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20/02/2001 | SUISSE | N°1A.290/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 février 2001, 1A.290/2000


«/2»

1A.290/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

20 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

E.________, représentée par Me Didier Bottge, avocat à
Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 22 septembre 2000 par la Chambre d'ac-
cusation du

canton de Genève;

(entraide à la Lituanie; res judicata; art. 67 EIMP;
principe de la spécialité)

Vu les pièces du...

«/2»

1A.290/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

20 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

E.________, représentée par Me Didier Bottge, avocat à
Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 22 septembre 2000 par la Chambre d'ac-
cusation du canton de Genève;

(entraide à la Lituanie; res judicata; art. 67 EIMP;
principe de la spécialité)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 24 juillet 1998, Kazys Pednycia, Procureur
général de la République de Lituanie, a adressé au Procureur
de district de Zurich une demande d'entraide judiciaire fon-
dée sur la Convention européenne d'entraide judiciaire,
conclue le 20 avril 1959 à Strasbourg, entrée en vigueur le
20 mars 1967 pour la Suisse et le 16 juillet 1997 pour la
Lituanie (CEEJ; RS 0.351.1). Cette demande a été présentée
pour les besoins de la procédure (désignée sous la rubrique
57-2-024-98) ouverte du chef de fraude au sens de l'art. 274
du Code pénal lituanien, réprimant l'acquisition frauduleuse
des biens d'autrui. Selon l'exposé joint à la demande, le dé-
nommé R.________, ressortissant polonais, aurait prêté un
montant de 151'000 USD au dénommé C.________, ressortissant
lituanien, pour augmenter les fonds disponibles de la
société
U.________ dirigée par C.________. L'enquête avait permis de
déterminer que ce dernier avait donné, les 15 et 19 décembre
1997, deux ordres de virement, portant sur un montant total
de 161'400 USD, au crédit du compte n°xxx ouvert au nom de
la
société E.________ (ci-après: la Société) auprès de la
banque
SCS Alliance à Genève (ci-après: la Banque). Les enquêteurs
lituaniens soupçonnaient C.________ d'avoir ainsi détourné à
son profit les fonds remis par R.________. La demande
tendait
à identifier l'auteur et la date d'un prélèvement de 161'400
USD opéré au débit du compte n°xxx, et à la remise de la do-
cumentation bancaire relative à ces mouvements. Sur ce
point,
la demande se référait à l'ordonnance rendue le 7 mai 1998
par le Procureur du district de Vilnius, ordonnant la saisie
des documents relatifs aux virements des 15 et 19 décembre
1997.

Le 1er septembre 1998, l'Office fédéral de la police
(ci-après: l'Office fédéral) a transmis la demande au Juge
d'instruction du canton de Genève, pour exécution.

Le 25 septembre 1998, le Ministère de la justice de
la République de Lituanie a remis à l'Office fédéral un nou-
vel exemplaire de la demande, datée du 17 septembre 1998.

Le 7 octobre 1998, le Juge d'instruction a rendu une
décision d'entrée en matière et ordonné à la Banque de lui
remettre la documentation requise.

Le 20 octobre 1998, la Banque a remis au Juge d'ins-
truction les documents d'ouverture du compte n°xxx; les re-
levés de ce compte, les estimations et les avis d'opération,
y compris les pièces justificatives, dès l'ouverture du
compte.

Il ressort de ces documents que la Société est titu-
laire du compte, dont les ayants droit sont les ressortis-
sants lituaniens S.________, G.________ et K.________.

Le 16 juin 1999, le Juge d'instruction a entendu
comme témoin l'un des trois ayants droit économiques du comp-
te. L'identité de ce témoin, connue du Juge d'instruction,
n'apparaît pas sur le procès-verbal de cette audition. Le té-
moin a affirmé ne connaître ni R.________, ni C.________, ni
la société U.________. Il a expliqué que lui-même et ses as-
sociés s'adonnaient au commerce international de la fourrure
et utilisaient la Société et son compte pour effectuer les
transactions nécessaires pour leur activité, le système ban-
caire lituanien étant totalement inadapté à leurs besoins.
Le
témoin a ajouté que le 22 décembre 1997, il avait, avec ses
associés, acquis des fourrures auprès d'une société
F.________, pour un montant total de 568'623,06 USD. Il a
fourni les factures relatives à ces achats. Le montant de

170'851,46 USD débité du compte n°xxx le 30 décembre 1997
correspondait au montant de la commission due aux vendeurs.

Le 24 juin 1999, le Juge d'instruction a entendu
comme témoin l'un des employés de la Banque.

Le 24 juin 1999, le Juge d'instruction a rendu une
ordonnance de clôture, par laquelle il a décidé de transmet-
tre les documents suivants:

- le relevé du compte n°xxx (page 1) avec les seu-
les mentions apparentes des crédits des 17 et 19
décembre 1997 (valeur 18 et 22 décembre 1997) et de
débit du 30 décembre 1997 (valeur 5 janvier 1998);
- les pièces justificatives du crédit de 50'000 USD
du 17 décembre 1997;
- les pièces justificatives du crédit de 111'400
USD du 19 décembre 1997;
- les pièces justificatives du débit de 170'851,46
USD du 30 décembre 1997;
- l'ordonnance du 7 mai 1998, contresignée par
l'employé de la Banque entendu le 24 juin 1999;
- le procès-verbal de l'audition du 16 juin 1999;
- les documents relatifs aux crédits des 17 et 19
décembre 1997 et au débit du 30 décembre 1997, soit
les dix factures de la société F.________;
- le procès-verbal de l'audition du 24 juin 1999.

Cette décision rappelle le principe de la spécia-
lité. Elle est entrée en force.

B.- Le 3 mars 2000, le Procureur Pednycia a adressé
à l'Office fédéral une nouvelle demande d'entraide se rappor-
tant à la procédure 57-2-024-98. Faisant état des nouveaux
développements de cette enquête, la demande tendait à l'audi-
tion du directeur de la Banque, afin qu'il précise les moda-
lités de virement de fonds sur le compte n°xxx et indique
l'identité des personnes autorisées à procéder à ces vire-
ments. La demande portait aussi sur la saisie des documents
d'ouverture du compte et des fiches de signature y relatives.

Le 9 mars 2000, l'Office fédéral a transmis la de-
mande au Juge d'instruction pour exécution.

Le 4 avril 2000, le Juge d'instruction est entré en
matière sur la demande, traitée comme un complément à celle
du 24 juillet 1998, et a ordonné les mesures requises.

Le 5 mai 2000, il a entendu comme témoin Christian
Maréchal, sous-directeur de la Banque, qui lui a remis les
documents demandés et expliqué les modalités d'utilisation
du
compte.

Le 25 mai 2000, le Juge d'instruction a rendu une
ordonnance de clôture par laquelle il a décidé de transmet-
tre:

- les documents d'ouverture du compte n°xxx;
- le procès-verbal de l'audience du 5 mai 2000;
- la décision d'effectuer la saisie des documents,
contresignée du témoin Maréchal;
- la copie de l'ordre donné par la Société le 29
décembre 1997, portant sur le débit du compte pour
un montant de 170'700 USD (document interne à la
Banque, fourni comme exemple des instructions pour
un virement).

Cette décision rappelle le principe de la spécia-
lité.

Le 22 septembre 2000, la Chambre d'accusation du
canton de Genève a rejeté le recours formé par la Société
contre les décisions des 4 avril et 25 mai 2000, qu'elle a
confirmées. Elle a considéré que n'étaient violés ni le prin-
cipe "ne bis in idem", ni les principes de la proportionna-
lité et de la spécialité.

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, E.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler

la décision du 22 septembre 2000 et de refuser la transmis-
sion des pièces visées par les décisions des 4 avril et 25
mai 2000. Elle invoque les principes de l'autorité de chose
jugée et de la spécialité.

La Chambre d'accusation se réfère à sa décision.

Le Juge d'instruction propose le rejet du recours.

L'Office fédéral de la justice (qui a repris dans
l'intervalle les compétences de l'Office fédéral dans le do-
maine de la coopération judiciaire internationale) a renoncé
à se déterminer.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) La Confédération suisse et la République de
Lituanie sont toutes deux parties à la CEEJ. Les
dispositions
de ce traité l'emportent sur le droit autonome qui régit la
matière, soit la loi fédérale sur l'entraide internationale
en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP) et son ordonnance
d'exécution (OEIMP), qui sont applicables aux questions non
réglées, explicitement ou implicitement, par le droit conven-
tionnel et lorsque cette loi est plus favorable à l'entraide
que la Convention (ATF 123 II 134 consid. 1a p. 136; 122 II
140 consid. 2 p. 142; 120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, et
les arrêts cités), sous réserve du respect des droits fonda-
mentaux (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617).

b) La voie du recours de droit administratif est ou-
verte contre la décision confirmant la transmission de la do-
cumentation bancaire à l'Etat requérant (art. 25 al. 1
EIMP).
Elle est aussi ouverte, simultanément avec le recours dirigé
contre la décision de clôture, contre les décisions inciden-

tes antérieures (art. 80d et 80e EIMP; ATF 125 II 238
consid.
6a p. 247, 356 consid. 3a p. 361).

c) La recourante a qualité pour agir selon l'art.
80h let. b EIMP, mis en relation avec l'art. 9a let. a
OEIMP,
contre la transmission de la documentation relative au
compte
n°xxx, dont elle est la titulaire (ATF 126 II 258 consid.
2d/aa p. 260; 125 II 356 consid. 3b/bb p. 362; 123 II 161
consid. 1d/aa p. 164; 122 II 130 consid. 2a p. 132/133).
Elle
n'est en revanche pas habilitée à intervenir dans le seul in-
térêt de la loi ou d'un tiers (ATF 125 II 356 consid. 3b/aa
p. 361/362; 124 II 499 consid. 3b p. 504; 123 II 542 consid.
2e p. 545, et les arrêts cités).

d) Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation
de la décision sont recevables (art. 25 al. 6 EIMP; art. 114
OJ; ATF 122 II 373 consid. 1c p. 375; 118 Ib 269 consid. 2e
p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les arrêts cités). Le
Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour ac-
corder l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la col-
laboration internationale doit être prêtée (ATF 123 II 134
consid. 1d p. 136/137; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275). Il sta-
tue avec une cognition pleine sur les griefs soulevés sans
être toutefois tenu, comme le serait une autorité de surveil-
lance, de vérifier d'office la conformité de la décision at-
taquée à l'ensemble des dispositions applicables en la ma-
tière (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 119 Ib 56
consid. 1d p. 59).

2.- Le Juge d'instruction et la Chambre d'accusation
ont considéré la demande du 3 mars 2000 comme un complément
de celle du 24 juillet 1998, à la lumière de laquelle elle
devait être comprise. Selon la décision attaquée, la remise
des informations concernant les ayants droit économiques du
compte ayant déjà été requise à l'appui de la demande ini-
tiale, ces renseignements pouvaient sans autre être transmis

en exécution de la demande complémentaire. Invoquant l'auto-
rité de chose jugée, la recourante fait valoir que la
demande
du 3 mars 2000 n'expose aucun fait nouveau justifiant la
transmission d'autres pièces que celles remises selon l'or-
donnance du 24 juin 1999, laquelle serait revêtue de l'auto-
rité de chose jugée.

a) La décision relative à l'exécution de la demande
d'entraide est de nature administrative (ATF 121 II 93 con-
sid. 3b p. 95, et les références citées). Elle n'est pas, à
l'instar d'un jugement civil ou pénal, revêtue de la force
de
chose jugée. Partant, elle peut être réexaminée en tout
temps, la décision de clôture de la procédure d'entraide ne
créant pour le surplus aucun droit subjectif pour les
parties
(ATF 121 II 93 consid. 3b p. 96). Si l'Etat requérant ne
peut
revenir à la charge pour les mêmes faits et les motifs, en
demandant les mêmes mesures (ATF 109 Ib 156 consid. 1b p.
157), rien ne l'empêche de compléter ou de réitérer sa deman-
de en se fondant sur des faits nouveaux ou un changement de
législation (ATF 112 Ib 215 consid. 4 p. 218; 111 Ib 242 con-
sid. 6 p. 251/252; 109 Ib 156 consid. 3b p. 157/158), de re-
quérir des mesures nouvelles ou encore de demander à l'Etat
requis de statuer sur des points laissés indécis dans le ca-
dre d'une décision précédente (arrêts non publiés O. du 1er
juillet 1999 et B. du 21 août 1995, consid. 4d).

b) En l'espèce, la demande du 3 mars 2000 s'inscrit
dans le prolongement de celle du 24 juillet 1998. Elle con-
cerne la même procédure pénale (désignée par la rubrique
57-2-024-98), les mêmes personnes et les mêmes faits. Selon
la jurisprudence qui vient d'être rappelée, la décision de
clôture du 24 juin 1999, entrée en force, n'a pas pour effet
de mettre un terme définitif à la procédure d'entraide. La
recourante ne peut tirer de cette décision la conclusion que
la demande du 3 mars 2000 serait, comme telle irrecevable,
parce qu'elle reviendrait sur la demande initiale.

c) La demande du 3 mars 2000 - que le Juge d'ins-
truction et la Chambre d'accusation pouvaient effectivement
considérer comme un complément à la demande initiale - men-
tionne des faits nouveaux, sans autre précision. En soi, le
procédé est critiquable, car la demande d'entraide, qu'elle
soit initiale ou complémentaire, doit indiquer son objet et
ses motifs et être accompagnée d'un exposé des faits (art.
14
al. 1 let. b et al. 2 CEEJ). En règle générale, il suffit
que
la demande complémentaire renvoie à la demande initiale, y
compris pour ce qui concerne les faits. Lorsque, comme en
l'espèce, l'autorité de l'Etat requérant complète sa demande
en faisant état des développements de l'enquête (souvent di-
rectement liés aux renseignements remis en exécution de la
demande initiale), il
lui faut indiquer ces faits nouveaux,
de manière à ce que l'autorité d'exécution soit en mesure de
déterminer, conformément au principe de la proportionnalité,
en quoi les nouvelles mesures sont nécessaires.

En l'espèce, le Juge d'instruction a estimé pouvoir
se dispenser d'un complètement de l'exposé des faits, préci-
sément parce que le Procureur Pednycia, dans sa demande com-
plémentaire, n'a fait selon lui que réclamer des renseigne-
ments déjà demandés dans la demande initiale. En d'autres
termes, le Juge d'instruction a considéré que la demande du
3 mars 2000 n'allant pas au-delà de ce qui avait déjà été re-
quis à l'appui de la demande du 24 juillet 1998, a examiné
uniquement si les renseignements demandés devaient être ac-
cordés sur le vu de l'exposé des faits joint à la demande
initiale. La Chambre d'accusation partage ce point de vue,
que la recourante conteste.

En premier lieu, la demande du 24 juillet 1998 vi-
sait à déterminer si le montant de 161'400 USD, viré les 15
et 19 décembre 1997 par la société U.________ sur le compte
n°xxx, avait été retiré et, dans l'affirmative, à quelle
date
et par qui. En deuxième lieu, la demande tendait à la saisie

de la documentation relative à ces deux virements, en se ré-
férant sur ce point à l'ordonnance du 7 mai 1998. Comme il
l'a indiqué dans ses observations du 21 novembre 2000, le
Juge d'instruction a considéré que cette deuxième demande,
mise en relation avec la première, comprenait aussi le dévoi-
lement de l'identité des ayants droit du compte n°xxx, impli-
quant la remise des documents d'ouverture de celui-ci.

Cette appréciation peut, à première vue, paraître
audacieuse, la demande du 24 juillet 1998 n'étant pas absolu-
ment limpide sur ce point. Cela étant, si le Juge d'instruc-
tion avait interprété comme il l'a fait la demande initiale
et avait ordonné, dans sa décision du 24 juin 1999, la
remise
des documents d'ouverture du compte, y compris l'identité
des
ayants droit de celui-ci, sa décision aurait sans doute
échappé à toute critique à cet égard. En effet, le principe
de la proportionnalité ne s'oppose pas à une interprétation
large de la requête s'il est établi d'emblée que toutes les
conditions à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce mode
de
procéder évite aussi une éventuelle demande complémentaire
(ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243). Sur cette base, peuvent
aussi être transmis des renseignements et des documents non
mentionnés dans la demande d'entraide (arrêt non publié D.
du
7 décembre 1998, consid. 5). En l'espèce, sur le vu de la de-
mande, il est évident que les autorités de l'Etat requérant,
une fois repérées les transactions opérées par le truchement
du compte n°xxx, ont besoin de connaître les ayants droit de
la recourante, afin de confirmer (ou d'infirmer) le soupçon
que ceux-ci sont, d'une manière ou d'une autre, de
connivence
avec les personnes accusées dans la procédure étrangère. Il
n'y aurait probablement rien eu à redire, sous cet aspect, à
une transmission de ces informations pour l'exécution de la
première demande.

d) Si le Juge d'instruction s'est abstenu d'agir
ainsi, c'est dans le souci d'éviter un recours éventuel,
comme il l'indique dans ses observations.

L'autorité doit exécuter la demande complètement et
ordonner toutes les mesures réclamées par l'Etat requérant,
à
moins qu'il n'existe des motifs de rejeter la demande, en
tout ou partie, ou de limiter l'étendue de l'entraide (par
exemple, au regard du principe de la proportionnalité). Sans
doute l'autorité d'exécution peut-elle, pour des motifs de
célérité et d'économie de la procédure, statuer séparément
sur les différentes requêtes qui lui sont soumises, en ren-
dant plusieurs décisions de clôture partielle de la procédu-
re. Cela ne signifie pas, pour autant, qu'elle serait en
droit de n'exécuter qu'une partie de la demande, lorsque
celle-ci doit être admise entièrement. Un tel procédé, outre
qu'il n'est pas compatible avec l'obligation d'exécuter fidè-
lement, complètement et loyalement les obligations incombant
à la Suisse en application du traité, présente
l'inconvénient
d'obliger l'Etat requérant à présenter une nouvelle demande
qui ne fait que réitérer la première, sans la compléter.

En l'espèce, la position des autorités cantonales
peut paraître contradictoire. Car de deux choses l'une: ou
bien, comme elles l'affirment, les deux demandes se rappor-
tent au même état de fait (avec la conséquence qu'un complè-
tement à cet égard n'est pas nécessaire) et visent le même
objet, au point que la deuxième demande, superflue, est ab-
sorbée par la première, et on ne comprend pas pourquoi le
Juge d'instruction n'a pas accordé, le 24 juin 1999, tout ce
qui lui était demandé; ou bien la deuxième demande, complé-
tant la première, a une portée et un objet propres par rap-
port à celle-ci, auquel cas l'exposé des faits joint à la
deuxième demande serait incomplet, faute d'indiquer les
faits
nouveaux justifiant des mesures de contrainte allant au-delà

de celles demandées précédemment. Sur le vu de ce qui pré-
cède, c'est le premier terme de l'alternative qui est réali-
sé.

Le grief est ainsi mal fondé.

3.- La recourante fait valoir que les autorités pé-
nales de l'Etat requérant pourraient être amenées à communi-
quer aux autorités fiscales les renseignements fournis dans
le cadre de l'entraide, en violation du principe de la spé-
cialité.

a) Selon l'art. 67 al. 1 EIMP et la réserve faite
par la Suisse à l'art. 2 let. b CEEJ, les renseignements
transmis ne peuvent, dans l'Etat requérant, ni être utilisés
aux fins d'investigation, ni être produits comme moyens de
preuve dans une procédure pénale visant une infraction pour
laquelle l'entraide est exclue, soit notamment pour la ré-
pression d'infractions politiques, militaires ou fiscales
(art. 3 EIMP et 2 let. a CEEJ; ATF 126 II 316 consid. 2b p.
319; 125 II 258 consid. 7a/aa p. 260/261; 124 II 184 consid.
4b p. 187, et les arrêts cités). Il va de soi que les Etats
liés par la CEEJ se conforment à leurs engagements interna-
tionaux, tel le respect de la règle de la spécialité, sans
qu'il soit nécessaire de le leur faire préciser dans une dé-
claration expresse (ATF 115 Ib 373 consid. 8 p. 377; 107 Ib
264 consid. 4b p. 272 et les arrêts cités). L'Etat requérant
est réputé observer fidèlement et scrupuleusement les obliga-
tions que le traité met à sa charge (ATF 118 Ib 547 consid.
6b p. 561; 110 Ib 392 consid. 5b p. 394/395; 107 Ib 264
consid. 4b p. 272; 104 Ia 49 consid. 5b p. 56-60).

b) Il est douteux que la recourante, dénonçant uni-
quement le danger que courraient ses ayants droit, soit rece-
vable à soulever le grief tiré du principe de la spécialité,
dont seule peut se prévaloir la personne concrètement
exposée

au risque de subir les conséquences d'une violation de ce
principe (arrêt non publié L. du 1er septembre 2000, consid.
3a). Ce point souffre de rester indécis, le grief devant de
toute manière être écarté sur le fond.

Le Juge d'instruction a pris la précaution, dans ses
décisions de clôture, de rappeler expressément l'attention
des autorités de l'Etat requérant sur le principe de la spé-
cialité et sa portée. Les demandes d'entraide contiennent
l'engagement préalable des autorités lituaniennes à se con-
former à cette obligation, puisqu'elles ont donné
l'assurance
que les renseignements reçus de la Suisse seraient utilisés
uniquement pour les besoins de "l'affaire pénale et de l'ins-
truction judiciaire". Ces termes sont clairs et n'appellent,
au regard de la jurisprudence qui vient d'être rappelée, au-
cune confirmation.

4.- Le recours doit ainsi être rejeté. Les frais en
sont mis à la charge de la recourante (art. 156 OJ). Il n'y
a
pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met à la charge de la recourante un émolument ju-
diciaire de 5000 fr.

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

4. Communique le présent arrêt au mandataire de la
recourante, au Juge d'instruction et à la Chambre d'accusa-
tion du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral de la
justice (B 111762).

Lausanne, le 20 février 2001
ZIR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.290/2000
Date de la décision : 20/02/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-20;1a.290.2000 ?
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