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13/02/2001 | SUISSE | N°5P.364/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 février 2001, 5P.364/2000


«/2»
5P.364/2000

IIe C O U R C I V I L E
*************************

13 février 2001

Composition de la Cour : M. Reeb, Président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, Juges. Greffière: Mme Jordan.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Alexandre Emery, avocat à
Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 10 août 2000 par le Tribunal civil de l'ar-
rondissement de la Broye dans la cause qui oppose le recou-
rant à dame X.________, représentée par Me

Pierre Boivin,
avocat à Fribourg;

(art. 9 Cst.; mesures provisoires)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
...

«/2»
5P.364/2000

IIe C O U R C I V I L E
*************************

13 février 2001

Composition de la Cour : M. Reeb, Président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, Juges. Greffière: Mme Jordan.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Alexandre Emery, avocat à
Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 10 août 2000 par le Tribunal civil de l'ar-
rondissement de la Broye dans la cause qui oppose le recou-
rant à dame X.________, représentée par Me Pierre Boivin,
avocat à Fribourg;

(art. 9 Cst.; mesures provisoires)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________, né le 27 août 1970, et dame
X.________, née le 1er décembre de la même année, se sont
mariés le 10 mars 1995. Deux enfants sont issus de cette
union: Y.________, né le 30 juillet 1996, et Z.________, née
le 24 octobre 1998.

X.________ est agriculteur.

B.- Dame X.________ a ouvert action matrimoniale le
29 février 2000.

Par ordonnance de mesures provisionnelles du 18
avril suivant, le Président du Tribunal civil de la Broye a
notamment condamné X.________ à payer une contribution d'en-
tretien de 1'000 fr. en faveur de sa femme et de 600 fr. en
faveur de chaque enfant.

Le 10 août 2000, le Tribunal civil de l'arrondisse-
ment de la Broye a rejeté le recours de X.________ ainsi
que,
dans la mesure de sa recevabilité, le chef de conclusions
reconventionnelles de dame X.________.

C.- X.________ forme un recours de droit public au
Tribunal fédéral, concluant, sous suite de frais et dépens,
à
l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause
pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

L'autorité cantonale renonce à répondre. L'intimée
propose le rejet du recours et sollicite le bénéfice de l'as-
sistance judiciaire totale.

D.- Par ordonnance du 20 septembre 2000, le Prési-
dent de la IIe Cour civile a refusé l'effet suspensif au re-
cours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le recours de droit public est ouvert contre
une décision prise sur mesures provisoires (cf. ATF 126 III
261 consid. 1 p. 262 et les arrêts cités). Formé en temps
utile contre un arrêt du Tribunal civil de l'arrondissement
de la Broye, statuant en dernière instance cantonale (art.
291 ss et 378 ss CPC frib.), le recours est aussi recevable
au regard des art. 84, 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ.

b) Le chef de conclusions tendant au renvoi de la
cause est superfétatoire; ce n'est que la conséquence d'une
annulation éventuelle (ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb p. 354/
355 et les références; Messmer/Imboden, Die eidgenössischen
Rechtsmittel in Zivilsachen, Zurich 1992, p. 226, note 10).

c) Saisi d'un recours de droit public pour arbitrai-
re, le Tribunal fédéral ne prend pas en considération les al-
légations, preuves ou faits qui n'ont pas été soumis à l'au-
torité cantonale: nouveaux, ils sont irrecevables (ATF 120
Ia
369 consid. 3b p. 374 et la jurisprudence mentionnée; 118
III
37 consid. 2a p. 39). La cour de céans ne saurait dès lors
tenir compte des bouclements détaillés des comptes pour les
années 1998 et 1999 (pièces 9 et 10) produits à l'appui du
recours, lesquels ne figurent pas dans le dossier cantonal.
Elle fera également fi des indications du recourant selon
lesquelles, pendant la vie commune, l'intimée tenait seule
le
ménage, préparait les repas pour l'ensemble de la famille
ainsi que pour le personnel, et lavait et repasser le linge

de toutes ces personnes, et selon lesquelles la mère et la
soeur du recourant sont occupées toute la journée à l'exté-
rieur.

2.- Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'ap-
préciation des preuves et l'application du droit.

Selon la jurisprudence développée sous l'empire de
l'art. 4 aCst. et qui peut être reprise sans autre forme à
propos de l'art. 9 Cst., une décision est arbitraire lors-
qu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement
une norme ou un principe juridique clair et incontesté, ou
encore heurte de manière choquante le sentiment de la
justice
et de l'équité (ATF 120 Ia 369 consid. 3a p. 373 et les ar-
rêts cités).

S'agissant plus particulièrement de l'appréciation
des preuves, il n'y a arbitraire que lorsque le juge a mani-
festement abusé du large pouvoir dont il dispose en la matiè-
re, lorsque ses conclusions sont insoutenables ou lors-
qu'elles reposent manifestement sur une inadvertance. Le
juge
doit avoir par exemple, de manière crasse, apprécié les preu-
ves unilatéralement à l'avantage d'une partie ou ignoré tota-
lement des preuves importantes (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p.
40; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 116 Ia 85 consid. 2b p. 88).
Devant le Tribunal fédéral, le recourant ne peut se
contenter
d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, comme il
le ferait dans une procédure d'appel; conformément à l'art.
90 al. 1 let. b OJ, il doit au contraire démontrer, par une
argumentation précise, que la décision déférée repose sur
une
appréciation insoutenable des preuves (ATF 121 I 225 consid.
4c p. 230; 117 Ia 10 consid. 4b p. 11-12). De plus, comme
l'annulation de la décision cantonale attaquée ne se
justifie
que si elle est arbitraire non seulement dans sa motivation,
mais également dans son résultat (ATF 122 I 61 consid. 3a p.

61-62; 122 III 130 consid. 2a p. 131), le grief de constata-
tion arbitraire des faits ne peut avoir de chance de succès
que s'il porte sur des faits pertinents et décisifs.

3.- Se fondant sur la comptabilité du recourant, le
Tribunal civil a tout d'abord relevé que le revenu effectif
du mari en 1998 s'est élevé à 53'759 fr., soit 4'479 fr. par
mois. Il a obtenu ce chiffre en soustrayant du revenu agrico-
le et des indemnités pour perte de gain (43'548 fr.) la va-
leur locative du logement (6'000 fr.), et en y ajoutant les
parts privées comptabilisées (16'211 fr.). Au terme du même
raisonnement, il a constaté un revenu annuel de 43'365 fr.,
ou mensuel de 3'613 fr., en 1999. Il a toutefois considéré
que la comptabilité 1999 ne pouvait être admise qu'avec une
certaine réserve au vu de la forte progression du poste
"frais de machine" par rapport à l'année 1998 et de la rela-
tive modicité du revenu agricole (31'147 fr.)
comparativement
à l'importance du domaine (46 hectares) et au produit brut
d'exploitation (522'000 fr.). Il a en outre tenu compte des
propres déclarations du recourant, lequel, en audience,
avait
estimé son gain pour 1999 à 4'000 fr. par mois. Il s'est en
conséquence distancé du revenu annuel moyen de 4'000 fr. au-
quel aurait conduit l'interprétation scrupuleuse de la comp-
tabilité 1998/1999 pour le fixer, en équité, à 4'500 fr.,
confirmant ainsi la décision de l'autorité de première ins-
tance.

a) Le recourant prétend que tant ses allégations que
les pièces qu'il a produites démontrent que les parts
privées
sont déjà comptabilisées dans le revenu agricole. En les
ajoutant à ce dernier, l'autorité cantonale serait dès lors
tombée dans l'arbitraire. Les réserves que celle-ci a émises
envers la comptabilité 1999 seraient en outre insoutenables;
aucun élément du dossier n'étayerait ces considérations et
la
seule analyse comparative des montants retenus sous la rubri-

que "frais de machines" ne serait pas un motif pertinent. Le
recourant en conclut que ses revenus pour les années 1998 et
1999 sont largement inférieurs à ceux retenus par les magis-
trats intimés; il les évalue respectivement à 3'129 fr. et
2'324 fr., ce qui représenterait un revenu mensuel moyen de
2'727 fr., inférieur de 1'300 fr. à celui constaté par la
cour cantonale (4'000 fr.).

b) Cette argumentation fondée sur une étude compara-
tive de la comptabilité 1998/1999, interprétée en ce sens
que
le revenu agricole inclurait déjà les parts privées, échoue
à
démontrer l'arbitraire des constatations attaquées. Le recou-
rant ne conteste pas avoir estimé à 4'000 fr. par mois son
revenu agricole en 1999. Il résulte en outre du calcul qu'il
opère dans son acte de recours que ses gains ont été plus
élevés en 1998 qu'en 1999. Un revenu effectif moyen de plus
de 4'000 fr., en l'occurrence de 4'500 fr., ne paraît ainsi
pas d'emblée insoutenable. Il trouve par ailleurs sa justifi-
cation dans l'augmentation étonnante des frais de machines
en
1999 et la relative modicité du revenu agricole eu égard à
l'importance du domaine et au produit brut d'exploitation.
Ces éléments ont en effet incité l'autorité cantonale à se
distancer de la comptabilité 1999 et, partant du revenu men-
suel qu'elle établissait (3'613 fr.), lequel était nettement
inférieur à celui de l'année 1998 (4'479 fr.). Or, sur ce
point, la critique du recourant revêt manifestement un carac-
tère appellatoire (cf. supra, consid. 2).

4.- Le recourant reproche au Tribunal civil de ne
pas avoir tenu compte des conséquences prévisibles sur son
revenu du manque à gagner estimé à 7'000 fr., résultant de
la
perte totale de son élevage de porc lors de l'incendie du 2
mars 2000. Il soutient qu'il est arbitraire de spéculer sur
l'existence d'une assurance incendie, alors qu'il n'a jamais
déclaré en avoir conclu une et qu'aucune instruction n'a été

menée sur ce point. Il taxe également d'insoutenable le
motif
pris du caractère négligeable du montant annuel de 7'000 fr.
au regard d'un produit d'exploitation brut de 522'000 fr. Ce
faisant, l'autorité cantonale aurait occulté la seule ques-
tion pertinente, à savoir les incidences de cette perte de
gain sur son revenu agricole.

Le recourant oublie toutefois que les juges canto-
naux ont apprécié son revenu moyen sur la base d'une inter-
prétation critique de la comptabilité 1998/1999 et de ses
propres déclarations sur son gain en 1999. Or, la perte de
gain dont il se prévaut s'est produite en 2000; elle ne pou-
vait ainsi avoir d'incidence sur le calcul du revenu moyen
des années précédentes; seul le prochain exercice comptable
permettra d'en juger les retombées. Il n'était dès lors pas
arbitraire de ne pas en tenir compte.

5.- Le recourant prétend que la cour cantonale a
arbitrairement évalué les conséquences financières du départ
de l'intimée.

Nonobstant que ce grief se fonde en partie sur des
faits nouveaux (cf. supra, consid. 1c), il est de nature pu-
rement appellatoire, partant, irrecevable (cf. supra,
consid.
2). Le recourant se contente en effet d'affirmer péremptoire-
ment qu'il est agriculteur, qu'il est notoire qu'il s'agit

d'une activité physique qui occupe toute la journée, selon
un
horaire irrégulier, long et pénible, week-end compris, qu'il
a aussi droit au repos, que sa mère et sa soeur ne sauraient
assumer régulièrement une partie des tâches ménagères, et
qu'en conséquence le temps nécessaire à la femme de ménage
pour effectuer son travail a été minimisé.

6.- Le recourant reproche au Tribunal civil de
s'être écarté, sans motif, de la jurisprudence selon laquel-

le, lors de la fixation des contributions d'entretien, il y
a
lieu de tenir compte des impôts et des primes d'assurance-ma-
ladie à la charge du débiteur.

Si la prime d'assurance-maladie fait, en principe,
partie des dépenses incompressibles du débirentier (ATF 114
II 393), les impôts en sont exclus lorsque la situation fi-
nancière des conjoints est, comme en l'espèce, précaire (ATF
126 III 353 consid. 1a/aa p. 356 et les arrêts cités). Par-
tiellement fondé, le moyen ne saurait pour autant être
admis.
Dans son résultat, l'arrêt attaqué n'apparaît en effet pas
arbitraire. Même en tenant compte de la prime d'assurance
(196 fr.70), il reste au recourant, eu égard à son revenu
(4'500 fr.), et après règlement de ses obligations d'entre-
tien (2'200 fr.) et du salaire de la femme de ménage (800
fr.), un montant d'environ 1'303 fr., suffisant à couvrir
son
minimum vital fixé à 1'212 fr. par les juges cantonaux. Il
convient à cet égard de relever que ce dernier chiffre est
très favorable au recourant; il correspond au minimum vital
du droit des poursuites (1'010 fr.) augmenté du supplément
de
20%, alors même que, selon la jurisprudence, cette
majoration
n'est pas admise dans le cadre de mesures provisoires (cf.
ATF 123 III 1 consid. 3b/bb p. 4 et les références). Enfin,
le recourant ne soutient pas que les contributions allouées
aux siens excéderaient leurs propres besoins.

7.- En conclusion, le recours doit être rejeté dans
la mesure de sa recevabilité. Le recourant, qui succombe,
supportera les frais de justice (art. 156 al. 1 OJ) et verse-
ra des dépens à l'intimée (art. 159 al. 1 et 2 OJ). Vu l'is-
sue de la procédure, la requête d'assistance judiciaire de
l'intimée devient sans objet.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

2. Met à la charge du recourant:
a) un émolument judiciaire de 1'500 fr.;
b) une indemnité de 1'000 fr. à payer à l'intimée à
titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et au Tribunal civil de l'arrondissement
de la Broye.

Lausanne, le 13 février 2001
JOR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE,
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.364/2000
Date de la décision : 13/02/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-13;5p.364.2000 ?
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