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06/02/2001 | SUISSE | N°4C.226/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 février 2001, 4C.226/2000


«/2»

4C.226/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

6 février 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
et Pagan, juge suppléant. Greffière: Mme de Montmollin
Hermann.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

la Fondation X.________, demanderesse et recourante princi-
pale, représentée par Me Philippe Conod, avocat à Lausanne,

et

les époux A.________, défendeurs et recourants par voie de
jonction, tous de

ux représentés par Me Jean-Luc Colombini,
avocat à Lausanne;

(contrat de bail; prolongation de bail; épuisement des voies
...

«/2»

4C.226/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

6 février 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
et Pagan, juge suppléant. Greffière: Mme de Montmollin
Hermann.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

la Fondation X.________, demanderesse et recourante princi-
pale, représentée par Me Philippe Conod, avocat à Lausanne,

et

les époux A.________, défendeurs et recourants par voie de
jonction, tous deux représentés par Me Jean-Luc Colombini,
avocat à Lausanne;

(contrat de bail; prolongation de bail; épuisement des voies
de recours cantonales)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Selon contrat du 25 avril 1995 pour habita-
tion subventionnée, la Fondation X.________ a loué aux époux
A.________ un appartement de quatre pièces, pour la période
allant du 1er juin 1995 au 30 juin 1996. Ce bail était renou-
velable aux mêmes conditions pour une année, sauf
résiliation
donnée par l'une des parties contractantes et reçue par l'au-
tre au moins trois mois à l'avance pour la prochaine
échéance
(sauf pour le 1er janvier) et ainsi de suite de 3 mois en 3
mois. Le loyer, charges comprises, était de 1057 fr. par
mois.

L'art. 7 lettre d du contrat prévoyait que le loca-
taire s'engageait à ne pas héberger de chiens, la présence
de
ceux-ci étant interdite dans l'immeuble.

Cette clause contractuelle figurait également sur
la formule de demande de logement que la fondation avait
fait
signer aux locataires avant la conclusion du contrat.

Les dispositions générales du contrat indiquaient
que l'inobservation du contrat autorisait le propriétaire et
le locataire à résilier le bail dans les 30 jours après la
mise en demeure.

b) Ayant appris que les époux A.________ étaient en
possession d'un chien, la Société Y.________, gérante de
l'immeuble, a rappelé aux locataires, par courrier du 4 mars
1999, l'interdiction prévue par l'art. 7 let. d du bail.

Le 16 mars 1999, les locataires ont fait valoir que
le contrat de bail impliquait la cession de l'usage de la
chose louée et que la détention d'un animal domestique procé-

dait d'un usage normal des locaux. Les époux A.________ af-
firmaient avoir tous les égards voulus envers les voisins
qui
n'étaient pas gênés par la présence de leur chien; ils assu-
raient qu'ils veillaient soigneusement à ce que ce dernier
ne
provoque ni dégâts ni salissures à l'immeuble ou à ses
abords.

Le 23 mars 1999, la gérance a imparti aux locatai-
res, avec menace de résiliation du bail en cas
d'inexécution,
un délai au 9 avril 1999 pour qu'ils se séparent de leur
chien.

Les époux A.________ n'ont pas donné suite à cette
mise en demeure. La gérante a, par lettre du 15 avril 1999
et
au moyen de la formule officielle, résilié le bail pour le
1er juin 1999.

B.- Le 27 avril 1999, les locataires ont saisi la
Commission de conciliation en matière de baux à loyer du dis-
trict de Lausanne, concluant à l'annulation du congé pour
violation des règles de la bonne foi.

Le 20 juillet 1999, cette autorité a constaté
l'échec de la conciliation et a annulé la résiliation du 15
avril 1999 en application de l'art. 271a al. 1 let. f CO.

C.- Le 10 août 1999, la Fondation X.________ a
adressé au Tribunal des baux une requête tendant à ce que la
résiliation soit considérée comme valable.

Entendu le 8 octobre 1999, sieur A.________ a ex-
pliqué être horticulteur pour le compte de la Ville de Lau-
sanne et réaliser un salaire mensuel de 5500 fr., son épouse
n'assumant aucune activité lucrative. Leur fils aîné rencon-
trait des problèmes d'intégration laissant les locataires
perplexes quant aux conséquences d'un nouveau déménagement
ou

d'une séparation d'avec leur chien. Les locataires ont donc
repris leurs conclusions en annulation de congé.

Par jugement du 8 octobre 1999, le Tribunal des
baux a prolongé une première fois pour une durée de deux ans
arrivant à échéance le 30 septembre 2001 le bail à loyer du
25 avril 1995. Les premiers juges ont estimé que, les condi-
tions de l'art. 257f al. 3 CO n'étant pas entièrement réali-
sées, la résiliation du bail avec effet immédiat était inef-
ficace, mais qu'elle devait être considérée comme un congé
ordinaire et que, compte tenu de la situation personnelle
des
locataires, il convenait d'accorder une première
prolongation
de bail de deux ans.

D.- Saisie par la Fondation X.________, la Chambre
des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a
confirmé
cette décision par arrêt du 23 février 2000.

E.- La Fondation X.________ recourt au Tribunal fé-
déral. Ses conclusions tendent à la réforme de l'arrêt canto-
nal en ce sens qu'une seule et unique prolongation de bail
d'une année doit être accordée aux époux A.________ avec
échéance au 30 septembre 2000.

Les intimés concluent au rejet du recours et inter-
jettent un recours joint, concluant à la réforme de l'arrêt
du 23 février 2000 et du jugement du 8 octobre 1999 en ce
sens que la résiliation du bail doit être annulée en appli-
cation de l'art. 271 al. 1 lettre e CO.

La Fondation X.________ invite le Tribunal fédéral
à rejeter le recours joint.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et avec
pleine cogniton la recevabilité des recours dont il est sai-
si.

b) Le recours en réforme n'est en principe receva-
ble que contre des décisions finales au sens de l'art. 48
al.
1 OJ. La notion de décision finale relève du droit fédéral.
Revêt cette qualité toute décision par laquelle le juge sta-
tue sur le fond d'une prétention ou s'y refuse pour un motif
qui empêche définitivement que la même prétention soit exer-
cée à nouveau entre les mêmes parties. Un jugement est donc
final lorsqu'il statue sur le droit litigieux avec
l'autorité
de la chose jugée. Le caractère final d'une décision se dé-
termine ainsi exclusivement en fonction de l'effet de
celle-ci sur le droit déduit en justice, indépendamment de
la
procédure suivie. Que la décision ait été prise en procédure
sommaire ne fait pas obstacle au recours en réforme, pourvu
qu'elle statue définitivement sur une prétention déduite du
droit fédéral. Tel est en principe le cas si la décision a
été rendue à l'issue d'une procédure probatoire complète,
non
limitée à la vraisemblance des faits allégués et qu'elle se
fonde sur une motivation exhaustive en droit (ATF 120 II 352
consid. 1b p. 354 et les références citées).

Ainsi, le fait que l'arrêt déféré a été rendu dans
le cadre d'une procédure sommaire est sans incidence dans le
cas particulier; la cause sur le plan cantonal a fait
l'objet
d'une procédure probatoire en bonne et due forme, comportant
l'interpellation des parties, l'audition de témoins et impli-
quant la production de pièces; les décisions ont été
motivées
de manière complète en droit tant en première qu'en deuxième
instance, et leur dispositif tranche définitivement une pré-
tention fondée sur le droit fédéral. A cet égard, rien ne

fait obstacle à l'entrée en matière sur les recours des par-
ties.

En ce qui concerne le recours principal:

2.- a) Dans son mémoire au Tribunal fédéral, la de-
manderesse admet le principe d'une prolongation du bail con-
clu avec les défendeurs, mais elle reproche à l'autorité can-
tonale de ne pas avoir tenu compte du comportement de ceux-
ci; la Chambre des recours ne pouvait pas se contenter de
dire que cet élément avait certainement été pris en considé-
ration par le Tribunal des baux. Les locataires auraient,
par
leur comportement, commis une violation de leurs obligations
contractuelles, qualifiée de grave par le Tribunal des baux.
Les tribunaux vaudois auraient, en définitive, trop relativi-
sé le non-respect d'un engagement initial pris par les loca-
taires pour tenir compte uniquement de leur situation per-
sonnelle. Il y aurait là violation de l'art. 272 al. 2 CO.

Compte tenu de l'écoulement du temps, une seule
prolongation de bail d'une année pourrait être accordée aux
défendeurs.

b) Il est constant que le contrat conclu par les
parties est un bail à loyer au sens des art. 253 ss CO et
qu'il a pour objet, selon l'art. 253a al. 1 CO, un apparte-
ment servant à l'usage d'habitation.

En ce qui concerne le recours principal, le seul
point litigieux à traiter concerne la durée de la prolonga-
tion de bail accordée aux locataires. Il n'y a donc pas lieu
de revenir sur la validité du congé et sur le principe même
de la prolongation du bail conclu le 25 avril 1995.

c) Lorsqu'il est appelé à se prononcer sur une pro-
longation du bail, le juge dispose d'un large pouvoir d'ap-

préciation pour en déterminer la durée dans le cadre posé
par
la loi. Il doit tenir compte du but de la disposition, qui
est de donner du temps au locataire pour trouver une
solution
de remplacement, et procéder à une pesée des intérêts en
présence. Le juge ne transgresse pas le droit fédéral en
exerçant le pouvoir d'appréciation que la loi lui accorde.
Le
droit fédéral n'est violé que s'il sort des limites fixées
par la loi, s'il se laisse guider par des considérations
étrangères à la disposition applicable, s'il ne prend pas en
compte des éléments d'appréciation pertinents ou s'il tire
des déductions à ce point injustifiables que l'on doive par-
ler d'un abus ou d'un excès du pouvoir d'appréciation (ATF
125 III 226 consid. 4b p. 230 et les références citées).

d) Conformément à l'art. 272 al. 2 let. c CO, le
juge doit, en particulier, se fonder sur la situation person-
nelle, familiale et financière des parties, ainsi que sur
leur comportement.

Ce dernier critère n'entre en ligne de compte que
dans la mesure où l'attitude du locataire ne constitue pas,
au sens de l'art. 272a al. 1 let. a et b CO, un cas d'exclu-
sion d'une prolongation de bail à la suite d'un congé donné
pour cause de demeure due à un retard dans le paiement du
loyer (art. 257d CO) ou de violation grave par le locataire
de son devoir de diligence ou des égards dus aux voisins
(art. 257f al. 3 et 4 CO). Cependant encore faut-il que les
faits reprochés au locataire atteignent un certain degré de
gravité (David Lachat, Le bail à loyer, p. 502, n. 3.7; voir
également Engel, Contrats de droit suisse, 2e édition, p.
212), les violations du contrat qui procèdent d'une
bagatelle
n'étant pas à prendre en considération (Higi, Commentaire zu-
richois, n. 180 ad art. 272 CO).

En l'espèce, s'il est constant que les défendeurs
contreviennent à une clause du contrat de bail en hébergeant

un chien dans leur appartement, il n'en demeure pas moins
que
la présence de l'animal en question n'a eu aucune incidence
à
l'égard des autres locataires et qu'il n'a entraîné ni nui-
sances ni dégradations de l'immeuble, selon les témoignages
rapportés dans l'arrêt attaqué.

D'autre part, il faut relever que le chien considé-
ré, de race Yorkshire, est de petite taille et qu'il ne pa-
raît guère plus gros qu'un chat, animal dont la présence
n'est pas prohibée d'après les faits constatés de manière à
lier le Tribunal fédéral par l'autorité cantonale (art. 63
al. 2 OJ).

On reproche donc aux locataires une violation pure-
ment formelle du contrat; celle-ci a déjà été sanctionnée
par
la résiliation du bail, mesure qui constitue en soi un aver-
tissement sérieux pour les autres locataires de l'immeuble
qui seraient tentés d'accueillir un chien dans leur apparte-
ment.

Dès lors, on ne peut sérieusement faire le grief à
l'autorité cantonale d'avoir surtout pris en considération
la
situation personnelle des locataires et le fait que l'animal
incriminé était un facteur stabilisant pour leur fils aîné.
Quant à la durée du bail (art. 272 al. 2 let. b CO), conclu
en été 1995, on ne voit pas qu'elle constitue en
l'occurrence
un élément faisant apparaître comme trop longue la prolonga-
tion litigieuse.

En d'autres termes, la Chambre des recours n'est
pas sortie des limites fixées par la loi en confirmant une
prolongation de bail de deux ans. Le recours principal doit
être rejeté.

En ce qui concerne le recours joint:

3.- a) A l'appui, de leur recours joint, les dé-
fendeurs font grief au Tribunal des baux d'avoir appliqué de
manière erronée la maxime inquisitoriale sociale de l'art.
274d al. 3 CO.

Les défendeurs exposent ainsi que, en 1996 et 1997,
ils ont saisi la Commission de conciliation à deux reprises,
le bailleur décidant de ne pas poursuivre l'une des procédu-
res, l'autre procédure se terminant par une entente dans la-
quelle le bailleur accédait aux demandes des locataires.

L'existence de ces deux litiges ressortirait des
pièces produites devant le Tribunal des baux et celui-ci
aurait dû examiner la validité du congé du point de vue de
l'art. 271a al. 1 let. e ch. 2 et ch. 4 CO conformément au
principe inquisitorial.

b) Le recours en réforme au sens des art. 43 ss OJ
exige l'épuisement des instances cantonales. Pour avoir
accès
au Tribunal fédéral, il faut donc utiliser les voies de re-
cours cantonales qui autorisent un libre examen de la ques-
tion de droit litigieuse (Corboz, Le recours en réforme au
Tribunal fédéral, SJ 2000 p. 1 ss, p. 14). La règle de
l'épuisement des instances cantonales consacrée à l'art. 48
OJ ne s'attache qu'aux recours ordinaires de droit cantonal.
La notion de recours ordinaire se détermine selon le droit
fédéral. D'après la jurisprudence, il s'agit d'un recours
qui
a un effet
dévolutif et suspensif, qui permet un libre
examen
du droit fédéral et qui est dirigé contre une décision non
revêtue de l'autorité de la chose jugée (Corboz, op.cit.,
eod. loc.).

c) A teneur de l'art. 13 de la loi cantonale sur le
Tribunal des baux (LTB), un jugement rendu par cette juridic-

tion peut faire l'objet d'un recours en réforme auprès du
Tribunal cantonal en application de l'art. 457 du code de
procédure civile vaudoise (ci-après: CPC/VD) (cf. Poudret/
Wurzburger/Haldy, Procédure civile vaudoise, 2e éd., n° 1 ad
art. 457 CPC).

En vertu de l'art. 457 al. 1 CPC/VD, le Tribunal
cantonal est en principe lié par les faits constatés par
l'autorité inférieure, mais, selon l'alinéa 2 de cette dis-
position, la juridiction de recours apprécie librement la
portée juridique des faits. Le recours en réforme a de plein
droit un effet suspensif (Poudret, op. cit., n° 1.3.2 ad
art.
48 OJ).

d) En l'occurrence, les défendeurs n'ont pas recou-
ru contre le jugement du 8 octobre 1999, contrairement à la
demanderesse qui a interjeté un recours en réforme au Tribu-
nal cantonal.

Dès lors, force est de constater que le présent re-
cours joint est irrecevable, faute d'épuisement des
instances
cantonales.

4.- Le recours principal est mal fondé et le re-
cours joint est irrecevable.

Vu le sort de la cause, les parties verseront deux
émoluments de justice d'un montant égal. Les dépens seront
compensés.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours principal et confirme l'arrêt
attaqué;

2. Déclare le recours joint irrecevable;

3. Met un émolument judiciaire de 4000 fr. à la
charge des parties, à raison de 2000 fr. à la charge des dé-
fendeurs, débiteurs solidaires, et de 2000 fr. à la charge
de
la demanderesse;

4. Compense les dépens;

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 6 février 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président, La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.226/2000
Date de la décision : 06/02/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-06;4c.226.2000 ?
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