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05/03/2001 | SUISSE | N°2A.541/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 mars 2001, 2A.541/2000


2A.541/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

5 mars 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hartmann, Hungerbühler, Müller et Yersin.
Greffière: Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

le Département fédéral de justice et police, à Berne,

contre

l'arrêt rendu le 27 octobre 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Genève, dans la cause qui

oppose
D.________,
représenté par Me Jean-Marie Crettaz, avocat à Genève, à
l'Officier de police et à la Commissio...

2A.541/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

5 mars 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hartmann, Hungerbühler, Müller et Yersin.
Greffière: Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

le Département fédéral de justice et police, à Berne,

contre

l'arrêt rendu le 27 octobre 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Genève, dans la cause qui oppose
D.________,
représenté par Me Jean-Marie Crettaz, avocat à Genève, à
l'Officier de police et à la Commission cantonale de recours
de police des étrangers du canton de Genève;

(art. 23 al. 4 LAsi: échéance du délai de rétention)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 22 septembre 2000, D.________ est arrivé à
l'aéroport de Genève avec sa femme et leurs trois enfants et
il a déposé une demande d'asile. Il a prétendu qu'ils
étaient
d'origine palestinienne et arrivaient d'Arabie Saoudite. La
seule pièce d'identité qu'il a pu présenter était un permis
de conduire délivré par l'Arabie Saoudite.

Le 23 septembre 2000, l'Office fédéral des réfugiés
(ci-après: l'Office fédéral) a provisoirement refusé
l'entrée
en Suisse à la famille D.________ et lui a attribué la zone
de transit de l'aéroport de Genève comme lieu de résidence
pour la durée de la procédure d'asile, mais au plus tard jus-
qu'au 7 octobre 2000.

Le 25 septembre 2000, l'Office cantonal de la popu-
lation du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) a
procédé à l'audition de D.________ et de sa femme.
D.________
a notamment déclaré avoir voyagé avec "Air Saoudia" et avoir
déchiré son passeport, qui était valable pour toute sa famil-
le, et son billet d'avion, pour ne pas être renvoyé en
Arabie
Saoudite.

Le 28 septembre 2000, le Haut Commissariat des Na-
tions Unies pour les réfugiés a indiqué qu'à son avis,
D.________ et sa famille n'étaient manifestement pas menacés
de persécution en Arabie Saoudite.

Le 2 octobre 2000, l'Office fédéral a rejeté la de-
mande d'asile de D.________ et de sa famille, prononcé leur
renvoi, déclaré que cette mesure pouvait être exécutée immé-
diatement, la Police de l'aéroport de Genève (ci-après: la

Police de l'aéroport) étant chargée de l'exécution du
renvoi,
et retiré l'effet suspensif à un éventuel recours contre sa
décision.

Le 3 octobre 2000, D.________ et sa famille ont por-
té leur cause devant la Commission suisse de recours en ma-
tière d'asile (ci-après: la Commission suisse de recours)
qui
a ordonné le jour même, à titre superprovisionnel, la suspen-
sion de toute démarche relative à l'exécution du renvoi. Par
décision du 6 octobre 2000, la Commission suisse de recours
a
rejeté le recours dans la mesure où il était recevable.

Le 8 octobre 2000, la famille D.________ a refusé de
quitter la chambre qu'elle occupait à l'aéroport de Genève
pour prendre le vol de 14h15 à destination de Jeddah via Zu-
rich, qui devait la ramener en Arabie Saoudite. La Police de
l'aéroport n'a pas fait usage de la force.

Le 8 octobre 2000 également, la Police de l'aéroport
a transmis à l'Office fédéral six documents en photocopies
qu'elle avait reçus de l'Aumônerie de l'aéroport. Au nombre
de ces pièces figuraient la photocopie du passeport de
D.________, comportant aussi une photographie de sa femme et
de leurs trois enfants ainsi qu'un visa délivré par le Consu-
lat général de Jordanie à Jeddah, et la photocopie d'un per-
mis de conduire de D.________ établi par l'Arabie Saoudite.

Le 9 octobre 2000, la compagnie Saudi Arabian Airli-
nes a informé la Police de l'aéroport que la famille
D.________ ne faisait pas partie des passagers ayant voyagé
sur le vol du 22 septembre 2000 de Jeddah à Genève.

Le 9 octobre 2000 également, la famille D.________ a
demandé d'être libérée. Le 10 octobre 2000, la Commission
suisse de recours a estimé que la procédure d'asile était
terminée et transmis cette requête à la Commission cantonale

de recours de police des étrangers du canton de Genève (ci-
après: la Commission cantonale de recours), qui l'a
elle-même
remise à l'Office cantonal. Le 11 octobre 2000, l'Office can-
tonal aurait déclaré que la demande était sans objet, en se
référant à la jurisprudence.

Le 12 octobre 2000, l'Officier de police du canton
de Genève (ci-après: l'Officier de police) a ordonné la mise
en détention administrative de D.________ pour trois mois au
plus afin d'assurer le renvoi de la famille D.________. Il
se
fondait sur l'art. 13b al. 1 lettre c de la loi fédérale du
26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers
(LSEE; RS 142.20).

Le 12 octobre 2000 également, la Commission cantona-
le de recours a confirmé l'ordre de mise en détention admi-
nistrative susmentionné pour une durée de trois mois, sur la
base de l'art. 13b al. 1 lettre c LSEE.

B.- D.________ a alors porté sa cause devant le Tri-
bunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribu-
nal administratif). Par arrêt du 27 octobre 2000, le
Tribunal
administratif a admis le recours, annulé la décision de la
Commission cantonale de recours du 12 octobre 2000 et
ordonné
la mise en liberté immédiate de D.________.

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, le Département fédéral de justice et police deman-
de au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'an-
nuler l'arrêt du Tribunal administratif du 27 octobre 2000.
Il invoque l'art. 104 lettre a OJ. Il se plaint en substance
de l'interprétation que l'autorité intimée a donnée de
l'art.
23 al. 4 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 (ci-après: la
loi sur l'asile ou LAsi; RS 142.31).

Le Tribunal administratif a renoncé à formuler des
observations, tout en se référant à l'arrêt attaqué. L'Offi-
cier de police appuie le recours. D.________ conclut, sous
suite de frais et dépens, au rejet du recours. La Commission
cantonale de recours a tacitement renoncé à répondre au re-
cours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
126
III 274 consid. 1 p. 275).

a) Déposé en temps utile et dans les formes prescri-
tes par la loi contre un arrêt rendu en dernière instance
cantonale et fondé sur le droit public fédéral, le présent
recours, qui ne tombe sous aucune des exceptions des art. 99
à 102 OJ, est en principe recevable en vertu des art. 97 ss
OJ.

b) En tant que département compétent en la matière,
le Département fédéral de justice et police est habilité à
attaquer par la voie du recours de droit administratif l'ar-
rêt que le Tribunal administratif a rendu le 27 octobre
2000,
en statuant en dernière instance cantonale, (art. 103 lettre
b OJ).

La Confédération recourt dans l'intérêt public. Le
droit de recours des autorités fédérales doit garantir une
application correcte et uniforme du droit administratif fédé-
ral (ATF 113 Ib 219 consid. 1b p. 221). Leur qualité pour re-
courir n'est pas subordonnée à d'autres conditions (ATF 125
II 633 consid. 1a p. 635).

2.- D'après l'art. 104 OJ, le recours de droit admi-
nistratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y
compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (lettre
a) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des
faits pertinents, sous réserve de l'art. 105 al. 2 OJ, (let-
tre b).

Le Tribunal fédéral vérifie d'office l'application
du droit fédéral, qui englobe notamment les droits constitu-
tionnels des citoyens (ATF 124 II 517 consid. 1 p. 519; 123
II 385 consid. 3 p. 388), sans être lié par les motifs invo-
qués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En revan-
che, lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce,
contre
la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral
est lié par les faits constatés dans cette décision, sauf
s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont
été établis au mépris de règles essentielles de procédure
(art. 105 al. 2 OJ). La possibilité de faire valoir des
faits
nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve est dès lors très
restreinte. Seules sont admissibles les preuves que l'instan-
ce inférieure aurait dû retenir d'office et dont le défaut
d'administration constitue une violation de règles essentiel-
les de procédure (ATF 124 II 409 consid. 3a p. 421; 121 II
97
consid. 1c p. 99). En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas
revoir l'opportunité de l'arrêt entrepris, le droit fédéral
ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104
lettre
c ch. 3 OJ).

Conformément à la règle générale de l'art. 37 al. 3
OJ, le présent arrêt est rédigé en français, langue de l'ar-
rêt attaqué, bien que le recours soit en allemand.

3.- a) Le litige porte sur l'interprétation qu'il
faut donner du quatrième alinéa de l'art. 23 LAsi, intitulé
"Renvoi préventif à l'aéroport", qui dispose:

"1Lorsque l'office n'autorise pas le requérant à en-
trer en Suisse à l'aéroport, il peut le renvoyer
préventivement si la poursuite de son voyage vers
un
Etat tiers est possible et licite et qu'elle peut
raisonnablement être exigée de lui, notamment:

a. si cet Etat est compétent pour traiter sa demande
d'asile en vertu d'une convention;

b. si le requérant y a séjourné auparavant et qu'il
peut y retourner et y demander protection;

c. si le requérant possède un visa pour cet Etat
tiers;

d. si de proches parents ou d'autres personnes avec
lesquelles il a des liens étroits y vivent.

2Le renvoi préventif est immédiatement exécutoire si
l'office n'en décide pas autrement.

3Lorsque le requérant n'est pas autorisé par l'offi-
ce à entrer en Suisse à l'aéroport et qu'il ne peut
être renvoyé dans un Etat tiers, l'exécution immé-
diate de son renvoi dans l'Etat d'origine ou de pro-
venance peut être ordonnée si l'office et le Haut
Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés es-
timent d'un commun accord qu'il n'y est manifeste-
ment pas menacé de persécution.

4La décision prononcée en vertu des 1er ou 3e aliné-
as doit être notifiée dans les quinze jours suivant
le dépôt de la demande. Si la procédure dure plus
longtemps, l'office autorise le requérant à entrer
dans le pays. Si le requérant est renvoyé, il ne
peut être détenu à l'aéroport que jusqu'au prochain
vol régulier à destination de son Etat d'origine ou
de provenance ou encore d'un Etat tiers, mais au
plus sept jours. L'article 112 est réservé."

b) Le Tribunal administratif a annulé la décision de
la Commission cantonale de recours du 12 octobre 2000. A son
avis, la rétention de D.________ - et de sa famille - s'est
terminée le 8 octobre 2000 à 14h00, lorsque la famille
D.________ a refusé d'embarquer à destination de l'Arabie
Saoudite. Dès ce moment, seule pouvait entrer en ligne de
compte la détention en vue du refoulement sur la base de
l'art. 13b al. 1 LSEE. D.________ aurait alors dû être pré-

senté à l'Officier de police pour qu'il le mette en
détention
(art. 7A de la loi genevoise d'application de la LSEE du 16
juin 1988 - ci-après: LALSEE), puis la Commission cantonale
de recours aurait dû examiner la légalité et l'adéquation de
la détention dans les 72 heures (art. 9 al. 3 LALSEE) soit
jusqu'au 11 octobre 2000 à 14h00. Dès cette date, la
détention était illégale, faute de contrôle judiciaire en
temps utile.

c) Le recourant fait valoir qu'il était admissible
de maintenir la famille D.________ en rétention après la ten-
tative de renvoi infructueuse et jusqu'à l'écoulement du dé-
lai de sept jours. Il invoque que ce délai de sept jours
doit
permettre de prendre les dispositions nécessaires pour un dé-
part, voire un retour dans le pays d'où vient l'intéressé.
Si
ce dernier ne saisit pas l'occasion de partir de son plein
gré et que les autorités compétentes en matière de police
des
étrangers constatent que le renvoi n'est pas possible dans
le
délai susmentionné de sept jours, mais qu'il est réalisable
dans les neuf mois suivants, elles doivent ordonner la déten-
tion en vue du refoulement. C'est ce que les autorités gene-
voises compétentes en la matière avaient fait le 12 octobre
2000, après avoir reçu différentes photocopies de documents
ainsi que des renseignements de la compagnie Saudi Arabian
Airlines. Au demeurant, les conditions de l'art. 13b al. 1
lettre c LSEE étaient remplies, de sorte que la détention en
vue du refoulement était justifiée.

d) Il convient donc de déterminer si le délai de
sept jours mentionné à l'art. 23 al. 4 LAsi continue à
courir
après le premier vol régulier à destination de l'Etat d'ori-
gine ou de provenance du requérant ou d'un Etat tiers.

4.- a) La loi s'interprète en premier lieu d'après
sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal
n'est
pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-

ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée
de
la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispo-
sitions légales, de son contexte (interprétation systémati-
que), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé
(interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du lé-
gislateur telle qu'elle ressort notamment des travaux prépa-
ratoires (interprétation historique) (ATF 125 II 480 consid.
4 p. 484). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes
d'interprétation de manière pragmatique, sans établir entre
elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 125 II 206 con-
sid. 4a p. 208/209).


b) Sur le fond, l'art. 23 LAsi reprend dans son
principe le contenu de l'art. 13d de la loi sur l'asile du 5
octobre 1979 (ci-après: l'ancienne loi sur l'asile ou aLAsi;
RO 1980 p. 1718). Cette disposition a été introduite dans
l'ancienne loi sur l'asile par un arrêté fédéral du 22 juin
1990 qui visait notamment à mettre en oeuvre une procédure
rapide et équitable. Il s'agissait en particulier d'édicter
des prescriptions permettant de déterminer le plus tôt possi-
ble les motifs des mouvements de fuite ou de migration, du
fait que des étrangers incapables de prouver qu'ils avaient
subi ou risquaient de subir des persécutions et qu'ils
avaient donc besoin de protection, avaient fréquemment re-
cours à la procédure d'asile (cf. le message du Conseil fédé-
ral du 25 avril 1990 à l'appui d'un arrêté fédéral sur la
procédure d'asile [APA] et d'une loi fédérale instituant un
Office fédéral pour les réfugiés - ci-après: le Message -,
in
FF 1990 II 537 ss, p. 539/540). Le Message déclare à propos
de l'art. 13d aLAsi que la collaboration du Haut
Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés à la décision de refuser
l'entrée en Suisse légitime l'exécution du renvoi, car on
peut ainsi exclure qu'il y ait violation du principe de
non-refoulement et contravention à l'art. 3 CEDH, la
question
d'un recours effectif au sens de l'art. 13 CEDH étant sans
objet (FF 1990 II 589/590).

Le quatrième alinéa de l'art. 23 LAsi ne faisait pas
partie du projet présenté le 4 décembre 1995 par le Conseil
fédéral (FF 1996 II 1 ss). C'est la Commission du Conseil na-
tional qui l'a élaboré. Il ressort des débats parlementaires
que ladite commission a discuté de ce qu'il fallait considé-
rer comme raisonnable quant à la durée et aux conditions de
la "privation de liberté" dans un aéroport et a essayé à par-
tir de là d'arriver à la meilleure solution possible (BO
1997
CN 1225).

c) Si l'on s'attache au texte même de l'art. 23 al.
4 LAsi, on peut considérer qu'en disant: "..., mais au plus
sept jours", le législateur a manifesté son intention de dé-
roger en quelque sorte au système du prochain vol régulier à
destination de l'Etat d'origine ou de provenance de l'inté-
ressé ou encore d'un Etat tiers et d'admettre que le délai
de
sept jours continue à courir après l'échéance des autres ter-
mes de la rétention mentionnés dans cette disposition.
Sinon,
la disposition en cause devrait être: "..., ou au plus sept
jours". On ne saurait toutefois se fonder uniquement sur cet-
te interprétation littérale de l'art. 23 al. 4 LAsi sans vé-
rifier qu'elle corresponde à l'intention du législateur. Il
convient donc de rechercher la véritable portée de la dispo-
sition en cause.

d) On peut estimer, comme le Tribunal administratif,
que le délai de sept jours prend fin dès qu'il y a un vol ré-
gulier à destination d'un des Etats mentionnés à l'art. 23
al. 4 LAsi. Ce n'est donc qu'en l'absence d'un tel vol que
ce
délai courra durant sept jours. Ainsi, seul un essai de ren-
voi est possible. S'il est infructueux, l'intéressé doit
être
libéré, sous réserve de l'application de l'art. 13b al. 1
LSEE. Selon cette thèse, les autorités compétentes pour exé-
cuter le renvoi de l'intéressé ne disposeraient peut-être mê-
me pas de vingt-quatre heures pour organiser le départ de
l'intéressé, notamment pour obtenir les pièces d'identité,

les visas et les titres de transport nécessaires. Un laps de
temps trop court pourrait déjà, à lui seul, faire échouer le
refoulement. En outre, si lesdites autorités n'avaient
qu'une
possibilité de procéder au renvoi de l'intéressé dans le dé-
lai susmentionné de sept jours, elles seraient tentées d'em-
ployer la force en cas de récalcitrance. Par ailleurs, l'in-
téressé pourrait être incité à refuser de collaborer, puis-
qu'un tel comportement lui permettrait d'abréger à volonté
le
délai de rétention. En bref, cette interprétation aboutit à
réduire pratiquement à néant la procédure de renvoi
préventif
à l'aéroport, contrairement à la volonté du législateur: à
moins que les autorités compétentes pour exécuter le renvoi
de l'intéressé ne mettent ce dernier en détention en vue du
refoulement parce qu'il remplit les conditions de l'art. 13b
al. 1 LSEE, elles seront obligées de le laisser entrer en
Suisse.

On peut au contraire considérer, comme le recourant,
que les autorités compétentes pour exécuter le renvoi de
l'intéressé ont sept jours pour y procéder, étant entendu
qu'il faut essayer de l'effectuer au plus tôt, soit par le
premier vol régulier à destination de l'Etat d'origine ou de
provenance de l'intéressé ou d'un Etat tiers. En cas
d'échec,
d'autres essais seraient possibles pour autant que le délai
de sept jours ne soit pas dépassé. D'après cette solution,
on
laisse aux autorités susmentionnées un laps de temps en prin-
cipe suffisant pour organiser au mieux le refoulement. L'in-
téressé restera peut-être quelques jours de plus en réten-
tion, surtout s'il ne coopère pas - ce qui lui sera entière-
ment imputable - , mais cela devrait lui éviter la détention
en vue du refoulement. De plus, cela paraît conforme au
souci
d'accélérer les procédures tout en respectant les droits de
l'intéressé. C'est donc cette interprétation qui correspond
le mieux au but et à l'esprit de la loi sur l'asile. Il con-
vient dès lors de la consacrer.

Ainsi, la rétention subie par D.________ et sa fa-
mille du 8 au 12 octobre 2000 était légale. C'est donc en
temps utile que D.________ a été mis en détention en vue du
refoulement par l'Officier de police.

Au demeurant, on ne saurait suivre l'analyse que
l'autorité intimée a faite de l'arrêt non publié rendu le 3
octobre 2000 par le Tribunal fédéral en la cause Département
fédéral de justice et police contre Tribunal de district de
Zurich et H. (spécialement consid. 3c). En effet, l'autorité
de céans, qui s'est exprimée sur l'art. 23 al. 4 LAsi dans
cet arrêt, a simplement déclaré que la détention en vue du
refoulement (art. 13b LSEE) n'est ordonnée que si l'étranger
ne part pas spontanément dans le délai maximal de sept jours
ou si le renvoi ne peut pas être exécuté d'ici là.

e) Selon l'art. 13c al. 2 LSEE, la légalité et
l'adéquation de la détention doivent être examinées dans les
96 heures au plus tard par une autorité judiciaire au terme
d'une procédure orale. L'article premier al. 1 des disposi-
tions finales de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur les me-
sures de contrainte en matière de droit des étrangers - qui
a
introduit notamment l'art. 13c LSEE - énonce que "les
cantons
édictent les dispositions d'introduction nécessaires à l'exé-
cution de la présente loi". Aux termes de l'art. 9 al. 3
LALSEE, la Commission cantonale de recours (qui est le juge
de la détention au sens de l'art. 13c al. 2 LSEE) "dispose
de
72 heures au plus après la mise en détention pour examiner
la
légalité et l'adéquation de la détention [...]". Certes,
l'art. 13c al. 2 LSEE prévoit que le juge doit examiner le
bien-fondé de la détention dans les 96 heures au plus tard
dès la mise en détention. Mais si le droit cantonal prévoit,
comme c'est le cas dans le canton de Genève, un délai plus
court, c'est ce délai qui prévaut (cf. le message du Conseil
fédéral du 22 décembre 1993 à l'appui d'une loi fédérale sur
les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers,

in FF 1994 I 301 ss, p. 322/323). C'est donc le délai susmen-
tionné de 72 heures qui est déterminant en l'espèce (Pra
2000
46 261 consid. 3b p. 263/264).

La Commission cantonale de recours a statué le jour
où l'Officier de police a mis D.________ en détention en vue
du refoulement. Le délai de 72 heures de l'art. 9 al. 3
LALSEE a par conséquent été respecté de même que, a
fortiori,
celui de 96 heures de l'art. 13c al. 2 LSEE. Au surplus, la
décision de la Commission cantonale de recours du 12 octobre
2000 n'apparaît pas critiquable à d'autres égards.

f) Ainsi, l'arrêt entrepris viole le droit fédéral.

5.- Vu ce qui précède, il convient d'admettre le re-
cours et d'annuler l'arrêt attaqué. Il n'y a pas lieu de
prendre d'autres mesures. En effet, l'arrêt entrepris a or-
donné la mise en liberté immédiate de D.________, qui a été
autorisé à entrer en Suisse. Cela a fondamentalement modifié
la situation, de sorte que l'autorité de céans ne peut pas
ordonner la mise en détention de D.________ en vue du refou-
lement.

Bien qu'il succombe, le canton de Genève, dont l'in-
térêt pécuniaire n'est pas en cause, n'a pas à supporter les
frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ).

D.________, qui succombe aussi, doit supporter les
frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et n'a pas droit à des
dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens au recourant
(art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule l'arrêt rendu le 27
octobre 2000 par le Tribunal administratif du canton de Genè-
ve.

2. Met à la charge de D.________ un émolument
judiciaire de 1'000 fr.

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie au recou-
rant, au mandataire de D.________, ainsi qu'à l'Officier de
police, à la Commission cantonale de recours de police des
étrangers et au Tribunal administratif du canton de Genève.

Lausanne, le 5 mars 2001
DAC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.541/2000
Date de la décision : 05/03/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-05;2a.541.2000 ?
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