du canton de Berne.

Lausanne, le 13 mars 2001
LGE/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.296/2000
Date de la décision : 13/03/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-13;2p.296.2000 ?
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