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14/02/2001 | SUISSE | N°2A.249/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 février 2001, 2A.249/2000


2A.249/2000
«AZA 1/4»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

14 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann, Betschart, Hungerbühler et Müller.
Greffière: Mme Rochat.

Plakanda AWI AG Publicité extérieure, à Lausanne,
représentée
par Me Pierre-Louis Manfrini, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 4 avril 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Genève, dans la cause qui oppose

la recourante
au Département de justice et police et des transports du
canton de G e n è v e;

(art. 6 al. 1 LC...

2A.249/2000
«AZA 1/4»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

14 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hartmann, Betschart, Hungerbühler et Müller.
Greffière: Mme Rochat.

Plakanda AWI AG Publicité extérieure, à Lausanne,
représentée
par Me Pierre-Louis Manfrini, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 4 avril 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Genève, dans la cause qui oppose la recourante
au Département de justice et police et des transports du
canton de G e n è v e;

(art. 6 al. 1 LCR et 96 al. 1 lettre a OSR: réclames
routières)

Le 17 février 1999, la société Plakanda AWI AG a
sollicité l'autorisation d'installer trois panneaux publici-
taires à la rue Jacques Grosselin 16, à Carouge, soit aux
abords du giratoire sis à l'intersection de cette rue avec
l'avenue de la Praille.

Par décision du 31 août 1999, le Département gene-
vois de justice et police et des transports (en abrégé: le
Département) a rejeté l'autorisation requise; il a retenu en
bref que les conditions posées par les art. 6 al. 1 de la
loi
fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958
(LCR; RS 741.01), ainsi que 96 al. 1 lettre a et 97 al. 2 de
l'ordonnance du Conseil fédéral sur la signalisation
routière
du 5 septembre 1979 (OSR; RS 741.21) n'étaient pas remplies.

Saisi d'un recours contre cette décision, le Tribu-
nal administratif du canton de Genève l'a rejeté pour les mê-
mes motifs, par arrêt du 4 avril 2000.

Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit
administratif formé par Plakanda AWI AG.

Extrait des considérants:

3.- a) L'art. 6 al. 1 LCR dispose que "les réclames
et autres annonces qui pourraient créer une confusion avec
les signaux et les marques ou compromettre d'une autre maniè-
re la sécurité de la circulation, par exemple en détournant
l'attention des usagers de la route, sont interdites sur les
routes ouvertes aux véhicules automobiles ou aux cycles, ain-
si qu'à leurs abords".

Selon l'art. 95 al. 2 OSR, sont considérées comme
placées aux abords des routes publiques, les réclames routiè-

res que le conducteur peut apercevoir. Cela suppose que, par
leur emplacement, elles sont destinées à être vues principa-
lement, sinon exclusivement, par les occupants de véhicules
(voir Bussy/Rusconi, Code suisse de la circulation routière,
3ème éd. 1996, n. 2.4 ad art. 6 LCR). En outre, l'art. 96
al.
1 OSR précise que les réclames routières qui pourraient com-
promettre la sécurité routière, prêter à confusion avec des
signaux ou des marques ou en diminuer l'efficacité par leur
forme et couleur (art. 6 LCR) sont interdites et donne, aux
lettres a à h, une liste assez détaillée, mais non exhausti-
ve, des endroits où il y a lieu d'appliquer cette interdic-
tion. Comme le relève le Département fédéral de l'environne-
ment des transports, de l'énergie et de la communication
dans
ses observations sur le présent recours, si l'interdiction
aux intersections prévue par la lettre a de cette
disposition
ne vise pas expressément les carrefours à sens giratoire,
les
conditions générales de l'art. 96 al. 1 OSR sont
applicables.
De toute façon, il importe que l'autorité compétente pour ac-
corder l'autorisation requise examine de cas en cas si la sé-
curité routière est ou non compromise (Manfred Küng, Stras-
senreklamen im Verkehrs- und Baurecht unter Berücksichtigung
der Bestimmungen und der Paxis in Stadt und Kanton Zürich,
Berne 1991, p. 52).

b) La notion de mise en danger de la sécurité de la
circulation est une notion juridique indéterminée qui tire
son contenu du sens et du but de l'art. 6 al. 1 LCR, ainsi
que de la place de cette disposition dans la loi et le systè-
me légal. En principe, l'autorité qui applique une telle no-
tion jouit d'une certaine liberté d'appréciation, de sorte
que le Tribunal fédéral examine avec retenue les questions
locales ou techniques dont elle a une meilleure connaissance
(ATF 119 Ib 254 consid. 2b p. 265 et les arrêts cités; ATF
98
Ib 333 consid. 3a p. 341; arrêts non publiés du 12 février
1996 en la cause H. K. c. Commune de Balsthal et Tribunal
administratif du canton de Soleure, consid. 2a et du 10 dé-

cembre 1971 en la cause A. c. canton de Lucerne, consid. 2).
En l'espèce, l'autorité cantonale souhaite toutefois que le
Tribunal fédéral adopte une position de principe qui défende
la politique plus sévère qu'elle entend faire respecter à
l'avenir.

Dans son message à l'appui du projet de loi sur la
circulation routière du 24 juin 1955, le Conseil fédéral sou-
lignait que pour juger si une publicité compromettait la cir-
culation routière, il y avait lieu de s'appuyer sur un critè-
re strict (FF 1955 II p. 13). Lors de la révision de la loi
en 1973, il a proposé de remplacer le terme "publicité",
jugé
trop abstrait, par l'expression "réclames et autres annon-
ces", tout en le laissant subsister dans la note marginale
de
l'art. 6 LCR (FF 1973 II p. 1146). Il a aussi maintenu sa vo-
lonté d'appliquer strictement la notion de sécurité routière
contenue à l'art. 6 LCR en édictant les règles détaillées
des
art. 95 à 100 OSR (René Schaffhauser, Grundriss des Strassen-
verkehrsrechts, vol.I, Berne 1984, n. 101 ss). Le Tribunal
fédéral l'a toujours suivi dans cette politique restrictive
et a fait passer les raisons de sécurité routière avant les
critères économiques (ATF 99 Ib 377 consid. 5a p. 382, à pro-
pos de la dimension de l'annonce d'une entreprise; 98 Ib 333
consid. 3 p. 341 ss, à propos de la réclame pour un poste
d'essence sur une place de stationnement d'autoroute; voir
aussi les arrêts non publiés du 10 décembre 1971 en la cause
A. précitée, à propos d'une réclame routière de 18 m2, visi-
ble à une distance de 95 m, du 22 juin 1983 en la cause H.
c.
Conseil d'Etat du canton de Zurich, à propos de l'annonce lu-
mineuse d'une entreprise visible depuis l'autoroute, du 21
mars 1986 en la cause H. c. Conseil d'Etat du canton de
Zurich, où le Tribunal fédéral a admis un recours concernant
la désignation d'un établissement public, notamment pour des
raisons de sécurité routière, soit pour permettre aux automo-
bilistes de s'orienter plus facilement, du 1er octobre 1991
en la cause S. c. Conseil d'Etat du canton de St-Gall, à pro-

pos de l'annonce générique d'un marchand de meubles, et l'ar-
rêt précité du 12 février 1996, à propos d'un panneau d'in-
formations lié à un plan de situation).

c) En l'espèce, la recourante soutient essentielle-
ment que ses panneaux sont situés largement en retrait du gi-
ratoire en cause, lequel offre aussi une grande visibilité
aux usagers de la route. Au demeurant, la distance de 3 mè-
tres prévue par l'art. 97 al. 2 OSR serait inapplicable dans
la mesure où les panneaux n'ont pas leur propre support,
mais
sont destinés à être placés sur un mur existant. La sécurité
routière ne serait donc pas menacée.

Comme on l'a vu (supra consid. 2), le Département ne
conteste pas ce dernier point et admet que l'art. 97 al. 2
OSR n'est pas applicable en l'espèce. Il soutient toutefois
que les panneaux litigieux devraient être installés de maniè-
re bien visible à proximité d'un giratoire, où l'attention
des conducteurs doit être particulièrement soutenue, et
qu'ils sont donc de nature à mettre en danger la sécurité
routière.

Il est constant que l'attention du conducteur - qui
doit être appréciée selon toutes les circonstances (ATF 122
IV 225 ss) - est actuellement de plus en plus sollicitée en
raison de l'augmentation du trafic et de celle des panneaux
publicitaires, notamment ceux à double face sur supports fi-
xes, qui sont disposés le long des trottoirs et peuvent être
aussi lumineux, ou même parfois placés au milieu de la chaus-
sée, entre les deux sens de la circulation. Quant aux gira-
toires avec priorité à gauche, introduits par l'art. 24 al.
4
OSR, entré en vigueur le 1er mai 1989, ils représentent un
cas particulier et nécessitent que les conducteurs s'y enga-
gent avec plus de prudence par rapport aux carrefours avec
un
stop ou un signal "Cédez le passage". Leur passage est donc
délicat et exige que les conducteurs se concentrent sur l'en-

semble du trafic circulant dans le rond-point. Comme le relè-
ve d'ailleurs à juste titre le Département intimé dans ses
observations sur le présent recours, l'inattention a été la
cause de 60 % des accidents de circulation dans le canton en
1999. Ainsi, les panneaux d'affichage qui, par nature, sont
destinés à détourner l'attention des conducteurs, représen-
tent une mise en danger accrue et ne doivent pas être posés
aux endroits critiques. Sauf dans des conditions exception-
nelles particulièrement favorables, aucune autorisation d'af-
fichage ne devrait donc être donnée à proximité immédiate
d'un giratoire.

Il s'ensuit que le refus de l'autorisation sollici-
tée est en principe conforme aux art. 6 al. 1 LCR et 96 al.
1
OSR. Au vu de l'intérêt public en jeu, manifestement supé-
rieur à l'intérêt privé de la recourante à pouvoir disposer
de l'espace publicitaire souhaité, ce refus ne constitue pas
non plus une mesure disproportionnée. Reste à examiner si,
comme le prétend la recourante, l'interdiction qui est signi-
fiée serait contraire au principe de l'égalité de traitement.

4.- La recourante a produit plusieurs photos illus-
trant des installations de panneaux publicitaires, implantés
par la Société générale d'affichage aux abords de différents
carrefours, qui n'auraient jamais fait l'objet d'une autori-
sation. A première vue, plusieurs de ces panneaux paraissent
en effet situés à des endroits plus critiques que les pan-
neaux projetés par la recourante qui devraient être posés
sur
un mur existant.

D'une façon générale, un administré ne peut pas in-
voquer le principe de l'égalité de traitement pour
bénéficier
d'un traitement accordé illégalement à des tiers. En
d'autres
termes, il n'y a pas d'égalité dans l'illégalité (ATF 115 Ia
81 consid. 2 p. 83 et les références citées), à moins que
l'autorité ne refuse de revenir sur sa pratique illégale
(ATF

103 Ia 242 consid. 3a p. 244) et qu'aucun intérêt public ou
privé prépondérant ne s'y oppose (ATF 123 II 248, consid. 3c
p. 254). Tout dépend donc de l'attitude de l'autorité. Pour
être compatible avec le principe de l'égalité de traitement
consacré par l'art. 8 Cst. (antérieurement: art. 4 al. 1
aCst.), un changement de la pratique administrative doit re-
poser sur des motifs objectifs et sérieux, tels qu'un examen
approfondi des intentions du législateur, la modification de
circonstances extérieures, un changement de conception juri-
dique ou l'évolution des moeurs (ATF 123 V 156 consid. 3b p.
157; 122 I 57 consid. 3c/aa p. 59; voir aussi ATF 125 II 152
consid. 4c/aa p. 162 et les références citées). Une pratique
qui se révèle erronée ou dont l'application a conduit à des
abus répétés ne saurait en effet être maintenue (ATF 123 V
156 consid. 3b p. 157; 121 V 80 consid. 6a p. 86).

Dans sa réponse au présent recours, le Département a
clairement manifesté son intention de ne plus tolérer la
pose
de panneaux publicitaires sans autorisation, méthode que la
recourante semble d'ailleurs avoir elle-même pratiqué à quel-
ques reprises, et d'appliquer de manière plus rigoureuse les
dispositions fédérales, également à l'égard de la Société gé-
nérale d'affichage. A l'avenir, on peut donc s'attendre à ce
que le Département adopte une pratique restrictive, mainte-
nant qu'il a décidé d'examiner tous les cas de réclames rou-
tières, en sa qualité d'autorité d'exécution de la loi fédé-
rale sur la circulation routière (art. 1er du règlement de
la
loi genevoise d'application de la législation fédérale sur
la
circulation routière du 30 janvier 1989; voir aussi art. 6
al. 3 et 4 de la loi genevoise sur les procédés de réclame
du
9 juin 2000, entrée en vigueur le 20 octobre 2000, qui
permet
au Département de fournir un préavis à une commune qui le de-
mande ou de recourir contre une décision d'octroi d'autorisa-
tion). En outre, dans la mesure où il considère qu'à proximi-
té des carrefours, l'installation de panneaux d'affichage,
par nature destinés à détourner de la route l'attention de

ses usagers, peuvent être une source majeure d'inattention,
il devrait aussi intervenir pour corriger les abus éventuels
qu'il pourrait constater, dans le cadre des dispositions
transitoires de la loi cantonale sur les procédés de réclame
(art. 42: délai de 2 ans pour la suppression des procédés de
réclame non conformes à la loi ou de 5 ans au maximum si ces
procédés sont au bénéfice d'un contrat de plus longue durée).

Dans ce contexte, la recourante ne saurait se plain-
dre d'une inégalité de traitement. Tout laisse en effet sup-
poser que les autorités compétentes vont appliquer de façon
plus stricte et plus cohérente, aux carrefours à sens gira-
toire, la notion de mise en danger de la sécurité routière
contenue aux art. 6 al. 1 LCR et 96 al. 1 OSR.

Lausanne, le 14 février 2001


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.249/2000
Date de la décision : 14/02/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-14;2a.249.2000 ?
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