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08/03/2001 | SUISSE | N°4C.367/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 mars 2001, 4C.367/2000


«/2»

4C.367/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

8 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

l'Office des poursuites et des faillites Arve-Lac de Genève,
défendeur et recourant, représenté par Me Dominique Burger,
avocate à Genève,

et

les époux C.________, demandeurs et intimés, représentés par
Me Romolo

Molo, avocat à Genève,

(qualité pour recourir; congé-vente)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivan...

«/2»

4C.367/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

8 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

l'Office des poursuites et des faillites Arve-Lac de Genève,
défendeur et recourant, représenté par Me Dominique Burger,
avocate à Genève,

et

les époux C.________, demandeurs et intimés, représentés par
Me Romolo Molo, avocat à Genève,

(qualité pour recourir; congé-vente)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Les époux C.________ sont locataires, depuis
plus de 30 ans, d'un appartement dans un bâtiment à Genève,
propriété de la Société X.________ S.A. depuis octobre 1983

Au printemps 1996, la bailleresse a proposé aux
locataires d'acheter leur logement.

Les époux C.________ ont refusé cette offre.

Par avis officiels datés du 18 novembre 1996, la
propriétaire a résilié le bail.

B.- Le 26 novembre 1996, les locataires ont saisi
la Commission de conciliation genevoise en matière de baux
et
loyers d'une requête en annulation du congé.

La bailleresse a expliqué qu'elle devait aliéner
des appartements pour "se désengager".

Il a été établi qu'elle avait vendu, depuis 1992,
une partie des appartements (11 appartements) pour un
montant
total de 13 094 000 fr., alors que l'immeuble avait été ac-
quis, en 1983, pour 7,2 millions de francs. Malgré ces ren-
trées, l'endettement hypothécaire grevant l'immeuble a peu
évolué, ayant eu au contraire tendance à augmenter, passant
de 1992 (7 millions de francs) à 1999 (entre 8 millions et 9
millions de francs). Alors qu'elle était requise par les lo-
cataires de produire ses comptes pour établir la destination
des fonds, la société propriétaire a expressément refusé de
le faire lors de l'audience du 8 octobre 1999.

Réformant un jugement rendu le 8 février 2000 par
le Tribunal des baux et loyers, la Chambre d'appel en
matière
de baux et loyers du canton de Genève a annulé le congé par
arrêt du 9 octobre 2000. La cour cantonale a retenu que la
résiliation avait été signifiée pour faire pression sur les
locataires et les amener à acquérir leur appartement, en les
plaçant devant l'alternative d'acheter ou de partir; il a
été
relevé en particulier qu'il n'était pas établi que l'apparte-
ment litigieux ait été offert à des tiers. La cour cantonale
a ajouté qu'il n'incombait pas aux locataires, en payant un
prix d'achat prohibitif, de rembourser des crédits accordés
non pas pour amortir le prix d'acquisition de l'immeuble,
mais pour procéder à des opérations dont tout laissait sup-
poser qu'elles étaient de nature spéculative.

C.- Parallèlement à un recours de droit public,
l'Office des poursuites et faillites Arve-Lac, déclarant
agir
"à titre de gérant légal de l'immeuble", recourt en réforme
contre l'arrêt du 9 octobre 2000. Il conclut à l'annulation
de la décision attaquée et à la constatation de la validité
du congé, subsidiairement au renvoi de la cause à la cour
cantonale.

Les intimés invitent le Tribunal fédéral à rejeter
le recours et à confirmer l'arrêt attaqué.

D.- Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a re-
jeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours de droit
public formé par l'office des poursuites.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le Tribunal fédéral examine librement et
d'office la recevabilité des recours dont il est saisi (ATF
126 II 506 consid. 1 et les arrêts cités).

b) Les recours ne sont pas formés au nom de la so-
ciété bailleresse. L'office recourant n'est manifestement
pas
lié aux locataires par un contrat de bail. Il déclare agir

titre de gérant légal de l'immeuble" et n'a évidemment pas
la
personnalité juridique. La question se pose donc de savoir
si
l'office, agissant en son propre nom, a qualité pour recou-
rir. Dans son mémoire au Tribunal fédéral, l'office
recourant
n'apporte aucune explication à ce sujet. Il incombe
cependant
au recourant de montrer que les conditions de recevabilité
de
son recours sont remplies (Bernard Corboz, Le recours en ré-
forme au Tribunal fédéral, SJ 2000 II p. 1 ss, p. 45 n°
341).
Cette lacune pourrait, à elle seule, entraîner l'irrecevabi-
lité du recours en réforme (art. 55 al. 1 let. c OJ).

c) Pour recourir en réforme, il faut avoir eu la
qualité de partie devant la dernière autorité cantonale
(Peter Münch, Prozessieren vor Bundesgericht, p. 131 n°s
4.29
et 4.30; Corboz, op. cit., p. 28 s.; Georges Scyboz, Le re-
cours en réforme au Tribunal fédéral, FSA vol. 15 p. 41;
Messmer/Imboden, Die Eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsa-
chen, p. 57 n° 37).

En l'espèce, l'office est intervenu devant la cour
cantonale, par une écriture du 15 mai 2000, demandant dans
un
préambule que la qualité de partie intimée lui soit
reconnue.
La cour cantonale n'a manifestement pas donné suite à cette
requête, prononçant clairement son arrêt entre les deux loca-
taires et la société bailleresse. Un changement de partie en
cours de procédure cantonale relève exclusivement du droit

cantonal de procédure (Scyboz, op. cit., p. 41; Corboz, op.
cit., p. 29). Or, le recours en réforme n'est pas ouvert
pour
se plaindre d'une violation du droit cantonal (ATF 126 III
189 consid. 2a; 126 III 360 consid. 5; 125 III 305 consid.
3e). L'office recourant ne peut donc pas remettre en cause
la
décision de la cour cantonale de ne pas lui reconnaître la
qualité de partie. N'étant pas partie dans la procédure can-
tonale, il n'a pas qualité pour recourir en réforme.

Dans le dossier cantonal, on trouve cependant une
pièce n° 16, dont le dernier alinéa montre clairement que
l'on se trouve dans l'hypothèse de l'art. 152 al. 2 LP (cf.
art. 92 ORFI; RS 281.42). Une poursuite en réalisation de
gage a été introduite et le créancier gagiste poursuivant a
exigé que le gage comprenne les loyers de l'immeuble loué.
Dans une telle situation, il appartient à l'office d'aviser
les locataires qu'ils doivent désormais payer les loyers en
ses mains (art. 91 al. 1 ORFI). Les pouvoirs accordés à l'of-
fice sont délimités par l'art. 94 ORFI. Selon cette disposi-
tion, ce dernier est tenu de prendre, en lieu et place du
propriétaire du gage, toutes les mesures nécessaires pour
assurer et opérer l'encaissement des loyers, en tant qu'ob-
jets du gage (cf. Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, Bundesgesetz
über Schuldbetreibung und Konkurs, 4e éd. n° 18 ad art. 152
LP; Känzig/Bernheim, Commentaire bâlois, n° 22 ad art. 152
LP). L'adverbe "notamment" utilisé dans la suite de la dis-
position montre que l'on illustre ensuite cette mission gé-
nérale. En conséquence, s'il est dit que l'office a la fa-
culté de résilier les baux et requérir l'expulsion des lo-
cataires, cela ne peut se comprendre que dans le cadre de la
mission générale qui est de prendre toutes les mesures né-
cessaires pour assurer et opérer l'encaissement des loyers
et
fermages. On ne vise donc ici que l'hypothèse d'un locataire
en retard dans ses paiements. Comme il n'est ni constaté ni
allégué en l'espèce que les locataires intimés ne
verseraient
pas le prix de la location, il n'apparaît pas que l'office

puisse se substituer au bailleur et fonder sa qualité pour
recourir sur l'art. 94 ORFI. L'office peut certes invoquer
en
sa faveur l'arrêt publié à l'ATF 109 III 45 ss, mais cette
jurisprudence traite une situation un peu différente, puis-
qu'elle examine seulement la question du droit de résilier
du
bailleur pendant la poursuite.

Il n'est pas totalement exclu que le créancier,
dans l'intervalle, ait requis la réalisation. Dans cette hy-
pothèse, l'art. 155 al. 1 LP renvoie, par analogie, à l'art.
102 al. 3 LP. Cette disposition confère à l'office un large
pouvoir de gérance et d'exploitation, explicité par l'art.
17
ORFI, qui permet notamment à l'office de résilier les baux
et
de requérir l'expulsion des locataires "pour entretenir l'im-
meuble en bon état de rendement". On ne parvient cependant
toujours pas à discerner en quoi la résiliation du bail d'es-
pèce permettrait un meilleur rendement.

Il n'est toutefois pas nécessaire de trancher défi-
nitivement le point (le cas échéant, en demandant des rensei-
gnements complémentaires à l'office recourant), le recours
étant de toute manière infondé.

2.- a) Dans un recours en réforme, le Tribunal fé-
déral fonde son arrêt, en principe, sur les faits qui ont
été
constatés par la dernière autorité cantonale (art. 63 al. 2
OJ).

Le raisonnement juridique doit donc être conduit
sur la base de l'état de fait établi par la juridiction can-
tonale et dont l'établissement a été jugé exempt
d'arbitraire
dans l'arrêt rendu ce jour sur le recours de droit public.

b) Selon l'art. 271a al. 1 let. c CO, le congé est
annulable lorsqu'il est donné seulement dans le but d'amener
le locataire à acheter l'appartement loué.

Comme il a été constaté en fait que tel était bien
l'unique dessein de la bailleresse, on ne voit pas en quoi
la
cour cantonale aurait violé le droit fédéral en appliquant
cette disposition.

Il n'y a dès lors pas à examiner si le congé pour-
rait aussi être annulé sur la base de l'art. 271 al. 1 CO ou
sur celle de l'art. 271a al. 1 let. a CO, puisqu'il s'agit

d'arguments alternatifs superflus. Le recours en réforme
n'est pas ouvert pour se plaindre seulement des motifs de la
décision attaquée, si cela ne peut avoir aucune incidence
sur
le dispositif (cf. ATF 126 III 198 consid. 2b; 111 II 1; 106
II 117 consid. 1; 103 II 155 consid. 3).

c) L'office recourant se plaint enfin d'une viola-
tion de l'art. 274d al. 3 CO, qui pose le principe d'une
maxime inquisitoriale sociale (sur cette notion: cf. ATF 125
III 231 consid. 4a; ATF reproduit in SJ 1998 p. 645 consid.
2a).

Cette maxime n'oblige pas le juge à instruire d'of-
fice le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa posi-
tion (SJ 1998 p. 645 consid. 2a). Lorsqu'une partie refuse
de
collaborer à l'établissement des faits dans la mesure que
l'on pouvait exiger d'elle, le juge peut renoncer à ordonner
des preuves (ATF 125 III 231 consid. 4a).

En l'espèce, la représentante de la société baille-
resse a déclaré, lors de l'audience du 8 octobre 1999, qu'el-
le s'opposait à la production des pièces comptables. Elle a
ainsi clairement manifesté sa volonté de ne pas fournir les
documents requis. Comme on vient de le voir, la maxime inqui-
sitoriale sociale n'oblige pas le juge, dans une pareille si-
tuation, à une autre intervention, notamment à rendre un or-
dre formel ou à menacer de sanctions. Il n'y a donc pas
trace
ici d'une violation de l'art. 274d al. 3 CO. Savoir comment

il faut interpréter l'attitude d'une partie qui, n'ayant pas
le fardeau de la preuve, se refuse à collaborer à l'établis-
sement des faits est une pure question d'appréciation des
preuves; en cette matière, l'art. 274d al. 3 CO ne restreint
pas la liberté du juge et cette question, n'étant pas régie
par le droit fédéral, ne peut donner lieu à un recours en
réforme (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a;
122 III 26 consid. 4a/aa; 122 III 61 consid. 2c/cc; 122 III
73 consid. 6b/bb p. 80).

Le recours en réforme doit donc également être re-
jeté à supposer qu'il soit recevable.

3.- Les frais et dépens seront mis à la charge de
l'office recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al.
1
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 3000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera aux intimés, créan-
ciers solidaires, une indemnité de 3500 fr. à titre de dé-
pens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel en matière de
baux
et loyers du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 8 mars 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.367/2000
Date de la décision : 08/03/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-08;4c.367.2000 ?
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