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22/02/2001 | SUISSE | N°6S.868/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 février 2001, 6S.868/2000


«/2»
6S.868/2000/mnv

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

Séance du 22 février 2001

Présidence de M. Schubarth, Président de la Cour.
Présents: M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly
et Mme Escher, Juges.
Greffière: Mme Angéloz.

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Alexandre Emery, avocat
à Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 6 novembre 2000 par la Cour d'appel
péna

l du Tribunal cantonal fribourgeois dans la cause
qui oppose le recourant au Ministère public du canton
de F r i b o u r g;
...

«/2»
6S.868/2000/mnv

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

Séance du 22 février 2001

Présidence de M. Schubarth, Président de la Cour.
Présents: M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly
et Mme Escher, Juges.
Greffière: Mme Angéloz.

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Alexandre Emery, avocat
à Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 6 novembre 2000 par la Cour d'appel
pénal du Tribunal cantonal fribourgeois dans la cause
qui oppose le recourant au Ministère public du canton
de F r i b o u r g;

(délit manqué de viol; fixation de la peine; sursis)

Vu les pièces du dossier, d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement contumacial du 4 juin 1996, le
Tribunal criminel de la Gruyère a condamné X.________,
ressortissant de l'ex-Yougoslavie né en 1971, pour délit
manqué de viol (art. 190 al. 1 et 22 al. 1 CP), actes
d'ordre sexuel avec des enfants au sens de l'art. 187
ch. 4 CP, lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1
al. 1 CP) et infraction à la LSEE, à la peine de 2 1/2
ans d'emprisonnement ainsi qu'à une amende de 300 francs.

Le 18 novembre 1996, X.________ a demandé le re-
lief de ce jugement, mais ne s'est pas présenté à l'au-
dience du Tribunal criminel de la Gruyère du 15 avril
1997, qui, par jugement du même jour, l'a condamné, de-
rechef par défaut, pour les mêmes infractions, à la même
peine.

Sa demande de relief de ce jugement ayant été
écartée le 21 février 2000, X.________ en a appelé. Par
arrêt du 6 novembre 2000, la Cour d'appel pénal du Tri-
bunal cantonal fribourgeois, admettant partiellement le
recours, a condamné X.________, pour délit manqué de viol
(art. 190 al. 1 et 22 al. 1 CP), actes d'ordre sexuel
avec des enfants au sens de l'art. 187 ch. 4 CP et in-
fraction à la LSEE, à la peine de 2 ans d'emprisonnement
ainsi qu'à une amende de 300 francs.

B.- Cet arrêt retient, en résumé, ce qui suit.

a) Le 29 mai 1994, X.________ et son frère ont
dîné avec Y.________, née le 6 février 1978, et la soeur
de celle-ci dans l'appartement qu'il occupait avec un ami

à Z.________. Après le repas, il est resté seul avec
Y.________. Ayant fermé à clef la porte de l'appartement
et de la chambre dans laquelle Y.________ était étendue
sur un lit, il a fait à cette dernière des propositions,
qu'elle a refusées. X.________, qui s'était entre-temps
déshabillé, l'a alors frappée, notamment sur les bras et
sur les jambes, lui causant de multiples ecchymoses, puis
l'a partiellement déshabillée, tentant de lui enlever son
pantalon. Saisissant un appareil de radio, Y.________ en
a frappé X.________ à la tête, lequel s'est néanmoins
couché sur elle; il a commencé à la pénétrer, mais n'est
pas parvenu à entrer en elle; il s'est alors masturbé,
éjaculant sur le ventre de sa victime.

b) La cour cantonale a écarté le grief de l'ap-
pelant, qui soutenait que, s'agissant du viol, seule la
tentative inachevée au sens de l'art. 21 al. 1 CP, et non
le délit manqué au sens de l'art. 22 al. 1 CP, pouvait
être retenue; elle a observé que c'est le viol consommé
qui aurait dû être retenu, mais que l'interdiction de la
reformatio in pejus ne lui permettait pas de corriger le
jugement en ce sens. Elle a en revanche admis le recours
dans la mesure où l'appelant contestait sa condamnation
pour lésions corporelles simples, estimant que, dans
le cas d'espèce, cette infraction était absorbée par
le viol. Considérant que l'accusé devait être libéré
de l'infraction de lésions corporelles simples et que
les premiers juges n'avaient pas exposé pourquoi ils
n'avaient pas fait application de l'art. 65 CP en ce
qui concerne le délit manqué de viol, elle a statué à
nouveau sur la peine, l'arrêtant à 2 ans d'emprisonne-
ment et 300 fr. d'amende.

C.- X.________ se pourvoit en nullité au Tribu-
nal fédéral. Invoquant une violation des art. 21 al. 1

et 22 al. 1 CP en relation avec l'art. 190 al. 1 CP, des
art. 63 et 65 CP ainsi que de l'art. 41 CP, il conclut
à l'annulation de l'arrêt attaqué. Il sollicite par ail-
leurs l'assistance judiciaire et l'effet suspensif.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Se référant à l'ATF 101 IV 1, le recourant
fait valoir que le viol, en tant que pur délit formel, ne
laisse aucune place au délit manqué au sens de l'art. 22
al. 1 CP. Comme le viol consommé ne pouvait être retenu
en raison de l'interdiction de la reformatio in pejus, la
cour cantonale aurait dû admettre la tentative inachevée
au sens de l'art. 21 al. 1 CP.

a) L'arrêt attaqué rappelle expressément la ju-
risprudence invoquée par le recourant. S'il condamne
néanmoins ce dernier pour délit manqué de viol au sens
de l'art. 22 al. 1 CP, c'est parce qu'il considère que
c'est le viol consommé qui aurait dû être retenu, mais
que le droit cantonal ne lui permet pas de réformer le
jugement de première instance en défaveur de l'accusé.

Il n'y a pas lieu d'examiner la question, qui
n'est au demeurant pas soulevée, de savoir si c'est à
juste titre qu'il a été admis que le viol avait été con-
sommé, puisque, compte tenu de l'interdiction de la re-
formatio in pejus, seul le viol tenté pouvait être rete-
nu. Comme le viol est un pur délit formel, il ne laisse
aucune place au délit manqué au sens de l'art. 22 al. 1
CP, conformément à la jurisprudence citée par le recou-
rant (ATF 101 IV 1 consid. 2 p. 3). Seule la tentative
inachevée au sens de l'art. 21 al. 1 CP pouvait par con-
séquent être retenue, sous réserve de cas particuliers

(cf. Guido Jenny, Kommentar zum schweizerischen Straf-
recht, vol. 4, Berne 1997, art. 190 CP, n° 8). Reste à
examiner si le recourant a un intérêt à l'annulation de
l'arrêt attaqué sur ce point.

b) Hormis le délit impossible, qui n'entre pas
en considération en l'espèce, la loi distingue deux for-
mes de tentative: la tentative simple ou inachevée (art.
21 al. 1 CP) et le délit manqué ou tentative achevée
(art. 22 al. 1 CP), suivant que l'auteur n'a pas pour-
suivi jusqu'au bout son activité coupable ou l'a pour-
suivie jusqu'au bout mais sans atteindre le résultat né-
cessaire pour que le crime ou le délit soit consommé. De
la seule différence entre ces deux formes de tentative,
la loi ne tire toutefois pas de conséquence; la tenta-
tive, qu'elle soit inachevée ou achevée, est punissable
et, dans les deux cas, la loi prévoit que le juge pourra
atténuer la peine selon l'art. 65 CP. Eu égard au princi-
pe selon lequel il se justifie de prendre en considéra-
tion une révision de la loi en cours (cf. ATF 110 II 293
consid. 2a p. 296; également ATF 118 IV 52 consid. 2c
p. 55 et 117 IV 276 consid. 3c p. 279), on peut au de-
meurant observer que l'art. 22 al. 1 du projet de révi-
sion du code pénal que le Conseil fédéral a soumis le 21
septembre 1998 aux Chambres fédérales réunit les deux
formes de tentative dans la même disposition, avec les
mêmes conséquences, à savoir que la tentative est punis-
sable et que la peine peut être atténuée (cf. art. 22 du
Message et du Projet du 21 septembre 1998, FF 1999 1787
ss, 2106 [texte légal] et 1816 [texte du message]). La
distinction entre les deux formes de tentative n'a d'im-
portance pratique qu'en cas de désistement (art. 21 al. 2
CP), respectivement de repentir actif (art. 22 al. 2 CP):
alors que dans le premier cas une exemption de toute pei-
ne est possible, seule une atténuation libre de la peine
selon l'art. 66 CP est possible dans le second cas.

En l'espèce, la question du désistement, respec-
tivement du repentir actif, ne se pose pas. Que, s'agis-
sant de l'infraction en cause, le dispositif de l'arrêt
attaqué condamne le recourant pour délit manqué en appli-
cation de l'art. 22 al. 1 CP, alors qu'il eût fallu rete-
nir la tentative inachevée au sens de l'art. 21 al. 1 CP,
demeure donc sans incidence pratique, de sorte que le
recourant n'a pas d'intérêt juridique à l'annulation de
l'arrêt attaqué sur ce point (cf. ATF 124 IV 94 consid.
1a). Cela doit d'autant plus être admis en l'espèce que,
selon l'arrêt attaqué, c'est en réalité le viol consommé,
et non le viol tenté, qui aurait dû être retenu; dans
cette mesure, fût-il modifié, le dispositif de l'arrêt
attaqué serait de toute manière erroné. Le grief est par
conséquent irrecevable.

2.- Le recourant reproche à la cour cantonale de
n'avoir pas fait application de l'art. 65 CP "dans le ca-
dre de l'art. 63 CP" et d'avoir ainsi violé ces disposi-
tions.

Selon la jurisprudence, lorsque le résultat de
l'infraction ne s'est pas produit, la peine doit en tout
cas être atténuée; le cas échéant, le juge a la faculté,
mais non pas l'obligation, de faire application de l'art.
65 CP; il peut aussi procéder à cette atténuation dans
le cadre de l'art. 63 CP (ATF 121 IV 49 consid. 1b p. 54
s.). Dans un arrêt non publié du 30 janvier 1998, le Tri-
bunal fédéral a jugé que cette jurisprudence, rendue en
matière de délit manqué (art. 22 al. 1 CP), est en prin-
cipe aussi applicable en cas de tentative inachevée (ar-
rêt 6S.778/1997, consid. 2b/aa).

Il ne ressort pas de sa motivation que la cour
cantonale aurait fait application de l'art. 65 CP,

qu'elle ne mentionne d'ailleurs pas dans le dispositif
de son arrêt. Comme elle n'était pas tenue de le faire,
la question est en définitive de savoir si elle a réduit
la peine de manière suffisante dans le cadre de l'art.
63 CP pour tenir compte de la tentative, au sens large,
c'est-à-dire des art. 21 s. CP.

La cour cantonale a exposé qu'il se justifiait
qu'elle fixe à nouveau la peine, puisque, d'une part,
elle avait acquitté le recourant de l'infraction de lé-
sions corporelles simples et que, d'autre part, les pre-
miers juges n'avaient pas exposé pourquoi ils n'avaient
pas atténué la peine en application de l'art. 65 CP à
raison de la tentative. Même si, dans la suite de son
analyse, elle parle de viol, et non de tentative de viol,
il ressort clairement de son arrêt que c'est le délit
manqué - donc la tentative, et non pas l'infraction con-
sommée - qu'elle avait à l'esprit; on ne saurait donc y
voir un indice de ce qu'elle n'aurait pas tenu compte du
degré de réalisation de l'acte incriminé. Pour fixer la
quotité de la peine, la cour cantonale a précisé qu'elle
tenait compte de l'importance de la faute commise et du
concours d'infractions, de la situation personnelle et de
l'absence d'antécédents du recourant ainsi que du temps
écoulé depuis la commission des infractions. Elle n'est
certes pas revenue sur les deux éléments qui l'ont con-
duite à statuer à nouveau sur la peine, à savoir non seu-
lement la tentative en ce qui concerne le viol, mais éga-
lement - ce dont le recourant ne lui fait nullement grief
- la suppression de l'une des infractions retenues en
première instance; elle n'était toutefois pas tenue de
répéter ces éléments, dont elle venait d'indiquer qu'elle
entendait tenir compte. Au demeurant, elle a fixé à 2 ans
d'emprisonnement la peine privative de liberté, qui avait
été arrêtée à 2 1/2 ans en première instance, opérant
ainsi une réduction de 6 mois, alors que les éléments

qu'elle mentionne expressément avaient déjà été très lar-
gement pris en considération par les premiers juges. Il
n'est dès lors pas douteux que la cour cantonale a tenu
compte de l'élément invoqué par le recourant dans la
fixation de la peine.

Le grief est donc infondé.

3.- Invoquant une violation de l'art. 41 CP, le
recourant reproche à la cour cantonale de n'avoir pas te-
nu compte, dans la fixation de la peine, de la limite de
18 mois au-delà de laquelle le sursis ne peut pas être
accordé.

Tel qu'il est formulé, le grief revient en réali-
té à se plaindre d'une violation de l'art. 63 CP, non pas
de l'art. 41 CP.

Selon la jurisprudence, lorsque la peine privati-
ve de liberté qu'il envisage de prononcer n'est pas d'une
durée nettement supérieure à 18 mois et que les condi-
tions du sursis sont par ailleurs réunies, le juge doit
examiner si, compte tenu de la situation personnelle de
l'accusé, l'exécution de la peine n'irait pas à l'encon-
tre du but premier du droit pénal, qui est de prévenir
la commission d'infractions; le cas échéant, il doit en
principe en tenir compte dans un sens atténuant dans le
cadre de l'art. 63 CP (ATF 118 IV 337 consid. 2c p. 339
s.); encore faut-il cependant que la peine demeure pro-
portionnée à la faute à sanctionner (ATF 118 IV 342 con-
sid. 2f p. 349 s.).

Dans un arrêt non publié 6S.539/1992 du 27 mai
1992, le Tribunal fédéral a admis qu'une peine privative
de liberté de 21 mois est suffisamment proche de la li-

mite de 18 mois pour que celle-ci soit prise en compte
dans le cadre de la fixation de la peine. Il a en revan-
che nié, dans un arrêt non publié 6S.266/1996 du 21 mai
1996, qu'une peine privative de liberté de 22 mois soit
suffisamment proche de cette limite. Dans la mesure où
l'auteur cité par le recourant croit pouvoir déduire de
l'ATF 118 IV 337 que ce n'est qu'au-dessus de 24 mois
qu'une peine privative de liberté ne peut plus être con-
sidérée comme nettement supérieure à 18 mois, il ne sau-
rait être suivi.

Au vu de cette jurisprudence, la cour cantonale,
qui envisageait de prononcer une peine de 2 ans d'empri-
sonnement, n'avait pas à tenir compte de la circonstance
invoquée.

4.- Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la
mesure où il est recevable.

Vu l'issue du pourvoi, l'assistance judiciaire ne
peut être accordée (cf. art. 152 al. 1 OJ) et le recou-
rant, qui succombe, supportera les frais (art. 278 al. 1
PPF).

La cause
étant tranchée, la requête d'effet sus-
pensif est sans objet.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est
recevable.

2. Rejette la requête d'assistance judiciaire.

3. Met à la charge du recourant un émolument ju-
diciaire de 800 francs.

4. Communique le présent arrêt en copie au man-
dataire du recourant, au Ministère public du canton de
Fribourg et à la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal
fribourgeois.

Lausanne, le 22 février 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.868/2000
Date de la décision : 22/02/2001
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 21 et 22 CP; tentative et délit manqué. Sauf en cas de désistement, respectivement de repentir actif, la différence entre la tentative inachevée et la tentative achevée n'a pas d'importance pratique. Celui qui est condamné pour délit manqué d'une infraction, alors que c'est la tentative simple qui eût dû être retenue, n'a donc pas d'intérêt juridique à l'annulation de l'arrêt attaqué sur ce point (consid. 1). Art. 63 et 41 CP; fixation de la peine; durée compatible avec l'octroi du sursis. Une peine privative de liberté n'est suffisamment proche de la limite de 18 mois permettant l'octroi du sursis que si elle n'excède pas 21 mois (consid. 3).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-22;6s.868.2000 ?
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