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09/02/2001 | SUISSE | N°2A.428/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 février 2001, 2A.428/2000


2A.428/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

Séance du 9 février 2001

Présidence de M. le Juge Hartmann, juge présidant.
Présents: MM. et Mme les Juges Betschart, Hungerbühler,
Müller et Yersin. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

N.________, représenté par Me Jean-Pierre Moser, avocat à
Lausanne,

contre

la décision prise le 20 juillet 2000 par le Département fé-> déral de justice et police;

(art. 8 CEDH; autorisation de séjour; droit de visite)

Vu les pièces du dossier d'où ...

2A.428/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

Séance du 9 février 2001

Présidence de M. le Juge Hartmann, juge présidant.
Présents: MM. et Mme les Juges Betschart, Hungerbühler,
Müller et Yersin. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

N.________, représenté par Me Jean-Pierre Moser, avocat à
Lausanne,

contre

la décision prise le 20 juillet 2000 par le Département fé-
déral de justice et police;

(art. 8 CEDH; autorisation de séjour; droit de visite)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- De nationalité marocaine, N.________ est entré en
Suisse en 1990 et s'est marié le 3 septembre 1990 avec une
compatriote, titulaire d'une autorisation d'établissement.
Il a obtenu de ce fait une autorisation de séjour pour vivre
auprès de son épouse. Les époux se sont séparés au cours de
l'année 1993.

N.________ a entretenu une relation extra-conjugale
avec une Suissesse, R.________, laquelle a donné naissance,
le 5 décembre 1993, à un enfant prénommé J.________. Il a
reconnu cet enfant le 11 février 1994, à la suite d'une ac-
tion en paternité intentée par la mère dudit enfant.
J.________ se trouve sous l'autorité parentale et la garde
de la mère. N.________ a, semble-t-il, quitté R.________,
dès qu'il a appris qu'elle était enceinte. Par convention du
13 juin 1994, il s'est toutefois engagé à contribuer à l'en-
tretien de son fils jusqu'à la majorité.

Par décision du 16 février 1995, les autorités de poli-
ce des étrangers du canton de Vaud ont refusé de renouveler
l'autorisation de séjour de N.________, au motif qu'il vi-
vait séparé de sa femme. L'intéressé a recouru contre cette
décision.

En septembre 1995, l'autorité tutélaire compétente a
formellement instauré un droit de visite surveillé en faveur
de N.________: celui-ci était autorisé à voir son fils un
dimanche par mois. Les relations entre les parents étant
conflictuelles, les conditions d'exercice du droit de visite
ont dû être quelque peu réaménagées par la suite.

Le 22 novembre 1995, le Tribunal civil du district de
Lausanne a prononcé le divorce des époux N.________.

Le 19 septembre 1996, le Tribunal administratif du can-
ton de Vaud a admis le recours formé par N.________ et annu-
lé la décision du 16 février 1995, considérant que l'inté-
ressé avait fait tout son possible pour voir régulièrement
son fils, en dépit de l'opposition de la mère de son enfant.
Les autorités de police des étrangers vaudoises ont dès lors
prolongé l'autorisation de séjour de N.________, sous réser-
ve d'approbation de l'autorité fédérale compétente.

B.- Par décision du 24 mars 1997, l'Office fédéral des
étrangers a refusé de donner son approbation à la prolonga-
tion d'une autorisation de séjour en faveur de N.________ et
prononcé le renvoi de Suisse.

L'intéressé a recouru contre cette décision auprès du
Département fédéral de justice et police.

N.________ a exercé plus ou moins régulièrement son
droit de visite sur son fils entre 1994 et octobre 1998,
date à laquelle il a cessé de voir son enfant.

L'autorité tutélaire compétente a décidé, le 1er juil-
let 1999, de retirer, dans l'intérêt de l'enfant, l'exercice
du droit de visite pour une durée indéterminée, la possibi-
lité étant toutefois offerte à l'enfant de solliciter la re-
prise de cet exercice au cas où il souhaiterait entrer à
nouveau en contact avec son père. Le 2 août 1999, N.________
a recouru contre cette décision auprès de l'autorité compé-
tente et déposé en même temps une requête de mesures provi-
sionnelles tendant au rétablissement d'un droit de visite
pour la durée de la procédure de recours. Cette requête a
été rejetée par décision incidente du 1er septembre 1999,

qui a été confirmée successivement sur recours, en dernier
ressort par le Tribunal fédéral. La procédure de recours au
fond est toujours pendante.

Statuant le 20 juillet 2000, le Département fédéral de
justice et police a confirmé la décision de l'Office fédéral
des étrangers du 24 mars 1997. Il a retenu en substance que
N.________ ne pouvait déduire de l'art. 8 CEDH un droit au
renouvellement de son autorisation de séjour, du moment
qu'il n'entretenait pas avec son fils de relations étroites
et effectivement vécues.

C.- Agissant par la voie du recours de droit adminis-
tratif, N.________ demande au Tribunal fédéral, principale-
ment, d'annuler la décision du 20 juillet 2000 du Départe-
ment fédéral de justice et police.

Celui-ci conclut au rejet du recours.

D.- Par décision présidentielle du 16 octobre 2000,
l'effet suspensif au recours a été accordé.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le re-
cours de droit administratif n'est pas recevable en matière
de police des étrangers contre l'octroi ou le refus d'auto-
risations auxquelles le droit fédéral ne confère pas un
droit. D'après l'art. 4 de la loi fédérale du 26 mars 1931
sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS
142.20), les autorités compétentes statuent librement, dans
le cadre des prescriptions légales et des traités avec
l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations de sé-
jour ou d'établissement. En principe, l'étranger n'a pas de

droit à l'octroi d'une autorisation de séjour. Ainsi, le re-
cours de droit administratif est irrecevable, à moins que ne
puisse être invoquée une disposition particulière du droit
fédéral ou d'un traité, accordant le droit à la délivrance
d'une telle autorisation (ATF 126 I 81 consid. 1a; 126 II
425 consid. 1 et les arrêts cités).

b) Le recourant se réclame de l'art. 8 CEDH vis-à-vis
de son fils, J.________, de nationalité suisse, pour demeu-
rer en Suisse.

Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir
du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti
par l'art. 8 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation
de sa famille et obtenir ainsi une autorisation de séjour.
Encore faut-il que la relation entre l'étranger et une per-
sonne de sa famille ayant le droit de s'établir en Suisse
(en principe nationalité suisse ou autorisation d'établisse-
ment) soit étroite et effective (ATF 124 II 361 consid. 3a
p. 366; 122 II 1 consid. 1e p. 5, 289 consid. 1c p. 292).

L'art. 8 CEDH s'applique notamment lorsqu'un étranger
peut faire valoir une relation intacte avec son enfant (lé-
gitime ou naturel) bénéficiant du droit de résider en Suis-
se, même si ce dernier n'est pas placé sous son autorité
parentale ou sous sa garde du point de vue du droit de fa-
mille; un contact régulier entre le parent et l'enfant, par
exemple par l'exercice du droit de visite, peut cas échéant
suffire (ATF 120 Ib 1 consid. 1d p. 3; 119 Ib 81 consid. 1c
p. 84; 118 Ib 153 consid. 1c p. 157).

c) En l'espèce, le recourant a eu avec une Suissesse un
enfant qu'il a reconnu, mais sur lequel il n'a pas l'autori-
té parentale. Il ne vit pas avec son fils, mais l'a vu plus
ou moins régulièrement entre 1994 et octobre 1998. Il pré-
tend avoir tenté de rendre visite à son fils même au-delà

d'octobre 1998, mais avoir trouvé porte close. Dans la mesu-
re où l'arrêt attaqué a des incidences sur ses liens avec
son fils, le recourant peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH.
Le recours est donc recevable à cet égard.

2.- La protection découlant de l'art. 8 CEDH n'est pas
absolue. En effet, une ingérence dans l'exercice du droit au
respect de la vie privée et familiale est possible selon
l'art. 8 par. 2 CEDH, "pour autant que cette ingérence est
prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans
une société démocratique, est nécessaire à la sécurité na-
tionale, à la sûreté publique, au bien-être économique du
pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infrac-
tions pénales, à la protection de la santé ou de la morale,
ou à la protection des droits et libertés d'autrui". La
question de savoir si, dans un cas d'espèce, les autorités
de police des étrangers sont tenues d'accorder une autori-
sation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit être résolue
sur la base d'une pesée de tous les intérêts privés et pu-
blics en présence (ATF 122 II 1 consid. 2 p. 5/6; 120 Ib 1
consid. 3c p. 5, 22 consid. 4a p. 25).

En ce qui concerne les intérêts publics, il faut rete-
nir que la Suisse mène une politique restrictive en matière
de séjour des étrangers pour assurer un rapport équilibré
entre l'effectif de la population suisse et celui de la po-
pulation étrangère résidante, ainsi que pour améliorer la
situation du marché du travail et assurer un équilibre opti-
mal en matière d'emploi (cf. art. 16 LSEE et 1er de l'ordon-
nance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 [RS
823.21; OLE]). Ces buts sont légitimes au regard de l'art. 8
par. 2 CEDH (ATF 120 Ib 1 consid. 3b p. 4 et 22 consid. 4a
p. 24/25). Seuls des liens familiaux forts dans les domaines
affectif et économique sont propres à faire passer ces ob-
jectifs au second plan (ATF 120 Ib 1 consid. 3c p. 5). Il
est également essentiel d'examiner s'il existe, dans un cas

d'espèce, d'autres motifs d'éloigner ou de tenir éloigné
l'intéressé, notamment si celui-ci a commis des infractions
aux dispositions pénales ou de police des étrangers (ATF 122
II 1 consid. 2 p. 5/6).

S'agissant de l'intérêt privé à obtenir une autorisa-
tion de séjour d'un étranger disposant d'un droit de visite
sur son enfant bénéficiant du droit de résider en Suisse, il
faut constater que le parent peut en principe exercer ce
droit même s'il vit à l'étranger, au besoin en aménageant
les modalités de ce droit quant à sa fréquence et à sa du-
rée. A la différence de ce qui se passe en cas de vie commu-
ne, il n'est ainsi pas indispensable que le parent au béné-
fice d'un droit de visite et l'enfant vivent dans le même
pays. Il faut prendre en considération l'intensité de la re-
lation entre le parent et l'enfant, ainsi que la distance
qui séparerait l'étranger de la Suisse au cas où l'autorisa-
tion de séjour lui serait refusée (ATF 120 Ib 22 consid. 4a
p. 25). A cet égard, il convient toutefois de relever que la
Cour européenne des droits de l'homme a jugé que la possibi-
lité pour un ressortissant marocain d'exercer son droit de
visite sur son enfant résidant aux Pays-Bas était plutôt
théorique (arrêt du 21 juin 1988 en la cause Berrehab, Série
A, vol. 138, p. 14, par. 22/23). Par ailleurs, lorsque l'au-
torité n'entend pas expulser l'intéressé, mais refuser de
renouveler son autorisation de séjour à l'échéance, cet élé-
ment doit également entrer dans la pesée des intérêts,
s'agissant d'une atteinte moins grave à la garantie de la
vie familiale. En effet, dans ce cas, l'intéressé ne peut
plus résider durablement en Suisse, alors que, s'il est ex-
pulsé, il doit non seulement quitter la Suisse, mais encore
ne plus y pénétrer (art. 11 al. 4 LSEE; ATF 120 Ib 6 consid.
4a p. 13).

3.- a) En l'espèce, le recourant est père d'un enfant
suisse, né hors mariage, qu'il a reconnu quelques semaines

après la naissance. Il aurait quitté R.________, dès qu'il a
appris la grossesse de celle-ci. Il n'a donc jamais vécu
sous le même toit que son fils, qui est placé sous l'autori-
té et la garde de la mère. Il s'est complètement désintéres-
sé de son fils jusqu'à ce qu'il le reconnaisse. Par conven-
tion du 13 juin 1994, le recourant s'est toutefois engagé à
contribuer à l'entretien de son fils, obligation qu'il res-
pecte. Ce n'est que plusieurs mois après la naissance de son
fils qu'il s'est manifesté en lui rendant visite pour la
première fois.

A partir de septembre 1995, l'autorité tutélaire compé-
tente a accordé au recourant un droit de visite surveillé -
relativement limité - en l'autorisant à ne voir son fils
qu'une fois par mois, vu les mauvaises relations entre les
parents. Il était prévu d'octroyer un droit de visite plus
large, dès que les relations entre les parents se seraient
normalisées. Il ressort de la décision attaquée qu'entre
1994 et octobre 1998, le recourant n'a exercé son droit de
visite sur son fils que sporadiquement, soit moins d'une
vingtaine de fois. Le recourant fait valoir que l'exercice
de son droit de visite sur son enfant a été entravé par la
mère, avec laquelle il entretient des rapports conflictuels.
Il affirme qu'il n'a pas pu rendre visite à son fils aussi
souvent qu'il l'aurait souhaité, par la faute de la mère.
Certes, il ressort du dossier que la mère a au moins une
fois empêché le père d'exercer son droit de visite sur l'en-
fant en ne se présentant pas avec celui-ci le jour prévu.
Mais le fait est que, dès octobre 1998, le recourant n'a
plus exercé son droit de visite. On ignore les raisons pré-
cises pour lesquelles le recourant n'a plus eu de contacts
avec son fils dès cette date. D'après le recourant, il se
serait rendu au domicile de l'enfant même après octobre
1998, mais il aurait toujours trouvé porte close, ce qui
n'est pas contesté par l'autorité intimée.

Dans ces conditions, on ne saurait certes qualifier
d'étroites les relations qu'entretient le recourant avec son
fils. Force est toutefois de reconnaître que le recourant
n'a pas vraiment eu la possibilité de tisser des liens fami-
liaux forts avec son fils. Quoi qu'il en soit, il semble que
le recourant se soit efforcé de maintenir des contacts di-
rects avec son fils, même après octobre 1998.

Il a en tout cas activement réagi lorsque, par décision
du 1er juillet 1999, l'autorité tutélaire compétente lui a
retiré le droit de visite à l'égard de son fils pour une du-
rée indéterminée: il a en effet recouru le 2 août 1999 con-

tre cette décision et sollicité, en vain, le rétablissement
de son droit de visite au titre de mesures provisionnelles.
Contrairement à ce qui ressort de la décision attaquée -
dont les constatations de fait peuvent être revues d'office
par le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 OJ) -, la procédure
de recours sur le fond est toujours pendante. En l'occurren-
ce, la question est de savoir si les autorités fédérales en
cause étaient ou non fondées, au regard de l'art. 8 CEDH, à
refuser au recourant l'autorisation de demeurer en Suisse,
l'empêchant ainsi de participer à la procédure judiciaire
portant sur le droit de visite et, le cas échéant, de re-
nouer des relations avec son fils, voire de développer une
vie familiale en Suisse.

b) Dans une affaire assez semblable au cas d'espèce, la
Cour européenne des droits de l'homme a jugé que la mesure
d'expulsion prononcée par les autorités des Pays-Bas à l'en-
contre d'un travailleur turc, divorcé, dont l'enfant était
placé sous la garde de la mère résidant aux Pays-Bas appa-
raissait comme disproportionnée, quand bien même le père
n'avait pas toujours eu des contacts fréquents avec son
fils. La Cour a pris en considération le fait que le père
avait introduit une procédure relative au droit de visite à
l'égard de son fils et que cette procédure était toujours

pendante au moment où l'expulsion a été exécutée. Selon la
Cour, les autorités nationales avaient préjugé de l'issue de
la procédure relative aux droit de visite en ayant ordonné
le renvoi de l'intéressé; elles avaient dès lors privé le
père de participer à une telle procédure, alors que sa pré-
sence était essentielle. Il a été rappelé que l'art. 8 CEDH
tendait pour l'essentiel à prémunir l'individu contre des
ingérences arbitraires des pouvoirs publics; l'Etat était
tenu de respecter les obligations positives et négatives
inhérentes à l'art. 8 CEDH: là où l'existence d'un lien fa-
milial se trouvait établie, l'Etat devait agir de manière à
permettre à ce lien de se développer. En conclusion, la Cour
a considéré que, bien que prévue par la loi et poursuivant
un but légitime, le renvoi de l'intéressé constituait une
ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie fa-
miliale qui n'était pas, dans une société démocratique, né-
cessaire au bien-être économique du pays, d'autant que l'in-
téressé n'a jamais commis d'infractions pénales (arrêt de la
Cour européenne des droits de l'homme dans la cause Ciliz c.
Pays-Bas du 11 juillet 2000, non encore publié au Recueil
des arrêts et décisions 2000-IX. Cet arrêt a été partielle-
ment reproduit in Asyl 3/00 p. 41 s. et commenté par Martina
Caroni, p. 42). Il faut donc accorder une protection juridi-
que rendant possible dès la naissance l'intégration de l'en-
fant dans sa famille. Même lorsque la relation entre les pa-
rents s'est rompue, le fait d'être ensemble représente pour
un parent et son enfant un élément fondamental de la vie fa-
miliale (cf. arrêt de la CourEDH dans la cause Keegan c.
Irlande du 26 mai 1994, Série A, vol. 290, par. 49/50).

c) En l'occurrence, le recourant ne saurait se préva-
loir de relations étroites avec son fils. Il n'est toutefois
pas entièrement responsable de cette situation: il n'a en
effet pas eu la possibilité de développer ses liens fami-
liaux avec son enfant du fait du manque de coopération de la
mère de celui-ci, puis du retrait du droit de visite. Or, en

vertu de la jurisprudence précitée de la Cour européenne des
droits de l'homme, le recourant doit être autorisé à atten-
dre en Suisse au moins l'issue définitive de la procédure
concernant l'exercice de son droit de visite. C'est le seul
moyen d'assurer la coordination entre les autorités de poli-
ce des étrangers et le juge civil chargé de statuer sur le
droit de visite, coordination qui n'est pas (bien) réglée en
Suisse (cf. Caroni, ibidem). En effet, le refus de prolonger
l'autorisation de séjour du recourant et le renvoi qui en
résulte préjuge de l'issue de la procédure sur l'exercice du
droit de visite, en violation de l'art. 8 CEDH. Compte tenu
de la distance séparant le Maroc et la Suisse et des frais
de déplacement, on ne saurait en effet exiger du recourant
qu'il revienne en Suisse, dans le cadre de séjours touristi-
ques, dans le but de participer au procès et ainsi de défen-
dre ses droits.

De même, pour le cas où il obtiendrait gain de cause
dans ladite procédure et se verrait donc restituer le droit
de visite, le recourant devrait être autorisé à résider en
Suisse pour lui permettre de renouer, voire de développer
les liens avec son fils, car la possibilité pour le recou-
rant d'exercer depuis son pays d'origine son droit de visite
sur son enfant résidant en Suisse est plutôt théorique. Bien
entendu, les autorités de police des étrangers compétentes
restent libres de refuser ultérieurement la prolongation de
l'autorisation de séjour dans l'hypothèse où le recourant -
si tant est qu'il recouvre son droit de visite - ne parvien-
drait pas, par sa faute, à instaurer des relations effecti-
ves et étroites avec son fils.

d) La décision attaquée doit être annulée pour viola-
tion de l'art. 8 CEDH. La mesure incriminée constitue en ef-
fet une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la
vie familiale du recourant qui n'est pas, dans une société
démocratique, nécessaire au bien-être économique du pays. La

décision attaquée apparaît d'autant plus disproportionnée au
but poursuivi que le recourant réside et travaille en Suisse
depuis une dizaine d'années à l'entière satisfaction de son
employeur et qu'il n'a jamais subi de condamnations pénales
ni n'a fait l'objet de plaintes. En résumé, compte tenu des
circonstances, l'intérêt privé du recourant à rester en
Suisse où réside son fils (sans compter l'intérêt de celui-
ci à recevoir une contribution financière de son père) doit
l'emporter sur l'intérêt public légitime à la limitation de
la population étrangère.

e) Vu l'issue du présent litige, il apparaît superflu
d'examiner les autres griefs d'ordre formel soulevés par le
recourant
4.- (manque dans l'original)
5.- Bien fondé, le présent recours doit être admis, la
décision entreprise annulée et la cause renvoyée à l'Office
fédéral des étrangers, l'autorité qui a statué en première
instance, pour nouvelle décision dans le sens des considé-
rants (art. 114 al. 2 OJ). Aucun intérêt pécuniaire n'étant
en cause, la Confédération n'a pas à supporter les frais ju-
diciaires (art. 156 al. 2 OJ). En revanche, elle devra ver-
ser au recourant, représenté par un mandataire profession-
nel, une indemnité à titre de dépens pour la procédure de-
vant le Tribunal fédéral et devant le Département fédéral de
justice et police (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1.- a) Admet le recours et annule la décision du Dépar-
tement fédéral de justice et police du 20 juillet 2000.

b) Renvoie la cause à l'Office fédéral des étrangers
pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

2.- Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.- Dit que la Confédération versera au recourant une
indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens pour la procédure
devant le Tribunal fédéral et devant le Département fédéral
de justice et police.

4.- Communique le présent arrêt en copie au mandataire
du recourant, à l'Office fédéral des étrangers et au Dépar-
tement fédéral de justice et police.

Lausanne, le 9 février 2001
LGE/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Juge présidant,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.428/2000
Date de la décision : 09/02/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-09;2a.428.2000 ?
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