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07/02/2001 | SUISSE | N°1A.304/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 février 2001, 1A.304/2000


«/2»

1A.304/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

7 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur la demande de révision
formée par

A.________ et K.________, actuellement détenus à la prison
de
Tihar, New Delhi (Inde), représentés par Me Tapan Sangal,
avocat à New Delhi, ainsi que sur la demande de révision> formée par Me Ralph Oswald Isenegger, avocat à Genève, au
nom
de A.________,

contre

les arrêts rendus le 1...

«/2»

1A.304/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

7 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur la demande de révision
formée par

A.________ et K.________, actuellement détenus à la prison
de
Tihar, New Delhi (Inde), représentés par Me Tapan Sangal,
avocat à New Delhi, ainsi que sur la demande de révision
formée par Me Ralph Oswald Isenegger, avocat à Genève, au
nom
de A.________,

contre

les arrêts rendus le 16 septembre 1997 par la Ie Cour de
droit public du Tribunal fédéral, dans la cause opposant les
requérants à l'Office fédéral de la police;

(extradition à l'Inde;
respect des conditions posées par la Suisse)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par arrêt du 16 septembre 1997, le Tribunal fé-
déral a rejeté un recours de droit administratif formé par
A.________, ressortissant turc dont l'extradition à l'Inde
avait été accordé par l'Office fédéral de la police. Le
Tribunal fédéral a notamment considéré qu'en dépit des
critiques du recourant quant au respect des droits de
l'homme
dans l'Etat requérant, s'agissant notamment des conditions
d'incarcération, ce dernier avait fourni des garanties suf-
fisantes sur les points suivants: respect des garanties de
procédure fixées dans le Pacte ONU II; respect des art. 26
et
7 du Pacte ONU II; interdiction de frapper le recourant du-
rant sa détention; respect du principe de la spécialité;
droit d'information et de visite accordé à la Représentation
suisse, ainsi qu'aux avocats de l'extradé; conditions de dé-
tention conformes au Pacte ONU II, notamment son art. 10. Il
n'y avait pas lieu de craindre que ces garanties ne soient
pas respectées.

Par arrêt du même jour, le Tribunal fédéral a égale-
ment confirmé, aux mêmes conditions, l'extradition de
K.________.

B.- Par acte du 7 juillet 2000, A.________ et
K.________ ont demandé la révision des arrêts précités, en
demandant au Tribunal fédéral de constater que la République
de l'Inde ne respectait pas les conditions posées à leur
extradition, et d'ordonner leur rapatriement immédiat.

Cette demande a été déclarée irrecevable par arrêt
du 18 août 2000, les requérants n'ayant pas fourni l'avance
des frais judiciaires dans le délai imparti.

C.- Le 17 novembre 2000, l'avocat Tapan Sangal, à
New Delhi, a adressé au Tribunal fédéral une demande de révi-
sion de l'arrêt du 16 septembre 1997, rédigée en anglais et
signée par A.________ et K.________. Il sollicite la
dispense
du paiement de l'avance de frais. Préalablement, il requiert
le Tribunal fédéral d'ordonner le rapatriement immédiat des
requérants, le déblocage immédiat de leurs comptes bancaires
et de ceux de leurs sociétés, et l'octroi d'une indemnité
pour les souffrances endurées. Principalement, il conclut à
l'annulation de l'arrêt du 16 décembre 1997.
Subsidiairement,
il demande la libération de 10% de l'argent saisi afin de
permettre aux requérants de s'acquitter de leurs frais
d'avocat pour la procédure en Suisse. Les requérants
reviennent sur les faits qui ont conduit à leur arrestation,
puis à leur extradition. Ils évoquent ensuite leur situation
en Inde: leurs demandes de mise en liberté sous caution ont
été rejetées en raison de leur nationalité étrangère; ils se
trouvent en prison depuis plus de quatre ans, et manipulés à
des fins politiques. S'agissant des conditions posées par la
Suisse à l'extradition, il est reproché à l'Inde de ne pas
leur avoir fourni d'interprète, d'empêcher les avocats de
leur rendre visite, d'avoir ajourné le procès de nombreuses
fois, et d'avoir soumis leur cause au juge spécialisé dans
les cas de corruption, alors que l'extradition a été refusée
pour cette infraction, ce qui pourrait provoquer des
préjugés
à leur détriment.

Le 21 novembre 2000, l'avocat genevois Ralph Oswald
Isenegger, prétendant agir au nom de A.________ et
K.________, a lui aussi requis la révision de l'arrêt du 16
septembre 1997 concernant A.________. Il estime également
que
les conditions posées par la Suisse à l'extradition ne
seraient pas respectées; les requérants pourraient être
jugés, par un juge d'exception, pour des délits de
corruption; le droit d'être jugé dans un délai raisonnable
ne
serait pas observé; le maintien en détention, pour des
motifs

ayant trait à l'inexécution d'obligations contractuelles,
violerait les art. 9 par. 3 et 11 du Pacte ONU II; les
entrevues, dans un parloir commun de la prison, ainsi que
l'absence d'un traducteur, ne permettraient pas la
préparation de la défense; les conditions de détention
seraient inhumaines, les requérants étant notamment battus.
Interpellé, l'Office fédéral de la police n'aurait pas
apporté de réponse satisfaisante, en attendant notamment
l'issue du procès pour juger d'une éventuelle violation, et
en se fondant sur des informations erronées de l'Ambassade
de
Suisse en Inde. Les requérants demandent l'assistance judi-
ciaire. Ils sollicitent des mesures d'instruction et con-
cluent à l'annulation de l'arrêt du 16 septembre 1997, et au
rapatriement immédiat de A.________.

D.- Par ordonnance du 5 décembre 2000, Me Sangal a
été invité à fournir une traduction de sa demande dans une
langue nationale, et à élire domicile en Suisse. La traduc-
tion est parvenue au Tribunal fédéral le 22 janvier 2000,
mais il n'a pas été élu domicile en Suisse. Me Sangal a en-
core produit un avis de la Cour européenne des droits de
l'homme se déclarant incompétente pour connaître d'une re-
quête dirigée contre l'Inde.

Me Isenegger a pour sa part été prié de produire une
procuration signée par K.________, car les pouvoirs produits
ne concernaient que A.________. Par lettre du 26 décembre
2000, il a répondu qu'il ne représentait pas K.________.

Il n'a pas été demandé de réponse aux demandes de
révision.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Selon l'art. 140 OJ, la demande de révision doit
indiquer, avec preuves à l'appui, le motif de révision invo-
qué, et s'il a été articulé en temps utile. Le requérant
doit
en outre exposer en quoi consistent la modification de l'ar-
rêt et la restitution demandées. En l'espèce, les demandes
soumises au Tribunal de céans posent problème au regard de
leur objet, de leur motivation, de leurs conclusions et du
délai pour agir.

a) Me Sangal, dont la demande est signée par les
deux requérants, ne s'en prend qu'à un arrêt du Tribunal fé-
déral, alors qu'il a été statué sur l'extradition par deux
arrêts distincts, concernant chacun des requérants. On peut
toutefois estimer qu'il s'agit à ce propos d'une inadvertan-
ce, et que la demande de révision concerne chacun de ces ar-
rêts.

La demande déposée par Me Isenegger est elle aussi
dirigée contre un seul arrêt, en l'occurrence celui qui
concerne A.________, alors qu'elle est aussi formée au nom
de
K.________. Par la suite, l'avocat a expliqué qu'il
n'agissait qu'au nom de A.________

b) La demande de Me Sangal n'indique pas quel est le
motif de révision. Il fait valoir que les autorités
indiennes
ne respecteraient pas les conditions posées dans les arrêts
du 16 septembre 1997, mais il ne précise toutefois pas s'il
en déduit que le Tribunal fédéral aurait mal apprécié les
faits importants (art. 136 let. d OJ), en présumant à tort
le
respect des conditions posées à l'extradition, ou s'il
entend
ainsi se prévaloir de faits nouveaux au sens de l'art. 137
let. b OJ. Me Isenegger n'est pas plus explicite puisqu'il
se
prévaut de l'art. 140 OJ, qui s'applique à toutes les deman-
des de révision.

Compte tenu des motifs invoqués, on ne saurait envi-
sager l'application de l'art. 136 let. d OJ. L'inadvertance
visée par cette disposition suppose que le tribunal n'a pas
apprécié correctement un fait ou une pièce figurant au dos-
sier, comme en l'espèce l'engagement fourni par les
autorités
indiennes, ou qu'il n'a pas apprécié la teneur exacte de ce
document. L'inadvertance doit donc porter sur des faits res-
sortant du dossier. Cela n'est pas prétendu en l'espèce, les
requérants se fondant exclusivement sur des faits
postérieurs
au prononcé des arrêts attaqués. Seul le motif de révision
figurant à l'art. 137 let. b OJ pourrait donc entrer en con-
sidération.

c) La procédure de révision ne constitue pas une
simple continuation de la procédure de recours devant le Tri-
bunal fédéral. Les conclusions présentées dans ce dernier ne
valent donc pas forcément pour la nouvelle décision à pren-
dre, en particulier lorsque le fait nouveau invoqué peut mo-
difier les données du cas. Il peut y avoir lieu de rétablir
la partie dans la situation qui aurait dû être la sienne
(Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judi-
ciaire, Berne 1992, vol. 5 p. 55-56 ad art. 140 OJ). Sous
cet
angle, les conclusions tendant non seulement à l'annulation
des arrêts confirmant l'extradition, mais aussi au refus de
celle-ci et au rapatriement des requérants paraissent en soi
admissibles, compte tenu du pouvoir d'examen et de décision
dont dispose le Tribunal fédéral saisi d'un recours en matiè-
re d'extradition.

Me Sangal conclut préalablement au rapatriement im-
médiat des requérants, au déblocage de comptes bancaires et
à
l'allocation de dommages-intérêts. A titre principal, il
conclut à l'annulation de l'arrêt du 16 septembre 1997 et à
l'admission des conclusions présentées dans le recours de
droit administratif qui était alors soumis au Tribunal fédé-
ral, soit essentiellement le refus de l'extradition. La de-

mande présentée par Me Isenegger va dans le même sens, et
conclut à l'administration de mesures probatoires.

Les requérants n'exposent pas ce qui, au regard de
la décision à rendre, justifierait que leur rapatriement
soit
ordonné à titre provisionnel. Les conclusions concernant
leurs comptes bancaires et l'allocation d'indemnités sont
par
ailleurs sans rapport avec la procédure relative à leurs re-
cours de droit administratif, limitée à la question de l'ex-
tradition.

d) Pour les cas prévus à l'art. 137 OJ, la demande
de révision doit être formée, sous peine de déchéance, dans
les nonante jours dès la découverte du motif de récusation,
mais au plus tôt dès la notification de l'arrêt du Tribunal
fédéral (art. 141 al. 1 let. b OJ). Cette condition n'a pas
été respectée en l'espèce. En effet, la violation, par les
autorités indiennes, des conditions dont le Tribunal fédéral
a fait dépendre l'extradition, est fondée sur des faits
connus depuis longtemps par les requérants. Ceux-ci ont no-
tamment soumis l'ensemble de leurs griefs à l'OFP dans une
lettre datée du 19 octobre 1999, et cette autorité s'est dé-
terminée le 12 avril 2000. Une première demande de révision
a
été déposée le 7 juillet 2000, et déclarée irrecevable pour
défaut de paiement de l'avance de frais. Dans ces
conditions,
le délai de nonante jours est largement dépassé, ce qui en-
traîne l'irrecevabilité des requêtes.

2.- Supposées formées en temps utile, les demandes
de révision devraient être écartées pour un autre motif.

Il apparaît que la question soulevée par les requé-
rants ne se rapporte pas aux motifs, de fait ou de droit,
ayant conduit aux arrêts du 16 septembre 1997, mais à leur
exécution. Dans ces conditions, il n'incombe pas au Tribunal
fédéral de revenir sur ses décisions, mais à la Suisse, en

tant qu'Etat requis, d'en obtenir le respect si des manque-
ments sont démontrés sur ce point. La jurisprudence
considère
en effet qu'il n'appartient pas au Tribunal fédéral, par la
voie du recours de droit administratif - et moins encore
dans
le cadre d'une demande de révision -, de décider d'une inter-
vention diplomatique, par exemple sous forme d'une protesta-
tion, lorsque les conditions mises par la Suisse à sa colla-
boration n'ont pas été respectées. Une telle intervention de
la Suisse, en tant qu'Etat requis, relève essentiellement
des
relations interétatiques auxquelles la personne extradée
n'est pas partie. L'opportunité d'une telle intervention et,
le cas échéant, ses modalités, sont des questions qui, par
leur caractère politique marqué, ne ressortissent pas au Tri-
bunal fédéral (art. 100 let. a OJ; cf. ATF 121 II 248).
Celui-ci pourrait, tout au plus, être amené à refuser à
l'avenir la coopération avec un Etat, s'il apparaît que ce
dernier n'est pas à même de respecter ses engagements vis-à-
vis de la Suisse.

C'est dès lors avec raison que les requérants se
sont adressés, dans un premier temps, à l'OFP, pour tenter
d'obtenir une intervention diplomatique. Le fait que cette
autorité n'a pas jugé nécessaire d'intervenir ne saurait ou-
vrir la voie à la révision.

3.- Sur le vu de ce qui précède, les demandes de ré-
vision sont irrecevables. Les considérations développées
plus
haut font apparaître que les conclusions présentées étaient
d'emblée vouées à l'échec, de sorte que l'assistance judi-
ciaire ne peut être accordée. Il peut toutefois, à titre ex-
ceptionnel, être renoncé à la perception de l'émolument judi-
ciaire. Le présent arrêt est notifié à Me Isenegger, ainsi
qu'à Me Sangal, quand bien même ce dernier n'a pas élu de do-
micile en Suisse.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Déclare irrecevables les demandes de révision.

2. Rejette la demande d'assistance judiciaire.

3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.


4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des recourants et à l'Office fédéral de la justice.

Lausanne, le 7 février 2001
KUR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.304/2000
Date de la décision : 07/02/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-07;1a.304.2000 ?
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