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15/02/2001 | SUISSE | N°1P.808/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 février 2001, 1P.808/2000


«/2»
1P.808/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

15 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-Président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
Greffier: M. Parmelin.

____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

T.________,

contre

l'arrêt rendu le 3 juillet 2000 par la Cour de cassation pé-
nale du Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la cause
qui


oppose le recourant à la Banque X.________ et au Ministère
public du canton de V a u d ;

(condamnation aux frais en ...

«/2»
1P.808/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

15 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-Président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
Greffier: M. Parmelin.

____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

T.________,

contre

l'arrêt rendu le 3 juillet 2000 par la Cour de cassation pé-
nale du Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la cause
qui
oppose le recourant à la Banque X.________ et au Ministère
public du canton de V a u d ;

(condamnation aux frais en cas d'acquittement)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 16 février 2000, le Tribunal de
police du district de Lausanne a libéré T.________ du chef
d'accusation d'abus de cartes-chèque et de cartes de crédit
d'importance mineure et l'a condamné pour escroquerie à cinq
jours d'emprisonnement, avec sursis pendant deux ans, ainsi
qu'aux frais de la cause par 1'935 fr.

Statuant par arrêt du 3 juillet 2000 sur un recours
en réforme et en nullité du condamné, la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après, la
Cour de cassation pénale) a réformé ce jugement et libéré
T.________ de tous les chefs d'accusation retenus contre
lui.
Elle a relevé en substance que ce dernier n'avait pas trompé
astucieusement la Banque X.________ en retirant, le 26 juin
1998, de son compte ouvert auprès de cet établissement, la
somme de 1'090 fr. versée par sa caisse de chômage, alors
que
ce compte présentait un découvert qu'il s'était engagé à
rembourser à raison de 100 fr. par mois. Considérant que par
son comportement, il avait engagé sa responsabilité civile
et
donné lieu à l'ouverture d'une enquête pénale, elle a mis
les
frais de la cause par 1'935 fr. à la charge de T.________.
Elle l'a en outre condamné à rembourser une somme de
1'455.75
fr. à la Banque X.________, dont elle a partiellement admis
les conclusions civiles.

B.- Agissant par la voie du recours de droit public,
T.________ demande l'annulation de sa condamnation aux frais
d'instruction, qualifiés d'abusifs, et la condamnation de la
Banque X.________ au paiement de ces derniers, en vertu de
l'art. 159 du Code de procédure pénale vaudois (CPP vaud.).
Il sollicite l'assistance judiciaire gratuite.

Le Ministère public du canton de Vaud conclut prin-
cipalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à
son rejet. La Cour de cassation pénale se réfère à son
arrêt.
La Banque X.________ demande que le prévenu soit condamné au
paiement de l'entier des frais de première instance de la
procédure pénale.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours de droit public qui lui
sont
soumis (ATF 126 I 257 consid. 1a p. 258 et l'arrêt cité).

a) Le recourant est personnellement touché par l'ar-
rêt attaqué qui l'astreint à prendre en charge la totalité
des frais de la procédure pénale de première instance
dirigée
contre lui; il a un intérêt personnel, actuel et juridique-
ment protégé à ce que cet arrêt soit annulé et a, partant,
qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ.

b) Le Ministère public conclut à l'irrecevabilité du
recours au motif que T.________ n'aurait pas attaqué le juge-
ment de première instance sur la question des frais.

En l'espèce, le recourant n'a certes pas formelle-
ment contesté devant la Cour de cassation pénale, ni le prin-
cipe, ni le montant des frais de justice mis à sa charge par
le Tribunal de police du district de Lausanne; toutefois, à
l'appui de son recours en réforme et en nullité, il
concluait
à "l'annulation pure et simple de sa condamnation". On peut
dès lors admettre que par ces termes, il entendait également
s'en prendre aux frais de première instance. Au demeurant,
l'autorité intimée s'est prononcée d'office sur cette ques-
tion à la lumière de l'art. 158 CPP vaud., de sorte que le

principe de la subsidiarité relative posé à l'art. 86 al. 1
OJ ne s'oppose pas à ce qu'elle soit à nouveau examinée dans
le présent recours de droit public.

c) Sauf exceptions dont aucune n'est réalisée en
l'espèce, le recours de droit public ne peut tendre qu'à
l'annulation de l'acte entrepris (ATF 126 II 377 consid. 8c
p. 395; 126 III 534 consid. 1c p. 536; 125 II 86 consid. 5a
p. 96 et les références). Est par conséquent irrecevable la
conclusion du recours tendant à la condamnation de la Banque
X.________ au paiement des frais de la procédure de première
instance, en application de l'art. 159 CPP vaud.

Sous cette réserve, il y a lieu d'entrer en matière
sur le recours qui répond aux exigences de recevabilité des
art. 84 ss OJ.

2.- Le recourant critique l'arrêt attaqué en tant
qu'il met les frais de première instance à sa charge. Dès
lors qu'il a été libéré par la Cour de cassation pénale de
la
seule infraction que retenait encore contre lui le jugement
du Tribunal de police du district de Lausanne, ces frais
auraient dû être laissés à la charge de l'Etat. Il n'indique
cependant pas les droits constitutionnels ou les principes
juridiques qui auraient été violés, comme il lui appartenait
de faire; il est douteux que le recours réponde aux
exigences
de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 125 I
492
consid. 1b p. 495). Peu importe en définitive car le recours
est de toute manière mal fondé.

a) L'art. 158 CPP vaud. prévoit que lorsque le pré-
venu est libéré des fins de la poursuite pénale, il ne peut
être condamné à tout ou partie des frais que si l'équité
l'exige, notamment s'il a donné lieu à l'ouverture de l'ac-
tion pénale ou s'il en a compliqué l'instruction.

Cette disposition confère un pouvoir d'appréciation
étendu au juge appelé à statuer sur les frais de la
procédure
pénale en cas d'acquittement de l'inculpé. Ce pouvoir est
toutefois limité par les garanties constitutionnelles assu-
rées à l'accusé libéré des fins de la poursuite pénale. En
particulier, la présomption d'innocence consacrée aux art. 6
§ 2 CEDH et 32 al. 1 Cst. interdit de prendre une décision
défavorable au prévenu libéré, en laissant entendre que
celui-ci est coupable de l'infraction qui lui était repro-
chée. Elle n'empêche pas que les frais puissent être mis à
la
charge de ce dernier, à la condition qu'il ait clairement
violé une norme de comportement écrite ou non écrite, résul-
tant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble -
dans le sens d'une application par analogie des principes
tirés de l'art. 41 CO - et qu'il ait ainsi occasionné la pro-
cédure pénale ou qu'il en ait entravé le cours.

A cet égard, dans le cas ordinaire d'un prévenu ca-
pable de discernement, seul un comportement fautif et con-
traire à une règle juridique, qui soit en relation de causa-
lité avec les frais imputés, peut être déterminant, le far-
deau de la preuve du comportement fautif incombant à l'Etat
(ATF 120 Ia 147 consid. 3b p. 155; 119 Ia 332 consid. 1b p.
334; 116 Ia 162 consid. 2 p. 165 ss; Gérard Piquerez, Procé-
dure pénale suisse, Zurich 2000, p. 677). Le juge doit
fonder
son prononcé sur des faits incontestés ou déjà clairement
établis (ATF 112 Ia 371 consid. 2a in fine p. 374). Enfin,
l'obligation d'assumer les frais de la procédure pénale doit
être limitée à ceux que le comportement fautif du prévenu a
entraînés (ATF 116 Ia 162 consid. 2d/bb in fine p. 174;
François Jomini, La condamnation aux frais de justice du pré-
venu mis au bénéfice d'un non-lieu ou de l'accusé acquitté
in: RPS 107/1990, p. 346 ss, spéc. p. 360).

La notion de comportement fautif au regard du droit
civil et se trouvant à l'origine de l'ouverture d'une
enquête

pénale est large et ne se limite pas à la violation d'une
obligation résultant du droit privé: elle vise d'une manière
générale la lésion de toute obligation découlant de la loi.
Il suffit d'une atteinte à n'importe quelle disposition lé-
gale, même d'une contravention de droit civil, soit encore
de
la violation d'une obligation contractuelle; elle comprend
le
dol civil, de même que l'inobservation des règles et usages
d'une branche ou d'une profession, voire celle des règles de
l'art, commises intentionnellement ou par négligence
(Jomini,
op. cit., p. 354/355).

b) Dans le cas particulier, en ouvrant un compte au-
près de la Banque X.________, le recourant est entré dans
une
relation contractuelle avec cette dernière, l'obligeant à
rembourser le découvert éventuel (cf. art. 473 CO). Un arran-
gement a d'ailleurs été passé en ce sens entre les parties,
aux termes duquel le recourant rembourserait le solde
négatif
du compte à raison de paiements mensuels de 100 fr. Même
s'il
n'était pas stipulé que les allocations de chômage devaient
être versées sur ce compte, une telle modalité paraissait né-
cessaire pour combler petit à petit le découvert. Or, en ou-
vrant un compte dans une autre banque et en retirant le 26
juin 1998 une somme de 1'090 fr., qui avait été versée la
veille par sa caisse de chômage sur le compte de la Banque
X.________, sans payer à cette dernière la mensualité conve-
nue de 100 fr., le recourant a violé ses obligations contrac-
tuelles à l'égard de cet établissement dans des
circonstances
propres à faire croire à son personnel qu'il l'avait trompée
par ses déclarations au guichet.

L'intimée pouvait ainsi se croire fondée à déposer
une plainte pénale pour une tromperie qui ne s'est
finalement
pas révélée astucieuse et qui aurait pu aisément être
déjouée
si elle avait procédé aux vérifications requises par les cir-
constances. Il n'en demeure pas moins que, par son comporte-
ment, le recourant a donné prétexte au dépôt d'une plainte

pénale, qui a finalement abouti à deux acquittements succes-
sifs, en première instance s'agissant de la prévention
d'abus
de cartes-chèque et de cartes de crédit d'importance
mineure,
et en seconde instance s'agissant de celle d'escroquerie. En
mettant l'intégralité des frais de première instance à la
charge du recourant, la Cour de cassation pénale n'a aucune-
ment laissé entendre que celui-ci aurait quand même été cou-
pable des infractions pour lesquelles il était poursuivi; au
contraire, concernant l'escroquerie, qui restait seule liti-
gieuse en seconde instance, elle a sans ambiguïté démontré
le
défaut d'astuce et de la volonté de dissuader la banque de
procéder à des vérifications, arrivant par là à un acquitte-
ment sans réserve. En cela, elle n'a pas porté atteinte à la
présomption d'innocence.

De même, la Cour de cassation pénale n'a pas appli-
qué arbitrairement l'art. 158 CPP vaud. en considérant que
le
recourant avait engagé sa responsabilité civile et donné
lieu
à l'ouverture de l'enquête pénale par la violation de ses
obligations contractuelles envers l'intimée. Pour le
surplus,
s'il qualifie d'abusifs les frais de première instance mis à
sa charge, le recourant n'indique pas en quoi leur montant
aurait été fixé de façon arbitraire ou porterait d'une autre
manière atteinte à ses droits constitutionnels ou à des prin-
cipes juridiques, de sorte que le Tribunal fédéral ne
saurait
examiner d'office cette question (ATF 126 III 524 consid. 1c
p. 526 et les arrêts cités).

3.- Le recours doit par conséquent être rejeté, dans
la mesure où il est recevable. Celui-ci étant manifestement
dénué de toute chance de succès, la demande d'assistance ju-
diciaire doit être écartée (art. 152 al. 2 OJ). Toutefois,
compte tenu de la situation pécuniaire du recourant et des
particularités de l'espèce, il sera statué
exceptionnellement
sans frais (art. 154 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dé-

pens à la Banque X.________ qui agissait par l'intermédiaire
de son service juridique (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable;

2. Rejette la demande d'assistance judiciaire;

3. Dit qu'il est statué sans frais, ni dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties,
au Ministère public et à la Cour de cassation pénale du Tri-
bunal cantonal du canton de Vaud.

_____________

Lausanne, le 15 février 2001
PMN/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.808/2000
Date de la décision : 15/02/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-15;1p.808.2000 ?
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