La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/03/2001 | SUISSE | N°4C.378/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 mars 2001, 4C.378/2000


«/2»

4C.378/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

5 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

1. A.________, défendeur et recourant,
2. B.________, défendeur et recourant,
tous deux représentés par Me Jean-Charles Sommer, avocat à
Genève,
et

X.________ S.A. en liquidation, demanderesse et intimée,
représentée par Me Michel A

. Halpérin, avocat à Genève;

(bail à ferme; jugement sur compétence; défauts; impossi-
bilité)

Vu les pièces du dossier d'...

«/2»

4C.378/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

5 mars 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

1. A.________, défendeur et recourant,
2. B.________, défendeur et recourant,
tous deux représentés par Me Jean-Charles Sommer, avocat à
Genève,
et

X.________ S.A. en liquidation, demanderesse et intimée,
représentée par Me Michel A. Halpérin, avocat à Genève;

(bail à ferme; jugement sur compétence; défauts; impossi-
bilité)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Par contrat du 4 mars 1991, la société
X.________ S.A., propriétaire du restaurant Y.________ à
Genève, a confié la gérance libre de cet établissement aux
époux A.________. Le même jour, une convention de société
simple a été conclue entre les conjoints A.________ et les
époux C.________, propriétaires économiques de X.________
S.A., qui se déclaraient "partenaires fiduciaires".

Le 26 août 1992, la convention de société simple a
été modifiée en ce sens que ses seuls partenaires étaient dé-
sormais A.________ et B.________.

Le 2 décembre 1992, le contrat de gérance libre a
également été modifié, X.________ S.A. confiant la gérance à
A.________ et B.________. Les redevances mensuelles étaient
fixées à 11 000 fr. dès novembre 1992 et à 12 000 fr. à par-
tir d'octobre 1994. L'échéance de la convention était fixée
au 30 septembre 1996 avec délai de préavis de six mois.

b) Les 25 novembre 1993 et 19 janvier 1994,
A.________ et B.________ ont écrit à X.________ S.A. pour
demander que le certificat de capacité, dont était titulaire
l'administrateur de cette société, soit affiché dans le res-
taurant et pour solliciter l'exécution de travaux d'entre-
tien.

A fin juin 1994, le Département genevois de justice
et police et des transports a estimé que la titulaire de la
patente, C.________, administratrice unique de X.________
S.A. depuis décembre 1993, n'était plus assez présente dans
l'établissement, de sorte qu'il a demandé qu'un nouveau titu-
laire soit désigné. A.________ et B.________ sont entrés en

contact avec P.________, détenteur d'un certificat de capa-
cité, mais les négociations n'ont pas abouti.

Le 22 novembre 1994, X.________ S.A. est entrée en
liquidation.

Le 5 janvier 1995, X.________ S.A. en liquidation a
saisi la Commission de conciliation en matière de baux et
loyers, réclamant à A.________ et B.________ la garantie
bancaire prévue dans le contrat initial auquel renvoyait la
convention du 2 décembre 1992. Pour leur part, A.________ et
B.________ ont mis en demeure X.________ S.A. de remédier à
l'absence de patente de restaurateur et de procéder à des
travaux d'entretien.

A fin avril 1995, A.________ et B.________ ont
quitté le restaurant. Ils en ont restitué les clés à
X.________ S.A. en liquidation le 5 mai 1995 sans explica-
tion.

Par décision du 8 mai 1995, le Département de jus-
tice et police et des transports a ordonné la cessation immé-
diate de l'exploitation du restaurant Y.________ aux motifs
que les gérants A.________ et B.________ n'étaient pas titu-
laires d'un certificat de capacité ni d'une autorisation
d'exploiter.

B.- Dans la procédure tendant à la remise de la
garantie bancaire, A.________ et B.________ ont soulevé une
exception d'incompétence du Tribunal des baux et loyers.
Saisie d'un appel sur cet incident, la Chambre d'appel en
matière de baux et loyers du canton de Genève, par arrêt du
9
décembre 1996, a admis la compétence du Tribunal des baux et
loyers, considérant que les parties étaient liées par un
bail
à ferme non agricole.

Par la suite, les parties ont formulé diverses pré-
tentions réciproques devant le Tribunal des baux et loyers,
lesquelles ont fait l'objet d'une décision de jonction de
causes. En substance, X.________ S.A. en liquidation, contes-
tant que le contrat ait été valablement résilié, a réclamé
les mensualités impayées et d'autres indemnités; pour leur
part, A.________ et B.________ ont demandé le remboursement
de diverses factures, ainsi que des indemnités.

Réformant partiellement le jugement rendu en pre-
mière instance le 17 juin 1999, la Chambre d'appel en
matière
de baux et loyers, par arrêt du 26 octobre 2000, a condamné
A.________ et B.________ solidairement à payer à X.________
S.A. en liquidation la somme de 95 941 fr.65 avec intérêts;
par ailleurs, elle a condamné X.________ S.A. en liquidation
à payer à A.________ et B.________ solidairement la somme de
23 285 fr.15 plus intérêts; enfin, elle a statué sur les
frais et dépens et infligé une amende pour procédé téméraire
au conseil des défendeurs.

C.- A.________ et B.________ exercent un recours
en réforme au Tribunal fédéral dirigé à la fois contre l'ar-
rêt sur compétence du 9 décembre 1996 et contre l'arrêt sur
le fond du 26 octobre 2000. Ils concluent à l'annulation des
deux arrêts attaqués, au déboutement de leur partie adverse
et à la condamnation de X.________ S.A. en liquidation à
leur
payer la somme de 23 285 fr.15 avec intérêts à 5% dès le 31
juillet 1997; subsidiairement, ils demandent le renvoi de la
cause à la cour cantonale.

L'intimée propose l'irrecevabilité du recours en
tant qu'il est dirigé contre l'arrêt sur compétence du 9 dé-
cembre 1996 et le rejet du recours en tant qu'il est dirigé
contre l'arrêt du 26 octobre 2000, les décisions attaquées
étant confirmées.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le recours en réforme est formé en premier
lieu contre l'arrêt sur compétence rendu le 9 décembre 1996.

b) Lorsque l'autorité cantonale de dernière instan-
ce statue sur la compétence séparément du fond, son arrêt
peut faire l'objet d'un recours en réforme immédiat pour vio-
lation des prescriptions de droit fédéral sur la compétence
(art. 49 al. 1 OJ). Dans ce cas, il n'est pas possible d'at-
tendre la décision finale pour s'en plaindre (art. 48 al. 3
OJ; Poudret, COJ II, n. 4.2.1 ad art. 48 OJ; Corboz, Le re-
cours en réforme au Tribunal fédéral in: SJ 2000 II p. 9).
Ainsi, le recours déposé le 30 novembre 2000 contre l'arrêt
rendu le 9 décembre 1996 est manifestement tardif (art. 54
al. 1 OJ) et doit donc être déclaré irrecevable.

c) Au demeurant, la compétence des différents
tribunaux genevois relève exclusivement du droit cantonal
(cf. art. 301 et 274 CO). Dès lors que la question à
résoudre
ressortit exclusivement au droit cantonal, le recours en ré-
forme n'est pas ouvert (cf. 43 al. 1 OJ), quand bien même le
droit cantonal se réfère à des notions de droit fédéral (ATF
125 III 461 consid. 2 et les références citées).

Pour ce motif également, le recours est irreceva-
ble.

2.- a) Le recours en réforme est exercé en second
lieu contre l'arrêt sur le fond rendu le 26 octobre 2000.

b) Interjeté par les parties qui ont succombé dans
leurs conclusions libératoires et dirigé contre un jugement
final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal
supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile
dont

la valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr. (art. 46
OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puis-
qu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans
les
formes requises (art. 55 OJ).

c) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche
pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang cons-
titutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 126 III 161 consid. 2b, 189 consid. 2a,
370 consid. 5; 125 III 305 consid. 2e).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a; 119
II 353 consid. 5c/aa). Dans la mesure où un recourant présen-
te un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la dé-
cision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une
des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'y a pas
lieu d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs
contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de
preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'appréciation
des
preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne peut
être remise en cause (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78
consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent prendre de
conclusions nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il
n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al.
1

OJ), ni par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2).

3.- a) La mise en gérance d'un restaurant équipé
donne lieu à un bail à ferme non agricole (Lachat, Le bail à
loyer, p. 55 n° 2.1; Tercier, Les contrats spéciaux, 2e éd.,
n° 2172, p. 266).

Faisant valoir que leur partie adverse devait met-
tre à leur disposition une personne disposant du certificat
de capacité, les recourants se plaignent d'une violation de
l'art. 259b CO, qui ouvre la voie à une résiliation du bail
pour défaut de la chose louée.

On peut laisser ouverte la question de savoir si le
fait de ne pas mettre à disposition une personne titulaire
du
certificat de capacité constitue la violation d'une obliga-
tion accessoire ou peut être considéré comme un défaut de la
chose affermée.

De toute manière, même s'il fallait admettre que
les conditions de l'art. 259b let. a CO (applicable par le
renvoi de l'art. 288 al. 1 CO) sont réunies, cette disposi-
tion donne seulement au fermier la faculté de résilier le
contrat avec effet immédiat.

Une résiliation donnée par le fermier doit cepen-
dant revêtir la forme écrite, s'agissant d'un bail à ferme
portant sur des locaux commerciaux (art. 298 al. 1 CO).
Cette
règle est semblable à celle qui figure à l'art. 266l al. 1
CO
pour le cas du bail à loyer. Cette exigence de forme ne s'ap-
plique pas seulement au congé ordinaire, mais également à
une
résiliation extraordinaire, notamment celle fondée sur
l'art.
259b let. a CO (Weber/Zihlmann, Commentaire bâlois, 2e éd.,
n. 6 ad art. 259b CO et n. 4 ad art. 266l CO; Higi, Commen-

taire zurichois, n. 4 ad art. 266l CO; SVIT-Kommentar, 2e
éd., n. 7 ad art. 266l - 266o CO).

Or, il résulte des constatations cantonales - qui
lient le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme
(art.
63 al. 2 OJ) - que les recourants n'ont pas adressé de rési-
liation écrite au bailleur.

La résiliation qui ne respecte pas la forme légale
est nulle (art. 298 al. 3 CO; cf.: art. 266o CO). Cette nul-
lité peut en principe être constatée d'office et en tout
temps (Lachat, op. cit., p. 407 n° 2.3).

Il est donc manifeste que le bail n'a pas été vala-
blement résilié en application de l'art. 259b let. a CO. En
ne retenant pas cette disposition, la cour cantonale n'a pas
violé le droit fédéral.

b) Invoquant les mêmes circonstances, les recou-
rants soutiennent qu'une résiliation n'était pas nécessaire
et que le bail s'est éteint de plein droit pour cause d'im-
possibilité (art. 119 al. 1 CO).

L'impossibilité ne libère le débiteur que s'il n'en
est pas responsable (ATF 111 II 352 consid. 2a). Tel n'est
pas le cas lorsque le débiteur choisit de ne pas satisfaire
à
des exigences de police, alors qu'il le pourrait (ATF 116 II
512 consid. 2).

En l'espèce, il n'était certainement pas impossible
d'engager une personne titulaire du certificat de capacité;
les recourants ne tentent même pas de démontrer le contraire.

Il ne s'agit ainsi pas d'un cas d'impossibilité au
sens de l'art. 119 CO et la cour cantonale n'a pas enfreint
le droit fédéral en écartant cette norme.

c) Que l'intimée soit entrée en liquidation n'a pas
pour effet de mettre fin de plein droit aux rapports juridi-
ques qui la lient à autrui; la liquidation ne l'empêche nul-
lement de continuer d'exécuter les contrats en cours (cf.
art. 743 al. 1 CO).

Partant, le recours doit être rejeté en tant qu'il
est dirigé contre l'arrêt du 26 octobre 2000, cette décision
étant confirmée.

4.- Les frais et dépens doivent être mis à la
charge des recourants (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ), qui
en sont tenus solidairement (art. 156 al. 7 et 159 al. 5 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Déclare le recours irrecevable en tant qu'il est
dirigé contre l'arrêt sur compétence rendu le 9 décembre
1996;

2. Rejette le recours en tant qu'il est dirigé con-
tre l'arrêt rendu au fond le 26 octobre 2000, cette décision
étant confirmée;

3. Met un émolument judiciaire de 5000 fr. solidai-
rement à la charge des recourants;

4. Dit que les recourants verseront solidairement à
l'intimée une indemnité de 6000 fr. à titre de dépens;

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel en matière de
baux
et loyers du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 5 mars 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile

du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.378/2000
Date de la décision : 05/03/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-05;4c.378.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award