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08/02/2001 | SUISSE | N°1P.738/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 février 2001, 1P.738/2000


«/2»
1P.738/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

8 février 2001

Composition de la Cour: MM. les juges Aemisegger, président,
vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme la juge
suppléante Pont Veuthey. Greffier: M. Thélin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon,
à Thônex, représenté par Me Nicolas Jeandin, avocat à Genè-
ve,

contre

l'ordonnance rendue le 26 octobre 2000 par la Chambre d'ac-
cusation du canton de Genève, dans la cause qui oppose le
recour...

«/2»
1P.738/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

8 février 2001

Composition de la Cour: MM. les juges Aemisegger, président,
vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme la juge
suppléante Pont Veuthey. Greffier: M. Thélin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon,
à Thônex, représenté par Me Nicolas Jeandin, avocat à Genè-
ve,

contre

l'ordonnance rendue le 26 octobre 2000 par la Chambre d'ac-
cusation du canton de Genève, dans la cause qui oppose le
recourant à B.________ et dame C.________, tous deux re-
présentés par Me Olivier Boillat, avocat à Genève, à dame
D.________, dame E.________ et dame F.________, toutes trois
représentées par Me Daniel Vouilloz, avocat à Genève, et au
Procureur général du canton de G e n è v e;

(exécution anticipée d'une mesure d'éducation au travail)

Considérant en fait et en droit:

1.- Le 5 juillet 1999, A.________ a tiré plusieurs
balles de pistolet sur G.________, qui était le mari de son
amie, et dont cette dernière était séparée; les blessures
subies par la victime ont entraîné sa mort. Depuis le même
jour, A.________ est inculpé de meurtre et maintenu en dé-
tention préventive par les autorités judiciaires genevoises.
Il était alors âgé de vingt-trois ans.

Selon un rapport d'expertise psychiatrique daté du 19
avril 2000, l'inculpé se trouvait dans un état de trouble
anxieux aigu lié à sa situation relationnelle particulière
avec la victime et, par ailleurs, à une personnalité de ca-
ractère dépendant ou infantile, caractère assimilable à un
développement mental incomplet. Au moment de l'acte, l'in-
culpé était affecté de troubles dissociatifs atteignant sa
compréhension de la situation, son jugement et son équilibre
de conscience; il possédait la faculté d'apprécier le ca-
ractère illicite de l'acte, mais pas celle de se déterminer
d'après cette appréciation, de sorte qu'il agissait en état
de responsabilité restreinte. En rapport avec les mesures
prévues par l'art. 43 CP, l'expert préconise un traitement
psychiatrique et psychothérapeutique de longue durée, d'ail-
leurs déjà commencé, que l'inculpé pourrait suivre de façon
ambulatoire; l'hospitalisation ou l'internement n'est jugé
nécessaire que dans d'éventuelles périodes de décompensation
psychique.

En rapport avec l'art. 100bis CP, les conclusions de
l'expertise indiquent seulement que "l'inculpé est apte à
être éduqué au travail", et que l'acte est lié à son déve-
loppement caractériel perturbé, mais pas à un état d'aban-
don, d'inconduite ni de fainéantise; le document ne contient
aucun développement au sujet d'une éventuelle mesure d'édu-

cation au travail. L'anamnèse révèle que l'inculpé a accom-
pli une scolarité normale, puis un apprentissage de gestion-
naire de vente, et qu'il a ensuite travaillé dans divers em-
plois.

2.- A.________ a requis le Juge d'instruction d'ordon-
ner son placement provisoire à la Maison d'éducation au tra-
vail de Pramont, à Granges dans le canton du Valais. Inter-
pellés, le Ministère public et les parties civiles se sont
opposés à cette demande; le Juge d'instruction l'a rejetée
par décision du 9 août 2000. Il a retenu que l'inculpé béné-
ficiait déjà d'une formation professionnelle complète, qu'il
travaillait en prison et y recevait le suivi thérapeutique
nécessaire, et que le régime de la Maison de Pramont ne pré-
sentait pas de garanties suffisantes du point de vue du ris-
que de fuite, compte tenu que l'inculpé pourrait être tenté
de retourner au Portugal, son pays d'origine, afin de se
soustraire à la poursuite pénale.

L'inculpé a recouru à la Chambre d'accusation du canton
de Genève; il faisait valoir, notamment, que les événements
vécus sur le plan privé, peu avant les faits, l'avaient
stressé et perturbé, de sorte qu'il était devenu inapte au
travail. La juridiction saisie a rejeté le recours au motif
que l'art. 100 al. 2 CP, à la différence de l'art. 90 CP
concernant les adolescents, ne prévoit pas le placement en
observation à titre de mesure d'instruction; qu'au contrai-
re, le droit fédéral exclut le placement en maison d'éduca-
tion au travail avant le jugement, car cette mesure aurait
pour effet de restreindre la liberté d'appréciation du juge;
enfin, que l'art. 16 du concordat sur l'exécution des peines
et mesures [...] dans les cantons romands et du Tessin ("Des
détenus en détention préventive auxquels l'article 100bis CP
paraît applicable peuvent être placés par le magistrat com-
pétent, aux fins d'observation, dans la Maison d'éducation

au travail de Pramont"; RS 343.3) doit être interprété con-
formément au droit fédéral, et qu'il ne permet donc pas non
plus un tel placement avant le stade du jugement.

3.- Agissant par la voie du recours de droit public,
A.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'ordon-
nance de la Chambre d'accusation rendue le 26 octobre 2000.
Il se plaint de violation de l'art. 16 du concordat précité
et d'application arbitraire de l'art. 100 al. 2 CP.

Le Ministère public, les parties civiles et la Chambre
d'accusation ont été invités à répondre au recours; ils ont
renoncé à déposer des observations ou déclaré s'en rapporter
à justice.

4.- Le prononcé attaqué ne fait pas partie des actes
énumérés à l'art. 268 PPF, susceptibles d'être déférés à la
Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral par la voie du
pourvoi en nullité. Le recours de droit public est donc re-
cevable au regard de l'art. 84 al. 2 OJ.

Aux termes de l'art. 87 al. 2 OJ, ce moyen de droit
n'est recevable contre des décisions incidentes prises sépa-
rément de la décision finale, hormis les décisions concer-
nant la compétence ou la récusation, que s'il peut en résul-
ter un dommage irréparable.

Les décisions ayant pour objet de refuser l'administra-
tion de preuves, au stade de l'instruction, ne mettent pas
fin à l'instance pénale; elles n'en constituent au contraire
qu'une simple étape (ATF 123 I 325 consid. 3b p. 327; 122 I
39 consid. 1a/aa p. 41; 120 Ia 369 consid. 1b p. 372). Par
ailleurs, elles ne causent aucun préjudice irréparable car
elles peuvent encore faire l'objet d'un recours, le cas
échéant, dirigé contre le jugement final (cf. art. 87 al. 3
OJ; ATF 122 I 37 consid. 1a/aa p. 42; 117 Ia 247 consid. 3

p. 249, 396 consid. 1 p. 398; 115 Ia 311 consid. 2c p. 314).
En l'espèce, si le recourant est finalement condamné à une
peine et que la mesure prévue par l'art. 100bis CP lui est
donc refusée, il pourra contester le jugement en faisant va-
loir, s'il croit cette argumentation fondée, qu'il aurait dû
être préalablement placé en observation. Le recours est donc
irrecevable dans la mesure où le placement en maison d'édu-
cation au travail est demandé à titre de mesure probatoire.

5.- La détention préventive est une restriction de la
liberté personnelle garantie par l'art. 10 al. 2 Cst., et
doit donc être exécutée conformément au principe de la pro-
portionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). Par conséquent, on ne
saurait exclure d'emblée que le prévenu incarcéré ait éven-
tuellement le droit d'obtenir l'exécution anticipée d'une
mesure prévue par le code pénal, telle que le placement en
maison d'éducation au travail, s'il apparaît suffisamment
vraisemblable que cette mesure lui soit applicable: selon
les circonstances, ce placement pourrait être moins préju-
diciable que la détention préventive ordinaire (cf. arrêt du
23 novembre 1993 dans la cause P.). De ce point de vue, la
décision prise en l'espèce par le Juge d'instruction portait
non seulement sur l'administration d'une preuve dans le pro-
cès pénal, mais aussi sur une modalité de la détention pré-
ventive. Le recourant ne présente cependant aucune argumen-
tation fondée sur la garantie de la liberté personnelle et
répondant aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ; il
n'est donc pas nécessaire d'examiner si l'art. 100bis CP
lui semble applicable, ni si, conformément à l'opinion de
la Chambre d'accusation, cette disposition de droit fédéral
exclut un placement en maison d'éducation au travail déjà
avant le jugement, tel qu'envisagé par l'art. 16 du concor-
dat applicable.

6.- Selon l'art. 152 OJ, le Tribunal fédéral peut ac-
corder l'assistance judiciaire à une partie à condition que

celle-ci soit dans le besoin et que ses conclusions ne pa-
raissent pas d'emblée vouées à l'échec. Il est constant que
le recourant, actuellement détenu, est dépourvu de ressour-
ces; en revanche, la procédure entreprise devant le Tribunal
fédéral ne présentait pas suffisamment de chances de succès.
La demande d'assistance judiciaire doit dès lors être reje-
tée.

Le recourant, qui succombe, doit s'acquitter de l'émo-
lument judiciaire. Les parties civiles, intimées, n'ont pas
déposé de mémoires, de sorte qu'il n'y a pas lieu de leur
allouer des dépens.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Déclare le recours irrecevable.

2. Rejette la demande d'assistance judiciaire.

3. Met un émolument judiciaire de 1'000 fr. à la charge
du recourant.

4. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

5. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties, au Procureur général et à la Chambre d'accusa-
tion du canton de Genève.

Lausanne, le 8 février 2001
THE/mnv
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.738/2000
Date de la décision : 08/02/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-08;1p.738.2000 ?
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