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02/02/2001 | SUISSE | N°4C.240/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 février 2001, 4C.240/2000


«/2»

4C.240/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

2 février 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
Mme Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Nyffeler, juges.

Greffier: M. Carruzzo.

______________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Gabriel
Aubert, avocat à Genève,

et

Y.________ S.A., à Genève, défenderesse et intimée, représen-
tée par Me Patric

k Blaser, avocat à Genève;

(contrat de travail; résiliation immédiate par le travail-
leur)

Vu les pièces du dossier d'où resso...

«/2»

4C.240/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

2 février 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
Mme Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Nyffeler, juges.

Greffier: M. Carruzzo.

______________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Gabriel
Aubert, avocat à Genève,

et

Y.________ S.A., à Genève, défenderesse et intimée, représen-
tée par Me Patrick Blaser, avocat à Genève;

(contrat de travail; résiliation immédiate par le travail-
leur)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) X.________ a été engagé, le 14 avril 1978,
en qualité de directeur, avec signature collective à deux,
de
la Banque A.________ S.A., à Genève, devenue, en 1993,
B.________ S.A. (ci-après: la Banque ou la défenderesse). En
tant que membre du groupe B.________, cette banque romande
était détenue par D.________, qui contrôlait la société
C.________ S.A.

Le contrat de travail conclu entre X.________ et la
Banque a été modifié le 6 janvier 1983, le 22 octobre 1986
et
le 7 septembre 1993. Chaque partie pouvait le dénoncer moy-
ennant un préavis de 12 mois. Il prévoyait, dans son dernier
état, un salaire annuel brut, indexé, de 250 000 fr. ainsi
qu'un intéressement au résultat brut d'exploitation fixé à
1%
jusqu'à 20 millions de francs, à 3/4% de 20 à 30 millions et
à 1/2% au-dessus de 30 millions. Le directeur s'y
soumettait,
en outre, à une clause d'interdiction de concurrence valable
pendant une période d'une année suivant la date à laquelle
il
quitterait la Banque; en contrepartie, celle-ci s'engageait
à
lui verser une somme correspondant à son dernier salaire an-
nuel augmenté de la moitié de la moyenne de l'intéressement
des deux dernières années.

Au début de l'année 1993, X.________ est devenu ad-
ministrateur de la Banque.

b) Dès 1994, des divergences de vues sont apparues
entre la direction de la Banque et D.________. La première
déplorait, en particulier, l'emprise toujours plus forte de
la seconde sur ses filiales, craignant que la nouvelle orga-
nisation du groupe, marquée par une centralisation accrue,
ne

mît en péril le dynamisme et l'esprit d'entreprise d'une pe-
tite banque romande.

Par lettre du 23 décembre 1996, faisant suite à un
entretien qu'il avait eu le 20 du même mois avec lui,
X.________ a suggéré à Z.________, directeur général de
D.________, la solution qu'il estimait être la meilleure, à
savoir la reprise de la majorité du capital de la Banque par
un groupe d'actionnaires privés principalement issus de sa
famille. Il s'est vu opposer une fin de non-recevoir et re-
procher le fait d'avoir approché l'un des plus importants
clients de la Banque, en vue de la reprise projetée, sans en
avoir préalablement informé la direction du groupe.

c) Dans des circonstances litigieuses, sur lesquel-
les il faudra revenir, un terme a été mis aux rapports de
travail entre X.________ et la Banque. L'initiative en a été
prise par cette dernière, qui a résilié le contrat de
travail
le 3 avril 1997 avec effet au 30 avril 1998.

Le 3 avril 1997 également, X.________ a démissionné
avec effet immédiat de ses fonctions d'administrateur.

Par lettre du 2 mai 1997, C.________ S.A. a invité
X.________ à libérer son bureau au plus tard le 9 du même
mois et à restituer les clés de la Banque. Selon cette let-
tre, X.________ ne pourrait plus accéder seul aux locaux de
la Banque après cette date et ses objets personnels lui se-
raient apportés à son domicile. Il devait, en outre, rester
à
disposition de la Banque et serait payé jusqu'au 30 avril
1998.

Le 9 mai 1997, X.________ a résilié son contrat
avec effet immédiat pour de justes motifs. Se référant aux
mesures annoncées par C.________ S.A. dans la lettre
précitée
ainsi qu'au retrait de sa signature sociale, il constatait,

dans sa lettre de résiliation, que les rapports de confiance
entre les parties étaient gravement et irrémédiablement rom-
pus, après avoir souligné ceci: "j'ai été engagé pour
exercer
des fonctions dirigeantes élevées et non pour rester à mon
domicile".

La Banque a pris acte de la résiliation immédiate
du contrat de travail dans une lettre du 20 mai 1997. Tout
en
contestant l'existence de justes motifs, elle y indiquait
les
conséquences qui en découlaient: extinction des rapports de
travail le 12 mai 1997, date de réception de la lettre de ré-
siliation; exécution des engagements contractuels jusqu'à
cette date; entrée en vigueur immédiate de la clause d'inter-
diction de concurrence et versement, au printemps 1998, de
la
rémunération stipulée en contrepartie du respect de cette
clause. Par ailleurs, la Banque offrait à X.________ la pos-
sibilité d'annuler la résiliation immédiate jusqu'au 26 mai
1997 et se disait prête à continuer les relations de travail
jusqu'à l'échéance du contrat aux conditions mentionnées
dans
sa lettre du 2 mai 1997.

Le 3 juin 1997, X.________ a fait savoir, par le
truchement de son conseil, qu'il n'entendait pas revenir sur
sa démission avec effet immédiat. Il était d'autant moins en-
clin à le faire qu'il venait d'apprendre, selon ses dires,
que, le 14 mars 1997 déjà, C.________ S.A. écrivait à diver-
ses personnes qu'il avait cessé de travailler pour la Banque.

X.________ a touché, en mai et juin 1998, un total
de 507 993 fr.10 représentant la somme due en contrepartie
de
la clause d'interdiction de concurrence, y compris la part
de
l'employeur au titre de la prévoyance professionnelle, l'in-
téressement et les honoraires d'administrateur pro rata tem-
poris pour 1997, ainsi que des frais confidentiels, sous dé-
duction des charges sociales. Il a réclamé en vain le paie-

ment d'autres indemnités en rapport avec la résiliation immé-
diate du contrat.

d) Le 12 mai 1998, X.________ a commencé à travail-
ler pour la banque genevoise M.________ S.A. en qualité de
président du conseil d'administration.

B.- En date du 12 septembre 1998, X.________ a as-
signé la Banque en paiement d'un total de 815 476 fr. Il a
ainsi réclamé, en se fondant sur l'art. 337b al. 1 CO, ce
qu'il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris
fin à l'échéance du délai de congé, soit son salaire brut du
13 mai 1997 au 30 avril 1998 (271 500 fr.) et
l'intéressement
pour la même période (270 476 fr.), de même qu'une indemnité
de 273 500 fr. représentant six mois de salaire, y compris
la
part proportionnelle de l'intéressement, prétention qu'il dé-
duisait de l'art. 337c al. 3 CO appliqué par analogie. Le de-
mandeur a conclu, de surcroît, à ce que les sommes allouées
portent intérêts à 5% dès le 12 mai 1997 et à ce qu'il soit
dit que la défenderesse versera la part patronale de la pré-
voyance professionnelle.

La Banque a conclu à sa libération totale des fins
de la demande.

Le 1er octobre 1998, Y.________ S.A., à Genève, a
repris les actifs et passifs de la Banque.

Par jugement du 18 mai 1999, le Tribunal des
prud'hommes du canton de Genève a débouté le demandeur de
toutes ses conclusions.

Statuant par arrêt du 28 mars 2000, sur appel du
demandeur, la Cour d'appel des prud'hommes a confirmé ce ju-
gement.

C.- Parallèlement à un recours de droit public, qui
a été déclaré irrecevable par arrêt séparé de ce jour, le de-
mandeur interjette un recours en réforme. Il y reprend les
conclusions qu'il avait soumises aux juridictions cantonales
et requiert, à titre subsidiaire, le renvoi de la cause à la
Cour d'appel pour qu'elle complète l'état de fait et statue
à
nouveau.

La défenderesse s'en rapporte à justice quant à la
recevabilité du recours en réforme et propose le rejet de ce
recours ainsi que la confirmation de l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté par la partie qui a succombé dans ses
conclusions condamnatoires et dirigé contre un jugement
final
rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supé-
rieur (art. 48 al. 1 OJ), le recours en réforme est en prin-
cipe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art.
54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 al. 1 OJ).

2.- Le demandeur relève un certain nombre d'inad-
vertances manifestes qui affecteraient les constatations de
la cour cantonale relatives à la chronologie des événements,
à une circulaire de la défenderesse et à la libération de
l'obligation de travailler. Il conviendra d'examiner succes-
sivement ces trois catégories de prétendues inadvertances,
après avoir rappelé, au préalable, ce que recouvre la notion
d'inadvertance manifeste.

a) La jurisprudence n'admet l'existence d'une inad-
vertance manifeste, susceptible d'être rectifiée d'office
par
le Tribunal fédéral en application de l'art. 63 al. 2 OJ,
que
lorsque l'autorité cantonale a omis de prendre en considéra-

tion une pièce déterminée, versée au dossier, ou l'a mal
lue,
s'écartant par mégarde de sa teneur exacte, en particulier
de
son vrai sens littéral (ATF 115 II 399 consid. 2a, 109 II
159
consid. 2b). Tel est le cas lorsque l'examen d'une pièce du
dossier, qui n'a pas été prise en considération, révèle une
erreur évidente dans les constatations de fait. L'absence de
mention d'une pièce dans le cadre de l'appréciation des preu-
ves ne signifie pas encore qu'il y ait inadvertance, qui
plus
est manifeste: il faut que ladite pièce n'ait pas été exami-
née, même implicitement, en d'autres termes que le juge n'en
ait pas pris connaissance ou l'ait purement et simplement
laissée de côté. L'autorité cantonale s'écarte, par mégarde,
de la teneur exacte d'une pièce, par exemple, lorsqu'elle
commet une erreur de lecture, ou lorsqu'elle ne remarque pas
l'existence d'une faute d'écriture ou lorsqu'elle ne prend
pas en considération la relation évidente existant entre dif-
férentes pièces du dossier. Cependant, l'inadvertance mani-
feste ne saurait être confondue avec l'appréciation des preu-
ves. Dès l'instant où une constatation de fait repose sur
l'appréciation, même insoutenable, d'une preuve, d'un ensem-
ble de preuves ou d'indices, une inadvertance est exclue
(Poudret, COJ, n. 5.4 ad art. 63): il ne peut être remédié à
une mauvaise appréciation des preuves par la voie prévue à
l'art. 55 al. 1 let. d OJ (ATF 96 I 193 consid. 2; Poudret,
op. cit., n. 1.6.3 ad art. 55; cf., également, l'ATF 118 IV
88 consid. 2b).

Au demeurant, la rectification n'a lieu que si la
constatation erronée porte sur un fait pertinent pour
l'issue
du litige (Corboz, Le recours en réforme au Tribunal
fédéral,
in SJ 2000 II p. 66).

b) aa) A suivre le demandeur, la Cour d'appel au-
rait commis plusieurs inadvertances dans sa relation chrono-
logique du déroulement des événements ayant conduit à l'ex-
tinction des rapports de travail.

aaa) La cour cantonale constate que, le 26 février
1997, le demandeur, d'une part, a démissionné de son poste
de
président et membre du conseil d'administration de la défen-
deresse, d'autre part, a résilié son contrat de travail avec
effet au 28 février 1998. Cette constatation est le fruit
d'une inadvertance manifeste, car elle a été tirée d'un pro-
jet de lettre de démission allant dans ce sens (pièce 10 de
la défenderesse) que les dirigeants de D.________ et de
C.________ S.A. ont soumis au demandeur lors de leur
entrevue
du 26 février 1997, mais que ce dernier a refusé de signer.
La défenderesse en convient du reste elle-même. Abstraction
sera donc faite de la constatation incriminée, dans la
mesure
où l'on ne peut pas dénier, en l'état, tout intérêt à la
question de savoir quelle partie a pris l'initiative de met-
tre un terme aux rapports de travail et quand elle l'a fait.

bbb) Selon la Cour d'appel, le demandeur aurait
donné son congé avec effet immédiat le 3 mars 1997. En réali-
té, force est d'admettre, avec les deux parties, que cette
constatation est la conséquence, soit d'une mauvaise lecture

des pièces topiques du dossier, soit d'un simple lapsus cala-
mi. Pour le reste, il est avéré et incontesté que le deman-
deur a démissionné du conseil d'administration de la défende-
resse par lettre du 3 avril 1997 (pièce 18 de la défenderes-
se) et qu'il a résilié le contrat de travail avec effet immé-
diat par lettre du 9 mai 1997 (pièce 29 défenderesse).

ccc) C'est aussi par inadvertance que la Cour d'ap-
pel a écrit que la défenderesse avait résilié le contrat de
travail du demandeur le 3 mars 1997 - au lieu du 3 avril
1997
- pour le 30 avril 1998. On ne voit guère, il est vrai, l'in-
cidence que cette erreur a pu avoir sur le sort du litige.
Cependant, il n'est peut-être pas sans intérêt de souligner
que la démission du demandeur du conseil d'administration de
la Banque et la résiliation de son contrat de travail par la
défenderesse sont intervenues le même jour.

ddd) Si l'on en croit le demandeur, la Cour d'appel
aurait encore commis une inadvertance en affirmant qu'il
avait accepté, le 21 avril 1997, le congé de la Banque, "com-
me s'il avait accepté également les conditions assortissant
ce congé". Il n'en est rien. En effet, comme le souligne à
juste titre la défenderesse, ces conditions-là n'ont été for-
mulées que dans la lettre de la Banque du 2 mai 1997, si
bien
que le demandeur ne pouvait pas émettre un quelconque avis à
leur sujet une dizaine de jours plus tôt. En fait, l'accepta-
tion dont il est ici question avait trait, non pas aux condi-
tions du congé, mais à la circonstance que celui-ci avait
été
signifié,
non pas par la Banque, mais par C.________ S.A.,
ce
dont le demandeur s'était étonné dans un premier temps (cf
pièces n°s 19, 20, 22 et 24 de la défenderesse). En d'autres
termes, le demandeur acceptait la lettre du 3 avril 1997 com-
me valant résiliation de son contrat de travail, bien
qu'elle
n'émanât point du véritable employeur (la défenderesse) mais
d'un tiers (C.________ S.A.).

eee) La Cour d'appel souligne que le demandeur
avait déjà déclaré par écrit à deux reprises, avant le 12
mars 1997, qu'il allait cesser ses fonctions au sein de la
Banque. Le demandeur soutient avec raison que cette consta-
tation ne repose sur aucune pièce. On a sans doute affaire
ici, comme l'explique de manière plausible la défenderesse,
non pas à une nouvelle inadvertance à proprement parler,
mais
à la simple répercussion des inadvertances mises en évidence
sous lettres aaa) et bbb) ci-dessus. Tout porte, en effet, à
croire que la Cour d'appel fonde son affirmation sur les
deux
circonstances non avérées que sont le congé qu'aurait donné
le demandeur en date du 26 février 1997 et le congé immédiat
qu'il aurait signifié le 3 mars 1997.

Quoi qu'en dise la défenderesse, l'inadvertance re-
levée n'est pas nécessairement sans incidence sur la
solution
du litige, dès lors que la Cour d'appel tire argument de la

constatation incriminée pour dénier au demandeur le droit de
justifier la résiliation immédiate du contrat de travail par
le motif que la Banque avait annoncé à des tiers, dans une
circulaire du 12 mars 1997 dont il sera question ci-après,
qu'il avait cessé de travailler pour elle.

fff) Les juges précédents répètent à nouveau que le
demandeur avait déjà résilié par deux fois le contrat de tra-
vail avant le 12 mars 1997. Il s'agit là de la même inadver-
tance que celle qui vient d'être relevée et qui appelle, dès
lors, les mêmes remarques.

bb) Est ensuite critiquée, toujours sous l'angle de
l'inadvertance manifeste, la constatation de la Cour d'appel
selon laquelle la Banque, par une circulaire du 12 mars
1997,
avait informé le conseil d'administration que le demandeur
"allait cessé (sic) de travailler en son sein", qu'il
"allait
se retirer". Cette constatation serait triplement erronée,
d'après le demandeur: premièrement, la circulaire en
question
(pièce n° 32 de la défenderesse) porterait la date du 14
mars
1997 et non pas celle du 12 mars 1997; deuxièmement, elle
n'aurait pas été envoyée aux membres du conseil d'administra-
tion de la Banque, mais à des responsables de filiales;
enfin
et surtout, la cour cantonale se serait écartée de la traduc-
tion incontestée du texte anglais de cet écrit en
substituant
un mode futur ("allait cesser de travailler" pour la Banque)
au passé composé de la version originale ("has ceased to
work
for the Bank").

Supposé qu'elle se rapportât à la circulaire pro-
duite par la défenderesse comme pièce n° 32, la triple inad-
vertance relevée par le demandeur ressortirait de la simple
lecture de ce document. Cependant, la défenderesse émet, sur
ce point, l'hypothèse assez séduisante voulant que le deman-
deur, à l'instar de la Cour d'appel, ait confondu la circu-
laire adressée par elle le 12 mars 1997 aux membres de son

conseil d'administration (pièce n° 14 de la défenderesse) et
celle adressée le 14 mars 1997 à des responsables de
filiales
de C.________ S.A. (pièce n° 32 de la défenderesse). De
fait,
la première circulaire porte la date du 12 mars 1997,
s'adresse aux membres du conseil d'administration de la Ban-
que et indique que le demandeur "va se retirer au plus tard
lors d'une prochaine assemblée générale extraordinaire...".
S'il fallait donc retenir l'hypothèse énoncée par la défen-
deresse, l'inadvertance commise par la Cour d'appel n'aurait
plus pour objet le contenu de la circulaire entrant en ligne
de compte, mais résiderait dans la confusion entre les deux
circulaires.

Pour le reste, toutes les déductions tirées par le
demandeur de la prétendue inadvertance qu'il fustige
relèvent
du droit, si bien qu'il convient d'en réserver l'examen ulté-
rieur.

cc) Le demandeur voit une dernière inadvertance ma-
nifeste dans le fait que la cour cantonale aurait considéré
qu'il avait été libéré de l'obligation de travailler, tout
en
admettant que la défenderesse lui avait ordonné de rester à
sa disposition.

L'inadvertance alléguée n'existe pas. A la page 4
de son arrêt, la Cour d'appel résume correctement le contenu
de la lettre du 2 mai 1997 par laquelle la défenderesse a
prié le demandeur de quitter son bureau le 9 mai 1997 au
plus
tard, tout en exigeant qu'il reste à sa disposition jusqu'au
30 avril 1998. Savoir si, ce faisant, la défenderesse a libé-
ré ou non le demandeur de son obligation de travailler - ce
que la cour cantonale admet aux pages 8 et 9 de son arrêt en
écrivant ceci: "si l'employeur renonce expressément, comme
en
l'espèce, à ce que le travailleur fournisse un travail, ..."
- est une question de droit qui dépend du sens que revêt, au

point de vue juridique, la notion de libération de l'obliga-
tion de travailler.

c) Cela étant, il restera à vérifier, si nécessai-
re, le caractère causal des inadvertances manifestes
commises
par la Cour d'appel. Il suffit d'observer, à ce stade de
l'examen, que la relation de cause à effet entre ces inadver-
tances et le sort du litige ne va pas de soi, puisque le Tri-
bunal des prud'hommes est arrivé à la même conclusion que la
juridiction d'appel, mais sur la base d'un état de fait cor-
rectement établi.

3.- a) aa) A l'instar du Tribunal des prud'hommes,
la Cour d'appel considère que les mesures prises par la dé-
fenderesse à l'égard du demandeur lors de la résiliation du
contrat de travail, telles qu'elles ressortent de la lettre
précitée du 2 mai 1997, n'étaient pas attentatoires aux
droits de la personnalité de celui qu'elles visaient, mais
constituaient la conséquence logique de la libération de
l'obligation de travailler. Il ne s'agissait donc pas de mo-
tifs susceptibles de justifier la résiliation immédiate du
contrat par le travailleur.

Quant à la circulaire distribuée par la Banque le
12 mars 1997, les juges précédents sont d'avis qu'elle n'au-
rait pu en aucun cas fonder une résiliation immédiate du con-
trat de travail, si le demandeur en avait eu connaissance à
l'époque où il avait procédé à cette résiliation, car il
avait déjà résilié deux fois le contrat de travail avant le
12 mars 1997.

Dans ces conditions, la cour cantonale n'estime pas
nécessaire d'examiner si les prétendus justes motifs ont été
invoqués en temps utile.

bb) A l'appui de son recours en réforme, le deman-
deur fait principalement grief à la cour cantonale d'avoir
appliqué à tort la jurisprudence du Tribunal fédéral sur la
libération de l'obligation de travailler, dès lors que, à
son
avis, il n'a pas été libéré de l'obligation de travailler.

A titre subsidiaire, le demandeur soutient que, mê-
me libéré d'une telle obligation, il eût été fondé à démis-
sionner avec effet immédiat, vu les mesures prises par l'em-
ployeur. De fait, en le contraignant à rester à sa disposi-
tion, tout en le reléguant à son domicile sans bureau ni
fonctions précises, en soumettant son accès à la Banque à
une
surveillance et en faisant porter chez lui ses effets person-
nels, la défenderesse avait montré, par ces mesures vexatoi-
res, que la confiance était définitivement rompue. S'y ajou-
tait l'annonce écrite, faite à plusieurs dirigeants du
groupe
le 14 mars 1997, que le demandeur avait cessé de travailler
pour la Banque, bien que le contrat de travail n'eût pas en-
core été résilié.

Si l'on en croit le demandeur, il aurait également
échappé à la cour cantonale que la modification unilatérale
du contrat de travail imposée par l'employeur pour une année
justifiait une démission avec effet immédiat. Aussi bien, la
défenderesse avait modifié de son propre chef le contenu du
contrat de travail en contraignant le demandeur à rester
chez
lui dans l'attente d'instructions éventuelles de sa part, ce
qui était insupportable pour un dirigeant bancaire largement
et honorablement connu. Une mise en demeure n'était, au de-
meurant, pas nécessaire en l'espèce, dès lors que, postérieu-
rement à la démission donnée par le travailleur, la Banque
avait confirmé qu'elle entendait en tout état de cause main-
tenir les nouvelles conditions de travail.

Pour le surplus, le demandeur expose les raisons
pour lesquelles il estime avoir réagi suffisamment tôt à son

éviction et il indique les conséquences pécuniaires qu'en-
traîne à son avis la résiliation avec effet immédiat justi-
fiée du contrat par le travailleur.

cc) Dans sa réponse, la défenderesse fait valoir
que les mesures critiquées par le demandeur n'étaient en réa-
lité que le corollaire indiscutable de la libération de l'ob-
ligation de travailler. Une telle libération n'équivalait
pas
pour autant à une échéance anticipée des rapports de
travail,
raison pour laquelle la Banque pouvait exiger du demandeur,
rémunéré par elle jusqu'au terme du délai de congé, qu'il
restât à sa disposition, cette obligation "minimale" s'étant
d'ailleurs révélée purement théorique, compte tenu de la ré-
siliation immédiate signifiée quelques jours plus tard à la
Banque par le demandeur. Ainsi, à suivre la défenderesse, la
Cour d'appel aurait considéré à bon droit que ce dernier
avait été libéré de son obligation de travailler.

La défenderesse conteste, en outre, la pertinence
des références jurisprudentielles utilisées par le demandeur
à l'effet d'établir le caractère prétendument vexatoire des
mesures prises à son encontre ainsi que la modification uni-
latérale du contrat par l'employeur. Elle dénie, par ail-
leurs, au demandeur le droit de se prévaloir du climat de dé-
fiance qu'il avait lui-même instauré pour démissionner sur-
le-champ et réclamer un dédommagement. Selon elle, il n'y
avait du reste rien d'"humiliant", pour reprendre le terme
utilisé par le demandeur, à être payé grassement à ne rien
faire. Quant à la circulaire du 14 mars 1997, la
défenderesse
souligne qu'elle avait un contenu purement informatif et
qu'elle ne s'apparentait donc pas à une attaque ou à une
mise
en cause du demandeur.

Enfin, aux dires de la défenderesse, le demandeur
aurait eu connaissance des motifs invoqués dans sa lettre de
démission le 25 avril 1997 au plus tard, de sorte qu'il n'au-

rait pas réagi assez rapidement en attendant le 9 mai 1997
pour signifier à la Banque la résiliation immédiate de son
contrat de travail.

A titre subsidiaire, la défenderesse qualifie
d'"exorbitantes" et de "fantaisistes" les prétentions
élevées
par le demandeur, reprochant à ce dernier d'avoir ignoré les
facteurs de réduction qu'il conviendrait de leur appliquer.

b) aa) L'employeur et le travailleur peuvent rési-
lier immédiatement le contrat de travail en tout temps pour
de justes motifs (art. 337 al. 1 CO). Sont notamment consi-
dérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui,
selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger
de celui qui a donné le congé la continuation des rapports
de
travail (art. 337 al. 2 CO). Mesure exceptionnelle, la rési-
liation immédiate pour justes motifs doit être admise de ma-
nière restrictive (Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire du con-
trat de travail, 2e éd., n. 1 ad art. 337c CO; Streiff/von
Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., n. 3 ad
art. 337 CO et les références).

Lorsque la résiliation immédiate intervient à
l'initiative du travailleur, peuvent être considérés comme
de
justes motifs une atteinte grave aux droits de la personnali-
té du collaborateur, consistant par exemple dans le retrait
d'une procuration non justifié par l'attitude du travailleur
(arrêt non publié du 17 mai 1994 dans la cause 4C.179/1993,
consid. 2; Rehbinder, Commentaire bernois [CB], n. 10 ad
art.
337 CO), une modification unilatérale ou inattendue de son
statut qui n'est liée ni à des besoins de l'entreprise ou à
l'organisation du travail ni à des manquements du
travailleur
(arrêts non publiés du 7 octobre 1992 in SJ 1993 p. 370, du
25 novembre 1985 in SJ 1986 p. 300 et du 16 juin 1981 dans
la
cause C.40/81, consid. 4), voire, sous certaines conditions,
le refus de verser tout ou partie du salaire (cf. Staehelin,

Commentaire zurichois, n. 27 ad art. 337 CO; Brunner/Bühler/
Waeber, op. cit., n. 8 ad art. 337 CO). A elle seule, la de-
meure de l'employeur d'accepter le travail de son employé
(art. 324 al. 1 CO) ne constituera pas un juste motif; ajou-
tée à d'autres circonstances, elle pourra cependant
légitimer
une rupture immédiate des rapports de travail (ATF 116 II
142
consid. 5c).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes
motifs (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit
et de l'équité, en prenant en considération tous les
éléments
du cas particulier (ATF 111 II 245 consid. 3). Le Tribunal
fédéral n'use en conséquence qu'avec retenue de son pouvoir
d'examen d'autorité de réforme (art. 63 al. 3 OJ). Il ne
s'écarte de la solution choisie par l'autorité cantonale de
dernière instance que si cette autorité a fait abstraction
sans raison des principes consacrés par la doctrine et la
jurisprudence, si elle a pris en considération des circons-
tances qui ne devaient jouer aucun rôle, ou inversement si
elle a négligé des faits qui auraient dû être impérativement
pris en compte, enfin si l'appréciation opérée dans l'arrêt
déféré s'avère manifestement contraire à l'équité ou lèse de
manière choquante le sentiment de la justice (ATF
119 II 157
consid. 2a in fine et l'arrêt cité, 116 II 145 consid. 6a).

Si les justes motifs de la résiliation immédiate du
contrat consistent dans son inobservation par l'une des par-
ties, celle-ci doit réparer intégralement le dommage causé,
compte tenu de toutes les prétentions découlant des rapports
de travail (art. 337b al. 1 CO). Dans les autres cas, le
juge
apprécie librement les conséquences pécuniaires de la rési-
liation immédiate en tenant compte de toutes les circonstan-
ces (art. 337b al. 2 CO).

bb) Le Tribunal fédéral s'est occupé, il y a une
dizaine d'années, d'une affaire zurichoise présentant
quelque

analogie avec la cause en litige (arrêt non publié du 6 fé-
vrier 1990 confirmant un arrêt zurichois du 9 juin 1989 pu-
blié, avec la décision de première instance, in Jahrbuch des
Schweizerischen Arbeitsrechts [JAR] 1991 p. 141 à 152). Les
considérations émises alors, qui sont toujours d'actualité,
peuvent être résumées comme il suit.

aaa) La question de savoir si le droit suisse con-
fère au travailleur un véritable droit d'être occupé ayant
pour corollaire l'obligation de l'employeur de fournir du
travail à ses employés ("Beschäftigungspflicht") est contro-
versée (cf., parmi d'autres: Vischer, Der Arbeitsvertrag, in
Schweizerisches Privatrecht, vol. VII/1, III, p. 78 s et p.
166 ch. 4 et note de pied 40; Rehbinder, CB, n. 11 ad art.
328 CO et n. 12 ad art. 335 CO; le même, in Schweizerisches
Arbeitsrecht, 14e éd., n. 47 p. 62 s. et n. 96 in fine; le
même, in Commentaire bâlois, n. 5 ad art. 328 CO; Staehelin,
op. cit., n. 14 ad art. 319 CO et n. 28-30 ad art. 335 CO;
Streiff/von Kaenel, op. cit., n. 17 ad art. 319 CO, n. 11 et
19 ad art. 328 CO; Brühwiler, Kommentar zum Arbeitsvertrag,
2e éd., n. 4b ad art. 319 CO p. 26 et n. 6d ad art. 324 CO
p.
140; Brunner/Bühler/Waeber, op. cit., n. 7 ad art. 328 CO;
Engel, Contrats de droit suisse, 2e éd., p. 334). Un tel
droit, respectivement une telle obligation, ne sont générale-
ment admis qu'avec retenue et que pour des catégories de
travailleurs déterminées (par ex. les pilotes, les sportifs
professionnels, les artistes, certains cadres au bénéfice
d'un long délai de congé, etc.), à moins que l'obligation de
fournir du travail ne découle directement de la loi (art.
326
al. 1 CO) ou des circonstances spéciales propres au rapport
de droit considéré (ATF 87 II 143).

Il n'est pas nécessaire de trancher cette question
de principe en l'espèce, car le droit du demandeur d'être oc-
cupé pendant le délai de résiliation doit être exclu pour
les
raisons suivantes:

- Le droit d'être occupé implique que l'employeur
occupe le travailleur conformément à ce qui est prévu dans
le
contrat de travail, lorsqu'il en est requis. Sa violation
suppose que le travailleur s'est opposé à sa libération et a
exigé expressément d'être occupé. In casu, la cour cantonale
n'a rien constaté de tel.

- Selon l'opinion dominante, le droit d'être occupé
disparaît, en principe, une fois que le contrat de travail a
été résilié (ATF 99 Ib 129 consid. 1c p. 133; Vischer, op.
cit., p. 166 ch. 4; Rehbinder, CB, n. 12 ad art. 335 CO;
Staehelin, op. cit., n. 14 ad art. 319 CO; Streiff/von Kae-
nel, op. cit., n. 17 ad art. 319 CO). A tout le moins en
va-t-il ainsi dans l'hypothèse d'une libération totale de
l'obligation de travailler pendant le délai de congé, soit
lorsque le travailleur ne doit pas continuer de rester à la
disposition de l'employeur (travail sur appel) et peut
chercher une nouvelle occupation auprès d'un autre
employeur.
Le respect de la personnalité du travailleur est alors
assuré
et le devoir d'assistance de l'employeur se limite dans ce
cas au paiement du salaire jusqu'à la fin du délai de congé.
En l'espèce, le travailleur, dont le contrat a été résilié
le
23 septembre 1987 (délai de congé: 3 ans) n'a pas eu de
difficultés à trouver un nouvel emploi puisqu'il a été
engagé
par un autre employeur le 1er juillet 1998.

- La cour cantonale mentionne à juste titre l'art.
726 al. 1 CO, aux termes duquel le conseil d'administration
peut révoquer en tout temps les comités, délégués, direc-
teurs, ainsi que tous fondés de procuration et mandataires
nommés par lui (voir aussi l'art. 705 al. 1 CO ainsi
libellé:
"L'assemblée générale peut révoquer les membres du conseil
d'administration et les réviseurs, ainsi que tous fondés de
procuration et mandataires nommés par elle"). Sans doute la
révocation laisse-t-elle intact le rapport juridique en
vertu
duquel la personne révoquée exerçait ses fonctions et dont

elle pourra déduire d'éventuels dommages-intérêts (cf. art.
705 al. 2 CO et 726 al. 3 CO). Il n'en demeure pas moins que
le travailleur touché par la mesure de révocation ne saurait
exiger son maintien dans sa fonction d'organe de la société,
à plus forte raison si son contrat de travail est résilié si-
multanément.

- Par conséquent, il faut admettre, avec la cour
cantonale, qu'en libérant le demandeur de son obligation de
travailler, l'employeur n'a pas violé le contrat qui les
liait, de sorte que le travailleur ne peut pas lui réclamer
des dommages-intérêts en se fondant sur l'art. 337b al. 1 CO.

bbb) La libération du demandeur ne constitue pas
non plus un juste motif, au sens de l'art. 337 CO, qui auto-
riserait le travailleur à résilier le contrat avec effet im-
médiat et permettrait au juge, dans le cadre de sa libre ap-
préciation des conséquences pécuniaires de la résiliation im-
médiate, d'imposer à l'employeur l'obligation d'indemniser
le
travailleur en tenant compte de toutes les circonstances
(art. 337b al. 2 CO).

De fait, il ressort des constatations de la cour
cantonale qu'après s'être vu signifier son congé, le deman-
deur n'a pas été empêché de chercher et d'occuper un nouveau
poste, et qu'il n'était pas non plus soumis à une interdic-
tion de concurrence. Son droit au salaire n'a pas été remis
en question. On ne voit donc pas en quoi la poursuite des re-
lations de travail lui aurait été intolérable, d'autant
moins
que la résiliation immédiate du contrat n'était pas de
nature
à faire disparaître ou à diminuer les inconvénients liés à
la
libération de l'obligation de travailler (par ex. la perte
de
prestige). Au surplus, la demeure de l'employeur (art. 324
al. 1 CO) ne constitue pas à elle seule un juste motif de ré-
siliation immédiate du contrat de travail.

Dans ces conditions, la résiliation immédiate du
contrat par le travailleur était injustifiée.

cc) C'est à la lumière de ces principes juridiques
qu'il convient d'examiner maintenant la cause en litige, sur
la base des constatations de la Cour d'appel dûment recti-
fiées et en fonction des griefs articulés par le demandeur
dans son recours en réforme.

c) aa) aaa) Le demandeur admet lui-même, références
à l'appui, que l'employeur n'a pas l'obligation d'occuper ef-
fectivement le travailleur, sauf dans certaines professions.

Il ne prétend pas, à juste titre, que l'administration d'une
société anonyme entrerait dans cette catégorie de
professions
et qu'une telle activité justifierait, en conséquence, de
faire exception audit principe. Il cite en outre, sans la
critiquer, l'opinion dominante voulant que l'employeur qui
se
borne à dispenser le salarié de l'obligation de travailler
durant le délai de congé ne porte normalement pas atteinte
aux droits de la personnalité du travailleur, dont il est te-
nu d'assurer la protection en vertu de l'art. 328 al. 1 CO.
Aussi le demandeur reconnaît-il, conformément à la jurispru-
dence en la matière (ATF 116 II 142 consid. 5c), que la mise
à pied d'un salarié ne constitue pas, en soi, un juste motif
de résiliation du contrat de travail avec effet immédiat par
ce salarié. Sur ces différents points, il n'y a aucune diver-
gence entre les parties.

La controverse porte, en l'occurrence, sur la ques-
tion de savoir si le demandeur a été libéré ou non par la dé-
fenderesse de son obligation de travailler. Tel ne serait
pas
le cas, aux dires de l'intéressé, étant donné que le travail-
leur libéré de l'obligation de travailler n'est plus tenu de
fournir sa prestation (ATF 118 II 139 consid. 2a p. 140).
Or,
dans le cas particulier, le travailleur devait rester à dis-
position de l'employeur à la maison pendant le délai de con-

gé, qui était d'une année, ce qui équivaut à une prestation
(ATF 124 III 249 consid. 3b). La défenderesse rétorque que
la
situation du demandeur, après la résiliation ordinaire du
contrat de travail le liant à elle, n'était en rien compara-
ble à celle d'une personne travaillant sur appel, visée par
le dernier arrêt cité (voir aussi l'ATF 125 III 65). L'objec-
tion n'est pas dénuée de fondement. De fait, on a du mal à
tirer un parallèle entre la situation, présentement envisa-
gée, d'un administrateur en disgrâce auquel la société qui
s'est séparée de lui demande de rester à sa disposition et
celle de l'employé d'une entreprise de ferraillage, qui ac-
complit un service de piquet hors de l'entreprise (cf. ATF
124 III 249 précité). Dans le second cas, le travailleur
prend l'engagement d'exercer l'activité requise chaque fois
que l'employeur fait appel à lui; il n'est pas libre de re-
fuser l'engagement et doit se tenir à disposition de l'em-
ployeur (cf. Brunner/Bühler/Waeber, op. cit., p. 339, n. 5).
L'attente forcée à laquelle il s'astreint, dans l'optique
d'un "appel" de son employeur pour des engagements
ponctuels,
caractérise cette forme de travail à temps partiel. Rien de
tel en l'espèce. Le demandeur, en sa qualité de président du
conseil d'administration de la défenderesse, occupait des
fonctions dirigeantes dont l'exercice n'était guère envisa-
geable sans une présence effective et régulière sur le lieu
de travail. Preuve en est, du reste, le fait qu'il s'est
plaint, précisément, de ce que la défenderesse l'avait prié
de quitter son bureau et de rester à son domicile.

Le demandeur fait grand cas des termes "vous reste-
rez à disposition de la Banque", qui figurent dans la lettre
que la défenderesse lui a adressée le 2 mai 1997. Il
importe,
toutefois, de replacer ces termes dans leur contexte, en
ayant à l'esprit le fait que le demandeur avait démissionné
avec effet immédiat de ses fonctions d'administrateur le 3
avril 1997 déjà, et de citer à cette fin le passage de la
lettre dans lequel ils apparaissent:

"Bien que le 9 mai 1997 soit votre dernier jour de
travail dans les locaux de B.________ S.A., il est
entendu que vous resterez à disposition de la Ban-
que et que votre rémunération vous sera créditée
... jusqu'au 30 avril 1998. Vous resterez jusqu'à
cette date au bénéfice des prestations de la caisse
de prévoyance sociale et de l'assurance accident. A
la fin de cette période, B.________ S.A. s'entre-
tiendra avec vous au sujet des modalités de sortie.
Vous resterez également jusqu'à cette date au béné-
fice des conditions d'employé, entre autres pour
votre crédit hypothécaire, que nous vous prions de
transférer à un autre institut au plus tard le 30
avril 1998. Nous vous prions en outre de dénoncer
tous vos mandats en faveur de tiers, à l'exclusions
de vos mandats privés..."

La lecture de ce passage commande de relativiser
sensiblement
la portée des termes controversés. Elle révèle au premier
chef la volonté de la défenderesse de maintenir le demandeur
dans sa condition d'employé, avec les privilèges qui s'y rat-
tachent, jusqu'à l'expiration du délai de congé fixé dans le
contrat de travail. L'obligation faite au demandeur de
rester
à disposition de la Banque n'y est exprimée que de façon tou-
te générale en tant que simple corollaire du maintien du sta-
tut d'employé pendant le délai de congé. Il n'est guère pos-
sible d'y voir l'intention clairement exprimée de
l'employeur
de confier régulièrement des mandats ponctuels à l'adminis-
trateur démissionnaire. Au reste, le ton de la
correspondance
échangée par les cocontractants à l'époque de la résiliation
du contrat de travail rend plus que douteuse l'existence
d'une telle intention. Le demandeur objecte que la volonté
de
la défenderesse de recourir à ses services n'avait rien de
théorique, ainsi que l'attesterait l'"aveu de la Banque" ex-
primé en ces termes dans son mémoire de réponse du 7
décembre
1998: "Or, il sied de relever que si la banque n'a rien de-
mandé à M. X.________ durant tout le délai de congé, c'est
parce que M. X.________ n'était plus employé auprès de
B.________ S.A. durant ce délai, dès lors qu'il avait lui-
même démissionné avec effet immédiat". Cependant, il
attribue
à cette affirmation, extraite de son contexte, une portée

qu'elle n'a pas, car il perd de vue que la défenderesse
s'est
exprimée ainsi uniquement pour réfuter son argument selon le-
quel la Banque avait eu un comportement vexatoire à son
égard
en ne lui demandant rien durant le délai de congé, tout en
exigeant sa disponibilité. Il n'est donc pas possible de dé-
duire a posteriori du passage cité par le demandeur que la
défenderesse ait eu, à l'époque de la résiliation du contrat
de travail, la ferme intention de mettre à contribution le
travailleur après l'avoir congédié dans une situation con-
flictuelle et un climat pesant. En réalité, le divorce était
consommé entre les parties, sinon en droit du moins dans les
faits, et la défenderesse n'envisageait pas sérieusement de
confier des missions à son ex-administrateur. Il serait, au
demeurant, peu conforme à la réalité économique de supposer
qu'une société détenant la totalité du capital d'une banque
accepterait que le président démissionnaire du conseil d'ad-
ministration de cette banque, qui avait critiqué vigoureuse-
ment
les méthodes de management de la société mère et
proposé
comme seule solution de rechange une reprise du capital de
la
Banque par un groupe d'actionnaires privés principalement is-
sus de sa famille, continuât de travailler, fût-ce épisodi-
quement, pour sa filiale. Force est d'en conclure que les
juges précédents, à l'instar du Tribunal des prud'hommes,
n'ont pas méconnu la notion juridique de libération de l'ob-
ligation de travailler en admettant que, nonobstant les ter-
mes ambigus utilisés par elle, la défenderesse n'entendait
effectivement plus travailler avec le demandeur durant le
délai de congé.

De toute façon, les règles de la bonne foi comman-
daient en l'occurrence au demandeur d'exiger de la défende-
resse une clarification quant à ses véritables intentions en-
vers lui, plutôt que de rompre immédiatement le contrat sans
s'être assuré de celles-ci au préalable. Aux dires du deman-
deur, une mise en demeure n'était pas nécessaire, étant
donné
que, dans une lettre du 20 mai 1997, postérieure à la rési-

liation immédiate du contrat, la défenderesse avait confirmé
qu'elle entendait en tout état de cause qu'il demeurât à sa
disposition tout en restant à la maison ("Il serait alors
bien entendu que vous resteriez à notre disposition aux con-
ditions mentionnées dans notre lettre du 2 mai 1997"). Il se-
rait toutefois hasardeux de tirer de cette prise de position
consécutive à la résiliation immédiate du contrat des conclu-
sions définitives en ce qui concerne l'attitude que la défen-
deresse aurait adoptée si le demandeur l'avait sommée de le
libérer totalement de son obligation de travailler, afin
qu'il pût rechercher et accepter un nouvel emploi auprès
d'un
tiers, ce qui eût d'ailleurs supposé, suivant le type d'em-
ploi choisi, que l'employeur renonçât à l'application de la
clause d'interdiction de concurrence ou que le travailleur
fût en droit de s'en libérer. On peut tout au plus en
déduire
que la défenderesse ne voulait pas que le demandeur exerçât,
jusqu'à la fin du délai de congé, les mêmes fonctions que
celles qu'il avait remplies lorsqu'il assumait encore la pré-
sidence de son conseil d'administration. Or, il n'apparaît
pas que le demandeur ait réclamé jamais le retour au statu
quo ante, c'est-à-dire la restitution tant des clés de la
Banque que de son bureau et de la signature sociale, raison
pour laquelle il ne pouvait pas se passer d'une mise en de-
meure formelle dans le sens sus-indiqué.

bbb) Quoi qu'il en soit, même s'il n'avait été li-
béré que partiellement de l'obligation de travailler, le de-
mandeur n'eût pas été en droit de résilier le contrat de tra-
vail avec effet immédiat pour ce seul motif.

Comme le souligne à juste titre la défenderesse
dans sa réponse au recours, une telle libération n'équivaut
pas à une échéance anticipée des rapports de travail.
Ceux-ci
continuent à déployer leurs effets jusqu'à l'expiration du
délai de congé. Par conséquent, le droit de donner des ins-
tructions et des directives à ses employés, que lui
reconnaît

l'art. 321d CO, autorise en principe l'employeur qui verse
régulièrement son salaire au travailleur à prier l'intéressé
de rester à sa disposition pour l'exécution de tâches ponc-
tuelles qu'il entend lui confier pendant la durée du délai
de
congé. Demeure réservée l'hypothèse dans laquelle l'attitude
de l'employeur revêtirait un caractère chicanier et ne vise-
rait, notamment, qu'à empêcher l'employé congédié de prendre
un nouvel emploi plus rémunérateur avant la fin du délai de
congé. Tel serait, par exemple, le cas de l'employeur qui
n'envisage pas du tout de confier une quelconque tâche à
l'employé après la résiliation du contrat de travail, mais
qui exige néanmoins de l'employé en question qu'il se présen-
te quatre fois par jour sur son lieu de travail (sur toute
cette problématique, cf. Robert E. Flach, Die «Freistellung»
von der Arbeitsleistung nach Kündigung - aus der Sicht von
Arbeitgeber und -nehmer, in RSJ 90/1994 p. 209 ss, 213 et la
jurisprudence citée à la note de pied 32).

En l'espèce, rien ne permet de conclure que la dé-
fenderesse aurait adopté une attitude contraire aux règles
de
la bonne foi si elle avait prié le demandeur de rester à sa
disposition jusqu'à la fin du délai de congé en vue de le
mettre à contribution de temps à autre. Le travailleur congé-
dié jouissait d'un salaire confortable et il s'était
lui-même
interdit d'occuper pendant un certain temps un emploi simi-
laire en signant une clause de prohibition de concurrence
d'une durée d'un an moyennant une compensation financière el-
le aussi substantielle. De toute manière, ce ne sont là que
des supputations dont la pertinence ne peut pas être
vérifiée
du fait que le demandeur s'est cru autorisé - à tort - à ré-
silier le contrat de travail avec effet immédiat sans mettre
préalablement la défenderesse en demeure de le libérer com-
plètement de son obligation de travailler.

ccc) Cela étant, la Cour d'appel n'a pas abusé du
large pouvoir d'appréciation que lui reconnaît la jurispru-

dence susmentionnée en déniant au demandeur le droit de rési-
lier le contrat avec effet immédiat au motif qu'il n'aurait
pas été libéré de son obligation de travailler.

Le moyen principal du recours en réforme tombe, dès
lors, à faux.

bb) A titre subsidiaire, le demandeur soutient
qu'il avait de toute façon de justes motifs de démission
avec
effet immédiat, vu les mesures vexatoires prises par la dé-
fenderesse à son encontre.

aaa) Dans la première branche de ce deuxième grief,
le demandeur se réfère à deux précédents qu'il juge
topiques,
s'agissant d'établir l'atteinte aux droits de la
personnalité
dont il estime avoir été victime (arrêt non publié du 17 mai
1994 dans la cause 4C.179/1993; arrêt non publié du 12 décem-
bre 1996, reproduit par G. Aubert, Jurisprudence sur la rési-
liation du contrat de travail, in Journée 1997 de droit du
travail et de la sécurité sociale, p. 123 ss, n. 10).

Cependant, les circonstances de fait qui caractéri-
sent la présente affaire ne sont nullement comparables avec
celles des deux causes précitées. Comme le demandeur le sou-
ligne lui-même, dans celles-ci, contrairement à celle-là, le
contrat de travail n'avait pas été résilié. Mais il fait er-
reur en soutenant que cette circonstance ne serait pas déci-
sive. Il n'y a, en effet, pas de commune mesure entre le re-
trait, en cours de contrat et sans raison valable, de la
signature d'un fondé de procuration (arrêt du 17 mai 1994)
et
la suppression, au reste dictée par la loi (cf. art. 937 CO
en liaison avec l'art. 720 CO), de la signature d'un adminis-
trateur de société qui a démissionné de ses fonctions avant
d'être congédié par son employeur. De même, le sort fait à
un
chef de succursale qui se voit privé publiquement des attri-
buts de sa fonction (retrait de sa signature sur les comptes

bancaires ainsi que de sa carte de crédit, licenciement de
son personnel, transfert de tous les dossiers au siège prin-
cipal de la société et coupure des lignes téléphoniques),
sans que le contrat de travail ait été résilié (arrêt du 12
décembre 1996), n'est en rien comparable à celui d'un admi-
nistrateur démissionnaire auquel l'employeur qui l'a
licencié
demande de ne plus participer activement à la marche des af-
faires de la société pendant le délai de congé, en prenant
des mesures concrètes dans ce but.

Pour le surplus, il faut admettre, avec les deux
juridictions cantonales, que les mesures critiquées par le
demandeur - restitution du bureau et des clés de la Banque,
livraison des effets personnels au domicile privé de l'inté-
ressé, accès contrôlé aux locaux de la défenderesse et re-
trait de la signature sociale - étaient la conséquence logi-
que de sa libération de l'obligation de travailler et du cli-
mat délétère dans lequel cette libération était intervenue.
Sur ce dernier point, la lettre du 29 avril 1997, dans la-
quelle le demandeur reprochait à C.________ S.A. de
persister
à son égard "dans une attitude de duplicité manifeste" et dé-
nonçait formellement, en la stigmatisant, une telle
attitude,
qui reflétait "une animosité pernicieuse" des responsables
du
groupe B.________ envers lui, en dit long sur les tensions
qui régnaient à l'époque entre les parties. Il était compré-
hensible, dans une telle situation, que l'employeur prît des
mesures concrètes en vue d'éviter d'éventuelles représailles
de la part du travailleur licencié. De fait, la défenderesse
pouvait craindre objectivement que le demandeur ne fût tenté
de débaucher des clients de la Banque, lui qui avait
approché
en son temps l'un d'entre eux pour lui faire part de ses
plans de rachat de celle-ci. C'est le lieu d'observer, rela-
tivement à ce dernier projet, que, selon une constatation de
la Cour d'appel qui lie la juridiction fédérale de réforme,
"il ne restait plus à X.________ que d'acheter ou de partir
(témoin W.________)". Il apparaît ainsi que le demandeur

s'est engagé dans une voie sans autre issue que la fin de sa
collaboration avec la défenderesse. Il ne saurait dès lors
en
faire grief à cette dernière, d'autant moins qu'il avait re-
fusé la proposition, qu'elle lui avait faite, de sauvegarder
les apparences en signant la lettre de démission qu'elle lui
avait soumise le 26 février 1997.

Enfin, quand bien même l'hypothèse - écartée plus
haut - d'une libération seulement partielle de l'obligation
de travailler serait retenue, la directive donnée par la dé-
fenderesse au demandeur de se tenir à sa disposition pendant
une année en vue d'éventuels engagements ponctuels ne revê-
tait pas un caractère "humiliant" - pour reprendre le quali-
ficatif utilisé par l'intéressé - dans les circonstances du
cas présent, le travailleur licencié devant toucher une rému-
nération supérieure à 500 000 fr. durant cette période.

Il est vrai qu'à l'expiration du délai de congé,
soit dès le 30 avril 1998, le demandeur aurait été soumis
pendant un an à la clause d'interdiction de concurrence. La
question pourrait donc se poser de savoir si la
défenderesse,
après avoir écarté le demandeur de la marche des affaires
pendant la durée du délai de congé, qui était d'une année,
eût pu exiger de bonne foi le respect de ladite clause, con-
traignant dès lors le demandeur à douze mois supplémentaires
d'inactivité rémunérée. Il n'est toutefois pas nécessaire
d'approfondir cette question, puisque la résiliation immédia-
te du contrat par le demandeur l'a rendue sans objet. Tout
au
plus peut-on noter, dans ce contexte, que le demandeur, qui
estimait avoir de justes motifs de résiliation immédiate de
son contrat de travail, n'a pas jugé opportun de remettre en
cause la validité de la prohibition de concurrence, alors
que
la possibilité de le faire lui était offerte par l'art. 340c
al. 2 CO, même contre la volonté de la défenderesse, préfé-
rant rester inactif quelque douze mois durant et toucher la

large compensation financière que lui assurait le contrat de
travail.

bbb) La jurisprudence exige, pour justifier un li-
cenciement immédiat, que les faits allégués aient effective-
ment entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue
le fondement du contrat de travail. Toutefois, sous
certaines
conditions restrictives, l'employeur peut avancer, à l'appui
d'un licenciement immédiat, une circonstance qui existait au
moment de la déclaration de licenciement mais qu'il ne con-
naissait pas et ne pouvait pas connaître. En effet, l'obliga-
tion de motiver la résiliation immédiate n'impose pas qu'il
soit fait abstraction d'un tel motif. Dès l'instant où
l'art.
337 CO prescrit au juge de tenir compte des règles de la bon-
ne foi, ce serait méconnaître cette disposition que
d'ignorer
l'existence d'un semblable motif. Toutefois, c'est
uniquement
à titre exceptionnel que des circonstances antérieures à la
résiliation immédiate, alors ignorées de la partie qui a don-
né le congé, pourront amener un tribunal à considérer, sur
la
base des motifs déjà allégués, que celle-ci, en s'en préva-
lant ultérieurement, a rapporté la preuve de la destruction
du rapport de confiance entre les parties au contrat. Il
faut
donc se demander, dans un tel cas, si les circonstances
antérieures, non invoquées au moment du licenciement immé-
diat, auraient pu conduire l'auteur de la résiliation, s'il
les avait connues, à admettre que le rapport de confiance
était rompu et à résilier le contrat de travail avec effet
immédiat (ATF 121 III 467 consid. 5a et b).

Dans sa lettre du 3 juin 1997, postérieure à celle
du 9 mai 1997 par laquelle son mandant avait résilié le con-
trat de travail avec effet immédiat, le conseil du demandeur
a confirmé que ce dernier n'entendait pas revenir sur sa dé-
mission, d'autant moins qu'il venait d'apprendre que, le 14
mars 1997 déjà, soit un mois et demi avant la résiliation du
contrat de travail par la défenderesse, celle-ci avait écrit

à diverses personnes pour les informer qu'il avait cessé de
travailler pour elle. A l'appui de son recours en réforme,
le
demandeur fait valoir que l'on ne saurait remettre en cause
plus clairement et plus publiquement les fonctions dirigean-
tes d'un salarié, alors que son contrat n'a pas même été ré-
silié. Et d'ajouter que, rétrospectivement, une telle attitu-
de antérieure à la résiliation du contrat contribuait à jus-
tifier sa démission avec effet immédiat.

Semblable opinion est mal fondée. Elle repose sur
une interprétation littérale d'un membre de phrase ("has cea-
sed to work for the Bank") sorti de son contexte et fait to-
talement abstraction des circonstances dans lesquelles la
circulaire litigieuse a été
rédigée. Cette circulaire, adres-
sée par C.________ S.A. à huit dirigeants du groupe en
Suisse
et à l'étranger, a la teneur suivante (c'est le Tribunal fé-
déral qui souligne):

"Dear Colleagues,

This is to inform you that Mr. X.________ has pres-
ented his resignation as chairman of the board of
B.________ S.A., Geneva on the occasion of the ge-
neral meeting of shareholders in Geneva on March
13, 1997. Dr. W.________ was elected as new chair-
man in addition to his chairmanships at ...

Mr. X.________ has acted during 25 years in various
functions at the above bank and was, since Decembre
1991 its Chairman. Mr. X.________ has ceased to
work for the Bank and has expressed the wish not to
accept another term as member of the board of
E.________ S.A. Geneva.

The Press has been informed accordingly by means of
a short release.

As usual we ask you kindly to abstain from making
any comments to the press; any possible questions
should be addressed to Mr. ..."

Il ressort de son texte même que ladite circulaire visait
uniquement les fonctions de président du conseil d'adminis-

tration de la défenderesse, exercées jusque-là par le deman-
deur. Quant aux destinataires de cet écrit, peu leur impor-
tait de connaître la nature juridique des rapports internes
unissant le demandeur à la défenderesse et les modalités de
leur extinction; seul comptait à leurs yeux le fait que le
demandeur n'était plus président du conseil d'administration
de la défenderesse depuis la veille et qu'il n'assumerait dé-
sormais plus aucune responsabilité effective pour le compte
de la Banque vis-à-vis des tiers. Or, les explications four-
nies par C.________ S.A. n'étaient pas erronées: d'une part,
le conseil d'administration de la Banque, siégeant le 13
mars
1997, avait porté W.________ à sa présidence, en
remplacement
du demandeur; d'autre part, lors de l'assemblée générale te-
nue le même jour, au cours de laquelle W.________ avait été
élu membre du conseil d'administration de la défenderesse,
décision avait été prise de convoquer une assemblée générale
extraordinaire pour le 9 avril 1997 afin de "voter la révoca-
tion de M. X.________ du conseil d'administration". Il était
donc exact d'affirmer que le demandeur n'était plus le prési-
dent du conseil d'administration de la défenderesse à
compter
du 13 mars 1997 et il n'était pas faux de donner à entendre
que cette personne, dont la révocation à bref délai était
d'ores et déjà programmée de manière irréversible, avait
cessé de participer à la conduite effective des affaires de
la Banque. Sans doute la circulaire en cause faisait-elle
état d'une démission ("resignation") au lieu d'une révoca-
tion, ce qui ne correspondait pas à la réalité. Cependant,
loin de porter atteinte à l'honneur du demandeur, cette ma-
nière - pas forcément involontaire - de présenter le départ
forcé du président du conseil d'administration était plutôt
de nature à ménager celui qui faisait l'objet de la mesure
de
révocation, en sauvegardant les apparences.

Ainsi, comme le souligne avec raison la défenderes-
se, cette circulaire, au contenu informatif, ne
s'apparentait
nullement à une attaque ou à une mise en cause du demandeur.

La Banque avait d'ailleurs recommandé la discrétion aux des-
tinataires de ce document et il n'est pas constaté, dans la
décision attaquée, que la presse en ait déjà été informée à
ce moment-là.

D'où il suit que les juges précédents n'ont pas
violé le droit fédéral en déniant au demandeur le droit de
se
prévaloir a posteriori de l'envoi de la circulaire
incriminée
pour justifier la résiliation immédiate de son contrat de
travail. Il n'importe qu'ils soient parvenus à ce résultat
par une autre voie sur la base de constatations
manifestement
erronées, puisqu'il vient d'être démontré que les inadvertan-
ces commises par eux ne revêtaient pas un caractère causal.

cc) Dans un troisième et dernier moyen, le deman-
deur fait grief à la cour cantonale de n'avoir pas vu, dans
la modification unilatérale du contrat de travail qui lui
avait été imposée par son employeur pour une année, un juste
motif de démission avec effet immédiat.

Les arrêts censés étayer cet argument ne sont nul-
lement topiques. Les circonstances qui les caractérisent
n'ont rien à voir avec celles de la présente espèce et ils
ont trait, tous deux, à des modifications unilatérales du
contrat intervenues avant la résiliation ordinaire de celui-
ci. Dans la première affaire, l'autorité d'un directeur d'hô-
tel sur son personnel avait été sapée par ses supérieurs qui
avaient non seulement annulé le congé abrupt donné par le di-
recteur à deux employés, mais encore exigé que le directeur
leur remettent dorénavant en priorité le courrier qui lui
était adressé; le Tribunal fédéral a considéré, dans ces con-
ditions, que le directeur était en droit de résilier le con-
trat de travail avec effet immédiat (arrêt non publié repro-
duit par G. Aubert, Quatre cents arrêts sur le contrat de
travail, p. 158 ss, n. 276). Il a également entériné la dé-
mission avec effet immédiat donnée, dans la seconde affaire,

par une personne qui avait été engagée comme directrice de
publication d'un magazine, mais qui s'était vu préférer pour
ce poste le fils de l'administrateur de la société éditrice
et confier des tâches de moindre importance (arrêt non
publié
du 25 novembre 1985 reproduit in SJ 1986 p. 300 ss). La si-
tuation du demandeur n'est pas comparable à celle des tra-
vailleurs impliqués dans ces deux précédents. D'abord, il
n'a
été privé des prérogatives liées à sa fonction d'administra-
teur qu'après avoir démissionné de son poste de président du
conseil d'administration de la défenderesse et avoir reçu
son
congé ordinaire. Ensuite, les mesures prises par l'employeur
à son égard jusqu'à l'extinction des rapports de travail
étaient objectivement justifiées en raison, notamment, des
tensions qui régnaient alors entre les parties. Enfin, comme
on l'a déjà souligné, le demandeur a bien été libéré complè-
tement de son obligation de travailler; au reste, se fût-il
agi seulement d'une libération partielle, l'employeur n'en
eût pas moins été en droit de prier le travailleur licencié,
auquel il continuait de verser le salaire prévu par le con-
trat, de rester à sa disposition pour des engagements ponc-
tuels jusqu'à l'expiration du délai de congé.

Le dernier moyen soulevé par le demandeur est dès
lors, lui aussi, mal fondé.

d) Force est, partant, d'admettre, au terme de cet
examen, que les juges précédents n'ont pas abusé du large
pouvoir d'appréciation dont ils jouissent en ce domaine en
considérant que les motifs invoqués par le demandeur ne jus-
tifiaient pas la résiliation immédiate du contrat de
travail.
Point n'est, dès lors, besoin d'examiner la question,
laissée
ouverte par la Cour d'appel, de savoir si cette résiliation
est intervenue en temps utile.

4.- S'agissant d'une affaire résultant du contrat
de travail dont la valeur litigieuse dépasse 20 000 fr., il
y

a lieu de percevoir un émolument judiciaire (art. 343 al. 3
CO a contrario). Le demandeur, qui succombe, devra le suppor-
ter intégralement (art. 156 al. 1 OJ). Il lui appartiendra,
en outre, de verser des dépens à la défenderesse en applica-
tion de l'art. 159 al. 1 OJ.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 7000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimée une
indemnité de 10 000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel de la juridiction
des prud'hommes du canton de Genève (Cause n°
C/24406/1998-4).
__________

Lausanne, le 2 février 2001
ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.240/2000
Date de la décision : 02/02/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-02;4c.240.2000 ?
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