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07/02/2001 | SUISSE | N°1P.774/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 février 2001, 1P.774/2000


«/2»

1P.774/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

7 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Catenazzi et Favre.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

P.________, représenté par Me Jean-Patrick Gigandet, avocat
à
Saignelégier,

contre

l'ordonnance rendue le 6 novembre 2000 par le Président I du
Tribun

al du district de Delémont;

(art. 29 al. 3 Cst.; droit à un défenseur d'office)

Vu les pièces du dossier d'où ressorten...

«/2»

1P.774/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

7 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Catenazzi et Favre.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

P.________, représenté par Me Jean-Patrick Gigandet, avocat
à
Saignelégier,

contre

l'ordonnance rendue le 6 novembre 2000 par le Président I du
Tribunal du district de Delémont;

(art. 29 al. 3 Cst.; droit à un défenseur d'office)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 30 janvier 1998, le Président I
du Tribunal du district de Delémont a notamment condamné
P.________ à trois mois d'emprisonnement pour injures,
menaces, discrimination raciale, trouble de la tranquillité
du voisinage, dommages à la propriété, exhibitionnisme, lé-
sions corporelles simples et conduite inconvenante; il a sus-
pendu l'exécution de la peine au profit d'un internement
dans
un établissement approprié en application de l'art. 43 ch. 1
al. 2 CP.

Les recours formés par le condamné contre ce juge-
ment auprès de la Cour pénale du Tribunal cantonal
jurassien,
puis du Tribunal fédéral ont été rejetés les 7 avril 1998 et
2 juillet 1998. P.________ subit actuellement sa mesure d'in-
ternement dans les prisons du district de Delémont.

B.- Par ordonnance du 16 août 2000, le Président I
du Tribunal du district de Delémont a condamné P.________ à
une peine de quinze jours d'emprisonnement pour mise en dan-
ger de développement de mineurs, actes d'ordre sexuel avec
des enfants et exhibitionnisme. Selon le rapport de la
police
cantonale jurassienne sur lequel se fonde cette décision,
l'accusé se serait exhibé à la vue d'un groupe de jeunes fil-
les le samedi 20 mai 2000, vers 19h30, alors qu'il bénéfi-
ciait d'un congé.

P.________ a formé opposition à cette ordonnance le
30 août 2000, en contestant être l'auteur de l'infraction.
Il
a sollicité la nomination d'un défenseur d'office.

Par ordonnance du 6 novembre 2000, le Président I du
Tribunal du district de Delémont a refusé de faire droit à

cette requête après avoir considéré qu'il s'agissait d'une
cause ne présentant aucune difficulté tant sur le plan des
faits que sur le plan du droit, que le prévenu était en me-
sure de se défendre seul de manière efficace et que les be-
soins de la défense n'exigeaient pas la désignation d'un avo-
cat d'office.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
P.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette ordon-
nance. Il se plaint d'une interprétation arbitraire de
l'art.
45 al. 1 ch. 3 let. b du Code de procédure pénale jurassien
(CPP jur.) en ce sens que le magistrat intimé aurait considé-
ré à tort que cette disposition subordonnait l'octroi d'un
défenseur d'office à la condition que le prévenu s'expose à
une peine privative de liberté d'une certaine durée. A titre
subsidiaire, il prétend que le refus de lui désigner un avo-
cat d'office violerait l'art. 29 al. 3 Cst. au regard de la
gravité des infractions qui lui sont reprochées, des ques-
tions de fait et de droit à élucider et de l'incidence d'une
éventuelle condamnation pénale sur une éventuelle libération
à l'essai. Il requiert l'assistance judiciaire.

Le Président I du Tribunal du district de Delémont
se réfère aux motifs de sa décision.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Déposé en temps utile contre une décision inci-
dente prise en dernière instance cantonale, qui touche le re-
courant dans ses intérêts juridiquement protégés et qui est
susceptible de lui causer un préjudice irréparable (cf. ATF
125 I 161 consid. 1 p. 162; 123 I 275 consid. 1f p. 278 et
les arrêts cités), le recours est recevable au regard des
art. 84 ss OJ.

2.- P.________ se plaint à la fois d'une application
arbitraire des dispositions du droit cantonal sur l'assis-
tance juridique et de la violation des garanties minimales
découlant directement de l'art. 29 al. 3 Cst.

a) Le principe, l'étendue et les limites du droit à
l'assistance judiciaire gratuite sont déterminés en premier
lieu par les prescriptions du droit cantonal de procédure,
dont le Tribunal fédéral ne revoit l'application et l'inter-
prétation que sous l'angle restreint de l'arbitraire. Dans
tous les cas cependant, l'autorité cantonale doit respecter
les garanties minimales déduites de l'art. 29 al. 3 Cst.,
dont le Tribunal fédéral vérifie librement si elles ont été
observées (ATF 126 I 165 consid. 3; 124 I 1 consid. 2 p. 2,
304 consid. 2c p. 306).

b) Le recourant prétend que l'art. 45 al. 1 ch. 3
let. b CPP jur. lui accorderait une protection plus étendue
que celle offerte par le droit constitutionnel fédéral en
tant qu'il prévoit l'octroi d'un défenseur d'office au pré-
venu qui s'expose à une peine privative de liberté, sans
égard à la durée de celle-ci.

Selon cette disposition, la défense est obligatoire
aux débats devant le président du tribunal lorsqu'un crime
ou
un délit fait l'objet de la procédure et que des circonstan-
ces spéciales le justifient, comme l'importance de la cause
ou la complexité des questions de fait ou de droit, en parti-
culier lorsque peuvent être envisagées des peines ou mesures
privatives de liberté.

L'assistance obligatoire d'un défenseur d'office en
matière pénale est ainsi soumise en droit cantonal jurassien
à la double condition que la procédure concerne un crime ou
un délit, ce qui est le cas en l'espèce des infractions re-
prochées au recourant, et que des circonstances spéciales,

telles que l'importance de la cause ou les difficultés des
questions soulevées en fait et en droit, font apparaître
cette mesure comme nécessaire. Cette dernière condition est
notamment réalisée lorsqu'une peine ou une mesure privative
de liberté est envisageable. Le texte légal est donc clair
et
impose la défense obligatoire d'office lorsqu'une peine d'em-
prisonnement ou de réclusion est envisageable, quelle que
soit sa durée.

La jurisprudence admet que l'autorité puisse s'écar-
ter d'un texte clair s'il existe des motifs sérieux de
penser
que celui-ci ne correspond pas en tous points au sens vérita-
ble de la disposition visée et conduit à des résultats que
le
législateur ne peut avoir voulus et qui heurtent le
sentiment
de la justice ou le principe de l'égalité de traitement. De
tels motifs peuvent résulter des travaux préparatoires, du
fondement et du but de la prescription en cause, ainsi que
de
sa relation avec d'autres dispositions (ATF 126 II 71
consid.
6d p. 80; 126 III 49 consid. 2a p. 54, 101 consid. 2c p.
104;
125 II 113 consid. 3a p. 117, 238 consid. 5a p. 244 et les
arrêts cités).

Les travaux préparatoires n'apportent aucune indica-
tion utile sur les raisons qui ont amené le législateur can-
tonal à imposer la désignation d'un défenseur d'office égale-
ment dans les cas où une peine privative de liberté est envi-
sageable, alors que sous l'empire du Code de procédure
pénale
jurassien du 9 novembre 1978 (aCPP jur.), seules les mesures
privatives de liberté - par quoi l'on entendait les mesures
de sûreté prévues aux art. 42 à 44 CP - justifiaient la dé-
fense obligatoire (cf. art. 36 ch. 3 let. b aCPP jur.;
Gérard
Piquerez, Traité de procédure pénale bernoise et
jurassienne,
n. 241, p. 185; voir aussi, s'agissant de l'art. 41 ch. 3
let. c du Code de procédure pénale du canton de Berne du 20
mai 1928, dont la teneur était identique à celle de l'art.
36
ch. 3 let. b aCPP jur., Peter Staub, Kommentar zum Strafver-

fahren des Kantons Bern, n. 14 ad art. 39-45, p. 109, Fritz
Falb, Das bernische Strafverfahren, 3ème éd. Berne 1975, p.
146, et l'ATF 106 Ia 179 consid. 2a p. 183). Il importe peu,
à cet égard, qu'en application de l'art. 29 al. 3 Cst., la
nomination d'un défenseur d'office en matière pénale ne s'im-
pose pas dans les cas de peu de gravité, qui ne soulèvent
pas
des questions de fait ou de droit complexes, dans la mesure
où les cantons sont libres de prévoir dans ce domaine un au-
tre régime plus favorable au prévenu (cf. notamment, l'art.
28 al. 3 de la loi valaisanne sur la profession d'avocat et
l'assistance judiciaire et administrative et l'art. 4 al. 1
de la loi neuchâteloise sur l'assistance judiciaire et admi-
nistrative). Le magistrat intimé ne saurait faire prévaloir
cette interprétation sur le texte clair de l'art. 45 al. 1
ch. 3 CPP jur. en l'absence de raison objective permettant
d'admettre que celui-ci ne refléterait pas la volonté réelle
du législateur.

Pour le surplus, il est très vraisemblable qu'au vu
de ses antécédents, le recourant s'expose à une peine ferme
d'emprisonnement à raison des faits qui lui sont reprochés.
Dans ces conditions, le Président I du Tribunal du district
de Delémont a violé le droit cantonal en refusant de lui dé-
signer un défenseur d'office, sans qu'il y ait lieu de véri-
fier si cette mesure s'imposait également au regard de la ju-
risprudence rendue en application de l'art. 29 al. 3 Cst.

3.- Le recours doit par conséquent être admis, ce
qui rend sans objet la demande d'assistance judiciaire. Con-
formément à l'art. 156 al. 2 OJ, le canton du Jura est dis-
pensé des frais judiciaires; il versera en revanche au recou-
rant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avo-
cat, une indemnité de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours;

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire;

3. Alloue une indemnité de 1'000 fr. au recourant à
titre de dépens, à la charge du canton du Jura;

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant et au Président I du Tribunal du district
de Delémont.

Lausanne, le 7 février 2001
PMN/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.774/2000
Date de la décision : 07/02/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-07;1p.774.2000 ?
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