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12/02/2001 | SUISSE | N°5C.272/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 février 2001, 5C.272/2000


«/2»
5C.272/2000
5C.273/2000

IIe C O U R C I V I L E
**************************

12 février 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur les recours en nullité
formés par

1. X.________, représenté par Me Robert Fiechter, avocat à
Genève, et

2. l'enfant A.________, représenté par son curateur Me Sté-
phane Felder, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 18 octob

re 2000 par l'Autorité de surveil-
lance des tutelles du canton de Genève dans la cause qui
oppose les recourants à Y.________, intimé...

«/2»
5C.272/2000
5C.273/2000

IIe C O U R C I V I L E
**************************

12 février 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur les recours en nullité
formés par

1. X.________, représenté par Me Robert Fiechter, avocat à
Genève, et

2. l'enfant A.________, représenté par son curateur Me Sté-
phane Felder, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 18 octobre 2000 par l'Autorité de surveil-
lance des tutelles du canton de Genève dans la cause qui
oppose les recourants à Y.________, intimée, représentée par
Me Howard Kooger, avocat à Genève;

(retrait du droit de garde; compétence ratione loci)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Y.________, ressortissante néerlandaise, et
X.________, citoyen israélien, sont les parents des enfants
A.________, B.________ et C.________, nés respectivement le
8
mars 1989, le 29 janvier 1992 et le 9 mars 1996. Après 9 ans
d'union libre vécue à Genève, ils se sont séparés en 1997.

Par ordonnance du 16 janvier 1998, le Tribunal tuté-
laire du canton de Genève, saisi d'une requête en retrait du
droit de garde de la mère et en désignation d'un curateur, a
réservé au père, ensuite d'un accord entre les parties, un
large droit de visite et a instauré une curatelle d'organisa-
tion de ce droit de visite.

B.- Le 11 mai 2000, X.________ a saisi l'Autorité de
surveillance des tutelles du canton de Genève d'une requête
tendant à ce que l'autorité parentale sur les trois enfants
fût retirée à leur mère et qu'il en fût investi, et, sur me-
sures provisoires, à ce que la garde sur les trois enfants
fût retirée à leur mère et confiée à lui-même. À l'appui de
sa requête, il a invoqué la décision de la mère de prendre
domicile aux Pays-Bas, solution qu'il jugeait contraire à
l'intérêt des enfants.

Par ordonnance du 15 mai 2000, l'Autorité de sur-
veillance a transmis au Tribunal tutélaire, comme objet de
sa
compétence, la requête en retrait du droit de garde et a
suspendu l'instruction de la cause pour le surplus jusqu'à
droit jugé sur les mesures provisoires sollicitées.

C.- Le Tribunal tutélaire a désigné à chacun des
enfants A.________ et B.________ un curateur de représenta-
tion en les personnes des avocats Stéphane Felder et Sabina
Mascotto. Tandis que la curatrice de B.________ s'est oppo-

sée, dans ses déterminations du 22 juin 2000, au retrait du
droit de garde sollicité, le curateur de A.________, dans
ses
écritures du même jour, a conclu à ce que la garde fût reti-
rée à la mère et confiée au père.

Par ordonnance du 26 juin 2000, le Tribunal tutélai-
re a débouté X.________ de sa requête. Il a considéré, en
substance, que la décision de la mère de s'établir aux Pays-
Bas n'était pas de nature à compromettre le développement
des
enfants au point qu'une décision de retrait du droit de
garde
apparût nécessaire et proportionnée.

D.- Lors d'une audience le 29 juin 2000 devant le
magistrat délégué du Tribunal tutélaire, Y.________ et
X.________ sont parvenus à un accord sur les vacances sco-
laires d'été, aux termes duquel le droit de visite du père
était fixé du 4 au 25 juillet 2000, date à laquelle
X.________ s'est engagé à restituer les enfants à leur mère.

Le 28 juillet 2000, Y.________ a déposé plainte
pénale pour enlèvement d'enfant et insoumission à une déci-
sion de l'autorité contre X.________, auquel elle reprochait
de ne pas lui avoir rendu, le 25 juillet 2000, son fils
A.________. X.________ a indiqué que la non-représentation
de
l'enfant à l'issue des vacances était le résultat du conseil
du curateur de A.________ de quitter le domicile paternel la
veille, soit le 24 juillet 2000; il a dit ignorer où
A.________ se trouvait, mais a affirmé que l'enfant souhaite-
rait résider chez lui jusqu'à la fin de la procédure tutélai-
re.

E.- Tant X.________ que son fils A.________, par
l'intermédiaire de son curateur, ont recouru contre l'ordon-
nance du 26 juin 2000 auprès de l'Autorité de surveillance
des tutelles. Considérant qu'elle n'était pas compétente

ratione loci, cette autorité a déclaré les recours irreceva-
bles par décision du 18 octobre 2000.

F.- X.________ d'une part et A.________ - par l'in-
termédiaire de son curateur - d'autre part forment chacun un
recours en nullité au Tribunal fédéral contre cette
décision.
Tous deux concluent avec suite de frais et dépens à l'annula-
tion de la décision attaquée, à la constatation que l'autori-
té intimée est compétente ratione loci et au renvoi de l'af-
faire à cette autorité. A.________ sollicite en outre l'oc-
troi de l'assistance judiciaire. Y.________ propose le rejet
des recours et demande à être mise au bénéfice de l'assis-
tance judiciaire pour la procédure fédérale.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Les recours sont dirigés contre la même
décision et soulèvent les mêmes questions de droit, de sorte
qu'il se justifie de joindre les causes et de les liquider
dans un seul arrêt (art. 24 PCF, en relation avec l'art. 40
OJ; ATF 124 III 382 consid. 1a; 113 Ia 390 consid. 1 et la
jurisprudence citée dans ces arrêts).

b) En tant qu'elle statue sur la compétence ratione
loci pour ordonner des mesures provisoires sous la forme du
retrait du droit de garde sur les enfants A.________,
B.________ et C.________, la décision attaquée n'est pas une
décision finale au sens de l'art. 48 OJ; seul le recours en
nullité est ainsi recevable en vertu de l'art. 68 al. 1 let.
e OJ (cf. ATF 118 II 184 consid. 1a et les références ci-
tées), qui au contraire de l'art. 48 OJ n'exige pas que la
décision attaquée soit finale (Poudret, Commentaire de la
loi
fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, 1990, n. 2.1 et
2.3 ad art. 68 OJ). Les recours en nullité sont ainsi receva-
bles (cf. arrêt non publié 5C.192/1998 du 18 décembre 1998,

consid. 1a non reproduit in SJ 1999 I 222; arrêt 5C.21/1999
du 29 avril 1999, consid. 1b non publié à l'ATF 125 III 301).

2.- a) L'Autorité de surveillance a constaté que les
enfants A.________, B.________ et C.________ étaient domici-
liés à Genève, auprès de leur mère, seule détentrice de l'au-
torité parentale et du droit de garde, lorsque l'ordonnance
du 26 juin 2000 a été rendue. Depuis lors, soit dès le 3
juillet 2000, la mère s'est établie aux Pays-Bas avec les
deux cadets, tandis que A.________ est resté à Genève et
réside actuellement à un endroit inconnu de l'Autorité de
surveillance (décision attaquée, consid. 1 p. 6).

b) Celle-ci a considéré que les mineurs B.________
et C.________ résidant présentement auprès de leur mère aux
Pays-Bas, les autorités genevoises n'étaient manifestement
plus compétente en ce qui les concernait, la "perpetuatio
fori" n'existant pas dans le domaine de la protection des
mineurs. Quant à A.________, il est, d'un point de vue juri-
dique, réputé domicilié au même endroit que sa mère, qui a
sur lui l'autorité parentale exclusive. Il se pose néanmoins
la question de savoir si l'enfant n'a pas sa résidence habi-
tuelle à Genève où il a toujours demeuré, ce qui fonderait
la
compétence des autorités genevoises en vertu de l'art. 1er
de
la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 concernant la com-
pétence des autorités et la loi applicable en matière de pro-
tection des mineurs. Toutefois, sans exclure totalement
qu'un
enlèvement ou une rétention illicite d'un enfant puisse
faire
obstacle à la création d'une résidence habituelle au sens de
cette disposition, le Tribunal fédéral a jugé de manière
constante que lorsqu'un enfant mineur réside chez le parent
non détenteur de l'autorité parentale et de la garde, contre
la volonté du parent investi de ces droits, la résidence
habituelle de l'enfant ne se trouve pas modifiée pour
autant.
Dès lors que le mineur A.________ devait aller vivre auprès
de sa mère aux Pays-Bas après les vacances d'été, l'Autorité

de surveillance a estimé qu'elle n'était plus compétente non
plus en ce qui le concernait (décision attaquée, consid. 1
p.
7/8).

c) Quoique l'autorité cantonale, dans un second
considérant, ait exposé pour quels motifs les recours de-
vraient de toute manière être rejetés même si l'on devait
admettre la compétence des autorités genevoises relativement
à l'enfant A.________, force est de constater qu'elle n'a
pas
formellement statué sur le fond, mais seulement sur sa compé-
tence. En effet, dans le dispositif de sa décision, elle n'a
pas rejeté les recours dans la mesure où ils étaient receva-
bles, mais les a purement et simplement déclarés irreceva-
bles, conformément aux motifs exposés dans le premier consi-
dérant de sa décision. Il s'ensuit que les recourants ne pou-
vaient critiquer le fond de l'affaire dans leurs recours en
nullité, et que le Tribunal fédéral ne pourra pas davantage
procéder à un examen sur le fond dans l'hypothèse où la com-
pétence ratione loci des autorités genevoises devrait être
admise.

3.- a) En vertu de l'art. 1er de la Convention de La
Haye du 5 octobre 1961 concernant la compétence des
autorités
et la loi applicable en matière de protection des mineurs
(RS
0.211.231.01; ci-après: la Convention de La Haye de 1961),
applicable conformément à l'art. 85 al. 1 LDIP, les autori-
tés, tant judiciaires qu'administratives, de l'État de la
résidence habituelle d'un mineur sont - sous réserve des dis-
positions des art. 3, 4 et 5 al. 3 - compétentes pour
prendre
des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses
biens.

C'est ainsi à tort que l'autorité cantonale se réfè-
re au domicile dépendant prévu à l'art. 25 al. 1 CC, qui
prévoit que l'enfant sous autorité parentale partage le domi-
cile de ses père et mère ou, en l'absence de domicile commun

des père et mère, le domicile de celui de ses parents qui a
le droit de garde (cf. consid. 2b supra). En effet, indépen-
damment même du fait que le domicile dépendant prévu à
l'art.
25 al. 1 CC n'a pas cours sur le plan international en vertu
de l'art. 20 al. 2, 3e phrase, LDIP (ATF 119 II 64 consid.
2b/aa, 167 consid. 2b), l'art. 1er de la Convention de La
Haye de 1961 rattache la compétence des autorités non au do-
micile, mais à la résidence habituelle du mineur à protéger.

b) La notion de résidence habituelle, qui n'est pas
définie par la Convention de La Haye de 1961, doit être in-
terprétée à la lumière du but et de l'esprit de cette con-
vention; on pourra s'inspirer de l'art. 20 al. 1 let. b
LDIP,
dont la définition correspondra en règle générale au rôle
attribué à la résidence habituelle dans le cadre de la Con-
vention (arrêt non publié 5C.192/1998 du 18 décembre 1998,
reproduit in SJ 1999 I 222, consid. 3b/aa et les références
citées). La notion de résidence habituelle est axée sur une
situation de fait (Bucher, in RSDIE 1996 p. 205 n. 5) et
implique la présence physique dans un lieu donné (Dutoit,
Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 2e éd.,
1997, n. 5 ad art. 20 LDIP et la référence au Message du
Conseil fédéral). La résidence habituelle d'un enfant se
détermine ainsi d'après le centre effectif de sa propre vie
et ne peut simplement être déduite juridiquement de la situa-
tion du parent qui en a la garde (Siehr, IPRG Kommentar,
1993, n. 15 ad art. 85 LDIP; cf. ATF 110 II 119 consid. 3).

c) En l'espèce, l'enfant A.________ a été domicilié
à Genève, auprès de sa mère, jusqu'au début du mois de juil-
let 2000, date à laquelle la mère s'est établie aux Pays-Bas
avec les deux cadets. Après les vacances d'été avec son
père,
fixées du 4 au 25 juillet 2000, il n'est pas allé vivre avec
sa mère comme il était prévu, mais est resté à Genève, où il
réside toujours à un endroit inconnu de l'autorité cantonale
(cf. consid. 2a supra). Au regard des principes qui viennent

d'être rappelés (cf. consid. 3b supra), il est donc exclu de
considérer que le mineur A.________ a sa résidence
habituelle
aux Pays-Bas, où il n'a jamais vécu.

La présente espèce n'a au demeurant rien à voir avec
la situation visée par la jurisprudence citée par l'autorité
cantonale (cf. consid. 2b supra). Cette jurisprudence se
rapporte en effet au cas où l'enfant est déplacé dans un
autre pays contre la volonté du titulaire du droit de garde,
auquel cas on peut se demander s'il peut y avoir après un
certain temps constitution d'une nouvelle résidence habituel-
le, en raison du relâchement des liens créés dans le premier
pays et de l'intégration de l'enfant dans le second (ATF 109
II 375 consid. 5b; 117 II 334 consid. 4b; cf. aussi l'arrêt
non publié 5C.192/1998 du 18 décembre 1998, reproduit in SJ
1999 I 222, consid. 3b/bb). Une telle question ne se pose
nullement dans la présente espèce, l'enfant A.________ ayant
toujours vécu en Suisse.

4.- Il résulte de ce qui précède que l'autorité
cantonale a violé le droit fédéral en déclarant les recours
de X.________ et de A.__________ irrecevables pour le motif
que les autorités genevoises ne seraient plus compétentes
ratione loci. Par conséquent, les recours en nullité de
X.________ et de A.________ doivent être admis - le Tribunal
fédéral ne pouvant examiner le fond de l'affaire dans le
cadre de la présente procédure de recours en nullité (cf.
consid. 2c supra) -, ce qui entraîne l'annulation de la déci-
sion attaquée et le renvoi de l'affaire à la juridiction can-
tonale pour que celle-ci statue à nouveau (art. 73 al. 2 OJ).

Quoique l'intimée succombe, ses conclusions n'ap-
paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, de sorte qu'il
convient d'accéder à sa demande d'assistance
judiciaire, la
condition du besoin étant manifestement remplie en l'espèce
(art. 152 al. 1 OJ). L'intimée n'est pas dispensée pour au-

tant de payer des dépens à ses parties adverses (ATF 112 Ia
14 consid. 3c). Eu égard à l'ampleur du travail respectif
déployé par les avocats (cf. art. 4 al. 1 du Tarif pour les
dépens alloués à la partie adverse dans les causes portées
devant le Tribunal fédéral, RS 173.119.1), les indemnités
dues par l'intimée à titre de dépens seront fixées à 1'200
fr. pour le conseil de X.________ et à 800 fr. pour le cura-
teur de A.________, dont la demande d'assistance judiciaire
devient ainsi sans objet.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet les recours en nullité de X.________ et
de A.________, annule la décision attaquée et renvoie
l'affaire à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2. Admet la demande d'assistance judiciaire de
l'intimée et lui désigne Me Howard Kooger, avocat à Genève,
comme conseil d'office pour la procédure fédérale.

3. Met un émolument judiciaire de 1'000 fr. à la
charge de l'intimée, mais dit que cet émolument est provisoi-
rement supporté par la Caisse du Tribunal fédéral.

4. Dit que l'intimée versera les indemnités
suivantes à titre de dépens:
a) 1'200 fr. à X.________;
b) 800 fr. au curateur de A.________.

5. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à
Me Howard Kooger une indemnité de 1'000 fr. à titre d'hono-
raires d'avocat d'office.

6. Communique le présent arrêt en copie aux
mandataires des parties et à l'Autorité de surveillance des
tutelles du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 12 février 2001
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.272/2000
Date de la décision : 12/02/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-12;5c.272.2000 ?
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