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12/02/2001 | SUISSE | N°5C.269/1999

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 février 2001, 5C.269/1999


«/2»
5C.269/1999

IIe C O U R C I V I L E
******************************

12 février 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme
Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, défendeur et recourant, représenté par Me
Jacques-H. Meylan, avocat à Lausanne,

et

D.________, demanderesse et intimée, représentée par Me Dan
Bally, avocat à Lausanne;

(servitude)

Vu les

pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par convention notariée du 15 juillet 1988,
D.________, propriétaire...

«/2»
5C.269/1999

IIe C O U R C I V I L E
******************************

12 février 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme
Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, défendeur et recourant, représenté par Me
Jacques-H. Meylan, avocat à Lausanne,

et

D.________, demanderesse et intimée, représentée par Me Dan
Bally, avocat à Lausanne;

(servitude)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par convention notariée du 15 juillet 1988,
D.________, propriétaire de la parcelle n° 1749 du cadastre
de la commune de Grandvaux, et P.________, propriétaire de
la
parcelle n° 1912 dudit cadastre, ont constitué une servitude
de passage à pied et pour véhicules grevant cette dernière
parcelle en faveur de la première, moyennant un paiement de
100'000 fr. Cette convention prévoit notamment ce qui suit:

"Exercice du droit

Le propriétaire du fonds dominant aura droit de
passage à pied et pour tous véhicules sur la
bande de terrain d'une largeur moyenne de trois
mètres, teintée en jaune sur la photocopie d'un
plan établi le treize juillet courant par le
géomètre officiel (...), photocopie signée par
les parties pour être déposée au registre fon-
cier à l'appui du présent acte.

Les frais de construction du passage seront
supportés par égales parts entre les proprié-
taires des fonds dominant et servant sous ré-
serve de la clause convenue ci-dessous.

Les frais d'entretien du dit passage seront
supportés par les propriétaires des fonds domi-
nants et servants au prorata des taxes d'assu-
rance incendie des bâtiments qui seront cons-
truits sur les fonds dominants et servants pour
le tronçon figuré entre les lettres A et B du
plan (...) précité. Ils seront à la charge ex-
clusive du propriétaire de la parcelle 1749
pour le tronçon figuré entre les lettre B et C
dudit plan.

Clause complémentaire

La servitude constituée n'est pas exclusivement
destinée aux deux fonds intéressés. Une adjonc-
tion comme fonds dominants et servants des par-
celles 1913 et 1914 et comme fonds dominant de
la parcelle 1745 pourra être envisagée, ce qui
est expressément accepté par les deux compa-
rants.

En cas d'adjonction de nouveaux fonds domi-
nants, les propriétaires de ces derniers paie-
ront une part équitable aux frais de construc-
tion et supporteront ceux d'entretien pour le
tronçon sis entre les lettres A et B du plan
également au prorata des taxes d'assurance in-
cendie des bâtiments qui seront édifiés sur les
parcelles.
(...)"

Le 19 août 1988, l'entreprise P.________ a fait
parvenir à la propriétaire de la parcelle n° 1749 un tableau
de répartition des frais pour la construction du chemin, qui
prévoyait une contribution de 116'950 fr. à la charge de cel-
le-ci; elle n'a alors soulevé aucune objection.

Le 12 juillet 1989, P.________, qui s'était vu adju-
ger par oral, le 16 mars 1989, la construction de la route
non aménagée permettant l'accès au chantier de construction
de la villa de D.________ sur la parcelle n° 1749, lui a
fait
parvenir une demande d'acompte d'un montant de 65'544 fr.,
qui a été réglé à concurrence de 65'000 fr.

Alors que les travaux n'étaient pas encore terminés,
P.________ a adressé à D.________, le 25 janvier 1990, une
facture d'un montant total de 93'846 fr.95. Après déduction
de l'acompte susmentionné, le solde en sa faveur s'élevait à
28'846 fr.95. Celui-ci n'a pas été réglé.

Des dissensions sont apparues entre les parties con-
cernant, d'une part, les frais de construction du chemin et,
d'autre part, l'emprise de la servitude, le propriétaire du
fonds servant estimant que celle-ci ne correspondait pas aux
plans mis à l'enquête; elles ont vainement tenté de trouver
un accord.

B.- Le 4 juin 1992, D.________ a ouvert action con-
tre P.________ devant la Cour civile du Tribunal cantonal du
canton de Vaud, concluant notamment au paiement par le défen-

deur d'un montant de 90'000 fr., avec intérêts à 5% dès le
27
mai 1992. Le défendeur a conclu au rejet de l'action. Recon-
ventionnellement, il a demandé, entre autres conclusions,
que
la demanderesse soit reconnue lui devoir la somme de 28'846
fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 25 janvier 1990.

Des expertises ont eu lieu en cours de procès.

Par jugement du 27 octobre 1999, la Cour civile du
Tribunal cantonal a déclaré le défendeur débiteur de la de-
manderesse de la somme de 36'756 fr., avec intérêts à 5% dès
le 27 mai 1992, fixé les frais et dépens de la procédure et
rejeté toutes autres ou plus amples conclusions.

C.- Contre ce jugement, P.________ exerce un recours
en réforme au Tribunal fédéral, concluant à ce que la deman-
deresse soit déboutée de toutes ses conclusions. Une réponse
n'a pas été requise.

D.- P.________ a également recouru en nullité au
Tribunal cantonal vaudois. Conformément à l'art. 57 al. 1
OJ,
la procédure devant le Tribunal fédéral a été suspendue jus-
qu'à droit connu sur le recours cantonal. Le 1er mars/8 août
2000, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton
de Vaud a rejeté le recours en nullité et maintenu le juge-
ment.

Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a rejeté,
dans la mesure de sa recevabilité, le recours de droit
public
formé par P.________ contre l'arrêt de la Chambre des
recours
et le jugement de la Cour civile.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté en temps utile contre une décision fi-
nale prise en dernière instance cantonale (cf. art. 451a al.
1 CPC/VD), dans une contestation civile dont la valeur dépas-
se 8'000 fr., le recours est recevable au regard des art.
46,
48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.- a) Le recourant soutient qu'il ne pouvait être
reconnu sujet passif de la dette de 36'756 fr. -
représentant
la différence entre la part des frais de construction du che-
min supportée par l'intimée, fixée à 28'244 fr. par l'autori-
té cantonale, et l'acompte de 65'000 fr. qu'elle avait déjà
payé à ce titre -, que pour autant qu'il fût établi qu'il
était bien le récipiendaire de cet acompte et l'entrepreneur
chargé des travaux pour lesquels il avait été réclamé et ver-
sé. Il allègue que l'intimée n'a ni établi, ni même allégué
qu'il y eût identité juridique entre lui et l'entreprise
P.________. La cour cantonale ne pouvait dès lors, sans vio-
ler l'art. 8 CC, affirmer qu'il avait repris en tant qu'en-
trepreneur les obligations du propriétaire de la parcelle
n° 1912 et qu'il y avait ainsi confusion de ces deux quali-
tés.

b) La qualité pour défendre dans un procès civil re-
lève du fondement matériel de l'action. C'est une question
que le Tribunal fédéral, en instance de réforme, doit exami-
ner d'office (ATF 126 III 59 consid. 1 et les arrêts cités),
même si elle n'est pas discutée dans l'arrêt déféré (ATF 83
II 507). En l'occurrence, l'exception soulevée par le recou-
rant doit toutefois être rejetée comme abusive. En effet,
dans sa demande reconventionelle, le défendeur lui-même, et
non l'entreprise P.________, a réclamé le paiement du solde
de sa facture, reconnaissant ainsi - et même alléguant - que
les travaux lui ont été adjugés, qu'il les a effectués et
que
l'acompte de 65'000 fr. lui a été versé par la demanderesse.

3.- a) Le recourant se plaint d'une autre violation
de l'art. 8 CC, en tant qu'il règle le fardeau de la preuve.
Il reproche à l'autorité cantonale d'avoir admis que le ta-
bleau de répartition des frais du 19 août 1988 ne
constituait
qu'un simple devis, de sorte qu'en application de l'art. 374
CO, le prix de la construction devait être déterminé selon
la
valeur du travail et les dépenses de l'entrepreneur. Il sou-
tient qu'il incombait à l'intimée de prouver qu'un tel mode
de fixation du prix avait été convenu; or, elle ne l'avait
jamais démontré, ni même allégué.

b) Selon le jugement entrepris, le défendeur a fait
parvenir à la demanderesse, le 19 août 1988, un tableau de
répartition des frais de construction du chemin, valant de-
vis. Le prix de la construction ayant été fixé approximative-
ment, au sens de l'art. 374 CO, et non à forfait, selon
l'art. 373 CO, le prix de la construction du chemin d'accès
devait être calculé selon la valeur du travail et les dépen-
ses de l'entrepreneur. Contrairement à ce que semble croire
le recourant, il ne s'agit pas de questions de fait, le juge-
ment entrepris ne contenant au demeurant aucune constatation
sur la volonté interne - implicite ou explicite - des
parties
à ce sujet. En considérant que le tableau susmentionné
valait
devis, l'autorité cantonale a procédé à une appréciation ju-
ridique de celui-ci. Elle en a ensuite tiré les conséquences
quant au mode de fixation du prix, en application des règles
du droit des obligations. Le grief déduit de l'art. 8 CC tom-
be dès lors à faux.

4.- a) Le recourant reproche en outre à la Cour ci-
vile d'avoir renversé le fardeau de la preuve en considérant
qu'il appartenait à l'entrepreneur, donc au défendeur, de
prouver le bien-fondé de sa facture, et que s'il n'avait pas
conservé ou établi les métrés et les attachements qui au-
raient permis de le faire avec précision, il devait en sup-

porter les conséquences. Il soutient que, dans la mesure où
l'autorité cantonale se prononçait sur une prétention en
restitution de l'indu exercée par le maître de l'ouvrage, il
incombait à celui-ci, c'est-à-dire à la demanderesse, d'éta-
blir que le montant facturé et payé était excessif.

b) Lorsque, comme dans le cas particulier, le prix
n'a pas été fixé d'avance, il doit être déterminé d'après la
valeur du travail et les dépenses de l'entrepreneur (art.
374
CO); en conformité de l'art. 8 CC, celui-ci doit établir le
bien-fondé de sa facture, soit l'ampleur et la valeur de ses
prestations (ATF 112 II 500 consid. 3c p. 503). Dans le
cadre
de l'action en répétition de l'indu, il appartient certes au
demandeur de prouver l'inexistence de la dette qu'il
conteste
(cf. ATF 64 II 121 consid. 1 p. 125; arrêt du Tribunal fédé-
ral H. c. G. du 22 juin 1989, reproduit in JT 1991 II 190,
consid. 2a). La cour cantonale n'a cependant pas inversé le
fardeau de la preuve sur ce point. Examinant la prétention
du
défendeur en paiement du solde de sa facture, elle a
souligné
à juste titre que, comme l'entrepreneur n'avait pas établi
ou
conservé les attachements et les métrés qui auraient permis
de vérifier précisément les quantités facturées, les rectifi-
cations apportées par l'expert au sujet de sa facture ne pou-
vaient se fonder que sur des approximations. Elle a
cependant
estimé que les calculs opérés par l'expert pouvaient être re-
tenus, de sorte que le demandeur reconventionnel n'avait pas
droit au paiement du solde de sa facture, laquelle se révé-
lait déjà trop élevée. Un tel raisonnement, effectué de sur-
croît dans le cadre de l'action en paiement de l'entrepre-
neur, ne laisse transparaître aucune violation de l'art. 8
CC. Du moment que l'autorité cantonale considérait comme éta-
bli que le montant de la facture devait être arrêté à
117'900
fr., et que la part due par la demanderesse s'élevait à
28'244 fr., elle en a conclu que celle-ci, qui avait déjà
versé un acompte de 65'000 fr., avait payé 36'756 fr. de
trop. Elle a ainsi tiré des déductions en examinant les élé-

ments réunis, procédant en cela à une appréciation des preu-
ves qui ne peut être revue en instance de réforme (ATF 126
III 10 consid. 2b p. 13; 125 III 78 consid. 3a). Sous cet
angle, l'art. 8 CC se révèle par conséquent sans objet.

5.- Dans un dernier moyen, le recourant soutient que
les frais de construction du tronçon B-C doivent être suppor-
tés exclusivement par la demanderesse, et non répartis entre
les propriétaires des cinq fonds dominants et servants. En
effet, il y aurait lieu d'appliquer la même solution que cel-
le expressément prévue pour les frais d'entretien, à savoir
que les frais ne sont partagés entre lesdits propriétaires
qu'en ce qui concerne le tronçon utilisé en commun (A-B). Il
se plaint à cet égard d'une violation des règles de droit fé-
déral sur l'interprétation des contrats.

a) L'autorité cantonale a considéré que, contraire-
ment à ce qu'envisageait le défendeur dans le tableau qu'il
avait adressé à la demanderesse le 19 août 1988, les frais
de
construction du tronçon B-C ne devaient pas être mis à la
charge de la seule demanderesse, car une telle solution ne
serait pas conforme au contrat constitutif de servitude. Cer-
tes, le tronçon B-C était manifestement destiné à l'usage ex-
clusif de celle-ci. Toutefois, à la lecture du contrat préci-
té, on constatait qu'il n'était fait aucune différence pour
le paiement des frais de construction de ce tronçon. Selon
la
Cour civile, il ne s'agissait pas d'une omission, puisqu'en
ce qui concernait les frais d'entretien, ceux du tronçon B-C
avaient été expressément distingués des autres et mis à la
charge de la seule demanderesse.

L'arrêt attaqué n'ayant pas constaté de réelle et
commune intention des parties sur ce point, il s'agit de re-
chercher quel sens celles-ci pouvaient ou devaient donner,
de
bonne foi, au passage contesté, en application du principe
de
la confiance; cette question relève du droit et peut être re-

vue librement dans un recours en réforme (ATF 126 III 25 con-
sid. 3c p. 29, 59 consid. 5b p. 68 et les arrêts cités).

b) Selon le texte du contrat de servitude du 15
juillet 1988, les "frais de construction du passage seront
supportés
par égales parts entre les propriétaires des fonds
dominant et servant sous réserve de la clause convenue
ci-dessous". Le recourant prétend que ladite réserve renvoie
au paragraphe suivant, consacré aux frais d'entretien, qui
met ceux-ci à la charge exclusive de la demanderesse s'agis-
sant du tronçon B-C; il en déduit qu'il doit en aller de
même
des frais de construction. Cette interprétation n'est toute-
fois pas convaincante. Comme l'a relevé l'autorité
cantonale,
seuls les frais d'entretien font l'objet d'une distinction
en
fonction des différents tronçons, que ce soit dans le
passage
intitulé "Exercice du droit" ou dans la "Clause complémentai-
re" consacrée à l'adjonction de nouvelles parcelles. La ré-
serve dont le recourant essaie de tirer argument paraît plu-
tôt faire référence à ladite clause, en ce sens qu'en cas
d'adjonction de nouvelles parcelles, les frais de construc-
tion du chemin - sans distinction de tronçon - ne seront pas
seulement supportés par les cocontractants, mais aussi, de
façon équitable, par les propriétaires des autres fonds domi-
nants. Quoi qu'il en soit, la réserve précitée ne contredit
en rien l'interprétation donnée par l'autorité cantonale et
le contrat ne pouvait, de bonne foi, qu'être compris de la
sorte; cette solution n'est en aucune façon infirmée par une
constatation ou un élément ressortant du contexte de
l'espèce
ni par des circonstances permettant de dire qu'elle ne cor-
respondrait pas à la volonté commune des parties. A cet
égard, il importe peu que l'un des auteurs de la déclaration
n'ait pas saisi la portée de ce qu'il disait, dès lors que
le
destinataire ne pouvait pas s'en apercevoir (Kramer, Commen-
taire bernois, n. 126 ad art. 1 CO; Pierre Engel, Traité des
obligations en droit suisse, 2e éd., p. 216 s.). L'autorité
cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral sur ce point.

6.- En conclusion, le recours doit être rejeté dans
la mesure où il est recevable et le jugement entrepris con-
firmé. Les frais judiciaires seront dès lors mis à la charge
du recourant (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu
d'allouer
des dépens, une réponse n'ayant pas été requise.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable et confirme le jugement entrepris.

2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 3'000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 12 février 2001
MDO/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.269/1999
Date de la décision : 12/02/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-12;5c.269.1999 ?
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