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05/02/2001 | SUISSE | N°4C.315/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 février 2001, 4C.315/2000


«/2»

4C.315/2000

Ie C O U R C I V I L E
************************

5 février 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

les époux B.________, défendeurs et recourants, représentés
par Me Karin Grobet Thorens, avocate à Genève,

et

X.________ S.A., demanderesse et intimée, représentée par Me
Christian Luscher, avocat à Genève;

(contra

t de bail à loyer; expulsion)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 25 février 1993, sieur B...

«/2»

4C.315/2000

Ie C O U R C I V I L E
************************

5 février 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

les époux B.________, défendeurs et recourants, représentés
par Me Karin Grobet Thorens, avocate à Genève,

et

X.________ S.A., demanderesse et intimée, représentée par Me
Christian Luscher, avocat à Genève;

(contrat de bail à loyer; expulsion)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 25 février 1993, sieur B.________ a conclu
un contrat de bail avec MM. T.________ et S.________,
portant
sur la location d'une villa. Etabli pour une durée initiale
de trois ans et quinze jours, du 16 mars 1993 jusqu'au 31
mars 1996, le contrat était ensuite renouvelable d'année en
année. Le loyer a été fixé à 3'400 fr. par mois et n'a pas
été augmenté. Aucune formule officielle n'a alors été uti-
lisée.

A l'entrée des époux B.________ dans la villa,
celle-ci n'était pas terminée et il a été précisé que les
travaux de finition, représentant environ 20'000 fr.,
étaient
à la charge du locataire.

Dès le mois de mars 1996, la société X.________
S.A. est devenue le nouveau propriétaire de la villa.

Depuis janvier 1998 en tout cas, sieur B.________,
qui faisait état de difficultés financières, payait systé-
matiquement son loyer avec deux ou trois mois de retard. Il
n'a jamais fait de réserve quant au montant du loyer.

Le 15 juin 1999, X.________ S.A., qui avait déjà
mis à plusieurs reprises les époux B.________ en demeure de
payer les loyers arriérés, les a sommés de lui verser dans
les trente jours les loyers dus pour les mois d'avril à juin
1999, avec menace de résiliation.

Le 28 juillet 1999, la bailleresse a notifié aux
époux B.________ un avis de résiliation de bail pour le 31
août 1999 en raison d'un arriéré de loyer se montant à
13'600 fr. pour la période du 1er avril au 31 juillet 1999.

B.- Le 27 août 1999, les époux B.________ ont sai-
si la Commission de conciliation en matière de baux et
loyers
du canton de Genève, en proposant le remboursement complet
des arriérés au 31 octobre 1999. Le 9 septembre 1999,
X.________ S.A. a demandé, auprès de la même Commission,
l'évacuation des locataires.

L'affaire n'ayant pas été conciliée, le Tribunal
des baux et loyers a été saisi le 29 octobre 1999.

Le 2 décembre 1999, lors de la comparution person-
nelle des parties, sieur B.________ s'est opposé à l'évacua-
tion en arguant qu'il avait effectué pour environ 70'000 fr.
de travaux et qu'il n'avait jamais reçu d'avis initial de
fixation de loyer. Il se prévalait de la nullité du loyer
initial, ainsi que de l'avis comminatoire. Quant à
X.________
S.A., elle a fait état d'un arriéré de loyer de 30'600 fr.

Le 5 janvier 2000, le Tribunal des baux et loyers a
prononcé l'évacuation des époux B.________.

Le 20 janvier 2000, les époux B.________ ont intro-
duit, devant la Commission de conciliation, une demande en
fixation du loyer initial, concluant à ce que le loyer
annuel
de la villa soit fixé à 33'600 fr. dès le 16 mars 1993.

Statuant sur appel des locataires, la Chambre d'ap-
pel en matière de baux et loyers a, par arrêt du 11
septembre
2000, confirmé le jugement d'évacuation du 5 janvier 2000.

C.- Contre cet arrêt, les époux B.________ (les
défendeurs) interjettent un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Ils concluent à l'annulation de l'arrêt du 11 sep-
tembre 2000 et à ce que la bailleresse soit déboutée de tou-
tes ses conclusions en évacuation.

X.________ S.A. (la demanderesse) propose, pour sa
part, le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt en-
trepris.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) L'arrêt attaqué, prononcé sur recours par
la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de
Genève contre un jugement d'évacuation pour défaut de paie-
ment du loyer, est une décision finale rendue en dernière
instance par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ; arrêt
du Tribunal fédéral du 27 février 1997 publié in SJ 1997 p.
538 consid. 1b p. 540 s.), sur une contestation civile (ATF
103 II 247 consid. 1a).

b) Le litige est de nature pécuniaire (Michel
Ducrot, L'expulsion du locataire, Séminaire du droit du
bail,
Neuchâtel 1996, no 5 p. 10). L'expulsion étant liée à une ré-
siliation immédiate, la valeur litigieuse se détermine selon
le loyer dû pour la période pendant laquelle le contrat sub-
siste nécessairement, en supposant que l'on admette la con-
testation, et qui s'étend jusqu'au moment pour lequel un
congé ordinaire aurait pu être donné ou l'a été
effectivement
(ATF 119 II 147 consid. 1; Bernard Corboz, Le recours en ré-
forme au Tribunal fédéral, SJ 2000 II p. 1 ss, 28 et les ar-
rêts cités sous note 226). En l'espèce, si la résiliation im-
médiate notifiée pour le 31 août 1999 était annulée, un
congé
ordinaire ne pourrait pas intervenir dans un délai inférieur
à trois ans (art. 271a al. 1 let. e CO). Le loyer versé
étant
de 3'400 fr. par mois, la limite de 8'000 fr. prévue à
l'art.
46 OJ est ainsi largement dépassée.

c) Interjeté par les locataires qui ont succombé
dans leurs conclusions, le présent recours est donc en prin-

cipe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art.
54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).

2.- a) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal
fédéral doit mener son raisonnement sur la base des faits
contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispo-
sitions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,
qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il
faille
compléter les constatations de l'autorité cantonale parce
que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents régulière-
ment allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a; 119 II
353 consid. 5c/aa; 117 II 256 consid. 2a). Les faits
nouveaux
sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 125 III 443
consid. 5c p. 450; 121 III 436 consid. 5b p. 440; 118 II 12
consid. 3b in fine).

Dans la mesure où les défendeurs invoquent des
faits qui ne figurent pas dans l'arrêt attaqué, sans faire
valoir l'une des exceptions permettant de s'en écarter, leur
recours n'est donc pas admissible. Il en va de même des allé-
gués figurant dans la réponse qui portent sur des événements
postérieurs à l'arrêt cantonal.

3.- La cour cantonale a confirmé la décision
d'évacuation prononcée en première instance, en estimant que
les conditions d'une résiliation immédiate pour demeure des
locataires (art. 257d CO) étaient réunies. Elle a écarté
l'exception de compensation formée par les défendeurs pour
empêcher le congé, considérant celle-ci comme tardive.
S'agissant de la nullité du loyer initial également invoquée
par les locataires, les juges ont considéré en substance
qu'il importait peu qu'il n'ait pas été fait usage de la for-
mule officielle au moment de la fixation du loyer de la
villa

en février 1993, dès lors que ce loyer, demeuré inchangé de-
puis le début du bail, avait été payé sans réserve par les
locataires pendant près de sept ans. Par conséquent, même
s'il y avait eu vice de forme entraînant la nullité de la
fixation du loyer initial, les défendeurs ne pouvaient s'en
prévaloir contrairement au principe de la bonne foi.

4.- Les défendeurs reprochent avant tout à la cour
cantonale de n'avoir pas pris en compte les conséquences de
l'absence de notification du loyer initial au moyen du formu-
laire officiel, telles que posées par l'ATF 120 II 341.

a) Il est vrai que la jurisprudence, interprétant
l'art. 270 al. 2 CO, a considéré qu'un vice de forme dans la
notification du loyer initial entraînait la nullité du loyer
fixé (cf. ATF 120 II 341 consid. 5c et d p. 348 s. confirmé
in ATF 124 III 62 consid. 2a p. 64). Le Tribunal fédéral a
en
outre souligné que, lorsque, dans cette hypothèse, le loca-
taire avait introduit une procédure judiciaire pour
contester
le loyer initial, il était en tout cas exclu qu'il tombe en
demeure (art. 257d CO) jusqu'à la fixation judiciaire du
loyer (ATF 120 II 341 consid. 6c p. 350 s.).

Comme l'a laissé entendre à juste titre la cour
cantonale, l'éventuelle application de ces principes au cas
d'espèce suppose que le vice de forme ne soit pas
abusivement
invoqué par les locataires (cf. en matière d'augmentation de
loyer: ATF 123 III 70 consid. 3c p. 74 s.; 113 II 187
consid.
1a; Peter Higi, Commentaire zurichois, art. 270 CO no 119).

b) Pour déterminer s'il y a abus manifeste d'un
droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC, il convient d'examiner
les circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 121 III 60
consid. 3d p. 63). Parmi les cas typiques d'abus de droit
figurent notamment une attitude contradictoire et l'utilisa-

tion d'une institution juridique contrairement à son but
(cf.
ATF 120 II 105 consid. 3a p. 108). Il a été jugé que le com-
portement du locataire qui, après s'être rendu compte du
vice
de forme résultant de la non utilisation de la formule offi-
cielle, s'était abstenu de protester dans le dessein d'en
tirer ultérieurement profit était abusif (ATF 113 II 187 con-
sid. 1a). Le Tribunal fédéral a également précisé,
s'agissant
de la nullité du loyer initial établi sans faire usage de la
formule officielle, qu'il n'était pas imaginable que le vice
de forme conduise à une cession de l'usage du logement à ti-
tre gratuit, alors que les parties s'étaient entendues en
tout cas sur le caractère onéreux de ladite cession (ATF 120
II 341 consid. 6a).

c) En l'occurrence, il ne s'agit pas d'apprécier le
caractère abusif de la nullité invoquée par les locataires
en
relation avec la contestation du loyer initial, qui fait
l'objet d'une procédure pendante, introduite postérieurement
à la résiliation du bail. Le litige porte sur le point de sa-
voir si les défendeurs peuvent, sans commettre un abus de
droit, se prévaloir de cette nullité pour s'opposer à la ré-
siliation immédiate de leur bail au sens de l'art. 257d CO
et, partant, à leur expulsion.

Selon les faits tels que constatés par la cour can-
tonale et qui lient le Tribunal fédéral en instance de réfor-
me (art. 63 al. 2 OJ), les locataires ne se sont prévalus de
la nullité du loyer consécutif au défaut d'utilisation de la
formule officielle que le 2 décembre 1999, lors de la compa-
rution personnelle des parties devant le tribunal des baux,
alors que, pendant près de sept ans, ils avaient versé leur
loyer sans réserve. Même lorsqu'ils se sont adressés à la
commission de conciliation, le 27 août 1999, les défendeurs
ont proposé le remboursement complet de leurs arriérés. Le
moment où ceux-ci ont pris connaissance du vice de forme
n'est en revanche pas établi par la cour cantonale. Cet élé-

ment n'est cependant pas déterminant dans le cas d'espèce.
En
effet, si l'on considère que les locataires connaissaient le
vice de forme, mais qu'ils se sont abstenus de protester, at-
tendant que le tribunal doive statuer sur leur expulsion
pour
le faire valoir, il y a abus de droit (cf. supra let. b). Il
en va de même si, comme ils le soutiennent, les défendeurs
ont appris l'existence du vice de forme seulement quelques
jours avant l'audience du 2 décembre 1999, car cela signifie-
rait qu'ils ont cherché, par un moyen découvert en dernière
minute, non pas à réduire leur loyer, mais à justifier son
non-versement, en supprimant les conséquences de leur demeu-
re. Admettre, dans ces circonstances, la nullité du loyer
initial en relation avec la procédure d'expulsion aurait
pour
effet de légitimer l'usage de la villa à titre gratuit et de
priver la bailleresse des droits découlant de l'art. 257d
CO,
ce qui reviendrait à détourner le contrat de bail de son but.

En retenant que les locataires ont invoqué de ma-
nière abusive un vice de forme, la cour cantonale n'a donc
pas violé l'art. 2 al. 2 CC.

d) Comme le Tribunal fédéral n'est pas lié par les
motifs de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 126
III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2; 122 III 150
consid.
3), les défendeurs ne peuvent se plaindre de la
justification
figurant dans l'arrêt entrepris pour retenir l'abus de droit.

C'est également en vain qu'ils critiquent sur ce
point le manque de motivation de l'arrêt attaqué, puisque
cette question relève du droit d'être entendu (ATF 126 I 97
consid. 2b). Celle-ci est donc irrecevable dans le cadre de
la présente procédure, mais aurait dû faire l'objet d'un re-
cours de droit public (art. 43 al. 1 2e phrase OJ).

5.- Les locataires ne pouvant se prévaloir d'une
éventuelle nullité du loyer initial en relation avec leur
demeure, les autres griefs soulevés perdent tout fondement.

a) S'agissant de la résiliation immédiate, l'art.
257d CO prévoit que, lorsque, après la réception de la
chose,
le locataire a du retard pour s'acquitter d'un terme, le
bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et
lui
signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il
résiliera
le bail. Ce délai est de trente jours au moins pour les baux
d'habitations (al. 1). Faute de paiement dans le délai fixé,
le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat,
soit, pour les baux d'habitations, moyennant un délai de con-
gé de 30 jours au moins (al. 2).

En l'espèce, il n'est pas contesté que les défen-
deurs n'avaient pas payé leur loyer depuis le mois d'avril
1999. La demanderesse a, par
courrier du 15 juin 1999, sommé
ceux-ci de verser les loyers des mois d'avril à juin 1999
avec menace de résiliation. Le 28 juillet 1999, elle leur a
notifié un avis de résiliation pour le 31 août 1999 en
raison
d'un arriéré de loyer allant d'avril à juillet 1999. Les con-
ditions d'une résiliation immédiate en application de l'art.
257d CO et, partant, d'une expulsion des locataires sont
donc
réunies.

b) Dans ce contexte, il n'y a aucune raison de ne
pas appliquer la jurisprudence selon laquelle le locataire
peut invoquer la compensation pour empêcher le congé extra-
ordinaire de l'art. 257d CO, à condition que la déclaration
de compensation intervienne dans le délai comminatoire fixé
sur la base de cette disposition (ATF 119 II 241 consid.
6b).
Dès lors qu'il a été constaté que les locataires n'ont fait
valoir la compensation que le 2 décembre 1999, soit bien
après le terme du contrat, on ne voit manifestement pas en

quoi la cour cantonale aurait violé le droit fédéral en con-
sidérant la déclaration de compensation comme tardive.

c) Enfin, la Cour de céans n'a pas à entrer en ma-
tière sur les critiques des défendeurs relatives à la pres-
cription des prétentions en remboursement, dès lors que cet
aspect ne relève pas de la procédure d'évacuation et, par-
tant, n'influence pas le dispositif de l'arrêt entrepris.

Le recours doit ainsi être rejeté et l'arrêt atta-
qué confirmé.

6.- Les frais et dépens seront mis solidairement à
la charge des défendeurs, qui succombent (art. 156 al. 1 et
7, 159 al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge des défendeurs, solidairement entre eux;

3. Dit que les défendeurs, débiteurs solidaires,
verseront à la demanderesse une indemnité de 4'000 fr. à
titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel en matière de
Baux
et Loyers du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 5 février 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.315/2000
Date de la décision : 05/02/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-05;4c.315.2000 ?
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