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02/03/2001 | SUISSE | N°1A.2/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 mars 2001, 1A.2/2001


«/2»

1A.2/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

2 mars 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

la République du Kazakhstan, représentée par Me Alain
Berger,
avocat à Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 15 novembre 2000 par la Chambre d'ac-
cusa

tion du canton de Genève;

(entraide judiciaire avec les Etats-Unis d'Amérique)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent...

«/2»

1A.2/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

2 mars 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

la République du Kazakhstan, représentée par Me Alain
Berger,
avocat à Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 15 novembre 2000 par la Chambre d'ac-
cusation du canton de Genève;

(entraide judiciaire avec les Etats-Unis d'Amérique)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 30 août 2000, l'Office fédéral de la Justice,
office central USA, est entré en matière sur une demande
d'entraide judiciaire formée par le Ministère de la Justice
des Etats-Unis d'Amérique, dans le cadre d'une enquête diri-
gée contre G.________ et autres, soupçonnés d'avoir transmis
des montants importants provenant de compagnies pétrolières,
notamment américaines, et destinés à de hauts responsables
de
la République du Kazakhstan, en particulier son Président et
un ancien Premier ministre. Considérant qu'il pourrait
s'agir
notamment d'actes de corruption, l'autorité américaine deman-
dait des renseignements concernant un compte numéroté dans
une banque suisse, et tout compte détenu par G.________ et
les personnes physiques et morales impliquées. L'OFJ a consi-
déré que les principes de la double incrimination et de la
proportionnalité étaient respectés. Les autorités genevoises
étaient chargées de l'exécution des actes d'entraide.

Précédemment, par décision incidente du 21 juin
2000, l'office central avait ordonné le blocage de
différents
comptes bancaires ouverts auprès du Crédit Agricole Indosuez
(ci-après: CAI), à Genève, ainsi que d'un compte xxx auprès
de la Banque Pictet.

Par mémoires du 1er septembre et 30 octobre 2000, la
République du Kazakhstan a formé opposition contre la mesure
de blocage du compte n° xxx et contre la décision d'entrée
en
matière. Elle expliquait que le (CAI) était chargé
d'assister
le gouvernement du Kazakhstan dans le cadre des privatisa-
tions en cours dans cet Etat, et dans les négociations rela-
tives aux concessions de droits pétroliers. Des comptes au-
raient été ouverts par diverses sociétés, dont les ayants
droit seraient le Chef de l'Etat ou ses proches. Se fondant
sur un avis de droit, elle soutenait que les avoirs déposés

seraient affectés au service publique et, partant, couverts
par l'immunité de juridiction. La demande d'entraide améri-
caine était en outre viciée, car elle reposait sur des in-
formations transmises par la Suisse en violation de l'art.
67a EIMP. Il n'a pas encore été statué sur ces oppositions.

B.- Par ordonnance de perquisition et saisie du 1er,
puis du 6 septembre 2000, le Juge d'instruction genevois a
requis la Banque Pictet de produire toute la documentation
bancaire relative au compte xxx - à l'exception des pièces
déjà produites dans le cadre de la procédure pour blanchi-
ssage d'argent ouverte à Genève -, étant précisé que cette
production n'était pas limitée à un transfert de 84 millions
d'US$ visé dans la demande.

Par actes du 14, puis du 26 septembre 2000, la Répu-
blique du Kazakhstan a recouru contre ces ordonnances auprès
de la Chambre d'accusation genevoise. Elle relevait que,
dans
le cadre de la procédure pénale genevoise, une saisie du
même
compte avait été levée par ordonnance de cette juridiction
du
29 juin 2000, car, même si le cheminement suivi par les
fonds
apparaissait insolite, on ne pouvait exclure que ceux-ci, dé-
tenus nommément par l'Etat Kazakh, soient affectés à des tâ-
ches publiques et couverts par l'immunité de juridiction.

C.- Par ordonnance du 15 novembre 2000, la Chambre
d'accusation s'est déclarée incompétente pour connaître du
recours. Les décisions du juge d'instruction constituaient
des mesures d'exécution. La question de l'immunité de juri-
diction relevait du droit de fond, et non de la procédure
cantonale; elle devait être soulevée (et l'avait d'ailleurs
été) dans le cadre de la procédure d'opposition devant l'OFJ.

D.- La République du Kazakhstan forme un recours de
droit administratif contre cette dernière ordonnance. Elle
en
demande l'annulation, ainsi que le renvoi de la cause à la

cour cantonale afin qu'elle statue sur l'exception
d'immunité
de juridiction.

La Chambre d'accusation se réfère à son ordonnance.
Le Juge d'instruction et l'OFJ concluent au rejet du
recours,
dans la mesure où il est recevable.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) L'entraide judiciaire entre les Etats-Unis
d'Amérique et la Confédération suisse est régie par le
Traité
conclu le 25 mai 1973 entre les deux Etats (TEJUS, RS 0.351.
933.6) et la loi fédérale relative à ce traité (LTEJUS, RS
351.93). La loi fédérale sur l'entraide internationale en
matière pénale (EIMP, RS 351.1) et son ordonnance
d'exécution
(OEIMP, RS 351.11) sont applicables aux questions qui ne
sont
pas réglées par le traité et la loi y relative (ATF 124 II
124 consid. 1a p. 126).

b) Contrairement à ce que soutient la recourante, la
décision attaquée est de nature incidente: les décisions sou-
mises à la cour cantonale étaient en effet des mesures de
saisie et de perquisition prises par l'autorité cantonale
d'exécution. Elles ne mettent nullement un terme à la procé-
dure d'entraide, l'office central ayant encore à rendre une
décision de clôture conformément à l'art. 15a LTEJUS. Il en
résulte notamment que le délai pour former le recours de
droit administratif était de dix jours (art. 106 al. 1 OJ),
et non trente comme indiqué dans la décision attaquée. La re-
courante ne devrait certes pas pâtir d'une indication
erronée
concernant les voies et délais de recours, mais elle était
assistée d'un mandataire professionnel auquel le caractère
incident de la décision attaquée n'aurait pas dû échapper.
La
question du respect du délai de recours peut toutefois demeu-
rer indécise, car le recours devrait de toute façon être
écarté sur le fond.

c) La recourante, dont le recours cantonal a été dé-
claré irrecevable, a qualité pour contester ce prononcé par
la voie du recours de droit administratif (cf. ATF 124 II
124
consid. 1b p. 126). La compétence des autorités cantonales
d'exécution - et, par conséquent, des autorités de recours
cantonales - est en principe fixée par le droit cantonal de
procédure (art. 3 al. 1 LTEJUS), que le Tribunal fédéral exa-
mine dans le cadre du recours de droit public. Toutefois, la
question traitée par la Chambre d'accusation concerne le rap-
port entre la procédure d'opposition régie par l'art. 16
LTEJUS et les recours cantonaux contre les actes
d'exécution.
Étroitement liée au droit fédéral, cette question peut faire
l'objet d'un recours de droit administratif.

2.- Pour la recourante, le moyen invoqué dans son
recours cantonal, soit l'immunité de juridiction, ne relève-
rait pas de l'application du traité ou de la LTEJUS; il s'a-
girait d'un obstacle procédural aux mesures d'entraide,
fondé
sur le droit international public. Il aurait d'ailleurs été
traité comme tel par la Chambre d'accusation lorsqu'elle a
reconnu l'immunité et annulé la saisie de la même documenta-
tion bancaire dans le cadre de la procédure pénale
nationale.
L'exigence de célérité nécessiterait que la question soit
résolue le plus rapidement possible. Le risque de décisions
contradictoires serait inexistant, l'OFJ ne s'étant pas en-
core prononcé. La recourante se plaint de ne pouvoir
disposer
des 84 millions d'US$ bloqués depuis le mois d'août 2000.

a) Selon l'art. 5 al. 2 let. b LTEJUS, l'office cen-
tral a pour tâche de décider si, et à quelles conditions,
l'entraide doit être accordée. Il examine, dans une décision
d'entrée en matière, si la demande satisfait aux exigences
de
forme du traité et n'apparaît pas manifestement irrecevable,
et si la condition de la double incrimination est réalisée.
Cette décision est susceptible d'une opposition (art. 16
LTEJUS). S'il n'est pas possible de régler l'opposition à

l'amiable ni d'attendre jusqu'à la décision de clôture, l'of-
fice central rend une décision. Celle-ci peut faire l'objet
d'un recours de droit administratif (art. 17 LTEJUS). Après
être entré en matière, l'office central confie l'exécution
de
la demande à une autorité fédérale ou cantonale (art. 10 al.
3 LTEJUS), qui applique son propre droit de procédure (art.
3
al. 1 et 7 al. 2 LTEJUS).

b) L'autorité d'exécution n'a en principe pas à exa-
miner si les conditions de l'entraide judiciaire sont réu-
nies, car tel est l'objet de la décision d'entrée en matière
de l'office central. La jurisprudence considère que l'inté-
ressé ne peut se plaindre, par devant les autorités cantona-
les, que d'une violation du droit cantonal de procédure, ou
d'une violation du principe de la proportionnalité, si l'au-
torité d'exécution dépasse le cadre de la mission qui lui
est
confiée (ATF 115 Ib 373). La violation du traité ou de la
loi
fédérale ne peut être invoquée qu'exceptionnellement,
lorsque
les questions soulevées n'ont pas pu faire l'objet de la pro-
cédure d'opposition (ATF 118 Ib 111 consid. 3b/aa p. 118 et
la jurisprudence citée).

c) Ces dernières considérations scellent le sort du
recours, sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'immunité
invoquée par l'Etat recourant doit être considérée comme un
obstacle procédural ou un argument de fond. Dans l'un ou
l'autre cas, la recourante n'a pas manqué de se prévaloir de
l'immunité dans ses mémoires d'opposition, et c'est à l'offi-
ce central qu'il appartiendra de se déterminer sur cette
question. Quelle que soit la nature de l'argument soulevé,
il
s'agit en définitive de déterminer si l'entraide peut ou non
être accordée à l'autorité requérante, et cette question res-
sortit clairement à l'office central (cf. également l'arrêt
non publié du 20 septembre 1994 dans la cause A., concernant
la qualité de tiers non impliqué).

d) Certes, comme le relève la recourante, l'excep-
tion d'immunité doit être soulevée d'emblée, et résolue le
plus rapidement possible. En effet, il ne serait guère compa-
tible avec le principe même de l'immunité de forcer un Etat
à
se défendre dans une procédure alors qu'il entend, en invo-
quant sa souveraineté, se soustraire à toute juridiction
d'un
autre Etat. L'Etat ou les personnes qui se prévalent de l'im-
munité de juridiction disposent donc d'un intérêt à ce que
cette question soit résolue avant toute autre (ATF 124 III
382 consid. 3b p. 387). Cela étant, comme l'a relevé le Tri-
bunal fédéral dans ses arrêts du 8 décembre 2000 relatifs
aux
mesures de saisie ordonnées dans le cadre de la procédure pé-
nale genevoise, la reconnaissance de l'immunité d'Etat
dépend
dans une certaine mesure du résultat des investigations de
l'autorité d'exécution, puisqu'il s'agit notamment de déter-
miner à quel usage était affecté le compte bancaire de
l'Etat
recourant. Il appartiendra néanmoins à l'office central de
faire en sorte de pouvoir statuer dans les meilleurs délais,
un retard injustifié pouvant être considéré comme une déci-
sion négative sujette à recours (art. 17 al. 3 EIMP).

3.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit
administratif doit être rejeté, en tant qu'il est recevable.
Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire
est mis à la charge de la recourante, qui succombe.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours en tant qu'il est recevable.

2. Met à la charge de la recourante un émolument ju-
diciaire de 5000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire de la recourante, au Juge d'instruction et à la
Chambre
d'accusation du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office
fédéral
de la justice (B 109695).

Lausanne, le 2 mars 2001
KUR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.2/2001
Date de la décision : 02/03/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-03-02;1a.2.2001 ?
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