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06/03/2001 | SUISSE | N°5C.263/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 mars 2001, 5C.263/2000


«/2»
5C.263/2000

IIe C O U R C I V I L E
**************************

6 mars 2001

Composition de la Cour: M. Bianchi, Juge présidant,
M. Raselli et Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, Assurance maladie et accident, défenderesse et
recourante, représentée par Me Pascal Marti, avocat à Genève,

et

Dame Y.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Henri Nanchen, avocat à Genève;

(as

surance complémentaire à l'assurance-maladie)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Dame ...

«/2»
5C.263/2000

IIe C O U R C I V I L E
**************************

6 mars 2001

Composition de la Cour: M. Bianchi, Juge présidant,
M. Raselli et Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, Assurance maladie et accident, défenderesse et
recourante, représentée par Me Pascal Marti, avocat à Genève,

et

Dame Y.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Henri Nanchen, avocat à Genève;

(assurance complémentaire à l'assurance-maladie)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Dame Y.________, née en 1969, est assurée depuis
le 1er juillet 1992 en matière d'assurance-maladie auprès de
la Fondation X.________, qui assure les risques de maladie
et
d'accidents sous le nom de X.________, assurance maladie et
accident (ci-après: X.________ ou la caisse). En 1997 et
1998, elle bénéficiait de l'assurance obligatoire de soins
("Basis") selon la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assu-
rance-maladie (LAMal; RS 832.10), ainsi que d'assurances
complémentaires selon la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le
contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1) pour l'hospitalisa-
tion en division privée ou en clinique (chambre à un lit)
avec limitation du choix de l'établissement ("Optima Plus")
et pour la maternité en division privée (chambre à un lit)
d'hôpitaux publics ou de cliniques ("Materna Plus").

B.- L'art. 3 des conditions spéciales d'assurance
(CSA) pour l'assurance complémentaire "Materna Plus" en vi-
gueur depuis le 1er janvier 1997 dispose que X.________
"assume la prise en charge des actes médicaux et
paramédicaux
nécessaires à la mère (...) pendant l'hospitalisation dans
un
établissement hospitalier agréé; si l'assurée n'a pas
recours
à un fournisseur de soins agréé, les frais de traitement
sont
remboursés jusqu'à fr. 200.- par jour". L'art. 4 CSA prévoit
que X.________ "assume la prise en charge du séjour hospita-
lier (chambre à 1 lit) et de l'encadrement médical forfaitai-
re facturés par un établissement hospitalier agréé; pour les
établissements hospitaliers non agréés, les frais hôteliers
sont couverts jusqu'à fr. 200.- par jour". L'art. 7 CSA pré-
cise que "la compagnie s'engage à remettre à l'assurée une
liste à jour des fournisseurs de soins agréés".

Jusqu'au 31 décembre 1996, les conditions spéciales
d'assurance pour l'assurance complémentaire "Materna Plus"

disposaient ce qui suit: "Lors d'une hospitalisation consécu-
tive à un accouchement, X.________ assume les frais de
séjour
en division privée ou en clinique de la mère (...); les
droits et obligations découlant de la souscription de la pré-
sente catégorie d'assurance sont en tous points similaires à
ceux prévus aux articles 2, 3, 4 (...) de la catégorie "Opti-
ma", respectivement "Optima plus" (art. 3 CSA). Les condi-
tions spéciales d'assurance pour l'assurance complémentaire
"Optima Plus" prévoyaient quant à elles ce qui suit:
"X.________ assume le paiement de tous les frais d'actes mé-
dicaux et paramédicaux nécessaires à l'assuré pendant son
hospitalisation, à la condition toutefois que les
traitements
aient été dispensés par des fournisseurs de soins ayant
passé
convention à cet effet avec la caisse ou, à défaut, dont le
nom figure dans une liste remise aux assurés au début de
chaque année civile" (art. 3 CSA); "En couverture des frais
hôteliers (...) et de l'encadrement médical facturé forfai-
tairement, X.________ prend en charge la totalité de la fac-
turation établie par les établissements avec lesquels elle a
passé convention ou, à défaut, figurant dans une liste
remise
aux assurés au début de chaque année civile" (art. 4 CSA).

C.- En novembre 1996, X.________ a adressé à tous
ses assurés genevois désirant être hospitalisés en secteur
privé une lettre circulaire les informant que dès le 1er
janvier 1997, les couvertures "Optima", "Optima Plus", "Ma-
terna" et "Materna Plus" permettraient à ceux qui en béné-
ficiaient de se faire hospitaliser en division privée à
l'Hôpital cantonal universitaire de Genève, à la clinique de
la Tour à Meyrin, à la clinique de la Colline à Genève, à la
Clinique de Genolier et à l'Hôpital de Nyon; les assurés qui
voulaient conserver une totale liberté dans le choix de
l'établissement hospitalier pouvaient souscrire une nouvelle
catégorie d'assurance "Ultra" à un tarif de primes adapté
aux
risques assurés.

La liste susmentionnée a été annulée et remplacée le
20 février 1998 par une nouvelle "liste des fournisseurs de
soins agréés". Le seul établissement agréé sur territoire
genevois était l'Hôpital cantonal universitaire de Genève.

D.- Le 7 juillet 1998, dame Y.________ a informé
X.________ qu'elle était enceinte et qu'elle souhaitait pou-
voir bénéficier d'une prise en charge médicale par le
médecin
gynécologue et obstétricien qui l'avait assistée lors de
l'accouchement de son premier enfant à la clinique des Gran-
gettes à Genève. Elle indiquait qu'elle s'était vue privée
de
sa liberté de choix, puisque la catégorie d'assurance
"Ultra"
n'existait pas en matière de maternité, et déclarait
attendre
une proposition de prise en charge des frais liés à l'accou-
chement à la clinique des Grangettes.

Par courrier du 24 juillet 1998, la caisse a répondu
que selon les conditions d'assurance relatives à la
catégorie
"Materna Plus", la prise en charge intégrale du traitement
et
du séjour hospitalier n'était assumée que dans la mesure où
l'établissement hospitalier choisi figurait sur la liste des
fournisseurs de soins agréés communiquée aux assurés; à dé-
faut, les prestations allouées par ladite assurance complé-
mentaire étaient limitées forfaitairement à 200 fr. par jour
pour les frais de traitement et à 200 fr. par jour pour les
frais hôteliers, à quoi s'ajoutait le forfait journalier de
342 fr. par jour octroyé au titre de la catégorie "Basis".

E.- Dame Y.________ a accouché à la clinique des
Grangettes en décembre 1998. Les frais d'accouchement et de
séjour à la clinique se sont élevés au total à 15'606 fr.
20.
Selon décomptes des prestations des 22 février et 23 mars
1999, X.________ a pris en charge un montant de 4'762 fr.
25,
soit 2'362 fr. 25 sur l'assurance "Basis" et 2'400 fr. sur
l'assurance complémentaire "Optima Plus". L'échange de cor-

respondance qui a suivi est demeuré stérile, chacune des par-
ties campant sur ses positions.

F.- A l'occasion d'un courrier du 23 décembre 1998,
X.________ a transmis à dame Y.________ une ordonnance de me-
sures provisionnelles prononcée le 6 janvier 1997 par la
Cour
de justice du canton de Genève. Cette ordonnance, rendue sur
la base de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels
et autres restrictions à la concurrence (LCart; RS 251), in-
terdisait à la Conférence suisse des assureurs maladie
COSAMA
ainsi qu'à la Fondation X.________ d'exclure sept cliniques
genevoises, dont celle des Grangettes, des possibilités
d'hospitalisation avec prise en charge intégrale des frais
pour les assurés bénéficiant d'une couverture des frais
d'hospitalisation dans le secteur privé.

Dans son courrier du 23 décembre 1998, la caisse
précisait qu'ensuite de la dénonciation au 31 décembre 1997
de la convention tarifaire qui liait les cliniques privées
genevoises à l'ensemble des assureurs-maladie, des pourpar-
lers étaient intervenus entre les différents partenaires en
vue de la conclusion de nouveaux accords; aucune entente
n'ayant pu être trouvée, X.________ avait adressé à ses assu-
rés genevois, à la fin du mois de février 1998, une nouvelle
liste des fournisseurs de soins agréés.

La procédure en validation des mesures provisionnel-
les prononcées le 6 janvier 1997 a été retirée avec désiste-
ment d'instance et d'action le 13 janvier 2000.

G.- Le 27 octobre 1999, dame Y.________ a saisi le
Tribunal administratif du canton de Genève, fonctionnant
comme tribunal cantonal des assurances, d'une demande
tendant
au paiement par X.________ d'un montant de 10'843 fr. 95 -
soit la différence entre les frais effectifs (15'606 fr. 20)
et le montant pris en charge par la caisse (4'762 fr. 25) -

avec intérêt à 5% l'an dès le 1er avril 1999. La
défenderesse
s'est opposée à la demande.

Statuant par arrêt du 10 octobre 2000, le Tribunal
administratif a condamné la défenderesse à verser à la deman-
deresse la somme de 10'843 fr. 95 avec intérêt à 5% l'an dès
le 23 avril 1999.

H.- Contre cet arrêt, la défenderesse exerce en
parallèle un recours de droit public et un recours en
réforme
au Tribunal fédéral. Le premier a été déclaré irrecevable
par
arrêt de ce jour. Dans le second, la défenderesse demande au
Tribunal fédéral, après avoir complété l'état de fait de
l'arrêt attaqué (art. 64 al. 2 OJ), de réformer celui-ci
dans
le sens du rejet des prétentions de la demanderesse. Il n'a
pas été demandé de réponse.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le litige relatif à des prétentions fondées sur
l'assurance complémentaire à l'assurance-maladie proposée
par
une caisse maladie constitue une contestation civile portant
sur des droits de nature pécuniaire au sens de l'art. 46 OJ
(ATF 124 III 44 consid. 1a/aa, 229 consid. 2b). La valeur
litigieuse minimale prescrite par cette disposition étant
atteinte en l'espèce, le recours en réforme, déposé en temps
utile (art. 54 al. 1 OJ), est recevable.

2.- a) L'autorité cantonale a retenu qu'en limitant
le choix des établissements en novembre 1996, la
défenderesse
n'avait fait que respecter les termes des conditions généra-
les d'assurance - qu'elle pouvait en principe édicter libre-
ment - et que l'on ne saurait dès lors lui reprocher une
violation du principe de la fidélité contractuelle (arrêt
attaqué, consid. 2). Les juges cantonaux ont toutefois consi-

déré que la défenderesse était tenue de prendre en charge
l'intégralité des frais relatifs à l'accouchement en
décembre
1998 par la demanderesse, pour les motifs suivants:

"3. Le Tribunal de céans a récemment jugé que suite
à l'ordonnance de mesures provisionnelles de la
Cour de Justice du 6 janvier 1997, la caisse n'é-
tait pas autorisée à écarter de la liste des four-
nisseurs de soins l'une des cliniques requérantes,
soit en l'occurrence la Générale-Beaulieu (ATA F.
du 28 mars 2000). Cette manière de voir ne peut
qu'être confirmée en l'espèce, s'agissant également
de l'une des cliniques requérantes, et cela nonob-
stant le retrait de la procédure devant la Cour de
justice. En effet, les faits pertinents pour la
solution du litige se sont passés alors que l'or-
donnance sur mesures provisionnelles était en vi-
gueur. Toute autre solution consacrerait une inéga-
lité de traitement à l'égard des caisses qui ont
spontanément respecté lesdites mesures provision-
nelles.

Dès lors, il faut admettre que la caisse n'était
pas autorisée à écarter de la liste des fournis-
seurs dont elle acceptait de rembourser les presta-
tions la clinique des Grangettes."

b) aa) La défenderesse reproche d'abord au Tribunal
administratif d'avoir fondé son arrêt sur un état de fait
incomplet en ignorant totalement le fait, pourtant dûment
prouvé et essentiel, que la Fédération genevoise des assu-
reurs-maladie a dénoncé avec effet au 31 décembre 1997 la
convention tarifaire d'hospitalisation qui la liait à l'Asso-
ciation des cliniques privées de Genève.

bb) La défenderesse se plaint ensuite d'une viola-
tion du principe de la liberté contractuelle (art. 19 CO),
qui implique que dans le domaine de l'assurance-maladie com-
plémentaire, les droits et obligations des parties découlent
exclusivement du contrat. Or en l'espèce, les conditions
spéciales de l'assurance "Optima Plus" (recte: "Materna
Plus") prévoient que le remboursement intégral des frais

d'actes médicaux et paramédicaux nécessaires à l'assurée pen-
dant son hospitalisation n'intervient que si le fournisseur
de soins a passé convention à cet effet ou, à défaut, si son
nom figure sur une liste remise aux assurés, et la clinique
des Grangettes ne remplissait aucune de ces deux conditions
en 1998. Selon la défenderesse, la demanderesse ne saurait
se
prévaloir de l'ordonnance de mesures provisionnelles rendue
le 6 janvier 1997 par la Cour de justice, pour différentes
raisons: d'abord, elle n'était pas partie à cette procédure;
ensuite, l'ordonnance en question fait référence à une con-
vention tarifaire qui était caduque depuis le 1er janvier
1998; enfin, les mesures provisionnelles ordonnées sont el-
les-mêmes devenues caduques ensuite du retrait de l'action
tendant à leur validation.

Au surplus, les mesures provisionnelles pouvaient
tout au plus bloquer provisoirement la situation juridique
et
empêcher la défenderesse de limiter sa couverture en choisis-
sant parmi les établissements conventionnés; en revanche,
elles n'ont en aucun cas pu donner aux assurés plus de
droits
qu'ils n'en avaient en vertu du contrat, à savoir leur
offrir
une couverture intégrale pour les établissements non conven-
tionnés. Dès lors que la convention d'hospitalisation a été
dénoncée pour le 31 décembre 1997 par la Fédération
genevoise
des assureurs-maladie, laquelle n'était pas partie à la pro-
cédure devant la Cour de justice, les cliniques privées de-
vaient être considérées en 1998 comme des établissements non
conventionnés, pour lesquels les conditions spéciales de
l'assurance "Optima Plus" (recte: "Materna Plus") ne pré-
voyaient pas la couverture intégrale des frais d'hospitalisa-
tion, mais seulement le remboursement de montants forfaitai-

res. En refusant d'appliquer au cas d'espèce les règles con-
tractuelles relatives à l'indemnisation des assurés ayant
été
hospitalisés dans des établissements non conventionnés, le
Tribunal administratif aurait transgressé le fondement même
du contrat.

cc) La défenderesse invoque enfin l'absence de bonne
foi de la demanderesse dans les prétentions que celle-ci
fait
valoir à son encontre. La demanderesse a en effet échangé
avant son accouchement en décembre 1998 plusieurs correspon-
dances avec la défenderesse, laquelle lui a indiqué très
clairement, avec référence aux articles des conditions spé-
ciales de l'assurance "Optima Plus" (recte: "Materna Plus"),
la couverture qu'elle prendrait en charge en cas d'hospitali-
sation dans un établissement non conventionné.

3.- a) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal
fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus dans la décision attaquée, à moins que des disposi-
tions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,
qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il
faille compléter les constatations de l'autorité cantonale
parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
et
régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid.
2a
et les arrêts cités).

S'il y a lieu de compléter les constatations de
l'autorité cantonale, le Tribunal fédéral annule, par arrêt
motivé, la décision attaquée et renvoie l'affaire à cette
autorité en l'invitant à compléter au besoin le dossier et à
statuer à nouveau (art. 64 al. 1 OJ). Lorsqu'il ne s'agit
que
de les compléter sur des points purement accessoires, le
Tribunal fédéral peut cependant le faire lui-même en tant
que
cela lui est possible sur le vu du dossier et statuer sur le
litige (art. 64 al. 2 OJ).

b) En l'espèce, l'arrêt attaqué présente plusieurs
lacunes sur des points de fait accessoires, qui peuvent être
comblées sur le vu du dossier. Ainsi, la teneur des condi-
tions spéciales d'assurance pour l'assurance complémentaire
"Materna Plus" peut être constatée comme cela a été fait
sous

lettre B ci-dessus. De même, les constatations de l'autorité
cantonale sur l'ordonnance de mesures provisionnelles pronon-
cée le 6 janvier 1997 par la Cour de justice du canton de
Genève (cf. lettre F supra) peuvent être complétées en ce
qui
concerne la formulation exacte du dispositif de cette déci-
sion ainsi que sa motivation (cf. consid. 3c infra). Enfin,
il y a lieu de constater, comme le sollicite la défenderesse
(cf. consid. 2b/aa supra) et dans la mesure où ce fait ne
ressort pas suffisamment clairement de l'arrêt attaqué - qui
ne le rapporte qu'indirectement à travers les courriers de
la
défenderesse qui y font référence (cf. lettre F supra) -,
que
la Fédération genevoise des assureurs-maladie, dont la défen-
deresse est membre, a dénoncé le 30 juin 1997, avec effet au
31 décembre 1997, la convention tarifaire d'hospitalisation
qui la liait à l'Association des cliniques privées de Genève.

c) Dans son ordonnance de mesures provisionnelles du
6 janvier 1997 - rendue sur requête de l'Association des
cliniques privées de Genève (ci-après: l'ACPG) et des clini-
ques membres de cette association -, la Cour de justice du
canton de Genève a constaté que l'ACPG avait conclu avec la
Fédération genevoise des assureurs-maladie, dont X.________
est membre, une convention concernant "les questions ayant
trait à la couverture des soins relevant des assurances pri-
vées". En 1996, la Conférence suisse des assureurs maladie
(COSAMA) a annoncé sa décision d'introduire au plus tard dès
le 1er janvier 1997 un produit d'assurance complémentaire
pour frais d'hospitalisation en établissements privés, carac-
térisée par un choix limité des établissements en contrepar-
tie de primes réduites par rapport à celles fortement augmen-
tées pour l'hospitalisation sans restriction dans le choix
de
l'établissement. X.________ a mis en oeuvre cette décision
de
COSAMA par circulaire à ses assurés de novembre 1996 (cf.
lettre C supra).

La Cour de justice a considéré que la décision de la
COSAMA de lancer un nouveau produit d'assurance, même dépour-
vue d'effet contraignant à l'égard de ses membres, constitu-
ait une "pratique concertée d'entreprises entraînant une res-
triction de la concurrence", au sens de l'art. 4 al. 1
LCart,
puisqu'elle avait pour objectif de réduire le nombre des
cliniques privées admises dans le cercle des établissements
autorisés à dispenser leurs soins dans les limites tracées
par le nouveau produit d'assurance. Comme le nouveau produit
d'assurance avec limitation du choix de l'établissement an-
noncé par X.________ impliquait la fixation de nouvelles con-
ditions tarifaires avec les établissements privés qui y par-
ticiperaient, et que le maintien des anciennes conditions
d'hospitalisation en privé ou semi-privé ne serait proposé
aux assurés qu'au prix d'une augmentation de prime de 28 fr.
par mois, la décision de COSAMA mise à exécution par
X.________ tombait sous le coup de l'art. 5 al. 3 let. a
LCart, qui vise les accords "qui fixent directement ou indi-
rectement des prix"; elle constituait en outre une discrimi-
nation par "répartition en fonction des partenaires commer-
ciaux" au sens de l'art. 5 al. 3 let. c LCart. Comme la per-
sonne qu'une restriction illicite à la concurrence entrave
dans l'accès à la concurrence ou l'exercice de celle-ci peut
demander la suppression ou la cessation de l'entrave (art.
12
al. 1 LCart), et que constitue en particulier une entrave à
la concurrence le refus de traiter des affaires ou
l'adoption
de mesures discriminatoires (art. 12 al. 2 LCart), la Cour
de
justice a considéré que les requérantes avaient rendu vrai-
semblable qu'elles étaient victimes d'une entrave à la con-
currence.

Statuant sur mesures provisionnelles, la Cour de
justice a dès lors "interdit à la Conférence suisse des assu-
reurs maladie COSAMA et à la Fondation X.________ d'exclure
[sept cliniques genevoises dont la clinique des Grangettes]
des possibilités d'hospitalisation, avec prise en charge in-

tégrale des frais aux conditions de la convention d'hospita-
lisation liant l'ACPG à la Fédération genevoise des
assureurs
maladie, offertes aux assurés des caisses-maladie membres de
Conférence suisse des assureurs maladie COSAMA, notamment la
caisse maladie X.________, bénéficiant d'une couverture des
frais d'hospitalisation dans le secteur privé."

4.- a) Depuis l'entrée en vigueur de la LAMal, le
1er janvier 1996, les assurances complémentaires à l'assuran-
ce-maladie sociale au sens de cette loi sont soumises au
droit privé, plus particulièrement à la LCA (art. 12 al. 3
LAMal; ATF 124 III 44 consid. 1a/aa, 229 consid. 2b) et au
droit des obligations pour tout ce qui n'est pas réglé par
la
LCA (art. 100 al. 1 LCA). Le droit aux prestations d'assuran-
ces se détermine donc sur la base des dispositions contrac-
tuelles liant l'assuré et l'assureur, en particulier des
conditions générales ou spéciales d'assurance. En l'espèce,
il faut donc se référer conditions spéciales de l'assurance
"Materna Plus". C'est toutefois à tort que la défenderesse
se
réfère (cf. consid. 2b/bb supra) aux conditions spéciales
d'assurance en vigueur jusqu'au 31 décembre 1996, selon les-
quelles le paiement intégral des frais d'actes médicaux et
paramédicaux et des frais hôteliers était soumis à la condi-
tion alternative que les fournisseurs de soins aient passé
convention à cet effet avec la caisse ou que leur nom figure
dans une liste remise aux assurés au début de chaque année
civile (cf. lettre B supra). Les prétentions de la demande-
resse doivent au contraire être examinées au regard des con-
ditions spéciales d'assurance en vigueur depuis le 1er jan-
vier 1997, comme l'a retenu la cour cantonale (cf. consid.
2a
supra) et comme la défenderesse l'a elle-même fait dans son
courrier du 21 août 1998 à la demanderesse (cf. lettre D
supra).

b) Selon les conditions spéciales d'assurance pour
l'assurance complémentaire "Materna Plus" en vigueur depuis

le 1er janvier 1997, la défenderesse assume la prise en char-
ge des actes médicaux et paramédicaux ainsi que du séjour
hospitalier facturés par un fournisseur de soins agréé selon
la liste remise à l'assurée; si cette dernière n'a pas re-
cours à un fournisseur de soins agréé, la défenderesse rem-
bourse jusqu'à 200 fr. par jour pour les frais de traitement
et autant pour les frais hôteliers (cf. lettre B supra).

Il n'est pas contesté que la clinique des Grangettes
ne figurait pas sur la liste des fournisseurs de soins
agréés
par la défenderesse en 1997 ni en 1998 (cf. lettre C supra).
L'autorité cantonale a néanmoins considéré qu'en vertu de
l'ordonnance de mesures provisionnelles prononcée le 6 jan-
vier 1997 par la Cour de justice, la défenderesse n'était
pas
autorisée à écarter la clinique des Grangettes de la liste
des fournisseurs de soins agréés dont elle acceptait de rem-
bourser intégralement les prestations (cf. consid. 2a
supra).
Il convient dès lors d'examiner ci-après (cf. consid. 4c à
4e
infra), à la lumière des griefs de la défenderesse (cf. con-
sid. 2b/bb supra), si ce raisonnement est conforme au droit
fédéral.

c) L'autorité cantonale a retenu que l'ordonnance de
mesures provisionnelles du 6 janvier 1997 était en vigueur
lorsque les faits pertinents pour la solution du litige se
sont produits (cf. consid. 2a supra), la procédure en valida-
tion de ces mesures provisionnelles ayant été retirée avec
désistement d'instance et d'action le 13 janvier 2000 seule-
ment (cf. lettre F in fine supra). Contrairement à ce que
soutient la défenderesse (cf. consid. 2b/bb supra), il impor-
te peu que ces mesures soient caduques depuis le 13 janvier
2000. Il s'agit en effet de prendre en considération la si-
tuation juridique telle qu'elle existait au moment où les
éventuelles prétentions de la demanderesse sont nées.

Il convient dès lors d'examiner si la demanderesse,
qui n'était pas partie à la procédure de mesures provision-
nelles qui a abouti à l'ordonnance du 6 janvier 1997, peut
se
prévaloir de l'interdiction qui y a été faite à la défende-
resse d'exclure notamment la clinique des Grangettes, des
possibilités d'hospitalisation avec prise en charge
intégrale
des frais pour les assurés bénéficiant d'une couverture des
frais d'hospitalisation dans le secteur privé.

d) Selon le principe de la relativité subjective de
la chose jugée, les jugements n'ont en principe d'effet
qu'entre ceux qui ont été parties au procès, leurs héritiers
ou ayants droit, de sortent qu'ils ne nuisent ni ne
profitent
aux tiers (Habscheid, Droit judiciaire privé suisse, 2e éd.,
1981, p. 318; Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire
de
la loi de procédure civile du canton de Genève du 10 avril
1987, n. 13 ad art. 99 LPC et n. 1 ad art. 145 LPC;
Guldener,
Schweizerisches Zivilprozessrecht, 1979, p. 371 ss; ATF 93
II
11 consid. 2c p. 17; 89 II 429 consid. 4 in limine et les
arrêts cités). Cette limitation quant aux personnes de la
portée de la chose jugée est justifiée principalement par le
fait qu'un jugement ne doit pas pouvoir être opposé à un
tiers qui n'a pas participé au procès et n'a donc pas pu y
défendre ses intérêts (Guldener, op. cit., p. 373/374; Hab-
scheid, Schweizerisches Zivilprozess- und Gerichtsorgani-
sationsrecht, 2e éd., 1990, n. 502; Kummer, Das Klagerecht
und die materielle Rechtskraft nach schweizerischem Recht,
1954, p. 140). Le principe de la relativité subjective des
jugements peut toutefois trouver des limites dans des impéra-
tifs posés par le droit matériel (Guldener, op. cit., p.
374;
Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n. 13 ad art. 99
LPC et n. 4 ad art. 145 LPC; Habscheid, op. cit., p. 319).
Il
convient ainsi de s'écarter du principe de la relativité sub-
jective de la chose jugée lorsque cela apparaît approprié en
vue d'une réalisation conséquente des objectifs du droit ma-
tériel et que cela ne porte pas atteinte aux droits de
tiers;

une telle décision dépend entièrement des droits et rapports
juridiques en cause dans le cas concret (Kummer, op. cit.,
p. 142; Rapp, Urteilswirkungen gegenüber Dritten, in Zivil-
prozessrecht, Arbeitsrecht, Kolloquium zu Ehren von
Professor
Adrian Staehelin, 1997, p. 39).

En l'espèce, le but de l'ordonnance de mesures pro-
visionnelles du 6 janvier 1997 était de prévenir une entrave
à la concurrence résultant de l'adoption de mesures discrimi-
natoires en obligeant la défenderesse à faire bénéficier
ceux
de ses assurés qui désiraient ou devaient se faire hospitali-
ser dans une des cliniques privées requérantes de conditions
équivalentes à celles qui leur étaient offertes pour l'hospi-
talisation dans des établissements concurrents (cf. Tercier,
Droit privé de la concurrence, in Schweizerisches Immaterial-
güter- und Wettbewerbsrecht, Band V/2, Kartellrecht, 2000,
p.
350/351). Il apparaît dès lors approprié, en vue de la réali-
sation conséquente des objectifs de la législation anticar-
tellaire et au regard du but de l'ordonnance de mesures pro-
visionnelles du 6 janvier 1997 - qui était comme on vient de
le voir de prévenir une entrave à la concurrence résultant
d'une discrimination des cliniques privées requérantes à
travers les conditions offertes par la défenderesse à ses
assurés -, de considérer que la demanderesse peut se préva-
loir de cette ordonnance lors même qu'elle n'était pas
partie
à la procédure au terme de laquelle celle-ci a été rendue.
La
défenderesse ayant quant à elle pu défendre ses intérêts
dans

cette procédure, elle n'a pas d'intérêt légitime à invoquer
la relativité subjective de la chose jugée (cf. Rapp, op.
cit., p. 39).

e) Dès lors que la défenderesse n'était pas fondée,
en vertu de l'ordonnance de mesures provisionnelles du 6
janvier 1997 dont la demanderesse peut se prévaloir, à écar-
ter la clinique des Grangettes de la liste des
établissements
dont elle remboursait intégralement les prestations, c'est à

bon droit que les juges cantonaux l'ont condamnée à rembour-
ser les frais effectifs de l'accouchement en décembre 1998.
En effet, du fait des mesures provisionnelles ordonnées par
la Cour de justice, les assurées de la défenderesse
pouvaient
prétendre aux prestations prévues pour les fournisseurs de
soins agréés au sens des art. 3, 4 et 7 des conditions spé-
ciales d'assurance pour l'assurance complémentaire "Materna
Plus" en vigueur depuis le 1er janvier 1997 (cf. lettre B
supra) également pour l'hospitalisation dans l'une des clini-
ques requérantes.

Peu importe que l'ordonnance du 6 janvier 1997 fît
référence à la prise en charge intégrale des frais "aux con-
ditions de la convention d'hospitalisation liant l'ACPG à la
Fédération genevoise des assureurs maladie" (cf. consid. 3c
supra). Cette formulation, par laquelle la Cour de justice
n'a fait que reprendre les conclusions prises par les requé-
rantes elles-mêmes, ne saurait avoir pour effet que la défen-
deresse n'est plus tenue de verser ses prestations ensuite
de
la dénonciation de ladite convention au 31 décembre 1997. En
effet, l'ordonnance du 6 janvier 1997 visait à éviter la dis-
crimination des cliniques requérantes par rapport aux éta-
blissements hospitaliers concurrents figurant sur la liste
des fournisseurs de soins agréés par la défenderesse, pour
lesquels les conditions spéciales d'assurance applicables
prévoyaient la prise en charge intégrale des frais de traite-
ment et des frais hôteliers (cf. consid. 4a et b supra). Or
selon les propres allégations de la recourante, cette liste
comprenait des établissements tant conventionnés que non
conventionnés. La dénonciation de la convention d'hospitali-
sation au 31 décembre 1997 ne saurait ainsi avoir de consé-
quences sur les prétentions de la demanderesse,
contrairement
à ce que soutient la défenderesse (cf. consid. 2b/bb supra).

f) Enfin, l'argument selon lequel la demanderesse
connaissait la position de la défenderesse avant même l'ac-
couchement en décembre 1998 et n'exercerait donc pas ses
prétentions selon les règles de la bonne foi (cf. consid.
2b/cc supra) apparaît dénué de toute pertinence. La demande-
resse n'a en effet jamais varié dans la position juridique
qu'elle a adopté dès avant son hospitalisation; le simple
fait qu'elle connaissait la position contraire de la défende-
resse avant la naissance des prétentions résultant de cette
hospitalisation ne fait nullement apparaître l'exercice ulté-
rieur de ces prétentions comme contraire à la bonne foi.

5.- Il résulte de ce qui précède que le recours doit
être rejeté et l'arrêt attaqué confirmé. La défenderesse,
qui
succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1
OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens dès
lors que la demanderesse n'a pas été invitée à répondre au
recours et n'a en conséquence pas assumé de frais pour la
procédure devant le Tribunal fédéral (Poudret/Sandoz-Monod,
Commentaire de la loi Fédérale d'organisation judiciaire,
vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge de la recourante.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et au Tribunal administratif du canton de
Genève.

__________

Lausanne, le 6 mars 2001
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Juge présidant,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.263/2000
Date de la décision : 06/03/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-06;5c.263.2000 ?
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