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09/03/2001 | SUISSE | N°2A.262/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 mars 2001, 2A.262/2000


2A.262/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

Séance du 9 mars 2001

Présidence de M. Wurzburger, Président de la Cour.
Présents: MM. et Mme les Juges Hartmann, Hungerbühler,
Müller
et Yersin. Greffier: M. Dayer.

______________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________, représenté par Me Enrico Monfrini, avocat à
Genève,

contre

la décision prise le 27 avril 2000 par la

Commission
fédérale
des banques;

(art. 38 LBVM: entraide administrative internationale deman-
dée par la Commission fra...

2A.262/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

Séance du 9 mars 2001

Présidence de M. Wurzburger, Président de la Cour.
Présents: MM. et Mme les Juges Hartmann, Hungerbühler,
Müller
et Yersin. Greffier: M. Dayer.

______________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________, représenté par Me Enrico Monfrini, avocat à
Genève,

contre

la décision prise le 27 avril 2000 par la Commission
fédérale
des banques;

(art. 38 LBVM: entraide administrative internationale deman-
dée par la Commission française des opérations de bourse)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 11 août 1999, un projet de rapprochement en-
tre les sociétés B.________, C.________ et la société
française D.________ a été annoncé. Durant les jours précé-
dant cette annonce, plus précisément du 2 au 9 août 1999, le
cours de l'action D.________ a progressé d'environ 16 %. Par
ailleurs, le volume des transactions, qui était encore de
366'378 unités le 9 août 1999, a atteint 1'135'699 unités le
10 août 1999, 2'015'257 unités le 11 août 1999 et 1'541'530
unités le 12 août 1999.

La Commission française des opérations de bourse
(ci-après: la COB) a alors ouvert une enquête afin de s'assu-
rer que les transactions réalisées sur les titres D.________
au cours de la période précédant l'annonce susmentionnée
n'avaient pas été effectuées dans des conditions contraires
aux dispositions légales et réglementaires applicables (no-
tamment quant à l'usage d'une information privilégiée). Ses
investigations lui ont notamment permis de découvrir que la
société E.________, à Zurich, avait procédé aux achats sui-
vants: du 2 au 15 juillet 1999, 5'900 options d'achat
D.________ avec échéance en septembre 1999 à un prix d'exer-
cice de 50 Euros; le 3 août 1999, 5'000 options d'achat
D.________ avec échéance en septembre 1999 à un prix d'exer-
cice de 45 Euros; du 31 juillet au 6 août 1999, 25'650 ac-
tions D.________.

B.- Le 13 septembre 1999, la COB a requis l'assis-
tance de la Commission fédérale des banques (ci-après: la
Commission fédérale) afin d'obtenir de la société
E.________,
à Zurich, des informations sur l'identité du ou des clients
pour le compte du ou desquels ces actions et options avaient
été acquises ainsi que sur celle de la personne qui avait

donné l'ordre de les acheter; elle souhaitait également con-
naître les motivations qui avaient conduit à la réalisation
de ces opérations ainsi que l'intitulé exact des comptes uti-
lisés pour les transactions. Elle s'engageait à ce que l'in-
formation reçue soit traitée de manière confidentielle et
précisait que, si les informations révélaient des faits sus-
ceptibles d'une qualification pénale, elle pourrait avoir à
les transmettre au Procureur de la République française.

Le 1er décembre 1999, la Commission fédérale a de-
mandé à la société E.________, à Zurich, de lui transmettre
les informations sollicitées par la COB, ainsi que de lui in-
diquer l'ayant-droit économique des transactions et les
dates
et prix des reventes ultérieures des titres concernés. Le 17
décembre 1999, la société E.________, à Genève, à qui cette
demande avait été transmise, a notamment indiqué que
X.________ - titulaire d'un compte, qui avait donné les or-
dres de bourse - avait acheté 20'000 actions D.________ du-
rant la période en cause. Elle joignait à son courrier deux
documents établissant que lesdites actions avaient été acqui-
ses le 6 août 1999 à 49,89 Euros l'unité et revendues le 11
août 1999 à 54 Euros l'unité, de sorte que le bénéfice
global
de l'opération s'élevait à 82'200 Euros. Elle renvoyait au
surplus à une prise de position de l'intéressé du 14
décembre
1999 et ajoutait que, si la Commission fédérale décidait
d'accorder l'assistance sollicitée, celui-ci demandait
qu'une
décision formelle de transmission des documents à la COB
soit
prise et lui soit notifiée.

C.- Dans sa prise de position précitée, X.________ a
expliqué qu'il était un professionnel de la gestion de patri-
moines. Sa technique reposait sur des études "fondamentales
et chartistes". Il en était venu à considérer que la société
française D.________ devait avoir un potentiel de hausse in-
téressant. Ainsi, il avait déjà donné le 24 juin 1999 un
ordre d'achat de 20'000 titres limités à 41,60 Euros. Comme

seules cent vingt-deux actions étaient disponibles à ces con-
ditions, il avait annulé cet ordre d'achat et avait repris
son projet le 6 août 1999 en raison de l'ascension quasi con-
tinue du cours du titre concerné. Il avait été surpris par
l'enchaînement rapide des événements après son acquisition,
soit par l'annonce du rapprochement des sociétés B.________,
C.________ et D.________. Au demeurant, l'achat de 20'000 ac-
tions pour un montant global d'environ 1'000'000 Euros
n'avait rien d'inhabituel dans le cadre des affaires dont il
assumait la gestion.

Le 7 avril 2000, l'Office fédéral de la police a
donné son accord à une éventuelle retransmission aux autori-
tés pénales françaises compétentes des renseignements qui se-
raient fournis à la COB.

D.- Par décision du 27 avril 2000, la Commission fé-
dérale a accordé l'entraide administrative internationale à
la COB en lui indiquant que, le 6 août 1999, X.________
avait
ordonné l'acquisition de 20'000 actions D.________ par le
biais d'un compte ouvert auprès de la société E.________, à
Genève, et qu'il prétendait avoir décidé cet achat en se ba-
sant sur la progression continue du titre au début du mois
d'août 1999 (ch. 1 du dispositif). Elle précisait que les in-
formations et les documents transmis ne devaient être utili-
sés qu'à des fins de surveillance directe des bourses et du
commerce des valeurs mobilières (ch. 2 du dispositif). De
plus, en accord avec l'Office fédéral de la police, l'éven-
tuelle communication de ces informations aux autorités péna-
les françaises compétentes était autorisée, la COB devant
toutefois leur rappeler que leur utilisation était limitée à
la poursuite du délit d'usage d'une information privilégiée
(ch. 3 du dispositif). En outre, en application de l'art. 38
al. 2 lettre c de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur les
bourses et le commerce des valeurs mobilières (LBVM; RS
954.1), leur transmission à des autorités tierces, autres
que

celles mentionnées au ch. 3 du dispositif ne pouvait se
faire
qu'avec son assentiment préalable (ch. 4 du dispositif). En-
fin, les ch. 1 à 4 du dispositif seraient exécutés à l'éché-
ance d'un délai de trente jours après la notification de la
décision à l'intéressé, si aucun recours n'était déposé dans
ce délai auprès du Tribunal fédéral (ch. 5 du dispositif).

E.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler
la décision de la Commission fédérale du 27 avril 2000 et de
dire qu'il n'y a pas lieu d'accorder l'entraide requise, sub-
sidiairement de renvoyer la cause à ladite Commission pour
qu'elle statue dans le sens des considérants du Tribunal fé-
déral. Il se plaint en substance de constatation inexacte de
faits pertinents, d'excès du pouvoir d'appréciation et de
violation du droit fédéral, en particulier des principes de
la double incrimination et de la proportionnalité ainsi que
de son droit d'être entendu.

L'autorité intimée conclut au rejet du recours.

F.- Par ordonnance du 29 juin 2000, le Président de
la IIe Cour de droit public a admis la demande d'effet sus-
pensif présentée par X.________.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) La décision par laquelle la Commission fédé-
rale accorde l'entraide administrative internationale en ap-
plication de l'art. 38 LBVM et ordonne la transmission de do-
cuments et de renseignements à une autorité étrangère peut
directement faire l'objet d'un recours de droit
administratif
au sens des art. 97 ss OJ (art. 39 LBVM; ATF 125 II 65 con-
sid. 1 p. 69, 79 consid. 2 p. 80).

b) Titulaire du compte bancaire faisant l'objet des
renseignements dont la communication est litigieuse, l'inté-
ressé a qualité pour recourir (art. 103 lettre a OJ; ATF 125
II 65 consid. 1 p. 69).

2.- a) Saisi d'un recours de droit administratif, le
Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du droit fé-
déral, qui englobe les droits constitutionnels des citoyens
(cf. ATF 125 II 497 consid. 1b/aa p. 500 et la jurisprudence
citée), en examinant notamment s'il y a eu excès ou abus du
pouvoir d'appréciation (cf. art. 104 lettre a OJ). Il
examine
en particulier librement dans quelle mesure la coopération
internationale doit être accordée. S'il est lié par les con-
clusions des parties, il ne l'est en revanche pas par leurs
motifs et peut admettre le recours pour d'autres raisons que
celles avancées par le recourant ou, au contraire, confirmer
la décision attaquée pour d'autres motifs que ceux retenus
par l'autorité intimée (cf. art. 114 al. 1 OJ; ATF 125 II
497
consid. 1b/aa p. 500 et la jurisprudence citée).

b) aa) Bien qu'elle soit indépendante de l'adminis-
tration, la Commission fédérale n'est pas une autorité judi-
ciaire au sens de l'art. 105 al. 2 OJ (cf. ATF 115 Ib 55 con-
sid. 2a p. 57), de sorte que le Tribunal fédéral revoit, le
cas échéant d'office, ses constatations de fait (cf. art.
104
lettre b et 105 al. 1 OJ).

bb) Invoquant la constatation inexacte de faits per-
tinents, l'intéressé conteste avoir "décidé d'acheter les
20'000 actions D.________ en se basant sur la progression
continue du titre au début du mois d'août 1999", comme l'a
retenu l'autorité intimée. Dans sa prise de position du 14
décembre 1999, il a toutefois expressément déclaré: "Le
cours
de D.________ continuait à monter et il est devenu pour moi
dès le début août de plus en plus flagrant que quelque chose
devait se passer sur le titre. J'ai donc décidé de racheter

le 6 août 1999 les 20'000 titres D.________ à un prix de
49,89 euros". Le passage incriminé de la décision attaquée
reprend exactement ces propos. Le grief du recourant n'est
ainsi pas fondé. Au demeurant, il ressort de ladite décision
(cf. consid. 7c de celle-ci) que la Commission fédérale a
tenu compte de l'ensemble du processus qui a abouti à
l'achat
par le recourant de 20'000 actions D.________ le 6 août
1999.

cc) L'intéressé soutient également que l'autorité
intimée a retenu à tort que son ordre d'achat du 24 juin
1999
avait "été annulé en raison du cours trop élevé du titre à
cette époque". Dans sa prise de position précitée, il a ce-
pendant affirmé: "C'est en fonction des éléments qui précè-
dent que, suite à une légère baisse du cours, j'ai placé un
ordre d'achat de 20'000 titres limités à 41,60 Euros, le 24
juin 1999. L'exécution de cet ordre limité s'est révélé dif-
ficile, puisque dans un premier temps, je n'ai pu acheter à
ce prix que 122 actions D.________. J'ai donc annulé mon or-
dre en pensant pouvoir racheter ma position plus tard moins
chère". Le passage litigieux de la décision attaquée reflète
parfaitement les affirmations du recourant, de sorte que son
moyen doit être écarté.

3.- a) Dans une procédure administrative, le droit
d'être entendu (cf. l'art 29 al. 2 Cst. dont la portée est
similaire à celle de l'art. 4 aCst., cf. Message du Conseil
fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitu-
tion fédérale, in FF 1997 I p. 1 ss, p. 183-184; sur le con-
tenu de ce droit, cf. ATF 126 I 7 consid. 2b p. 10; 124 II
132 consid. 2b p. 137 et la jurisprudence citée) n'implique
pas celui de s'exprimer oralement (ATF 122 II 464 consid. 4c
p. 469; cf. Alfred Kölz/Isabelle Häner, Verwaltungsverfahren
und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., Zurich 1998,
n. 149, p. 52-53).

En procédure administrative fédérale, ce droit est
notamment concrétisé par les art. 29 ss PA qui trouvent ap-
plication dans la procédure d'entraide administrative devant
la Commission fédérale (cf. art. 38 al. 3 LBVM; ATF 126 II
111 consid. 6b/aa p. 122). En particulier, l'art. 30 al. 1
PA
prévoit que l'autorité entend les parties avant de prendre
une décision.

Le Tribunal fédéral admet à certaines conditions la
possibilité de réparer après coup une atteinte au droit
d'être entendu, en particulier lorsque la décision qui en
est
entachée est couverte par une nouvelle décision qu'une auto-
rité supérieure - jouissant d'un pouvoir d'examen au moins
aussi étendu - a prononcée après avoir donné à la partie lé-
sée la possibilité d'exercer effectivement ce droit (cf. ATF
118 Ib 111 consid. 4b p. 120-121; 116 Ia 94 consid. 2 p. 95).

b) Invoquant la violation de son droit d'être enten-
du, le recourant soutient que la Commission fédérale ne pou-
vait valablement apprécier la situation sur la base de sa
prise de position susmentionnée du 14 décembre 1999 - dans
laquelle il ne se serait pas déterminé de façon étendue - et
qu'elle aurait dû le convoquer avant de statuer. Il fait va-
loir qu'il ne connaissait pas le déroulement de la procédure
et ne savait pas que l'autorité intimée prendrait une déci-
sion sur la base de ce seul document, sans l'entendre. Il se
plaint en outre de n'avoir pas été informé d'une démarche au-
près de l'Office fédéral de la police et de n'avoir reçu au-
cune copie du courrier de ce dernier.

c) L'intéressé admet que la lettre - et ses annexes,
soit notamment la demande d'assistance de la COB du 13 sep-
tembre 1999 - que la Commission fédérale a adressée à la so-
ciété E.________ à Zurich le 1er décembre 1999 lui a été re-
mise le 14 décembre 1999. Lorsqu'il a rédigé ce même jour sa

prise de position à l'intention de l'autorité intimée, il sa-

vait dès lors qu'il bénéficiait d'un délai échéant le 20 dé-
cembre 1999 pour se déterminer, qu'il devait indiquer s'il
désirait une décision formelle de celle-ci et que cette déci-
sion pourrait habiliter la COB à transmettre des
informations
aux autorités pénales françaises compétentes.

Dans cette prise de position, le recourant a par
ailleurs expliqué de façon précise pourquoi il avait acheté
20'000 actions D.________ le 6 août 1999 et, plus générale-
ment, comment il exerçait son activité de gérant de patrimoi-
nes. Le fait que la Commission fédérale a considéré qu'il
s'était exprimé de façon étendue alors que sa détermination
n'occupe qu'environ une page est sans importance. Ce qui
compte, c'est qu'il a pu donner son point de vue. S'il avait
voulu compléter sa prise de position, il aurait pu le faire
jusqu'à l'échéance du délai qui lui avait été imparti. Il au-
rait également pu demander une prolongation de délai.
N'ayant
pas fait usage de ces possibilités, il ne saurait se
plaindre
que l'autorité intimée ne pouvait valablement apprécier la
situation sur la base de sa détermination. En outre, il ne
peut lui reprocher de n'avoir pas procédé à son audition
alors qu'il ne l'avait pas demandée et qu'en procédure admi-
nistrative, le droit d'être entendu s'exerce en principe par
écrit. Au demeurant, devant dire à la Commission fédérale
s'il désirait une décision formelle, il aurait pu déduire
qu'il n'aurait pas d'autre occasion de s'exprimer avant que
celle-ci statue.

d) La démarche de l'autorité intimée auprès de l'Of-
fice fédéral de la police découlait du texte de l'art. 38
al.
2 lettre c LBVM in fine selon lequel "l'autorité de surveil-
lance décide en accord avec l'Office fédéral de la police".
Cette procédure était expressément mentionnée dans le cour-
rier précité du 1er décembre 1999 dont l'intéressé a eu con-
naissance. Sur ce point, il ne peut dès lors se prévaloir de
son ignorance. Quant au courrier de l'Office fédéral de la

police du 7 avril 2000, la Commission fédérale aurait assuré-
ment dû le communiquer au recourant. Toutefois, vu l'issue
du
présent litige (cf. consid. 8 ci-dessous), cette violation
de
son droit d'être entendu - à supposer qu'elle ne soit pas
guérie par la procédure devant l'autorité de céans - reste
sans conséquence.

4.- a) Selon l'art. 38 al. 2 LBVM, l'entraide admi-
nistrative internationale peut être accordée à des autorités
étrangères de surveillance des bourses et du commerce des va-
leurs mobilières, à condition, notamment, qu'elles utilisent
les informations transmises exclusivement à des fins de sur-
veillance directe des bourses et du commerce des valeurs mo-
bilières (lettre a; principe de la spécialité) et qu'elles
soient liées par le secret de fonction ou le secret profes-
sionnel (lettre b).

b) Ces conditions sont réalisées en l'espèce (cf.
également ATF 126 II 86 consid. 3 p. 88-89), ce que l'inté-
ressé reconnaît lui-même.

5.- a) Dans le domaine de l'entraide administrative
internationale, le principe de la proportionnalité découle
de
l'art. 38 al. 2 LBVM qui autorise uniquement la transmission
d'informations et de documents liés à l'affaire. Selon ce
principe, l'entraide administrative ne peut être accordée
que
dans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité re-
cherchée par l'Etat requérant. La question de savoir si les
renseignements demandés sont nécessaires ou simplement
utiles
à la procédure étrangère est en principe laissée à l'appré-
ciation de ce dernier. L'Etat requis ne dispose généralement
pas des moyens lui permettant de se prononcer sur l'opportu-
nité de l'administration de preuves déterminées au cours de
la procédure menée à l'étranger, de sorte que, sur ce point,
il ne saurait substituer sa propre appréciation à celle de
l'autorité étrangère chargée de l'enquête. Il doit
uniquement

examiner s'il existe suffisamment d'indices de possibles dis-
torsions du marché justifiant la demande d'entraide. La
coopération internationale ne peut être refusée que si les
actes requis sont sans rapport avec d'éventuels dérèglements
du marché et manifestement impropres à faire progresser l'en-
quête, de sorte que ladite demande apparaît comme le
prétexte
à une recherche indéterminée de moyens de preuve ("fishing
expedition"; ATF 126 II 409 consid. 5 p. 413-415, 86 consid.
5a p. 90-91 et les références citées).

b) Le recourant reproche à l'autorité intimée
d'avoir violé le principe de la proportionnalité et excédé
son pouvoir d'appréciation. Il fait valoir que la demande
d'entraide de la COB porte sur des transactions boursières
réalisées dès le 2 juillet 1999 et ne s'intéresse ainsi pas
à
celles accomplies précédemment au mois de juin et notamment
pas à celle que lui-même a effectuée le 24 de ce mois-là, de
sorte qu'aucun "soupçon initial de délit d'initié" n'existe-
rait en rapport avec cette dernière opération. Or, dans la
mesure où son achat du 6 août 1999 ne pourrait en être dis-
socié et résulterait en outre d'une étude de l'évolution des
titres D.________ effectuée durant plusieurs mois, son com-
portement ne pourrait être considéré comme "suspect". De
plus, le nombre de titres qu'il a acquis lors de cette deu-
xième transaction était similaire et non pas supérieur à ce-
lui qu'il avait eu l'intention d'acheter au mois de juin, ce
qui démontrerait qu'il n'était pas "devenu initié" entre sa
première et sa seconde acquisition. Enfin, le montant de son
investissement n'aurait rien d'exceptionnel au regard du
type
de gestion qu'il effectue et le bénéfice retiré de l'opéra-
tion litigieuse ne représenterait que 2,04 % du portefeuille
qu'il gère.

c) L'autorité requérante a observé une animation du
marché des titres D.________ dans les semaines qui ont précé-
dé l'annonce, le 11 août 1999, d'un rapprochement entre les

sociétés B.________, C.________ et la société française
D.________. Ainsi, le cours de l'action de cette dernière a
progressé d'environ 16 % du 2 au 9 août 1999 et le volume
des
transactions a passé de 366'378 unités le 9 août 1999 à
1'135'699 unités le 10 août 1999 pour atteindre 2'015'257
unités le 11 août 1999. Dès lors, la COB disposait d'indices
suffisants d'éventuels dérèglements du marché. Elle avait en
outre découvert qu'un nombre important de titres D.________
avait été acquis par l'intermédiaire d'une banque suisse du-
rant cette période, soit 10'900 options d'achat avec
échéance
en septembre 1999 et 25'650 actions - dont 20'000 pour le re-
courant. Vu ces éléments, elle pouvait légitimement demander
à la Commission fédérale des précisions sur ces acquisitions
(cf. dans le même sens ATF 126 II 86 consid. 5b p. 91 et la
jurisprudence citée). Les raisons invoquées par l'intéressé
pour expliquer son achat ne font pas obstacle à l'octroi de
l'entraide administrative. L'autorité chargée de se
prononcer
sur cette question n'est en effet pas tenue d'examiner si
les
indices de possibles distorsions du marché justifiant la de-
mande d'entraide sont confirmés ou infirmés par les informa-
tions et les explications recueillies à la demande de l'auto-
rité requérante. Seule cette dernière pourra, sur la base de
ses propres investigations et des informations transmises
par
la Commission fédérale, décider si ses craintes initiales
étaient ou non fondées (cf. ATF 126 II 86 consid. 5b p. 91).
Par ailleurs, le recourant ne peut rien tirer en sa faveur
du
fait que la COB a fait partir son enquête du 2 juillet 1999.
En effet, s'il avait effectivement acheté 20'000 actions
D.________ le 24 juin 1999 pour les revendre le 11 août
1999,
il est probable que cette enquête porterait aussi sur la pé-
riode du 24 juin au 2 juillet 1999. En effet, l'achat d'un
aussi grand nombre d'actions un mois et demi environ avant
l'annonce du fait confidentiel, soit dans une période sensi-
ble (cf. ATF 126 II 86 consid. 5b p. 91), suivi de la
revente
de ces titres le jour même de cette annonce, aurait cer-
tainement alerté l'autorité requérante.

6.- a) Aux termes de l'art. 38 al. 2 lettre c LBVM,
les informations reçues par l'autorité étrangère de surveil-
lance des bourses et du commerce des valeurs mobilières ne
peuvent être transmises à des autorités compétentes et à des
organismes ayant des fonctions de surveillance dictées par
l'intérêt public qu'avec l'assentiment préalable de l'autori-
té de surveillance suisse ou en vertu d'une autorisation gé-
nérale contenue dans un traité international; lorsque l'en-
traide judiciaire en matière pénale est exclue, aucune in-
formation ne peut être transmise à des autorités pénales;
l'autorité de surveillance décide en accord avec l'Office fé-
déral de la police (depuis le 1er juillet 2000, c'est l'Offi-
ce fédéral de la justice qui est l'Office en charge de l'en-
traide judiciaire en matière pénale, cf. art. 7 al. 6a de
l'ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du Dé-
partement fédéral de justice et police [Org DFJP; RS
172.213.1]).

b) Cette disposition oblige concrètement la Commis-
sion fédérale à ne pas perdre le contrôle de l'utilisation
des informations après leur transmission à l'autorité étran-
gère de surveillance (principe dit du "long bras"; "Prinzip
der langen Hand"; ATF 126 II 409 consid. 6b/bb p. 417, 126
consid. 6b/bb p. 139, 86 consid. 6b p. 92 et la
jurisprudence
citée).

Les autorités étrangères ne sont toutefois pas te-
nues de faire une déclaration contraignante selon le droit
international public, mais doivent s'engager, notamment, à
mettre tout en oeuvre pour respecter le principe dit du
"long
bras" (exigence qualifiée en anglais de "best efforts" ou de
"best endeavour") dans l'hypothèse d'une retransmission d'in-
formations à d'autres autorités, pénales ou non. Aussi long-
temps que l'Etat requérant respecte effectivement ce
principe
et qu'il n'existe aucun signe qu'il ne le fasse pas dans le
cas concret, rien ne s'oppose à accorder l'entraide adminis-

trative. S'il devait s'avérer qu'une autorité étrangère ne
puisse plus se conformer à ce principe en raison de sa légis-
lation interne ou d'une décision contraignante à laquelle
elle n'a pas les moyens de s'opposer, la Commission fédérale
devrait alors refuser l'entraide (cf. ATF 126 II 126 consid.
6b/bb p. 139, 86 consid. 6c p. 92 et la jurisprudence citée).

c) Dans un courrier de son Président adressé le 26
mars 1999 au Président de la Commission fédérale (cf. ATF
126
II 86 consid. 7a p. 92-93), la COB s'est expressément
engagée
à ne retransmettre d'informations à des autorités pénales ou
non pénales qu'avec l'accord préalable de l'autorité
intimée.
Faute d'éléments concrets (cf. ATF 126 II 409 consid. 4b/bb
p. 413) et même si l'autorité de céans a pu se montrer hési-
tante dans une précédente affaire s'agissant de la retrans-
mission d'informations auxdites autorités pénales (cf. ATF
126 II 86 consid. 7d/aa p. 94), rien ne permet en l'espèce
de
supposer que l'autorité requérante ne se conformera pas cet
engagement. Le recourant ne le prétend d'ailleurs pas. Au de-
meurant, l'obligation de la COB de communiquer certaines in-
formations au Procureur de la République (cf. consid. 7a ci-
dessous) ne fait pas, en soi, obstacle à l'octroi de l'en-
traide administrative (cf. dans ce sens ATF 126 II 409 con-
sid. 4b/aa p. 412-413).

7.- a) Les renseignements fournis à l'autorité re-
quérante dans le cadre de l'entraide administrative le sont
avant tout pour lui permettre d'exercer sa mission de sur-
veillance des marchés; ils peuvent cependant amener cette au-
torité à soupçonner l'existence d'un délit d'initié. Si tel
est le cas, il lui appartient alors d'effectuer des investi-
gations supplémentaires puis de décider si, compte tenu des
renseignements obtenus, elle doit saisir les autorités péna-
les compétentes (cf. ATF 126 II 409 consid. 5b/aa p. 415 et
6b/cc p. 418). A cet égard, elle ne peut leur communiquer
les
informations fournies par la Commission fédérale qu'avec

l'autorisation de cette dernière (cf. art. 38 al. 2 lettre c
LBVM et consid. 6 ci-dessus). L'autorité intimée, de même
que
l'Office fédéral de la police, se prononcent sur la base des
éléments dont ils disposent et doivent, au besoin, demander
des compléments d'information à l'autorité requérante (cf.
ATF 125 II 450 consid. 4a p. 459). Ils sont tenus d'examiner
si toutes les conditions matérielles de l'entraide pénale in-
ternationale sont remplies, notamment si l'exigence de la
double incrimination est satisfaite (cf. ATF 126 II 409 con-
sid. 6b/bb et 6b/cc p. 417-419).

Une telle procédure en deux temps permet de ne pas
soumettre à des exigences trop élevées l'octroi, dans un pre-
mier temps, de l'entraide administrative à l'autorité requé-
rante (cf. ATF 126 II 409 consid. 6b/cc p. 419; cf. aussi
consid. 5 ci-dessus). Cette dernière pourra ainsi obtenir ra-
pidement les informations dont elle a besoin pour sa mission
de surveillance des marchés.

b) Si, lors du dépôt de sa demande d'entraide admi-
nistrative, les investigations de l'autorité requérante sont
déjà suffisamment avancées et font déjà apparaître la néces-
sité d'une éventuelle retransmission d'informations aux auto-
rités pénales étrangères compétentes, la Commission fédérale
peut directement y consentir dans sa décision accordant l'en-
traide administrative. Ce consentement est toutefois soumis
à
des exigences plus élevées que celles nécessaires à l'octroi
de ladite entraide. Des variations significatives du volume
des titres échangés et de leur cours peu avant une annonce
de
rachat de société ne sont en particulier pas suffisantes.
L'autorité
intimée doit disposer d'éléments supplémentaires
insolites lui permettant de soupçonner concrètement et avec
un minimum de vraisemblance l'existence d'un comportement
tombant sous le coup du droit pénal. Il ne faut cependant
pas
poser d'exigences trop sévères quant à l'exposé des faits fi-
gurant dans la demande, notamment parce qu'il n'est pas enco-

re possible de savoir avec certitude si, compte tenu de ses
investigations ultérieures, l'autorité requérante
transmettra
ou non - malgré l'autorisation de la Commission fédérale -
ses informations aux autorités pénales étrangères compéten-
tes.

Ainsi, pour pouvoir simultanément accorder l'entrai-
de administrative à l'autorité requérante et l'autoriser à
retransmettre les informations qui lui sont fournies aux au-
torités pénales étrangères compétentes, la Commission fédéra-
le doit avoir connaissance - outre de la variation du cours
des titres en cause et de l'augmentation de leur volume
d'échanges durant une période sensible - d'indices lui per-
mettant de soupçonner concrètement et de manière vraisembla-
ble l'utilisation d'une information privilégiée par l'inté-
ressé en rapport avec la transaction examinée. Si tel n'est
pas le cas, la question d'une telle retransmission d'informa-
tions devra faire l'objet d'une nouvelle procédure et d'une
décision séparée ultérieure (cf. lettre a ci-dessus et ATF
126 II 409 consid. 6b/cc p. 419-420 et les arrêts cités).

8.- a) La COB peut être tenue de transmettre au Pro-
cureur de la République française des informations révélant
des faits susceptibles d'une qualification pénale (cf. art.
12-2 al. 3 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967
instituant une commission des opérations de bourse et relati-
ve à l'information des porteurs de valeurs mobilières et à
la
publicité de certaines opérations de bourse; cf. également
ATF 126 II 86 consid. 7d/aa p. 94).

b) Dans sa requête d'entraide du 13 septembre 1999,
la COB n'a pas expressément sollicité l'autorisation de com-
muniquer audit Procureur les informations fournies par l'au-
torité intimée. Elle a toutefois clairement indiqué à cette
dernière son obligation de le saisir si ces informations ré-
vélaient une infraction pénale. La Commission fédérale pou-

vait considérer d'office cette indication comme une demande
d'autorisation implicite (cf. dans ce sens ATF 125 II 65 con-
sid. 7 p. 75).

c) L'autorité intimée a par ailleurs soumis à l'Of-
fice fédéral de la police une prise de position détaillée
sur
laquelle celui-ci s'est déterminé de manière circonstanciée.
Elle a dès lors recueilli le consentement de ce dernier con-
formément aux exigences posées par la jurisprudence (cf. ATF
126 II 86 consid. 7d/bb p. 94-95).

d) Au moment de prendre sa décision, la Commission
fédérale connaissait l'évolution du titre D.________ durant
la période sensible précédant l'annonce du projet de rappro-
chement entre les sociétés B.________, C.________ et la so-
ciété française D.________. Elle savait en outre que, le 24
juin 1999, le recourant avait renoncé à acquérir 20'000 ac-
tions, faute d'avoir pu toutes les acheter au prix limite
qu'il s'était fixé (41,60 Euros). Elle était de surcroît au
courant du fait que, le 6 août 1999, il avait finalement ac-
quis ces 20'000 actions à un prix plus élevé (49,89 Euros)
que celui qu'il était disposé à payer le 24 juin 1999 et
qu'il avait revendu ces titres le jour même, avec bénéfice.

Ces seuls éléments ne sont cependant pas suffisants
pour faire naître un soupçon concret et vraisemblable de dé-
lit d'initié. En effet, en tant que professionnel de la ges-
tion de patrimoines, l'intéressé était sans nul doute parti-
culièrement attentif à l'évolution des valeurs boursières et
son comportement consistant à renoncer à un achat en spécu-
lant sur une baisse du prix des titres qu'il convoitait ne
paraît pas insolite. De même, il ne semble pas exclu, comme
il le soutient, que sa décision d'achat au début du mois
d'août résulte d'une analyse fondée sur la comparaison entre

l'évolution du titre D.________ et celle d'actions de socié-
tés concurrentes depuis la date de son ordre d'achat du mois
de juin.

En l'état, l'autorité intimée ne disposait dès lors
pas d'informations suffisantes lui permettant d'autoriser la
COB à retransmettre aux autorités pénales françaises compé-
tentes les informations qui lui étaient fournies. La
décision
attaquée doit dès lors être annulée dans cette mesure. Dans
ces conditions, il est superflu d'examiner encore si, comme
le soutient le recourant, la Commission fédérale a violé le
principe de la double incrimination.

e) Par conséquent, conformément à la procédure en
deux temps indiquée ci-dessus (cf. consid. 7a), si, après
avoir poursuivi ses investigations, la COB devait juger né-
cessaire de retransmettre au Procureur de la République les
informations actuellement fournies par la Commission fédéra-
le, il lui incombera de solliciter l'autorisation de l'auto-
rité intimée dont la décision, portant alors sur cette seule
question, pourra, selon toute probabilité, intervenir dans
des délais raisonnables.

9.- Vu ce qui précède, le présent recours doit être
partiellement admis et le chiffre 3 du dispositif de la déci-
sion attaquée annulé, de même qu'au chiffre 4 les mots "au-
tres que celles figurant sous chiffre 3". Pour le surplus,
le
recours est rejeté.

N'obtenant que partiellement gain de cause, le re-
courant supporte une part des frais judiciaires (cf. art.
156
al. 3, 153 et 153a OJ). La Commission fédérale lui versera
des dépens réduits (cf. art. 159 al. 1 et 3 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours et annule le chif-
fre 3 du dispositif de la décision de la Commission fédérale
des banques du 27 avril 2000, de même qu'au chiffre 4 les
mots "autres que celles figurant sous chiffre 3"; pour le
surplus, rejette le recours.

2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge du recourant.

3. Dit que la Commission fédérale des banques verse-
ra au recourant une indemnité réduite de 2'000 fr. à titre
de
dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant ainsi qu'à la Commission fédérale des ban-
ques.
____________

Lausanne, le 9 mars 2001
DBA/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.262/2000
Date de la décision : 09/03/2001
2e cour de droit public

Analyses

Art. 38 LBVM: entraide administrative internationale demandée par la Commission française des opérations de bourse (COB). La requête d'entraide administrative de la COB - autorité de surveillance des marchés financiers satisfaisant à l'exigence de confidentialité - respecte le principe de la proportionnalité (consid. 4 et 5). Au regard du principe dit du "long bras" l'engagement de "best efforts" de la COB est suffisant (consid. 6). Autorisation de retransmettre des informations aux autorités pénales étrangères compétentes (art. 38 al. 2 let. c LBVM): procédure et conditions (consid. 7). Conditions non réalisées dans le cas particulier (consid. 8).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-09;2a.262.2000 ?
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