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02/03/2001 | SUISSE | N°C.203/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 mars 2001, C.203/00


«AZA 7»
C 203/00 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 2 mars 2001

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

C.________, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) De 1993 à 1996, C.________ a bénéficié d'indem-
nités de chômage durant trois périodes, savoir de janvier à
mars 1993, de février 1994 à août 1995, pu

is de mars à dé-
cembre 1996. Entre celles-ci, il a suivi deux programmes
d'occupation à plein temps, le premier du 3 mai au
29 octobre 19...

«AZA 7»
C 203/00 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 2 mars 2001

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

C.________, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) De 1993 à 1996, C.________ a bénéficié d'indem-
nités de chômage durant trois périodes, savoir de janvier à
mars 1993, de février 1994 à août 1995, puis de mars à dé-
cembre 1996. Entre celles-ci, il a suivi deux programmes
d'occupation à plein temps, le premier du 3 mai au
29 octobre 1993, le second du 1er septembre 1995 au 29 fé-
vrier 1996.
L'assuré n'a pas annoncé aux organes de l'assurance-
chômage qu'il avait eu une activité lucrative indépendante

à partir de l'année 1993, consistant dans l'exportation de
matériel électrique à destination de la Roumanie. En quali-
té d'agent, il a ainsi perçu des commissions de la société
S.________ SA à M.________, cela en juillet, octobre, no-
vembre et décembre 1994, en février, avril, juin et juillet
1995, puis en mai, septembre, octobre et novembre 1996. Par
ailleurs, en octobre 1995, il a créé une société en
Roumanie, E.________ SRL, qui a commencé son activité en
1996, mais qui n'a rapporté aucun bénéfice avant 1997.

b) Par décision du 28 août 1998, la Caisse publique
cantonale vaudoise de chômage a réclamé à C.________ la
restitution d'une somme de 86 170 fr. 10 correspondant à
l'intégralité des indemnités de chômage qu'il avait perçues
de 1993 à 1996.

c) L'assuré a recouru contre cette décision devant le
Service de l'emploi du canton de Vaud, première instance
cantonale de recours en matière d'assurance-chômage. A ses
yeux, il était resté apte au placement durant toute la pé-
riode en cause, dès lors qu'il avait consacré peu de temps
à son activité et qu'il n'avait pas consenti d'investisse-
ments. Admettant néanmoins qu'il aurait dû annoncer ses
revenus - qu'il a qualifiés de gains accessoires - à l'as-
surance-chômage, il a proposé de rembourser les indemnités
de chômage reçues à tort pendant les périodes où il avait
encaissé des commissions.
Par décision du 18 octobre 1999, le service de l'em-
ploi a rejeté le recours, après avoir déclaré l'assuré
inapte au placement à partir du 1er janvier 1993.

B.- C.________ a recouru contre cette décision devant
le Tribunal administratif du canton de Vaud. Il a conclu à
sa réforme, en ce sens qu'il soit condamné à rembourser un
montant de 30 569 fr.

Par jugement du 7 juin 2000, la juridiction cantonale
a admis le recours. Elle a annulé la décision du service de
l'emploi du 18 octobre 1999 et renvoyé la cause à la caisse
de chômage afin que celle-ci détermine à quelles périodes
de contrôle les gains réalisés par C.________ devaient être
attribués, qu'elle calcule ensuite la perte de gain dont il
pouvait demander l'indemnisation, puis qu'elle statue à
nouveau sur les indemnités perçues en trop que l'assuré
devra restituer.

C.- Le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) inter-
jette recours de droit administratif contre ce jugement
dont il demande l'annulation, en concluant à ce que l'inti-
mé soit condamné à restituer l'intégralité des indemnités
perçues de février 1994 à décembre 1996. La caisse de chô-
mage propose au Tribunal d'admettre les conclusions du
seco.
L'intimé conclut au rejet du recours. De son côté, le
Tribunal administratif a produit des observations.

Considérant en droit :

1.- a) La restitution de prestations selon l'art. 95
al. 1 LACI suppose que soient remplies les conditions d'une
reconsidération ou d'une révision procédurale de la déci-
sion par laquelle les prestations en cause ont été allouées
(ATF 126 V 46 consid. 2b et les références).
Selon un principe général du droit des assurances so-
ciales, l'administration peut reconsidérer une décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle
une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au
fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et
que sa rectification revête une importance notable (ATF
126 V 23 consid. 4b, 46 consid. 2b, 125 V 389 consid. 3 et
les arrêts cités).

En outre, par analogie avec la révision des décisions
rendues par les autorités judiciaires, l'administration est
tenue de procéder à la révision d'une décision entrée en
force formelle lorsque sont découverts des faits nouveaux
ou de nouveaux moyens de preuve, susceptibles de conduire à
une appréciation juridique différente (ATF 126 V 24 con-
sid. 4b, 46 consid. 2b et les références).
Ces principes sont aussi applicables lorsque des pres-
tations ont été accordées sans avoir fait l'objet d'une
décision formelle et que leur versement, néanmoins, a ac-
quis force de chose décidée. Il y a force de chose décidée
si l'assuré n'a pas, dans un délai d'examen et de réflexion
convenable, manifesté son désaccord avec une certaine solu-
tion adoptée par l'administration et exprimé sa volonté de
voir statuer sur ses droits dans un acte administratif sus-
ceptible de recours (ATF 122 V 369 consid. 3).

b) En l'occurrence, le versement des indemnités de
chômage, de 1993 à 1996, n'a pas fait l'objet de décisions
formelles. Aussi bien doit-on admettre que les versements
en cause avaient acquis force de chose décidée lorsque la
caisse a rendu sa décision de restitution, le 28 août 1998.
Quant aux conditions d'une révision procédurale, elles
sont remplies dans la mesure où l'administration a demandé
le remboursement d'indemnités versées durant les mois où
l'intimé a perçu des commissions en raison de l'activité
lucrative qu'il avait déployée dès 1993 (fait nouveau,
jadis ignoré par la caisse de chômage). En effet, les in-
demnités compensatoires (art. 24 LACI) ont été calculées
sans tenir compte du gain intermédiaire réalisé, de sorte
qu'elles étaient manifestement inexactes (voir DTA 1988
n° 5 p. 38 consid. 4b), ce que l'intimé, du reste, recon-
naît.

2.- a) En bref, le Tribunal administratif a admis que
l'intimé avait réalisé, en qualité d'indépendant, un gain

intermédiaire qu'il avait délibérément caché. Par ailleurs,
les premiers juges ont considéré que rien n'indiquait que
l'intimé avait investi beaucoup de temps dans son entrepri-
se, ou qu'il ne pouvait pas y mettre fin pour suivre un
programme d'occupation ou prendre un emploi; dans ces con-
ditions, il n'est pas établi que l'aptitude au placement de
l'intimé a été compromise en raison de l'exercice d'une
activité indépendante.

b) Le point de vue du Tribunal administratif est per-
tinent. A ses considérants, on ajoutera que selon la juris-
prudence, un assuré qui exerce une activité indépendante
n'est pas, d'entrée de cause, inapte au placement. Ce qu'il
faut plutôt examiner, c'est si l'exercice effectif d'une
activité lucrative indépendante est d'une ampleur telle
qu'elle exclut d'emblée toute activité salariée parallèle
(DTA 1996/1997 n° 36 p. 199). A cet égard, les principes
développés quant à l'exercice d'une activité salariée (DTA
1996/1997 n° 38 p. 212 consid. 2a) s'appliquent aussi,
mutatis mutandis, à une activité indépendante. Au demeu-
rant, l'art. 24 al. 1 LACI prévoit expressément qu'un chô-
meur puisse retirer un gain intermédiaire d'une activité
indépendante.
En l'espèce, il est constant que l'intimé a pu suivre
deux programmes d'occupation à plein temps, à chaque fois
durant six mois consécutifs (en 1993, puis en 1995/1996).
Cela démontre d'une part que l'activité lucrative qu'il a
déployée tant au service de la société S.________ SA à
M.________ qu'à celui de E.________ SRL à Bucarest n'avait
que peu d'ampleur et que, d'autre part, il était disposé et
en mesure d'exercer une activité salariée (cf. DTA
1996/1997 n° 36 p. 199). L'intimé était donc apte au place-
ment à ces moments-là (art. 8 al. 1 let. f, 15 al. 1 LACI).
On ne saurait donc suivre le raisonnement de l'auto-
rité fédérale de surveillance, lorsque celle-ci soutient
qu'un assuré qui crée sa propre société et qui travaille

pour le compte d'une autre société ne peut pas être en même
temps au chômage (ch. 3.8 du recours).

c) Dans ces conditions, c'est à juste titre que les
premiers juges ont renvoyé la cause à la caisse de chômage
afin qu'elle reprenne l'instruction du cas, sous l'angle
des art. 24 et 95 al. 1 LACI, et statue à nouveau.
A cette occasion, l'administration examinera la ques-
tion de la péremption du droit de demander la restitution
des prestations versées en 1993 (art. 95 al. 4 LACI). On
ignore en effet si des indemnités de chômage ont été ver-
sées plus de cinq ans avant la décision en restitution du
28 août 1998.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Vaud, au Service de
l'emploi du canton de Vaud, ainsi qu'à la Caisse pu-
blique cantonale vaudoise de chômage.

Lucerne, le 2 mars 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
p. le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.203/00
Date de la décision : 02/03/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-02;c.203.00 ?
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