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22/02/2001 | SUISSE | N°5C.44/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 février 2001, 5C.44/2001


«/2»
5C.44/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

22 février 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi, Mme
Nordmann, M. Merkli et M. Meyer, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

Dame X.________, défenderesse et recourante, représentée par
Me Monica Kohler, avocate à Genève,

et

X.________, demandeur et intimé;

(modification d'un jugement de divorce)

Vu les pièces du dossier d'

où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 7 janvier 1982, le Tribunal de
première instance de Genève a prono...

«/2»
5C.44/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

22 février 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi, Mme
Nordmann, M. Merkli et M. Meyer, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

Dame X.________, défenderesse et recourante, représentée par
Me Monica Kohler, avocate à Genève,

et

X.________, demandeur et intimé;

(modification d'un jugement de divorce)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 7 janvier 1982, le Tribunal de
première instance de Genève a prononcé le divorce des époux
X.________; il a condamné X.________ à payer à dame
X.________ une rente de 800 fr. par mois en application de
l'art. 151 CC.

X.________, qui s'est remarié le 1er mai 1982 et a
eu cinq mois plus tard un fils de cette seconde union, a
vécu
à l'étranger avec sa nouvelle famille de 1982 à août 1998,
date à laquelle il est revenu vivre en Suisse.

B.- Le 5 juillet 1999, X.________ a saisi le Tribu-
nal de première instance de Genève d'une demande en modifica-
tion du jugement de divorce tendant à la suppression de la
rente due à son ex-épouse; il a allégué que celle-ci vivait
en concubinage avec Y.________.

C.- Par jugement du 6 avril 2000, le Tribunal a fait
droit à la demande en supprimant la rente depuis cette der-
nière date. Il a retenu que dame X.________ et Y.________ se
sont rencontrés en décembre 1996, qu'ils sont devenus inti-
mes, qu'ils se sont mis en ménage le 1er juillet 1997,
qu'ils
ont fait porte-monnaie commun et qu'il y a entre eux commu-
nauté de lit et de table depuis presque trois ans; s'ils se
sont séparés quelque temps, ils n'ont pas indiqué avoir
cessé
des relations intimes, de sorte que le caractère de
stabilité
de cette union, qui durait depuis plus de deux ans au moment
du dépôt de la demande en modification du jugement de divor-
ce, n'est pas perdu.

D.- La défenderesse a appelé de ce jugement devant
la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Elle a indiqué que Y.________ et elle-même avaient vécu
ensemble à peine une année avant le dépôt de la demande en
modification du jugement de divorce, compte tenu de leurs
séparations, et qu'à partir de juillet 1997, ils n'avaient
pas vécu ensemble plus de dix mois consécutifs. Elle a en
outre invoqué un fait nouveau, survenu selon elle après la
plaidoirie devant le Tribunal, à savoir qu'ils ne vivaient
plus ensemble depuis fin mars 2000.

E.- Statuant par arrêt du 8 décembre 2000, la Cham-
bre civile a confirmé le jugement de première instance. Elle
a considéré que le fait nouveau invoqué par la défenderesse
ne l'avait pas été de manière conforme aux exigences
déduites
par la jurisprudence de la loi cantonale de procédure, de
sorte qu'il ne pouvait en être tenu compte. La cour
cantonale
a estimé, sur la base des faits établis par le Tribunal, à
la
date du dépôt de la demande, soit deux ans après le début de
la vie commune entre dame X.________ et Y.________, que rien
ne laissait supposer que les concubins ne constituaient pas
une communauté de toit, de table et de lit, avec des
intérêts
financiers communs et des sentiments mutuels qui avaient per-
duré, puisque malgré deux séparations, ils avaient vécu à
nouveau ensemble; l'assistance financière consistant à parta-
ger le loyer, les sentiments des concubins et la durée de la
vie commune suffisaient pour admettre la communauté de vie
analogue au mariage au sens de la jurisprudence fédérale.

F.- Agissant par la voie du recours en réforme au
Tribunal fédéral, la défenderesse conclut avec suite de
frais
et dépens à la réforme de cet arrêt dans le sens du rejet
des
conclusions de la demande; elle sollicite en outre l'octroi
de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La valeur litigieuse, calculée conformément à
l'art. 36 al. 4 et 5 OJ, dépasse largement la valeur d'au
moins 8'000 fr. dont l'art. 46 OJ fait dépendre la recevabi-
lité du recours en réforme dans les affaires pécuniaires
autres que celles visées à l'art. 45 OJ. Le recours est donc
recevable sous cet angle. Déposé en temps utile contre une
décision finale prise en dernière instance cantonale, il est
également recevable du chef des art. 54 al. 1 et 48 al. 1 OJ.

2.- a) Selon la recourante, la cour cantonale aurait
violé l'art. 139 al. 2 CC, qui serait applicable aussi dans
une procédure en modification d'un jugement de divorce rendu
selon l'ancien droit, en n'appliquant pas au fait nouveau
invoqué en appel la maxime inquisitoire prévue par cette
disposition, qui lui imposait de tenir compte d'office de
tous les faits parvenus à sa connaissance.

b) La modification d'un jugement de divorce rendu
selon l'ancien droit est régie par l'ancien droit, sous ré-
serve des dispositions relatives aux enfants et à la procédu-
re (art. 7a al. 3 tit. fin. CC). Aux termes de l'art. 139
al.
2 CC, le juge ne peut retenir comme établis les faits à l'ap-
pui d'une demande en divorce que s'il est convaincu de leur
existence. Comme l'art. 158 ch. 1 aCC auquel elle correspond
du point de vue de son contenu, cette disposition ne s'appli-
que pas aux effets accessoires du divorce, mais uniquement à
son principe, comme cela ressort du texte même et du but de
la disposition (cf. Thomas Sutter/Dieter Freiburghaus, Kom-
mentar zum neuen Scheidungsrecht, 1999, n. 13 ad art. 139
CC;
Marcel Leuenberger, in Ingeborg Schwenzer (éd.), Praxiskom-
mentar Scheidungsrecht, 2000, n. 2 ad art. 139 CC; cf. pour
l'ancien droit Walter Bühler/Karl Spühler, Berner Kommentar,
Band II/1/1/2, 1980, n. 39 ad art. 158 CC; arrêt non publié
N. c. N. du 5 mars 1996, reproduit in SJ 1996 p. 450,
consid.

2a et la jurisprudence citée). Elle ne saurait dès lors trou-
ver application dans une procédure en modification d'un juge-
ment de divorce, qui par sa nature même ne peut pas toucher
le principe du divorce mais seulement certains de ses effets
accessoires (cf. Philippe Meier, Nouveau droit du divorce:
Questions de droit transitoire, in JdT 2000 I 66 ss, p. 74).
Logiquement, Sutter/Freiburghaus (op. cit., n. 11 ad art. 7a
tit. fin. CC) ne mentionnent d'ailleurs pas l'art. 139 al. 2
CC parmi les dispositions de procédure applicables en vertu
de l'art. 7a al. 3 tit. fin. CC à la modification d'un juge-
ment de divorce rendu selon l'ancien droit. Dans ces condi-
tions, le grief de la recourante ne peut qu'être écarté.

3.- a) La recourante reproche également aux juges
cantonaux d'avoir violé l'art. 153 al. 1 aCC et la jurispru-
dence y relative en considérant qu'elle formait avec
Y.________ une communauté de vie analogue au mariage. Elle
expose que sous réserve de la dernière séparation des époux
(sic), il ressort des faits retenus dans l'arrêt attaqué
qu'elle-même et Y.________ ont fait ménage commun depuis
juillet 1997 et que leur relation a été entrecoupée de deux
séparations, l'une de mai à décembre 1998 et l'autre de mars
à avril 1999. Ainsi, de juillet 1997 à mars 2000, soit sur
une période inférieure à trois ans, la recourante et son ami
n'auraient jamais vécu ensemble plus de dix mois
consécutifs.
De même, les raisons pour lesquelles la recourante et son
ami
ont cohabité, à savoir réduire leurs frais, et les motifs
qui
les ont incités à se séparer à deux reprises, soit les diffi-
cultés financières, démontreraient qu'aux moindres difficul-
tés, Y.________ quittait la recourante, refusant de faire fa-
ce à son devoir de fidélité et d'assistance. Des faits rete-
nus, la recourante estime donc qu'ils démontrent que sa rela-
tion avec Y.________ était davantage dictée par des soucis
financiers que par des sentiments mutuels et l'existence
d'une communauté de destins.

b) L'époux auquel une rente viagère a été allouée en
vertu des art. 151 ou 152 aCC cesse d'y avoir droit s'il se
remarie (art. 153 al. 1 aCC). Selon la jurisprudence, il en
va de même lorsque le crédirentier vit dans un concubinage
stable, qui lui procure des avantages analogues à ceux du
mariage (ATF 124 III 52 consid. 2a/aa et les arrêts cités).
Par concubinage stable, il faut entendre une communauté de
vie d'une certaine durée, voire durable, entre deux
personnes
de sexe opposé, à caractère en principe exclusif, qui présen-
te une composante tant spirituelle que corporelle et économi-
que, et qui est parfois également désignée comme communauté
de toit, de table et de lit; le juge doit dans tous les cas
procéder à une appréciation de tous les facteurs détermi-
nants, étant précisé que la qualité d'une communauté de vie
s'évalue au regard de l'ensemble des circonstances de la vie
commune (ATF 118 II 235 consid. 3b et les références
citées).
Ce qui importe, c'est de savoir si le conjoint divorcé forme
avec son nouveau partenaire une communauté de vie si étroite
que celui-ci serait prêt à lui assurer fidélité et assistan-
ce, comme l'art. 159 al. 3 CC l'impose aux époux; la réalisa-
tion de cette condition ne dépend pas du point de savoir si
les concubins sont économiquement en mesure de s'assister en
cas de besoin, mais de leurs sentiments mutuels et de l'exis-
tence d'une communauté de destins (ATF 124 III 52 consid.
2a/aa et les arrêts cités).

c) En l'espèce, les juges cantonaux ont certes cons-
taté que de mai à décembre 1998, Y.________ est allé vivre
chez sa mère à la suite d'une mésentente avec la défende-
resse, que cette dernière et son ami se sont séparés à nou-
veau en mars et avril 1999, qu'ils ont des problèmes
d'argent
et se sont disputés à ce sujet (arrêt attaqué, lettre C in
fine p. 3). Ils n'ont en revanche pas retenu les allégations
de la recourante (cf. consid. 3a supra) selon lesquelles
cette dernière et son ami auraient cohabité essentiellement
pour réduire leurs frais et que les motifs qui les ont inci-

tés à se séparer à deux reprises résideraient dans leurs
difficultés financières; ces allégations ne peuvent donc pas
être prises en considération dans la présente instance de
réforme (art. 55 al. 1 let. c OJ et art. 63 al. 2 OJ).

L'autorité cantonale a considéré qu'à la date du
dépôt de la demande, la défenderesse et Y.________ avaient
constitué pendant deux ans - quoiqu'avec deux interruptions
de respectivement huit et deux mois - une communauté de
toit,
de table et de lit, avec des intérêts financiers communs et
des sentiments mutuels qui avaient résisté à deux sépara-
tions, ce qui suffisait pour admettre la communauté de vie
analogue au mariage que la jurisprudence prévoit. On ne
discerne pas là de violation des principes jurisprudentiels
qui ont été rappelés plus haut (cf. consid. 3b supra), de
sorte que le recours apparaît mal fondé sur ce point aussi.

4.- En conclusion, le recours se révèle manifeste-
ment mal fondé en tant qu'il est recevable au regard de
l'art. 55 al. 1 let. c OJ et ne peut par conséquent qu'être
rejeté dans cette même mesure, ce qui entraîne la confirma-
tion de l'arrêt attaqué. La requête d'assistance judiciaire
fondée sur l'art. 152 OJ doit également être rejetée; le
recours apparaissait en effet d'emblée voué à l'échec au
sens
de cette disposition, dès lors qu'il doit être rejeté - dans
la mesure où il est recevable - dans le cadre de la
procédure
simplifiée de l'art. 36a OJ (cf. Poudret/Sandoz-Monod, Com-
mentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol.
V, Berne 1992, n. 5 ad art. 152 OJ). Par conséquent, la dé-
fenderesse, qui succombe, supportera les frais judiciaires
(art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer
de dépens dès lors que le demandeur n'a pas été invité à
répondre au recours et n'a en conséquence pas assumé de
frais
pour la procédure devant le Tribunal fédéral (Poudret/Sandoz-
Monod, op. cit., n. 2 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable et confirme l'arrêt attaqué.

2. Rejette la requête d'assistance judiciaire de la
recourante.

3. Met un émolument judiciaire de 1'000 fr. à la
charge de la recourante.

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève.

__________

Lausanne, le 22 février 2001
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.44/2001
Date de la décision : 22/02/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-22;5c.44.2001 ?
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