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15/02/2001 | SUISSE | N°5C.237/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 février 2001, 5C.237/2000


«/2»
5C.237/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

15 février 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann et
M. Meyer, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Bernard
Geller, avocat à Lausanne,

et

X.________, Société d'assurances, défenderesse et intimée,
représentée par sa succursale de Lausanne et au nom de qui
agit Me

Eric Stauffacher, avocat à Lausanne;

(contrat d'assurance en responsabilité civile)

Vu les pièces du dossier d'où ressorten...

«/2»
5C.237/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

15 février 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann et
M. Meyer, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Bernard
Geller, avocat à Lausanne,

et

X.________, Société d'assurances, défenderesse et intimée,
représentée par sa succursale de Lausanne et au nom de qui
agit Me Eric Stauffacher, avocat à Lausanne;

(contrat d'assurance en responsabilité civile)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- P.________, architecte, est assuré en respon-
sabilité civile professionnelle auprès de la X.________.

Selon l'art. 1er al. 1 des conditions générales de
cette assurance (CGA), celle-ci couvre notamment la responsa-
bilité civile encourue du fait de dommages matériels, aux-
quels sont assimilés les dommages et défauts aux ouvrages.
Aux termes de leur art. 4 al. 2 ch. 2.2, sont exclues de
l'assurance les "prétentions pour dépassements de devis ou
non-respect des délais d'exécution des travaux, décomptes im-
parfaits ou contrôles inexacts des décomptes". L'art. 9 CGA,
consacré aux limitations de l'étendue de l'assurance,
prévoit
à son chiffre 14 que celle-ci n'est pas applicable à la res-
ponsabilité pour des dommages économiques ne résultant pas
d'un dommage corporel ou matériel assuré.

B.- Le 8 octobre 1990, P.________ a signé un contrat
relatif aux prestations de l'architecte avec la Société Immo-
bilière T.________ SA (ci-après: la société immobilière).
Des
problèmes sont survenus dans le déroulement et l'achèvement
des travaux.

Le 6 avril 1992, la société immobilière a résilié
avec effet immédiat le nouveau contrat conclu le 14 novembre
1991 avec P.________ en qualité d'architecte mandataire.

Par demande du 22 juin 1992, celui-ci a ouvert ac-
tion contre la société immobilière, en concluant au paiement
de 224'877 fr. Ce montant représentait le solde de ses hono-

raires, soit 408'427 fr. moins 183'550 fr. d'acomptes. La so-
ciété immobilière a conclu à libération et, reconventionnel-
lement, au paiement de 400'000 fr. plus intérêts.

P.________ a déclaré le sinistre à son assureur res-
ponsabilité civile, qui a refusé d'intervenir en sa faveur.

C.- Par demande du 8 avril 1998, P.________ a ouvert
action contre la X.________, concluant au paiement de
210'883
fr.80 avec intérêts à 5% l'an dès le 22 juin 1992. Ce
montant
comprenait à hauteur de 152'704 fr. le préjudice subi par la
société immobilière tel qu'il avait été estimé par un expert
dans le procès opposant le demandeur à celle-ci. P.________
prétendait encore au remboursement de frais de justice et
d'expertise pour 18'179 fr.80 et de frais d'avocat à raison
de 40'000 fr. La défenderesse a conclu à libération.

Par ordonnance du 18 janvier 1999, le juge instruc-
teur a décidé de disjoindre la question de principe de la
couverture du cas par la police et les conditions générales
d'assurance.

Statuant à titre préjudiciel le 4 octobre 2000, la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a
prononcé
que le dommage invoqué par le demandeur n'était pas couvert
par le contrat d'assurance conclu avec la défenderesse.

D.- P.________ demande au Tribunal fédéral de réfor-
mer ce jugement, en ce sens que le dommage invoqué dans sa
demande du 8 avril 1998 est couvert par ledit contrat. Il
sollicite en outre un montant de 12'675 fr. à titre de
dépens
de première instance.

L'intimée n'a pas été invitée à répondre.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) La Cour civile a restreint la procédure à la
question de la couverture du cas par l'assurance et qualifié
son jugement de préjudiciel. Celui-ci n'en est pas moins fi-
nal au sens de l'art. 48 OJ. En effet, en prononçant que le
dommage invoqué par le demandeur n'était pas couvert par le
contrat d'assurance conclu avec la défenderesse, la cour can-
tonale a mis un terme définitif à l'action en paiement du de-
mandeur (sur la notion de décision finale, cf. ATF 122 III
92
consid. 2a; 120 II 93 consid. 1c p. 95, 352 consid. 1b p.
353; 118 II 447 consid. 1b p. 450; 116 II 21 consid. 1c p.
25). Interjeté en temps utile contre une décision finale pri-
se en dernière instance cantonale, dans une contestation ci-
vile dont la valeur dépasse 8'000 fr., le présent recours
est
dès lors recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al.
1 OJ.

b) Les dépens des instances cantonales ne sont pas
réglés par le droit civil fédéral. Le recours est donc irre-
cevable dans la mesure où le recourant cherche à en obtenir
(cf. art. 43 al. 1 OJ). Celui-ci entend sans doute son chef
de conclusions comme une conséquence de l'admission du re-
cours (cf. art. 159 al. 6 OJ).

c) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédé-
ral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été consta-
tés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dis-
positions fédérales en matière de preuve n'aient été violées
ou que des constatations ne reposent manifestement sur une
inadvertance (art. 63 al. 2 OJ). Il ne peut être présenté de
griefs contre les constatations de fait (art. 55 al. 1 let.
c

OJ), ni contre l'appréciation des preuves à laquelle s'est
livrée l'autorité cantonale (ATF 125 III 78 consid. 3a p.
79;
122 III 26 consid. 4a/aa p. 32, 61 consid. 2c/bb p. 65). Les
faits nouveaux sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Dès lors que le recourant se réfère à des faits qui
ne résultent pas de l'arrêt entrepris, notamment à la lettre
adressée à son conseil en vue de recourir au Tribunal fédé-
ral, son recours est irrecevable.

d) Le recours est aussi irrecevable, faute de répon-
dre aux exigences de l'art. 55 al. 1 let. c OJ, dans la mesu-
re où il se borne à faire état de la violation des art. 1 et
2 CO, qui concernent la formation du contrat. Ces griefs
sont
de toute manière dénués de pertinence, car il ne s'agit pas
en l'espèce d'examiner si le contrat d'assurance est ou non
venu à chef, la seule question à résoudre ici étant de
savoir
si l'assureur doit répondre ou non du dommage subi par le de-
mandeur.

2.- Le recourant reproche à la Cour civile d'avoir
mal interprété le contrat et la clause d'exclusion en cause,
soit d'avoir enfreint l'art. 18 CO. Il se plaint en outre
d'une violation de l'art. 8 de la loi fédérale contre la
concurrence déloyale (LCD; RS 241).

a) L'autorité cantonale a nié l'existence d'un cas
d'assurance, en retenant que la clause d'exclusion prévue à
l'art. 4 al. 2 ch. 2.2 CGA était réalisée. Elle a précisé
que, conformément à la doctrine, cette disposition devait se
comprendre en ce sens que seules les prétentions pour dépas-
sements de devis ou non-respect des délais d'exécution des
travaux, décomptes imparfaits ou contrôles inexacts des dé-
comptes indépendantes d'un dégât matériel ou d'un défaut ne
sont pas assurées. En l'espèce, la somme de 210'883 fr.80
réclamée par le demandeur à la défenderesse comprenait,
outre

des frais d'expertise et d'avocat, le préjudice subi par la
société immobilière. Ce dommage était invoqué à raison d'un
plan de détail insuffisant qui avait dû être refait, de mon-
tants payés en trop aux entreprises générales, ainsi que
d'honoraires trop élevés versés sur les sommes précitées, et
pour un retard général dans le déroulement et l'achèvement
des travaux qui avait différé l'encaissement de loyers.
Selon
les constatations de l'autorité cantonale, qui lient le Tri-
bunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ), il n'était ni allégué ni a
fortiori établi que le retard accumulé par le demandeur fût
consécutif à un dommage matériel au sens large, incluant les
dommages et défauts à l'ouvrage. Il en allait de même des
montants payés en trop aux entreprises générales. Quant au
plan de détail insuffisant, il n'était pas allégué que celui-
ci eût provoqué un dommage ou qu'il eût entraîné un défaut à
l'ouvrage. Le préjudice invoqué ne bénéficiait dès lors pas
de la couverture d'assurance.

b) Le recourant ne conteste pas - à juste titre dans
un recours en réforme - les dommages qui lui sont reprochés,
ni ne prétend que ceux-ci résulteraient d'un dégât matériel
ou d'un défaut. De par leur nature, ils tombent donc manifes-
tement sous le coup de l'art. 4 al. 2 ch. 2.2 CGA. Comme le
relève l'autorité cantonale, il s'agit d'un pur préjudice fi-
nancier: la couverture n'est donc pas donnée, ainsi qu'il
ressort également de l'art. 9 ch. 14 CGA. Contrairement à ce
que prétend le recourant, les termes utilisés à l'art. 4 al.
2 ch. 2.2 CGA sont parfaitement compréhensibles, même pour
un
non-juriste. Seule la distinction entre pur préjudice finan-
cier et dommage consécutif à un dégât matériel ne résulte
pas
clairement du texte de cette clause. Cette question est tou-
tefois sans importance, le demandeur devant s'attendre dans

le pire des cas à ce que les prétentions énumérées dans ladi-
te clause ne soient pas couvertes par l'assurance, sans aucu-
ne exception. L'art. 9 ch. 14 CGA n'apparaît pas non plus am-
bigu. Ces dispositions ne donnent donc pas matière à une in-
terprétation "contra stipulatorem". Elles ne sont du reste
pas inhabituelles dans le système de la responsabilité
civile
professionnelle (Brehm, Le contrat d'assurance RC, Bâle
1997,
p. 84 n° 191), même s'agissant des professions libérales
(Maurer, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 3e éd.,
p.
555 n° 1917 et p. 556 n° 1918). Le recourant fait valoir en
vain que les termes "non-respect des délais d'exécution des
travaux", figurant à l'art. 4 al. 2 ch. 2.2 CGA, implique-
raient le fait d'outrepasser un délai déterminé et non un re-
tard général pris par la construction, car ce raisonnement
ne
repose sur rien. La sentence arbitrale rendue dans le cadre
du litige l'opposant à son assurance de protection
juridique,
à laquelle il renvoie pour étayer son argumentation, ne lie
d'ailleurs ni l'autorité cantonale ni le Tribunal fédéral;
au
demeurant, la cour cantonale n'a pas constaté que le maître
d'oeuvre n'eût pas fixé de véritables délais au demandeur.
Enfin, il importe peu qu'il ait cru de bonne foi être assuré
contre le type de dommage invoqué en l'espèce, ni que son at-
tention n'ait pas été attirée sur le fait que tel n'était
pas
le cas: s'agissant d'une question de responsabilité civile
professionnelle, aux conséquences financières forcément im-
portantes, il lui appartenait de se renseigner soigneusement.

c) Le grief fondé sur la violation de l'art. 8 LCD
doit aussi être rejeté. Aux termes de cette disposition,
agit
de façon déloyale celui qui, notamment, utilise des condi-
tions générales de nature à provoquer une erreur au
détriment
d'une partie contractante et qui (let. a) dérogent notable-
ment au système légal applicable directement ou par
analogie,
ou (let. b) prévoient une répartition des droits et des obli-

gations s'écartant notablement de celle qui découle de la na-
ture du contrat. Selon la jurisprudence et la doctrine,
l'exigence de conditions générales qui soient de nature à
provoquer une erreur vaut aussi bien dans l'hypothèse prévue
à la lettre a que dans celle visée à la lettre b. L'art. 8
LCD n'est donc pas applicable lorsque la seule hypothèse de
la lettre a ou de la lettre b est réalisée, à l'exclusion de
la condition posée préalablement (ATF 117 II 332 consid. 5a
p. 333 et l'auteur cité; Pedrazzini, Unlauterer Wettbewerb
UWG, p. 192/193, ch. 12.5). Comme déjà relevé, la
formulation
des clauses litigieuses n'est pas en soi de nature à provo-
quer une erreur au détriment des personnes qui traitent avec
l'intimée. Leur libellé n'est pas ambigu. Il apparaît donc
que la condition préalable posée par l'art. 8 LCD n'est pas
réalisée en l'espèce. Les clauses 4 al. 2 ch. 2.2 et 9 ch.
14
des conditions générales de l'intimée ne tombent dès lors
pas
sous le coup de cette disposition, que les conditions spéci-
fiques de celle-ci soient ou non remplies.

d) Il s'ensuit que l'autorité cantonale n'a pas vio-
lé le droit fédéral en considérant que le préjudice invoqué
n'était pas couvert par l'assurance de responsabilité civile
du demandeur.

3.- Mal fondé, le recours doit être rejeté dans la
mesure où il est recevable. Les frais de la présente procédu-
re seront dès lors mis à la charge du recourant (art. 156
al.
1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens, une réponse
n'ayant pas été requise.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable et confirme le jugement entrepris.

2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 6'000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 15 février 2001
MDO/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.237/2000
Date de la décision : 15/02/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-15;5c.237.2000 ?
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