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13/02/2001 | SUISSE | N°H.225/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 février 2001, H.225/00


«AZA 7»
H 225/00 Sm

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Addy, Greffier

Arrêt du 13 février 2001

dans la cause

M.________, recourant, représenté par Maître Stéphane
Riand, avocat, avenue Ritz 33, Sion,

contre

Caisse cantonale valaisanne de compensation, avenue
Pratifori 22, Sion, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton du Valais, Sion

A.- La société D.________ SA, dont le siège se trou-
vait à

C.________, a été déclarée en faillite le 10 juin
1997. Son conseil d'administration était composé de
P.________, président, et M.____...

«AZA 7»
H 225/00 Sm

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Addy, Greffier

Arrêt du 13 février 2001

dans la cause

M.________, recourant, représenté par Maître Stéphane
Riand, avocat, avenue Ritz 33, Sion,

contre

Caisse cantonale valaisanne de compensation, avenue
Pratifori 22, Sion, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton du Valais, Sion

A.- La société D.________ SA, dont le siège se trou-
vait à C.________, a été déclarée en faillite le 10 juin
1997. Son conseil d'administration était composé de
P.________, président, et M.________, vice-président.
Le 24 juin 1998, la Caisse cantonale valaisanne de
compensation a notifié à chacun des administrateurs prénom-
més une décision par laquelle elle leur réclamait le
paiement de 261 667 fr. 85 au titre de la réparation du

dommage qu'elle avait subi dans la faillite de la société
D.________ SA. P.________ et M.________ ont tous deux formé
opposition.

B.- Le 15 juillet 1998, la caisse de compensation a
saisi le Tribunal cantonal des assurances du canton du
Valais de deux actions, en concluant à la levée des oppo-
sitions précitées et à la condamnation des administrateurs
au paiement de 261 667 fr. 85 fr.
Tout en concluant au rejet de ces actions, P.________
et M.________ ont requis un complément d'instruction, soit
en particulier l'audition de plusieurs témoins, la mise en
oeuvre d'une expertise comptable, et l'édition d'un dossier
pénal en cours d'instruction, dans lequel ils étaient pré-
venus, entre autres infractions, d'abus de confiance et de
gestion fautive. Ils ont par ailleurs demandé la suspension
de la procédure administrative jusqu'à ce que la faillite
de la société D.________ SA fût clôturée, et jusqu'à ce que
le sort des procédures pénales engagées contre eux fût
scellé.
Par deux jugements séparés du 24 mai 2000, le Tribunal
cantonal des assurances du canton du Valais a fait entière-
ment droit aux conclusions prises par la caisse de compen-
sation contre P.________ et M.________.

C.- M.________ interjette recours de droit administra-
tif contre le jugement prononcé à son encontre, en conclu-
ant à l'annulation de celui-ci et à la libération de
l'obligation de payer les montants réclamés par la caisse
de compensation. Comme devant l'instance cantonale, il re-
quiert par ailleurs la suspension de la procédure adminis-
trative.
La caisse de compensation conclut au rejet du recours,
tandis que l'Office fédéral des assurances sociales ne
s'est pas déterminé.

D.- Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral des as-
surances a rejeté le recours que P.________ avait également
formé contre le jugement rendu le 24 mai 2000 par le Tribu-
nal cantonal des assurances du canton du Valais, dans le
litige qui l'oppose à la caisse.

Considérant en droit :

1.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribu-
nal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les
premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si
les faits pertinents ont été constatés d'une manière mani-
festement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis
au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.- Le recourant se plaint tout d'abord d'une «viola-
tion du droit d'être entendu assorti d'un déni de justice
formel», en faisant valoir que la juridiction cantonale n'a
pas statué sur la requête par laquelle il requérait la sus-
pension de la procédure administrative jusqu'à droit connu
sur le sort de l'information pénale ouverte à son encontre.
Il voit également une violation de son droit d'être entendu
dans le fait que les premiers juges n'ont pas accepté
d'administrer les preuves qu'il a requises.

a) La jurisprudence rendue en application de l'art. 4
aCst., qui garde toute sa valeur sous l'angle de l'art. 29
al. 2 Cst., a notamment déduit du droit d'être entendu le
droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une déci-
sion ne soit prise à son détriment, celui de fournir des
preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de
la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de par-

ticiper à l'administration des preuves, d'en prendre con-
naissance et de se déterminer à leur propos (ATF 124 I 51
consid. 3a, 242 consid. 2, 124 II 137 consid. 2b, 124 V 181
consid. 1a, 375 consid. 3b et les références).
Le droit de faire administrer des preuves n'empêche
pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction si, se
fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves
fournies par les investigations auxquelles elle doit procé-
der d'office (cf. art. 85 al. 2 let. c LAVS), elle est
convaincue que certains faits présentent un degré de vrais-
emblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires
ne pourraient plus modifier cette appréciation (apprécia-
tion anticipée des preuves); une telle manière de procéder
ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 4 al. 1
aCst. (ATF 124 V 94 consid. 4b, 122 V 162 consid. 1d,
119 V 344 consid. 3c et les références).

b) Au sujet de la requête de suspension de la procé-
dure administrative présentées par le recourant, les
premiers juges ont considéré ceci :

«certes, il n'est pas exclu que la présente cause
puisse être influencée par l'instruction pénale en cours
(...). Il n'est toutefois pas certain qu'un tel jugement
puisse être rendu dans un avenir prévisible (RCC 1991,
379), de sorte qu'une suspension de la procédure n'est pas
justifiée, d'autant moins que (...) les délais de prescrip-
tion de l'art. 82 al. 1 RAVS ont été respectés par l'admi-
nistration et qu'il n'est dès lors pas nécessaire d'exami-
ner si le délai de prescription de plus longue durée, prévu
par l'art. 82 al. 2 RAVS, est applicable (ATF 113 V 258s.).
Le Tribunal a toutefois pris connaissance du dossier pénal
dont l'instruction est toujours en cours.

c) Il apparaît ainsi que, contrairement à ce que
soutient le recourant, la juridiction cantonale s'est pro-
noncée sur sa requête de suspension de la procédure admi-
nistrative en même temps qu'elle a rendu son jugement au
fond. Le grief de déni de justice formel tombe donc à faux.

Par ailleurs, en réponse aux arguments que le recou-
rant développe pour la première fois en instance fédérale
au sujet de la pertinence de sa demande de suspension, il y
a lieu de considérer qu'il était effectivement inutile
d'attendre les conclusions de l'expertise comptable ordon-
née au plan pénal. La situation financière dans laquelle se
trouvait la société avant qu'il n'entre au conseil d'admi-
nistration en 1994 est en effet, contrairement à son opi-
nion, sans pertinence dans le cadre de la présente procédu-
re. Car seul est décisif, sous l'angle de l'art. 52 LAVS,
le point de savoir si une négligence grave peut lui être
reprochée, en ce sens qu'il n'aurait pas veillé avec l'at-
tention voulue, durant la période où il était vice-
président du conseil d'administration de D.________ SA, au
règlement régulier des cotisations sociales dues par la
société à la caisse intimée. Or, comme il sera démontré
dans le cadre de l'examen au fond (infra consid. 3c), les
éléments au dossier sont suffisants pour trancher cette
question, si bien que les premiers juges pouvaient, par
appréciation anticipée des preuves, rejeter la demande de
suspension de la procédure cantonale, tout comme ils pou-
vaient également se passer d'administrer les preuves pro-
posées par le recourant. Par identité de motif, la requête
tendant à la suspension de la procédure en instance fédé-
rale doit être rejetée (art. 135 OJ appliqué en corrélation
avec les art. 40 OJ et 6 al. 1 PCF).

3.- a) Le jugement entrepris expose correctement les
dispositions légales et la jurisprudence applicables en
matière de responsabilité de l'employeur et des organes de
celui-ci (art. 52 LAVS), de sorte qu'il suffit d'y ren-
voyer.
b) Les premiers juges ont constaté, de manière à lier
la Cour de céans (consid. 2), que le recourant a rempli son
mandat d'administrateur sans exercer le moindre contrôle
sur la manière dont P.________ gérait et tenait la compta-

bilité de la société, allant même jusqu'à tolérer que
celui-ci lui refuse l'accès aux comptes et ne lui donne que
des informations lacunaires. Ils en ont déduit que le re-
courant avait, par son attitude passive, commis une négli-
gence grave au sens de l'art. 52 LAVS, laquelle était en
relation de causalité naturelle et adéquate avec le dom-
mage. Le non-paiement des charges sociales aurait en effet
pu être évité, selon eux, si les mesures utiles avaient été
prises à temps par le recourant. Dans le cas où celui-ci
était empêché d'exercer correctement son mandat d'adminis-
trateur, il devait, toujours selon les premiers juges,
démissionner sans délai de ses fonctions, sous peine d'en-
gager sa responsabilité.

c) Loin de contester ces faits, le recourant se borne
à en tirer d'autres conséquences que celles énoncées dans
le jugement attaqué, en maintenant qu'il n'a pas commis de
négligence grave. A son sens, le seul reproche qui peut lui
être adressé est, en quelque sorte, celui d'avoir péché par
naïveté en faisant aveuglément confiance à P.________. Ce
motif est dénué de pertinence.
En conservant un mandat d'administrateur qu'il n'assu-
mait pas dans les faits, le recourant a tout simplement
méconnu l'une des attributions intransmissibles et inalié-
nables que lui confère l'art. 716a al. 1 CO, soit l'exerci-
ce de la haute surveillance sur les personnes chargées de
la gestion, pour s'assurer notamment que celles-ci obser-
vent la loi, les règlements et les instructions données
(ch. 5). En réalité, sa situation n'était pas très
éloignée, en ce qui concerne le contrôle qu'il exerçait
réellement sur la gestion comptable de la société, à celle
d'un homme de paille, et c'est précisément en cela que
réside sa faute, car celui qui se déclare prêt à assumer ou
à conserver un mandat d'administrateur, tout en sachant
qu'il ne pourra pas le remplir consciencieusement, viole
son obligation de diligence (ATF 122 III 200 consid. 3b;

RDAT 1993, I, p. 374 consid. 6). Sa négligence doit donc,
sous l'angle de l'art. 52 LAVS, être qualifiée de grave
(ATF 112 V 3 consid. 2b), surtout qu'elle s'est prolongée
sur une période relativement longue, les cotisations
n'ayant plus été payées pendant près de deux ans et demi
(pour compar. RCC 1996 p. 228 ss).
Sa passivité est, de surcroît, en relation de causali-
té naturelle et adéquate avec le dommage subi par la caisse
de compensation. En effet, s'il avait correctement exécuté
son mandat, il aurait pu veiller au paiement des cotisa-
tions d'assurances sociales ou, à tout le moins, il aurait
pu constater, vu l'importance de l'arriéré des cotisations,
que celles-ci étaient impayées et prendre les mesures qui
s'imposaient; s'il se trouvait, en raison de l'attitude de
P.________, dans l'incapacité de prendre ces mesures ou
même d'exercer son devoir de surveillance, il devait alors,
comme l'ont à juste titre rappelé les premiers juges, dé-
missionner de ses fonctions. Ne l'ayant pas fait, il répond
du dommage qui en est résulté pour la caisse.
Le recours est mal fondé.

4.- La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un
litige qui ne porte pas sur l'octroi ou le refus de presta-
tions d'assurance (art. 134 OJ a contrario). Le recourant,
qui succombe, supportera les frais de justice (art. 156 al.
1 OJ). Par ailleurs, il ne saurait, pour la même raison,
prétendre une indemnité de dépens pour l'instance fédérale
(art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Les frais de justice, d'un montant de 8000 fr., sont
mis à la charge du recourant et sont compensés avec
l'avance de frais, d'un même montant, qu'il a effec-
tuée.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton du Valais et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 13 février 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
p. le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.225/00
Date de la décision : 13/02/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-13;h.225.00 ?
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