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05/02/2001 | SUISSE | N°5P.448/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 février 2001, 5P.448/2000


«/2»
5P.448/2000

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

5 février 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Braconi.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représentée par Me Douglas Hornung, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 12 octobre 2000 par la 1ère Section de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
la recourante à L.__

______ SA;

(faillite sans poursuite préalable)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

...

«/2»
5P.448/2000

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

5 février 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Braconi.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représentée par Me Douglas Hornung, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 12 octobre 2000 par la 1ère Section de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
la recourante à L.________ SA;

(faillite sans poursuite préalable)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Le 1er juillet 1998, X.________, agissant par
l'intermédiaire de C.________, a fait notifier à L.________
SA un commandement de payer la somme de 35'397 fr.30 en capi-
tal; cet acte n'ayant pas été frappé d'opposition, la pour-
suivie s'est vu signifier une commination de faillite, qui a
été suivie, le 13 juillet 1999, d'une réquisition de
faillite
(ordinaire). Le 26 août suivant, les parties ont signé une
convention prévoyant un amortissement de la dette jusqu'au
15
avril 2000, de sorte que X.________ a retiré sa requête.

b) L.________ SA n'ayant pas respecté les échéances,
X.________ a requis le 1er mars 2000 sa mise en faillite
sans
poursuite préalable, que le Tribunal de première instance de
Genève a prononcée le 8 mai suivant. Les parties étant parve-
nues à un second arrangement en instance d'appel, la Cour de
justice du canton de Genève a, le 15 juin 2000, rétracté la
faillite.

c) Comme L.________ SA a manqué derechef à ses engage-
ments, X.________ a déposé le 11 juillet 2000 une nouvelle
requête de faillite sans poursuite préalable, à laquelle le
tribunal de première instance a donné suite le 4 août sui-
vant. Par arrêt du 12 octobre 2000, la Cour de justice a
accueilli l'appel de la débitrice et annulé le jugement dé-
claratif.

B.- Agissant par la voie du recours de droit public au
Tribunal fédéral, X.________ conclut à l'annulation de cet
arrêt et au prononcé de la faillite de la débitrice.

L'intimée propose le rejet du recours; la cour
cantonale
se réfère aux considérants de sa décision.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Interjeté à temps contre une décision qui
refuse,
en dernière instance cantonale, de prononcer la faillite
sans
poursuite préalable de la débitrice (ATF 107 III 53 consid.
1
p. 55; arrêt de la IIe Cour civile du 15 décembre 1994, in
SJ
116/1994 p. 434 consid. 1a), le présent recours est
recevable
sous l'angle des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

b) Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce,
le recours de droit public est de nature cassatoire (ATF 125
I 104 consid. 1b p. 107 et les arrêts cités); il s'ensuit
que
le chef de conclusions tendant au prononcé de la faillite
est
irrecevable (consid. 1b, non publié, de l'arrêt reproduit
aux
ATF 122 III 488).

c) Saisi d'un recours de droit public pour arbitraire,
le Tribunal fédéral ne prend pas en considération les moyens
de fait ou de droit qui n'ont pas été soumis à l'autorité
cantonale: nouveaux, ils sont irrecevables (ATF 118 III 37
consid. 2a p. 39 et les arrêts cités). Cette règle vaut
aussi
pour la réponse (ATF 125 III 45 consid. 3b p. 47; 118 III 37
consid. 2a in fine p. 39). Sont, dès lors, irrecevables les
allégations de l'intimée concernant le montant de la créance
de la recourante, ainsi que les pièces - par ailleurs toutes
postérieures à la décision attaquée - relatives à l'état des
poursuites contre la société.

2.- La recourante se plaint, en l'espèce, d'arbitraire
dans l'application de l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP, aux termes
duquel le créancier peut requérir la faillite sans poursuite
préalable si le débiteur sujet - comme ici (cf. art. 39 al.
1
ch. 8 LP) - à la poursuite par voie de faillite a «suspendu
ses paiements».

a) Pour qu'il y ait suspension de paiements, il faut
que
le débiteur ne paie pas des dettes incontestées et
exigibles,
laisse les poursuites se multiplier contre lui, tout en fai-
sant systématiquement opposition, ou omette de s'acquitter
même des dettes minimes. Il n'est, toutefois, pas nécessaire
que le débiteur interrompe tous ses paiements; il suffit que
le refus de payer porte sur une partie essentielle de ses
activités commerciales. Même une dette unique n'empêche pas,
si elle est importante et que le refus de payer est durable,
de trahir une suspension de paiement; tel est, notamment, le
cas lorsque le débiteur refuse de désintéresser son
principal
créancier (arrêt de la IIe Cour civile du 17 décembre 1999,
in SJ 122/2000 I 250 consid. 2b et les citations; Brunner,
in
Kommentar zum SchKG, vol. II, N. 11 ss ad art. 190 LP, avec
d'autres références).

b) L'autorité cantonale, tout en soulignant qu'il
s'agit
d'un «cas limite», a néanmoins admis le recours en tirant
des
listings de l'office des faillites la conclusion que, entre
le 22 juin et le 21 août 2000, la débitrice a «désintéressé
des créanciers pour plusieurs milliers de francs», de sorte
qu'on se trouve en présence «d'un débiteur mauvais payeur,
mais qui continue de rembourser en tout cas certaines de ses
dettes».

Une telle opinion est arbitraire, tant dans ses motifs
que dans son résultat (cf. ATF 126 I 168 consid. 3a p. 170,
125 II 10 consid. 3a p. 15 et la jurisprudence citée):

Il faut d'emblée relever que les renseignements fournis
par les listings de l'office des faillites ne permettent pas
d'affirmer que la débitrice aurait «désintéressé» les créan-
ciers qui n'y apparaissent plus; c'est en tout cas faux pour
la recourante, dont la créance ne figure plus dans le
dernier
listing, alors qu'elle n'a manifestement pas été payée. Mais

c'est sous un autre angle que la décision attaquée n'est pas
soutenable.

Comme la jurisprudence l'a rappelé à maintes reprises,
il n'est pas nécessaire que le débiteur interrompe tous ses
paiements (cf. supra, let. a), sans quoi il pourrait
échapper
indéfiniment à sa mise en faillite sans poursuite préalable
en désintéressant ses créanciers de manière sélective (cf.
SJ
122/2000 p. 250 consid. 2b in fine), en particulier ceux
dont
les créances sont modestes. Or, en l'occurrence, la
débitrice
s'obstine à ne pas satisfaire sa principale créancière, qui
est au bénéfice d'une prétention incontestable, en dépit de
deux arrangements qui lui ont permis d'éviter la faillite et
qu'elle n'a pas honorés; un tel comportement trahit un
défaut
de liquidités qui dépasse, de toute évidence, la simple gêne
passagère et revêt manifestement les caractéristiques d'une
suspension (durable) de paiements (Gilliéron, Poursuite pour
dettes, faillite et concordat, 3e éd., p. 267).

3.- En conclusion, le recours doit être admis, dans la
mesure où il est recevable, et l'arrêt attaqué annulé, avec
suite de frais et dépens à la charge de l'intimée (art. 156
al. 1 et 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Admet le recours dans la mesure où il est recevable
et annule l'arrêt attaqué.

2. Met à la charge de l'intimée:
a) un émolument judiciaire de 5'000 fr.,
b) une indemnité de 5'000 fr. à payer
à la recourante à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux parties, à
la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève et
à l'Office des poursuites et des faillites de Genève/Arve-
Lac.

__________

Lausanne, le 5 février 2001
BRA/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.448/2000
Date de la décision : 05/02/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-05;5p.448.2000 ?
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