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22/02/2001 | SUISSE | N°5C.234/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 février 2001, 5C.234/2000


«/2»
5C.234/2000

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

22 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Reeb, président,
Bianchi et Meyer. Greffier: M. Braconi.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ SA, défenderesse et recourante, représentée par
Me
Guy-Philippe Rubeli, avocat à Genève,

et

Y.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Pierre Gabus, avocat à Genève;

(action en annulation de la p

oursuite
selon l'art. 85a LP)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 15 février 1997, X...

«/2»
5C.234/2000

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

22 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Reeb, président,
Bianchi et Meyer. Greffier: M. Braconi.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ SA, défenderesse et recourante, représentée par
Me
Guy-Philippe Rubeli, avocat à Genève,

et

Y.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Pierre Gabus, avocat à Genève;

(action en annulation de la poursuite
selon l'art. 85a LP)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 15 février 1997, X.________ SA a fait notifier à
Y.________ un commandement de payer la somme de 66'880
fr.50,
avec intérêts et frais. La poursuivie ayant formé
opposition,
la poursuivante a saisi le Tribunal du district de Zurich
d'une action tendant au paiement dudit montant, ainsi qu'au
prononcé de la mainlevée. Par jugement contumacial du 12 no-
vembre 1997, entré en force le 2 décembre suivant, le tribu-
nal a admis les conclusions de la demande et levé définiti-
vement, à due concurrence, l'opposition.

B.- Se fondant sur l'art. 85a LP, Y.________ a
introduit
le 18 février 1998 une action en annulation de la poursuite.
Après avoir suspendu provisoirement la poursuite le 4 mai
suivant, le Tribunal de première instance du canton de
Genève
a, par jugement du 8 février 2000, déclaré l'action irreceva-
ble. Statuant le 6 septembre 2000 sur l'appel exercé par la
demanderesse, la Chambre civile de la Cour de justice du can-
ton de Genève a annulé cette décision et retourné la cause
au
premier juge pour instruction.

C.- Contre cet arrêt, X.________ SA recourt en réforme
au Tribunal fédéral, concluant à son annulation et à la con-
firmation du jugement de première instance.

L'intimée propose le rejet du recours dans la mesure de
sa recevabilité; elle sollicite le bénéfice de l'assistance
judiciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Déposé à temps contre une décision prise dans
une
contestation civile (ATF 125 III 149; Amonn/Gasser,
Grundriss
des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 6e éd., §§ 4 N 49,
71 et 20 N 27) par le tribunal suprême du canton, le présent
recours est recevable sous cet angle; il l'est également au
regard de l'art. 46 OJ, la valeur litigieuse étant
clairement
atteinte.

b) La décision attaquée, qui renvoie la cause au
premier
juge pour instruction sur le fond, n'est pas finale au sens
de l'art. 48 al. 1 OJ (Poudret, COJ II, N 1.1.4.12 ad art.
48
et les références); elle constitue, en revanche, une
décision
préjudicielle ou incidente (arrêt de la Ie Cour civile du 9
septembre 1987, in: SJ 110/1988, p. 119 consid. 1; Poudret,
op. cit., N 2.1.3 ad art. 50) contre laquelle le recours en
réforme est ouvert en vertu de l'art. 50 al. 1 OJ, dont les
conditions - dûment exposées par la recourante (ATF 118 II
91
consid. 1a p. 92) - sont manifestement réalisées dans le cas
particulier (cf. ATF 122 III 254 consid. 2a p. 255/256 et
les
arrêts cités).

c) Le chef de conclusions tendant à la confirmation du
jugement de première instance est recevable; on comprend, en
effet, que la recourante demande la modification de l'arrêt
attaqué en ce sens que l'action soit déclarée irrecevable.
Il
s'ensuit que les exigences de l'art. 55 al. 1 let. b OJ sont
remplies.

2.- L'autorité inférieure a retenu, en l'espèce, que la
mainlevée de l'opposition était entrée en force à la suite
du
jugement zurichois et qu'elle était «devenue définitive
faute
à l'appelante [in casu l'intimée] d'avoir introduit à temps
une action en libération de dette», de sorte que l'«action
en

annulation de dette est [...] ouverte»; le poursuivi
n'étant,
dans une telle hypothèse, «pas limité dans les moyens qu'il
soulève», c'est à tort que le premier juge a estimé que, «à
défaut de faits nouveaux survenus après l'entrée en force de
la décision exécutoire», une action fondée sur l'art. 85a LP
n'était pas recevable.

a) Les prémisses de la cour cantonale sont erronées et
en ouverte contradiction avec ses propres constatations. En
effet, il est constant que, à la suite de l'opposition de la
poursuivie, la recourante a «déposé une demande en paiement
et en mainlevée définitive devant les autorités judiciaires
compétentes du canton de Zurich», lesquelles ont prononcé la

mainlevée «définitive» de l'opposition au commandement de
payer; quoi qu'en dise l'intimée, il s'agirait là, de toute
manière, d'une inadvertance manifeste (cf. sur cette notion,
ATF 104 II 68 consid. 3b p. 74), que le Tribunal fédéral
peut
rectifier d'office (art. 63 al. 2 OJ). Dès lors qu'une
action
en libération de dette apparaît, dans ces conditions, exclue
d'emblée (ATF 43 III 293, spéc. p. 294; Bodmer, in:
Kommentar
zum SchKG, vol. I, N 8 ad art. 85a LP; Brönnimann, Zur Klage
nach Art. 85a SchKG, AJP 1996, p. 1395 ch. 3), il n'est pas
besoin d'examiner si l'action en annulation de la poursuite,
au sens de l'art. 85a LP, est recevable lorsque le poursuivi
a laissé expirer le délai pour se pourvoir en libération de
dette (sur la controverse: Tenchio, Feststellungsklagen und
Feststellungsprozess nach Art. 85a SchKG, thèse Zurich 1999,
p. 91 ss et les citations).

b) Lorsque la mainlevée définitive a été accordée,
comme
en l'occurrence, dans le cadre de l'action en reconnaissance
de dette (art. 79 al. 1 LP; FF 1991 III 75; ATF 107 III 60),
le poursuivi qui agit sur la base de l'art. 85a LP ne peut
se
prévaloir, en plus des moyens découlant de la décision elle-
même (cf. Amonn/Gasser, op. cit., §§ 19 N 56 et 20 N 20),
que

de faits intervenus après l'entrée en force du jugement, à
savoir de nova proprement dits (Amonn/Gasser, op. cit., § 20
N 20; Brönnimann, op. cit., p. 1399/1400; Tenchio, op. cit.,
p. 83; Gasser, Revidiertes SchKG - Hinweise auf kritische
Punkte, ZBJV 132/1996, p. 640; Gilliéron, Commentaire de la
loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite,
vol. I, N 16, 28, 32 et 94 ad art. 85a LP). Le jugement
rendu
à l'issue du procès en reconnaissance de dette étant revêtu
d'une pleine autorité de la chose jugée quant à l'existence
de la créance en poursuite (Amonn/Gasser, op. cit., § 4 N 48
et 49), il fonde l'exception correspondante à l'égard des
conclusions négatoires du poursuivi (Amonn/Gasser, op. cit.,
§ 20 N 19; Tenchio, op. cit., p. 82/83; pour l'exception de
litispendance, cf. Bodmer, op. cit., N 11 ad art. 85a LP).

En l'espèce, l'intimée n'a rien fait valoir de tel. Son
conseil s'est adressé à la recourante le 9 octobre 1997,
donc
avant la reddition du jugement zurichois, pour lui expliquer
que sa mandante «n'avait jamais été en possession d'une
carte
Eurocard/Mastercard», et la priait de lui communiquer «tous
les documents relatifs à la demande de carte». La recourante
ne s'est, certes, exécutée que le 18 décembre suivant, alors
que cette décision était passée en force; il n'en demeure
pas
moins que les circonstances dans lesquelles a été délivrée
et
utilisée la carte de crédit pouvaient être discutées, et les
moyens de preuve idoines administrés, dans le cadre du
procès
en reconnaissance de dette. L'autorité cantonale en convient
du reste implicitement, lorsqu'elle retient que les pièces
en
question n'ont fait que corroborer les soupçons que
l'intimée
nourrissait «déjà», à savoir qu'«une tierce personne, avait
abusé de son nom pour obtenir la carte de crédit».

3.- Vu ce qui précède, le recours doit être accueilli
et
l'action déclarée irrecevable, ce qui entraîne la caducité
de
la suspension provisoire de la poursuite (Reeb, La
suspension

provisoire de la poursuite selon l'art. 85a al. 2 LP, in: FS
75 Jahre Konferenz der Betreibungs- und Konkursbeamten der
Schweiz, p. 283 ch. 3).

Enfin, la requête d'assistance judiciaire de l'intimée
doit être admise; la bénéficiaire n'est pas dispensée, pour
autant, de verser des dépens à sa partie adverse (ATF 122 I
322 consid. 2c p. 324/325).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours, annule l'arrêt attaqué et déclare
l'action irrecevable.

2. Admet la requête d'assistance judiciaire de
l'intimée
et lui désigne Me Pierre Gabus, avocat à Genève, comme
avocat
d'office.

3. Met un émolument judiciaire de 4'000 fr. à la charge
de l'intimée, mais dit qu'il est provisoirement supporté par
la caisse du tribunal.

4. Dit que l'intimée versera une indemnité de 3'000 fr.
à la recourante à titre de dépens.

5. Dit que la caisse du tribunal versera au conseil de
l'intimée une indemnité de 2'000 fr. à titre d'honoraires
d'avocat d'office.

6. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle
décision sur les frais et dépens des instances cantonales.

7. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève.

__________

Lausanne, le 22 février 2001
BRA/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.234/2000
Date de la décision : 22/02/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-22;5c.234.2000 ?
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