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26/02/2001 | SUISSE | N°6S.79/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 février 2001, 6S.79/2001


«/2»
6S.79/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
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26 février 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges. Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Philippe Degoumois, avocat
à Moutier,

contre

l'arrêt rendu le 27 novembre 2000 par la IIIe Chambre
pénale de la Cour suprême du canton de Berne da

ns la
cause qui oppose le recourant au Procureur général du
canton de B e r n e;

(règle de conduite, sursis)

...

«/2»
6S.79/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

26 février 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges. Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Philippe Degoumois, avocat
à Moutier,

contre

l'arrêt rendu le 27 novembre 2000 par la IIIe Chambre
pénale de la Cour suprême du canton de Berne dans la
cause qui oppose le recourant au Procureur général du
canton de B e r n e;

(règle de conduite, sursis)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 27 novembre 2000, modifiant
partiellement le jugement rendu le 27 juin 2000 par le
Tribunal d'arrondissement I Courtelary-Moutier-La
Neuveville, la IIIe Chambre pénale de la Cour suprême du
canton de Berne a reconnu X.________, né en 1924, cou-
pable d'abus de détresse (art. 193 al. 1 CP) et d'infrac-
tion à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 ch. 1
al. 3 et 4 LStup). Elle l'a condamné à douze mois d'em-
prisonnement, lui a octroyé le sursis à l'exécution avec
un délai d'épreuve de quatre ans et, à l'instar du Tribu-
nal d'arrondissement, lui a imposé, comme règle de con-
duite durant le délai d'épreuve, de ne pas conduire de
véhicule automobile et de déposer le permis de conduire.

En résumé, il a été retenu que X.________ avait
pris à bord de sa voiture des jeunes femmes toxicomanes
pour leur proposer, en échange de services sexuels, du
Rohypnol qu'il se procurait en France.

B.- X.________ se pourvoit en nullité au
Tribunal fédéral contre ce jugement. Il conclut à son
annulation et sollicite par ailleurs l'assistance
judiciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le pourvoi en nullité ne peut être formé
que pour violation du droit fédéral, à l'exclusion de la
violation de droits constitutionnels (art. 269 PPF).

Le pourvoi n'est pas ouvert pour se plaindre de
l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83). Sous
réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste,
le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait
de l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 PPF). Il ne
peut être présenté de griefs contre celles-ci, ni de
faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1
let. b PPF). Le raisonnement juridique doit être mené sur
la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont
le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65
consid. 1 p. 66/67 et les arrêts cités).

Dans la mesure où le recourant reproche à la
Chambre pénale de n'avoir pas suffisamment instruit la
cause, il s'en prend à l'appréciation des preuves et
soulève ainsi un grief irrecevable dans un pourvoi.

b) Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les
motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des
conclusions du recourant (art. 277bis PPF). Les con-
clusions devant être interprétées à la lumière de leur
motivation (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 et les arrêts
cités), le recourant a circonscrit l'objet du litige.

En l'espèce, le recourant critique uniquement
l'application de l'art. 41 ch. 2 CP. La question liti-
gieuse est donc de savoir si la Chambre pénale pouvait

imposer au recourant, comme règle de conduite, de
s'abstenir de conduire un véhicule automobile pendant
la durée du délai d'épreuve.

On peut se demander quelle incidence aurait
l'admission du pourvoi sur le principe même du sursis.
Soit le recourant conserve le bénéfice du sursis quand
bien même l'admission du pourvoi conduirait à la sup-
pression de la règle de conduite, pourtant à l'origine de
l'octroi du sursis. Soit l'on considère que le sursis et
la règle de conduite forment un tout de telle sorte que
l'admission du pourvoi et la suppression consécutive de
la règle de conduite permettraient à l'autorité canto-
nale, à laquelle la cause serait renvoyée, de revenir sur
l'octroi du sursis. Dans ce dernier cas, se poserait tou-
tefois la question de la recevabilité du pourvoi, dont
l'admission aurait en définitive pour conséquence très
probable le refus du sursis. En effet, un sursis avec
règle de conduite étant objectivement plus favorable
qu'un refus du sursis, le recourant n'aurait ainsi pas
d'intérêt juridique à recourir (cf. ATF 124 IV 94 consid.
1a p. 95). Vu le sort du pourvoi, ces questions souffrent
cependant de rester indécises.

2.- a) Selon l'art. 41 ch. 2 al. 1 CP, le juge
qui accorde le sursis à l'exécution d'une peine privative
de liberté peut non seulement astreindre le condamné à un
patronage, mais il peut également lui imposer, pendant le
délai d'épreuve, des règles de conduite, notamment quant
à son activité professionnelle, à son lieu de séjour, au
contrôle médical, à l'abstention de boissons alcooliques
et à la réparation du dommage dans un délai déterminé.

Cette disposition donne au juge, lorsqu'il oc-
troie le sursis, la faculté de fixer, pour la durée du
délai d'épreuve, une règle de conduite adaptée au but
du sursis, qui est l'amendement durable du condamné;
elle doit être conçue en premier lieu dans l'intérêt du
condamné et de manière à ce qu'il puisse la respecter;
elle doit par ailleurs avoir un effet éducatif limitant
le danger de récidive (cf. ATF 108 IV 152 consid. 3
p. 152/153; 106 IV 325 consid. 1 p. 327/328 et les arrêts
cités). Dans ce cadre, c'est à l'autorité cantonale
qu'appartiennent le choix et le contenu des règles de
conduite; s'agissant, sur ce point, d'une question
d'appréciation, le Tribunal fédéral n'intervient que si
l'autorité cantonale a abusé de son pouvoir en la matière
(ATF 106 IV 325 consid. 1 p. 328). Il a déjà été jugé à
maintes reprises que l'interdiction de conduire un véhi-
cule automobile pouvait constituer une règle de conduite
admissible (ATF 108 IV 152 consid. 3a p. 153; 106 IV 325
consid. 2 p. 328 ss; 100 IV 252 consid. 2 p. 257; 94 IV
11 consid. 1 p. 13).

b) Renvoyant au jugement du Tribunal d'arrondis-
sement, la Chambre pénale a conclu qu'il n'était en soi
pas possible de poser un pronostic favorable pour les
motifs suivants: le recourant n'a admis certains faits
que du bout des lèvres et uniquement parce qu'ils pou-
vaient lui être prouvés; il a constamment minimisé la
portée de ses actes; il n'a formulé ni repentir ni ex-
cuses; en cours de procédure, il a repris contact avec
deux de ses victimes alors qu'il en avait l'interdiction
formelle; malgré cinquante-deux jours de détention pro-
visoire, il a, après sa libération, de nouveau fourni du
Rohypnol à l'une des victimes.

Compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont
jouit le juge du fait lorsqu'il pose un pronostic en
matière de sursis (cf. ATF 119 IV 195 consid. 3b p. 198),
cette conclusion ne prête pas le flanc à la critique; le
recourant ne la conteste d'ailleurs pas.

Ce nonobstant, la Chambre pénale, comme le Tri-
bunal d'arrondissement avant elle, a posé un pronostic
favorable. Elle a considéré qu'il existait une mesure
efficace pour détourner le recourant, âgé de septante-six
ans, de commettre d'autres infractions: la privation de
la faculté de conduire son véhicule. En effet, selon son
mode opératoire constant, il utilisait la voiture pour
prendre contact avec les victimes par le biais de l'auto-
stop ainsi que pour se rendre en France afin de s'appro-
visionner en Rohypnol. Le recourant ne met pas non plus
en cause cette conclusion, au demeurant empreinte de bon
sens.

Le recourant objecte uniquement que l'interdic-
tion de conduire pendant quatre ans est injustifiée car
elle restreindrait de manière disproportionnée sa liberté
en lui ôtant toute possibilité de vie sociale. Il consi-
dère à tout le moins qu'il doit être autorisé à faire ses
courses avec son véhicule, n'ayant plus la force physique
de les faire à pied.

c) En l'espèce, le recourant a commis les infrac-
tions reprochées au moyen d'une voiture. Sans voiture,
une récidive n'est guère concevable, alors qu'avec, un
pronostic favorable ne saurait être posé. Seule la règle
de conduite permet d'exclure de nouvelles infractions et
rend possible l'octroi du sursis. L'alternative est donc
l'interdiction de conduire, une règle de conduite con-
forme à l'art. 41 ch. 2 CP, ou l'exécution de la peine.

Certes, l'interdiction de conduire limitera, par
la force des choses, la mobilité du recourant et le
restreindra dans sa vie sociale et dans des activités
licites jusqu'alors exercées avec sa voiture. Mais, selon
les constatations de la Chambre pénale, le recourant
n'habite pas dans un endroit isolé et peut, sans automo-
bile, mener une vie sociale normale; il peut en particu-
lier se rendre à pied dans les cafés aux alentours et, à
l'instar d'autres personnes de son âge, dans les magasins
avoisinants; il pourra aussi de temps en temps s'offrir
les services d'un taxi pour certains trajets; en outre,
son état de santé n'exige pas qu'il puisse se mettre au
volant. Au vu de ces faits, qui lient le Tribunal fédéral
(art. 277bis al. 1 PPF), et de la gravité des infractions
commises à l'aide de la voiture, l'interdiction de con-
duire n'est pas disproportionnée.

Il n'est pas exclu de fixer une règle de conduite
pour une durée inférieure à celle du délai d'épreuve
accompagnant le sursis (ATF 77 IV 71 consid. 4 p. 76).
Toutefois, on ne voit pas ce qui permettrait en
l'occurrence de retenir que le danger de nouvelles
infractions diminuera sensiblement avant la fin du délai
d'épreuve. A noter que si la situation devait évoluer
dans un sens positif, le recourant pourra toujours
demander au juge de supprimer ou de modifier la règle de
conduite (art. 41 ch. 2 al. 2 CP; ATF 106 IV 325 consid.
2c).

Le recourant voudrait, à titre subsidiaire, que
l'interdiction de conduire ne s'applique pas aux déplace-
ments motivés par des courses. Or, selon l'état de fait
constaté, il peut faire ses achats dans des magasins
proches sans voiture. Il n'existe donc aucune nécessité

pour une exception à la règle de conduite. Au demeurant,
une telle exception, qui impliquerait qu'on laisse son
permis au recourant, rendrait difficile et aléatoire le
contrôle du respect de la règle de conduite.

Il s'ensuit que la règle de conduite qui interdit
au recourant de conduire une voiture automobile durant le
délai d'épreuve de quatre ans et lui enjoint de déposer
son permis de conduire ne viole pas l'art. 41 ch. 2 CP.
Le pourvoi est infondé.

3.- Les frais de la cause doivent être mis à la
charge du recourant qui succombe (art. 278 al. 1 PPF).

Comme le pourvoi était d'emblée dépourvu de
chances de succès, l'assistance judiciaire est refusée
(art. 152 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est
recevable.

2. Rejette la requête d'assistance judiciaire.

3. Met un émolument judiciaire de 800 francs à la
charge du recourant.

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Procureur général du canton de
Berne et à la IIIe Chambre pénale de la Cour suprême
bernoise.
__________

Lausanne, le 26 février 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.79/2001
Date de la décision : 26/02/2001
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-26;6s.79.2001 ?
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