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08/03/2001 | SUISSE | N°4P.279/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 mars 2001, 4P.279/2000


«/2»

4P.279/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

8 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

_________

Statuant sur le recours de droit public formé
par

l'Office des poursuites et des faillites Arve-Lac de Genève,
représenté par Me Dominique Burger, avocate à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 9 octobre 2000 par la Chambre d'appel en ma-
tière de baux et loyer

s du canton de Genève dans la cause
qui
oppose le recourant à les époux C.________, représentés par
Me Romolo Molo, avocat à ...

«/2»

4P.279/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

8 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

_________

Statuant sur le recours de droit public formé
par

l'Office des poursuites et des faillites Arve-Lac de Genève,
représenté par Me Dominique Burger, avocate à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 9 octobre 2000 par la Chambre d'appel en ma-
tière de baux et loyers du canton de Genève dans la cause
qui
oppose le recourant à les époux C.________, représentés par
Me Romolo Molo, avocat à Genève;

(qualité pour recourir; arbitraire; congé-vente)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Les époux C.________ sont locataires, depuis
plus de 30 ans, d'un appartement dans un bâtiment à Genève,
propriété de la Société X.________ S.A. depuis octobre 1983.

Au printemps 1996, la bailleresse a proposé aux
locataires d'acheter leur logement.

Les époux C.________ ont refusé cette offre.

Par avis officiels datés du 18 novembre 1996, la
propriétaire a résilié le bail.

B.- Le 26 novembre 1996, les locataires ont saisi
la Commission de conciliation genevoise en matière de baux
et
loyers d'une requête en annulation du congé.

La bailleresse a expliqué qu'elle devait aliéner
des appartements pour "se désengager".

Il a été établi qu'elle avait vendu, depuis 1992,
une partie des appartements (11 appartements) pour un
montant
total de 13 094 000 fr., alors que l'immeuble avait été ac-
quis, en 1983, pour 7,2 millions de francs. Malgré ces ren-
trées, l'endettement hypothécaire grevant l'immeuble a peu
évolué, ayant eu au contraire tendance à augmenter, passant
de 1992 (7 millions de francs) à 1999 (entre 8 millions et 9
millions de francs). Alors qu'elle était requise par les lo-
cataires de produire ses comptes pour établir la destination
des fonds, la société propriétaire a expressément refusé de
le faire lors de l'audience du 8 octobre 1999.

Réformant un jugement rendu le 8 février 2000 par
le Tribunal des baux et loyers, la Chambre d'appel en
matière
de baux et loyers du canton de Genève a annulé le congé par
arrêt du 9 octobre 2000. La cour cantonale a retenu que la
résiliation avait été signifiée pour faire pression sur les
locataires et les amener à acquérir leur appartement, en les
plaçant devant l'alternative d'acheter ou de partir; il a
été
relevé en particulier qu'il n'était pas établi que l'apparte-
ment litigieux ait été offert à des tiers. La cour cantonale
a ajouté qu'il n'incombait pas aux locataires, en payant un
prix d'achat prohibitif, de rembourser des crédits accordés
non pas pour amortir le prix d'acquisition de l'immeuble,
mais pour procéder à des opérations dont tout laissait sup-
poser qu'elles étaient de nature spéculative.

C.- Parallèlement à un recours en réforme, l'Office
des poursuites et faillites Arve-Lac, déclarant agir "à
titre
de gérant légal de l'immeuble", interjette un recours de
droit public tendant à l'annulation de l'arrêt du 9 octobre
2000.

Les intimés invitent le Tribunal fédéral à rejeter
le recours et à confirmer l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Conformément à la règle générale, le recours de
droit public sera examiné en premier lieu (art. 57 al. 5 OJ).

2.- a) Le Tribunal fédéral contrôle librement et
d'office la recevabilité des recours dont il est saisi (ATF
126 I 50 consid. 1 et les arrêts cités).

b) Les recours ne sont pas formés au nom de la so-
ciété bailleresse. L'office recourant n'est manifestement
pas
lié aux locataires par un contrat de bail. Il déclare agir

titre de gérant légal de l'immeuble" et n'a évidemment pas
la
personnalité juridique. La question se pose donc de savoir
si
l'office, agissant en son propre nom, a qualité pour recou-
rir. Dans son mémoire au Tribunal fédéral, l'office
recourant
n'apporte aucune explication à ce sujet. Il lui incombe ce-
pendant de montrer que les conditions de recevabilité de ses
recours sont remplies (Messmer/Imboden, Die Eidgenössischen
Rechtsmittel in Zivilsachen, p. 226, note de pied de page
13). Le recours de droit public pourrait être déclaré irrece-
vable pour ce motif.

c) Selon l'art. 88 OJ, la qualité pour former un
recours de droit public appartient aux particuliers ou aux
collectivités lésés par des arrêtés ou décisions qui les con-
cernent personnellement ou qui sont d'une portée générale.
Le
recourant doit être touché par la décision attaquée dans un
intérêt qui lui est propre (ATF 125 I 161 consid. 2a) et qui
est juridiquement protégé (ATF 126 I 81 consid. 3b; 125 II
440 consid. 1c).

En l'espèce, l'arrêt attaqué n'a pas été rendu à
l'encontre de l'office recourant; il ne prononce aucune con-
damnation contre lui (sous réserve de la condamnation à
l'émolument en qualité de représentant, qui ne fait pas l'ob-
jet d'un grief spécifique), ne lui impose pas d'obligation
et
n'affecte en rien sa situation juridique propre.

d) Dans le dossier cantonal figure une pièce, sous
cote n° 16, dont le dernier alinéa montre clairement que
l'on
se trouve dans l'hypothèse de l'art. 152 al. 2 LP (cf. art.
92 ORFI; RS 281.42). Une poursuite en réalisation de gage a
été introduite et le créancier gagiste poursuivant a exigé
que le gage comprenne les loyers de l'immeuble loué. Dans
une

telle situation, il appartient à l'office d'aviser les loca-
taires qu'ils doivent désormais payer les loyers en ses
mains
(art. 91 al. 1 ORFI). Les pouvoirs accordés à l'office sont
délimités par l'art. 94 ORFI. Selon cette disposition, l'au-
torité administrative est tenue de prendre, en lieu et place
du propriétaire du gage, toutes les mesures nécessaires pour
assurer et opérer l'encaissement des loyers, en tant qu'ob-
jets du gage (cf. Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, Bundesgesetz
über Schuldbetreibung und Konkurs, 4e éd., n° 18 ad art. 152
LP; Känzig/Bernheim, Commentaire bâlois, n° 22 ad art. 152
LP). L'adverbe "notamment" utilisé dans la disposition
montre
que l'on illustre ensuite cette mission générale. En consé-
quence, s'il est dit que l'office a la faculté de résilier
les baux et requérir l'expulsion des locataires, cela ne
peut
se comprendre que dans le cadre de la mission générale qui
est de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer
et
opérer l'encaissement des loyers et fermages. On ne vise
donc
ici que l'hypothèse d'un locataire en retard dans ses paie-
ments. Comme il n'est ni constaté ni allégué en l'espèce que
les locataires intimés ne verseraient pas le prix de la loca-
tion, il n'apparaît pas que l'office puisse se substituer au
bailleur et fonder sa qualité pour recourir sur l'art. 94
ORFI. L'office peut certes invoquer en sa faveur l'arrêt pu-
blié à l'ATF 109 III 45 ss, mais cette jurisprudence traite
une situation un peu différente, puisqu'elle examine seule-
ment la question du droit de résilier du bailleur pendant la
poursuite.

Il n'est pas totalement exclu que le créancier,
dans l'intervalle, ait requis la réalisation. Dans cette hy-
pothèse, l'art. 155 al. 1 LP renvoie, par analogie, à l'art.
102 al. 3 LP. Cette disposition confère à l'office un large
pouvoir de gérance et d'exploitation, explicité par l'art.
17
ORFI. Cette disposition permet notamment à l'office de rési-
lier les baux et de requérir l'expulsion des locataires
"pour
entretenir l'immeuble en bon état de rendement". On ne par-

vient cependant toujours pas à discerner en quoi la résilia-
tion du bail d'espèce permettrait un meilleur rendement.

Il n'est cependant pas nécessaire de trancher défi-
nitivement le point (le cas échéant, en demandant des rensei-
gnements complémentaires à l'office recourant), le recours
étant de toute manière infondé.

3.- a) Saisi d'un recours de droit public, le Tri-
bunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitution-
nel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours
(art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 126 III 526 consid. 1c et les
arrêts cités).

b) En l'espèce, l'office se plaint exclusivement
d'arbitraire.

Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas
du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en consi-
dération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédé-
ral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci
est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contra-
diction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gra-
vement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou enco-
re lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de
la
justice et de l'équité; il ne suffit pas que la motivation
formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 126 I 168 con-
sid. 3a et les arrêts cités).

c) Il est constant que la société bailleresse a
proposé aux locataires intimés d'acheter l'appartement
qu'ils
occupent et que ceux-ci ont refusé. Il n'est pas davantage
contesté que la bailleresse a résilié le bail quelques mois
plus tard, alors qu'elle avait toujours l'intention de
vendre
ce logement. La cour cantonale a constaté que la société

bailleresse n'était en rien parvenue à rendre vraisemblable
qu'elle aurait changé son projet, en ce sens qu'elle aurait
entrepris de céder l'appartement en cause à un tiers. Les ar-
guments développés par le recourant sont absolument
impropres
à démontrer que cette constatation serait arbitraire. Il n'y
a en effet pas le moindre indice sérieux que l'appartement
habité par les intimés aurait été offert à quelqu'un
d'autre.

La cour cantonale, après avoir correctement rappelé
les principes juridiques applicables, a déduit clairement de
cette situation que le congé avait été donné uniquement pour
mettre les locataires sous pression et les amener à acquérir
leur logement, en les plaçant devant l'alternative d'acheter
ou de partir. Cette déduction est peut-être discutable, mais
elle n'est en tout cas pas arbitraire au sens de la défini-
tion rappelée ci-dessus.

Les autres remarques de la cour cantonale concer-
nant le prix de vente et le fait que l'endettement de la so-
ciété bailleresse serait dû à des opérations spéculatives,
n'apparaissent pas nécessaires pour justifier la décision
rendue. En conséquence, même si l'une ou l'autre de ces cons-
tatations critiquées devait être qualifiée d'arbitraire,
cela
n'aurait pas pour effet de rendre la décision attaquée arbi-
traire dans son résultat, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en-
trer en matière sur leur bien-fondé.

Quant au reproche fait par la cour cantonale à la
société bailleresse d'avoir refusé de produire les comptes
réclamés par les locataires, ainsi qu'aux conclusions qui en
ont été tirées, on ne voit pas non plus en quoi cette ques-
tion pourrait faire apparaître la décision attaquée comme ar-
bitraire dans son résultat. Même si la situation financière
de la société l'obligeait, sans aucune mauvaise foi de sa
part, à vendre rapidement les appartements, cela n'enlève
rien au fait que le congé est annulable s'il est donné seule-

ment dans le but d'amener le locataire à acheter l'apparte-
ment loué. Or, la cour cantonale est parvenue sans
arbitraire
à la conviction que tel était le cas, puisqu'il n'existe pas
d'indice que cet appartement-là ait été offert à quelqu'un
d'autre qu'aux locataires intimés.

Le recours de droit public doit donc être rejeté, à
supposer qu'il soit recevable.

3.- Les frais et dépens seront mis à la charge de
l'office recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al.
1
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

2. Met un émolument judiciaire de 3000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera aux intimés, créan-
ciers solidaires, une indemnité de 3500 fr. à titre de dé-
pens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel en matière de
baux
et loyers du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 8 mars 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.279/2000
Date de la décision : 08/03/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-08;4p.279.2000 ?
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