La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/2001 | SUISSE | N°4P.291/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 février 2001, 4P.291/2000


«AZA 1/2»

4P.291/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

19 février 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Time Warner Entertainment Company L.P., à New York (Etats-
Unis d'Amérique), représentée par Me X., avocat à Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 3 novembre 2000 par la Cour de
justice
genevoise dans la cau

se qui oppose la recourante à Louis
Perdrizat, à Genève, représenté par Me Y., avocat à Genève;

(arbitraire; droit d'être ente...

«AZA 1/2»

4P.291/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

19 février 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Time Warner Entertainment Company L.P., à New York (Etats-
Unis d'Amérique), représentée par Me X., avocat à Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 3 novembre 2000 par la Cour de
justice
genevoise dans la cause qui oppose la recourante à Louis
Perdrizat, à Genève, représenté par Me Y., avocat à Genève;

(arbitraire; droit d'être entendu; concurrence déloyale;
droit des marques)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Time Warner Entertainment Company L.P. (ci-
après: Time Warner) produit une série télévisée intitulée
"Friends", dont certaines séquences se déroulent dans un
café
imaginaire à l'enseigne "Central Perk". Depuis le 19 septem-
bre 1995, Time Warner est propriétaire aux Etats-Unis d'Amé-
rique de la marque "Central Perk" pour les produits de la
classe 25 (vêtements, chaussures, chapellerie). Dans le re-
gistre suisse des marques, Time Warner a fait enregistrer,
le
30 août 1996, la marque verbale "Friends" pour les produits
de la même classe 25.

Le 24 novembre 1998, Louis Perdrizat a fait ins-
crire au registre suisse la marque "Central Perk where we're
your Friends". La société Gengenie S.A., dont Perdrizat est
l'administrateur unique, exploite à Genève un café à l'ensei-
gne "Central Perk".

B.- Le 3 août 2000, Time Warner a déposé auprès de
la Cour de justice du canton de Genève une demande de
mesures
provisionnelles dirigée contre Louis Perdrizat.

Statuant, par ordonnance du 3 novembre 2000, comme
juridiction cantonale unique des causes relatives à la pro-
priété intellectuelle et à la concurrence déloyale, la cour
cantonale a constaté que Time Warner, à l'audience de plai-
doiries, avait renoncé à prendre des conclusions fondées sur
le droit d'auteur ou le droit au nom et avait basé sa
requête
exclusivement sur la concurrence déloyale et le droit des
marques. Considérant que la requérante n'était pas parvenue
à
rendre vraisemblable, en fait et en droit, le bien-fondé de
sa prétention, la Cour de justice a rejeté ses conclusions
sur mesures provisionnelles.

C.- Time Warner forme un recours de droit public
au Tribunal fédéral. Invoquant l'arbitraire et une violation
du droit d'être entendue, elle requiert l'annulation de la
décision attaquée.

L'intimé conclut à l'irrecevabilité, subsidiaire-
ment au rejet du recours.

La Cour de justice, par son président, a apporté
des précisions quant au déroulement de l'instance et a décla-
ré persister dans les termes de la décision entreprise.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le recours de droit public au Tribunal fédé-
ral est ouvert contre une décision cantonale pour violation
des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let.
a OJ).

Sous réserve des exceptions prévues par la loi, il
n'est recevable qu'à l'encontre d'une décision finale (art.
87 OJ). Dans le cas d'un recours de droit public, la juris-
prudence admet que la décision qui met fin à la procédure
sur
mesures provisionnelles doit être considérée comme une déci-
sion finale; même si elle devait être qualifiée de décision
incidente, il faudrait reconnaître, en raison de sa nature,
qu'elle cause un dommage irréparable ouvrant la voie d'un re-
cours immédiat (ATF 118 II 369 consid. 1; 108 II 69 consid.
1; 103 II 120 consid. 1 et les arrêts cités).

Le recours n'est pas recevable dans la mesure où le
grief invoqué pouvait faire l'objet d'un autre recours fédé-
ral (art. 84 al. 2 OJ). Le recours en réforme n'est
cependant
pas ouvert contre une décision sur mesures provisionnelles,

parce qu'elle ne statue pas sur la prétention matérielle,
mais seulement sur une protection provisoire (ATF 115 II 297
consid. 2). Les griefs invoqués ne sont donc susceptibles
d'aucune autre voie de droit sur le plan fédéral.

Pour que le recours soit recevable, il faut encore
que la décision attaquée soit rendue en dernière instance
cantonale (art. 86 al. 1 OJ). L'intimé soutient que cette
condition ne serait pas remplie, parce que l'argumentation
de
la recourante, au moins en partie, pouvait faire l'objet
d'une demande de révision cantonale; selon lui, la
recourante
se plaint de ce que la cour cantonale aurait omis de statuer
sur certaines de ses conclusions (cf. art. 154 let. d de la
Loi genevoise de procédure civile, LPC gen.).

Pour respecter la règle de l'épuisement des instan-
ces cantonales posée par l'art. 86 al. 1 OJ, la partie recou-
rante doit avoir utilisé toutes les voies de droit cantonal
à
sa disposition pour remédier au vice allégué, qu'il s'agisse
de recours ordinaires ou extraordinaires; la notion de moyen
de droit cantonal englobe, de façon générale, toutes les
voies de droit qui sont ouvertes à la partie recourante afin
de faire disparaître le préjudice juridique allégué et qui
sont de nature à obliger l'autorité saisie à statuer (ATF
120
Ia 61 consid. 1a et les arrêts cités). S'il est vrai que la
révision classique ne constitue pas un moyen utile (ATF 110
Ia 136 consid. 2a et les références), il en va différemment
des motifs de révision prévus par l'art. 154 LPC gen., qui
sortent du cadre naturel de cette procédure et s'apparentent
en réalité aux cas ouvrant la voie du recours en nullité
dans
la plupart des autres lois de procédure civile; la révision
de l'art. 154 permet donc à la partie recourante d'obtenir
une décision propre à supprimer le préjudice allégué dans le
recours de droit public (arrêt non publié du 28 septembre
1995 dans la cause 5P.115/1995, consid. 3b; arrêt du 22 mai
1987 publié in SJ 1987 p. 470). Il n'apparaît cependant pas

que le motif de révision mentionné par l'intimé soit ici réa-
lisé: en effet, la cour cantonale n'a pas omis de statuer
sur
les conclusions, mais elle a refusé de le faire en considé-
rant qu'elles étaient retirées. Il n'est toutefois pas néces-
saire d'approfondir la question, puisque le recours doit de
toute manière - comme on le verra - être rejeté.

La recourante est personnellement touchée par la
décision attaquée, qui lui refuse la protection provisoire
sollicitée, de sorte qu'elle a un intérêt personnel, actuel
et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas
été prise en violation de ses droits constitutionnels; en
conséquence, elle a qualité pour recourir (art. 88 OJ).

Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans
la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours
est
en principe recevable.

Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espè-
ce, il n'a qu'un caractère cassatoire (ATF 125 II 86 consid.
5a; 124 I 231 consid. 1d; 123 I 87 consid. 5).

b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-
voqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours
(art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b et les
références; cf. également ATF 110 Ia 1 consid. 2a).

2.- a) La recourante soutient que la décision atta-
quée viole l'interdiction de l'arbitraire garantie par
l'art.
9 Cst.

Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas
du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en consi-
dération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédé-
ral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci

est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contra-
diction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gra-
vement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou enco-
re lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de
la
justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annulée
pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation
formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 126 I 168 con-
sid. 3a; ATF 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129
consid. 5b).

b) La recourante soutient que la cour cantonale a
retenu arbitrairement qu'elle avait retiré ses conclusions
en
tant que celles-ci étaient fondées sur le droit d'auteur ou
le droit au nom (noms de domaine). Elle admet cependant
qu'un
retrait résulte du procès-verbal de l'audience, tenu par le
greffier. Dans ses observations du 18 janvier 2001, la cour
cantonale a affirmé que le procès-verbal avait été dicté en
présence des parties et de leurs avocats et que l'avocat de
la recourante avait plaidé sans élever de réserves ou de pro-
testations. Cette version des faits est entièrement
confirmée
par les observations de l'intimé.

Les faits litigieux se sont déroulés lors d'une au-
dience, en présence de trois juges, du greffier et des par-
ties ou de leurs représentants; la recourante est seule à
soutenir qu'elle n'a pas retiré ses conclusions, tandis que
les autres personnes présentes affirment le contraire.

Le moins que l'on puisse dire est que la recourante
n'est pas parvenue à prouver sa version des faits. Elle n'a
ainsi pas démontré que la constatation cantonale serait arbi-
traire. La recourante n'a pas non plus établi que la portée
de son retrait aurait été mal comprise, étant rappelé que
l'examen est ici limité à l'arbitraire.

Par ailleurs, on ne voit pas ce qu'il y aurait
d'insoutenable à ne pas statuer sur des moyens de droit aux-
quels la partie requérante a renoncé. C'est donc sans arbi-
traire et sans violation du droit d'être entendu que la cour
cantonale a retenu que la requête qui lui était présentée
était fondée exclusivement sur la concurrence déloyale et le
droit des marques.

c) S'agissant de la concurrence déloyale, la recou-
rante soutient que la cour cantonale a violé arbitrairement
le droit fédéral en écartant toute prétention pour le motif
qu'il n'y aurait pas de situation de concurrence entre les
parties.

Selon l'art. 1er LCD, cette loi vise à garantir,
dans l'intérêt de toutes les parties concernées, une concur-
rence loyale et qui ne soit pas faussée. La LCD ne concerne
ainsi que le domaine de la concurrence; cette notion vise
une
compétition, une rivalité sur le plan économique entre des
personnes qui offrent leurs prestations. Pour qu'il y ait ac-
te de concurrence déloyale, il ne suffit pas que le comporte-
ment apparaisse déloyal au regard de la liste d'exemples fi-
gurant aux art. 3 à 8 LCD; il faut encore, comme le montre
la
définition générale de l'art. 2 LCD, qu'il influe sur les
rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients.
Autrement dit, il doit influencer le jeu de la concurrence,
le fonctionnement du marché (ATF 126 III 198 consid. 2c/aa).

Certes, il n'est pas nécessaire que l'auteur de
l'acte soit lui-même un concurrent (ATF 126 III 202 ibidem;
120 II 76 consid. 3a). Il n'empêche que l'acte doit être
objectivement propre à avantager ou désavantager une entre-
prise dans sa lutte pour acquérir de la clientèle, ou à ac-
croître ou diminuer ses parts de marché (ATF 126 III 202 ibi-
dem; 120 II 76 consid. 3a).

L'acte doit être dirigé contre le jeu normal de la
concurrence et propre à exercer une influence sur le
marché; il doit être objectivement apte à influer sur la
concurrence. Il n'est en revanche pas nécessaire que
l'auteur
ait la volonté d'influencer l'activité économique (ATF 126
III 202 consid. 2c/aa et les arrêts cités).

La LCD ne protège donc pas la bonne foi de manière
générale, mais tend seulement à garantir une concurrence
loyale (ATF 126 III 202 ibidem; 124 III 297 consid. 5d; 124
IV 262 consid. 2b).

La question n'est donc pas de savoir si la recou-
rante et l'intimé, en tant que parties à la procédure, sont
en concurrence l'une avec l'autre, mais de déterminer si les
actes reprochés à l'intimé sont de nature à influencer la
concurrence, c'est-à-dire la compétition économique entre
des
personnes qui offrent leurs prestations. Or, d'après les
constatations cantonales - au sujet desquelles l'arbitraire
n'est pas démontré -, la recourante produit et diffuse une
série télévisée sans qu'il soit établi qu'elle serait égale-
ment active dans le domaine de la restauration, tandis que
l'intimé ou la société dont il est administrateur exploite
un
établissement public. On ne voit pas comment ces deux activi-
tés économiques peuvent entrer en concurrence réciproque. En
concluant que toute action fondée sur la concurrence
déloyale
est d'emblée exclue, la cour cantonale n'a pas statué arbi-
trairement.

d) Selon des constatations cantonales - au sujet
desquelles l'arbitraire n'est pas invoqué -, la recourante a
fait inscrire en premier la marque "Friends" en Suisse,
alors
que l'intimé a fait inscrire postérieurement la marque "Cen-
tral Perk where we're your Friends".

La recourante dispose assurément de la priorité dé-
coulant de l'antériorité de son dépôt (art. 6 de la Loi fédé-
rale du 28 août 1992 sur la protection des marques, RS
232.11; ci-après LPM).

Il apparaît cependant d'emblée que les marques ne
sont pas identiques.

La recourante ne pourrait donc s'opposer à la mar-
que de l'intimé que s'il s'agissait de signes similaires à
la
marque antérieure et destinés à des produits ou services
identiques ou similaires pour autant qu'il en résulte un ris-
que de confusion (art. 3 al. 1 let. c et 13 al. 2 LPM). Il
saute aux yeux que le mot "Friends" dans la marque de l'inti-
mé ne joue qu'un rôle secondaire et peu distinctif, alors
que
sa marque se
caractérise surtout par l'emploi de la formule
"Central Perk". Les deux marques sont donc suffisamment dis-
tinctes pour exclure le risque de confusion, en ajoutant en-
core qu'elles ne semblent pas se rapporter aux mêmes
produits
et services. En excluant une action fondée sur l'enregistre-
ment de la marque "Friends", la cour cantonale n'a nullement
versé dans l'arbitraire.

Il n'est pas contesté que l'intimé n'a pas lui-même
enregistré une marque "Friends", ni utilisé cette marque
pour
ses produits ou ses services.

3.- a) La recourante invoque ensuite une violation
du droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.

Tel que le grief est formulé, on comprend que la
recourante se plaint de ce que l'autorité cantonale n'aurait
pas satisfait à son devoir minimum d'examiner et traiter les
problèmes pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b; 124 II 146
consid. 2a; 122 IV 8 consid. 2c).

b) La recourante soutient qu'au moment où l'intimé
a enregistré sa marque, la marque "Central Perk" qu'elle uti-
lise à l'étranger était déjà notoirement connue en Suisse,
de
sorte qu'elle doit être considérée comme marque antérieure
malgré l'absence d'enregistrement, en application de l'art.
3
al. 2 let. b LPM.

La cour cantonale a traité cette question à la page
8 de la décision attaquée sous considérant 5d. Elle a retenu
que la notoriété en Suisse des marques américaines "Central
Perk" et "Friends" faisait défaut. Elle a ainsi clairement
admis que la requérante n'était pas parvenue à rendre vrai-
semblable la notoriété de sa marque en Suisse au moment dé-
terminant. La question pertinente ayant été examinée et
tranchée, il n'y a pas de place pour une violation du droit
d'être entendu.

c) La seule question qui peut se poser dans ce
contexte est de savoir si la cour cantonale a correctement
apprécié les preuves qui lui étaient apportées à ce sujet.
Dans un recours de droit public, l'appréciation des preuves
ne peut être réexaminée que sous l'angle restreint de l'arbi-
traire. A ce propos, le juge tombe dans l'arbitraire si,
sans
raison sérieuse, il omet de prendre en considération un élé-
ment important propre à modifier la décision, s'il se fonde
sur un moyen manifestement inapte à apporter la preuve, s'il
a, de manière évidente, mal compris le sens et la portée
d'un
moyen de preuve ou encore, si, sur la base des éléments réu-
nis, il a fait des déductions insoutenables.

La protection des marques étrangères notoirement
connues représente une exception au principe de la territo-
rialité; elle se fonde sur la notoriété acquise par la
marque
étrangère, sans qu'il importe que cette notoriété découle de
l'usage de ladite marque en Suisse ou à l'étranger. La
marque
étrangère n'a donc pas besoin d'être employée en Suisse pour

y acquérir la notoriété voulue; il suffit, mais il est aussi
indispensable, qu'elle y soit notoirement connue (ATF 120 II
144 consid. 4b et les références citées). Lorsque la marque
est destinée à un cercle déterminé de clients, son
éventuelle
notoriété devra être examinée à l'intérieur de ce cercle
(ATF
120 II 144 ibidem). La marque doit être non seulement connue
en Suisse, mais encore notoire; il convient de se montrer
restrictif puisqu'il s'agit d'une exception au principe
selon
lequel le droit à la marque naît de l'enregistrement (Lucas
David, Commentaire bâlois, n. 50 ad art. 3 LPM).

La question est donc de savoir si, au moment où
l'intimé a fait déposer sa marque, soit le 24 novembre 1998,
la marque "Central Perk" enregistrée aux Etats-Unis par la
recourante était déjà notoire en Suisse. D'après les rensei-
gnements fournis, la série télévisée est destinée à un vaste
public, principalement jeune.

La recourante a produit un article d'un quotidien
romand daté du 7 janvier 1999 (donc déjà postérieur à la
date
déterminante), dans lequel une journaliste, probablement spé-
cialisée dans les émissions de télévision et les spectacles,
présente au public le contenu de la série "Friends" en évo-
quant le succès de cette diffusion. L'article ne fait que dé-
crire l'objet même de la série, de sorte qu'il ne présente-
rait absolument aucun intérêt si la série était déjà large-
ment connue de tous les intéressés. Si le journal a jugé uti-
le de publier cet article, c'est précisément que cette série
n'avait pas un large retentissement en Suisse. S'agissant
plus précisément du terme décisif ("Central Perk"), il ne
figure que dans le texte de l'article avec la mention "sic",
ce qui montre que la journaliste elle-même était encore éton-
née de cette dénomination, qui ne relevait donc pas de l'évi-
dence pour elle. On peut en déduire sans arbitraire que la
marque "Central Perk" n'était pas notoire en Suisse, même

dans la population jeune, à la date où l'intimé a fait enre-
gistrer sa marque, le 24 novembre 1998.

Ainsi, le rejet de la requête n'apparaît pas arbi-
traire.

d) Présentant sa propre version des faits, la re-
courante déclare qu'elle "conteste certaines constatations
en
fait". Il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur sa version
des faits, dès lors qu'elle n'invoque pas de manière
précise,
à ce sujet, la violation d'un droit de rang constitutionnel
(cf. ci-dessus consid. 1b).

Il n'est pas nécessaire d'examiner d'autres problè-
mes discutés par la cour cantonale ou la recourante, notam-
ment la question de savoir si la requête est bien dirigée ou
si le mot "Friends" appartient au domaine public, parce que,
même si l'arbitraire était retenu sur l'un ou l'autre de ces
points, cela ne suffirait pas pour faire apparaître la déci-
sion attaquée comme arbitraire dans son résultat (cf. ci-
dessus consid. 2a).

Dans la mesure où la recourante cite abondamment la
doctrine spécialisée en matière de propriété intellectuelle,
il faut rappeler que le recours de droit public n'est pas
ouvert pour violation du droit fédéral, mais seulement pour
violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84
al. 1 let. a OJ). La question n'est donc pas de déterminer
si
le droit fédéral a été correctement appliqué. Il s'agit uni-
quement d'examiner les droits constitutionnels invoqués.
Pour
ce qui est de l'interdiction de l'arbitraire, le recours ne
pourrait être admis que si la décision cantonale
apparaissait
insoutenable, ce qui n'est pas du tout le cas.

4.- Le recours doit être rejeté dans la mesure de
sa recevabilité. Vu l'issue du recours, les frais et dépens

de la procédure fédérale doivent être mis à la charge de la
recourante qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

2. Met un émolument judiciaire de 5000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimé une in-
demnité de 6000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour de justice genevoise.

___________

Lausanne, le 19 février 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.291/2000
Date de la décision : 19/02/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-19;4p.291.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award