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01/02/2001 | SUISSE | N°1P.727/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 février 2001, 1P.727/2000


«/2»

1P.727/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

1er février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-Président du Tribunal fédéral, Favre et Mme Pont
Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Z.________, représentée par Me Eric Stauffacher, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 17 octobre 2000 par la Commission de revi-


sion pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, dans la
cause qui oppose la recourante à O.________ et B.________,...

«/2»

1P.727/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

1er février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-Président du Tribunal fédéral, Favre et Mme Pont
Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Z.________, représentée par Me Eric Stauffacher, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 17 octobre 2000 par la Commission de revi-
sion pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, dans la
cause qui oppose la recourante à O.________ et B.________,
toutes deux représentées par Me Dominique Hahn, avocate à
Lausanne, et au Ministère public du canton de V a u d ;

(art. 397 CP; revision d'un jugement cantonal)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 10 octobre 1997, le Tribunal
correctionnel du district d'Aigle a condamné Z.________ pour
violation du devoir d'assistance ou d'éducation à un mois
d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et au paiement
d'une indemnité de 5'000 fr. à titre de réparation du tort
moral subi par B.________. Les juges cantonaux ont retenu en
substance qu'en sa qualité de responsable de l'Ecole
X.________, spécialisée dans l'enseignement à des enfants et
adolescents mentalement handicapés ou présentant d'importan-
tes difficultés d'acquisition ou de développement,
Z.________
avait manqué à son devoir d'assistance envers les enfants
qui
lui étaient confiés en omettant d'annoncer au département un
cas d'abus sexuel mettant en cause deux élèves de l'école et
en ne prenant aucune mesure pour prévenir toute réitération
et protéger les autres élèves mineurs dont elle répondait.

B.- Le 2 août 2000, Z.________ a demandé la revision
de ce jugement, confirmé sur recours le 18 mai 1998 par la
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, puis
le 2 février 1999 par la Cour de cassation pénale du
Tribunal
fédéral, en s'appuyant sur les notes de supervision de
G.________, éducateur spécialisé, qui participait aux collo-
ques hebdomadaires organisés au sein de l'Ecole X.________.
A
titre de mesure d'instruction, elle sollicitait en outre
l'audition de leur auteur comme témoin aux fins d'en confir-
mer et d'en compléter le contenu.

Par arrêt du 17 octobre 2000, la Commission de revi-
sion pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud
(ci-après:
le Tribunal cantonal) a écarté la demande. Elle a considéré

en substance que les notes de supervision n'apportaient
aucun
élément nouveau propre à ébranler les constatations de fait
sur la base desquelles le Tribunal correctionnel du district
d'Aigle avait apprécié la gravité de l'infraction commise
par
la requérante et n'a pas donné suite, pour cette raison, à
la
demande d'audition de G.________.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
Z.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt.
Elle reproche au Tribunal cantonal d'avoir commis un déni de
justice formel prohibé par les art. 29 al. 1 Cst. et 6 § 1
CEDH et violé son droit à l'administration des preuves perti-
nentes consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. en écartant sans la
motiver sa requête d'audition de G.________ en qualité de té-
moin. Invoquant l'art. 9 Cst., elle lui fait en outre grief
d'avoir considéré arbitrairement que les notes de
supervision
ne revêtaient pas un caractère sérieux.

Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de
son arrêt. Le Ministère public du canton de Vaud propose le
rejet du recours. O.________ et B.________ concluent à son
irrecevabilité, subsidiairement à son rejet.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
126
I 257 consid. 1a p. 258).

A teneur de l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de droit
public n'est recevable que dans la mesure où les griefs pré-
sentés ne peuvent pas être soumis au Tribunal fédéral par un
autre moyen de droit, tel que le pourvoi en nullité (art.
268

ss PPF). Celui-ci est ouvert contre les jugements cantonaux
relatifs à des infractions de droit pénal fédéral, mais seu-
lement pour violation du droit fédéral; il ne permet pas de
critiquer les constatations de fait ni l'application du
droit
cantonal (art. 247, 268 ch. 1, 269 al. 1, 273 al. 1 let. b
PPF). Ces points - mais eux seuls - peuvent donc être contes-
tés par la voie du recours de droit public.

En tant que le litige a pour objet un refus d'entrer
en matière sur une demande de révision et que ce refus pour-
rait être contraire à l'art. 397 CP, le recours de droit pu-
blic permet de faire valoir que les faits ou moyens de
preuve
prétendument nouveaux, allégués ou offerts à l'appui de
cette
demande, ont été arbitrairement considérés comme déjà invo-
qués devant le premier juge, ou arbitrairement considérés
comme insuffisamment vraisemblables ou convainquants, et ain-
si inaptes à modifier les constatations déterminantes pour
l'application du droit (ATF 122 IV 66 consid. 2a p. 67; 116
IV 353 consid. 2b p. 356; 109 IV 173 et les références ci-
tées).

Le recours de droit public est à cet égard recevable
dans la présente affaire, dans la mesure où la contestation
porte sur l'appréciation anticipée des preuves nouvelles of-
fertes par la recourante. Les conditions de recevabilité des
art. 84 ss OJ sont par ailleurs réunies, de sorte qu'il con-
vient d'entrer en matière sur le fond.

2.- Dans un argument d'ordre formel qu'il y a lieu
d'examiner en priorité, la recourante reproche au Tribunal
cantonal d'avoir commis un déni de justice formel en
omettant
de statuer sur sa requête d'audition de G.________ en tant
que témoin, respectivement en l'écartant sans la motiver.

a) Selon la jurisprudence rendue en application de
l'art. 4 aCst., qui garde toute sa valeur sous l'empire de

l'art. 29 al. 1 Cst., une autorité de jugement commet un
déni
de justice formel si elle omet de statuer sur une conclusion
du recours dont elle est saisie alors qu'elle est compétente
pour le faire (ATF 117 Ia 116 consid. 3a p. 117/118 et les
arrêts cités; cf. aussi ZBl 96/1995 p. 174 consid. 2 p.
175).
En outre, le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2
Cst. impose au juge l'obligation de motiver ses décisions
afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses
droits de recours à bon escient. Pour satisfaire cette exi-
gence, il suffit que le juge mentionne au moins brièvement
les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa dé-
cision. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter
tous
les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les par-
ties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans ar-
bitraire, peuvent être tenus pour pertinents (cf. ATF 126 I
97 consid. 2b p. 102).

b) En l'espèce, le Tribunal cantonal n'a pas omis de
statuer sur la requête de la recourante tendant à l'audition
de G.________ en qualité de témoin; il l'a au contraire écar-
tée, au terme d'une appréciation anticipée des preuves, en
se
référant aux considérants consacrés à la pertinence des
notes
de supervision, pour parvenir à la conclusion que l'audition
de leur auteur ne fournirait pas d'éléments décisifs propres
à remettre en question la condamnation de Z.________ ou le
genre et la quotité de la peine infligée.

En conséquence, la recourante ne peut se plaindre ni
de la violation de son droit à une décision motivée, ni d'un
déni de justice formel. Sur ce point, le recours est manifes-
tement mal fondé.

3.- a) Aux termes des art. 397 CP et 455 al. 1 du
Code de procédure pénale vaudois, la voie de la revision est
ouverte lorsque des faits ou des moyens de preuve sérieux,
de

nature à établir l'innocence du condamné ou à faire douter
de
la légitimité de la condamnation, et dont le juge n'avait
pas
eu connaissance, viennent à être invoqués.

Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux, au sens
de ces dispositions, lorsque le juge n'en a pas eu connais-
sance au moment où il s'est prononcé, autrement dit ne lui
ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 122
IV
66 consid. 2a p. 67; 120 IV 246 consid. 2a p. 248; 117 IV 40
consid. 2a p. 42; 116 IV 353 consid. 3a p. 357) ou n'en a ma-
nifestement pas pris connaissance par suite d'une inadvertan-
ce (ATF 122 IV 66 consid. 2b p. 68). Ils sont sérieux lors-
qu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur
lesquels se fonde la condamnation et qu'un état de fait
ainsi
modifié rend possible un jugement sensiblement plus
favorable
au condamné (ATF 122 IV 66 consid. 2a p. 67 et les arrêts ci-
tés).

b) Nul ne conteste que les notes de supervision de
G.________ constituent des faits ou des moyens de preuve
nouveaux. La recourante soutient en revanche que le contenu
de ces notes était propre si ce n'est à écarter sa culpabi-
lité, à tout le moins à atténuer la gravité de l'infraction
pour laquelle elle a été condamnée. Elle voit en outre dans
le refus de l'autorité intimée d'ordonner l'audition de leur
auteur une violation de son droit de faire administrer des
preuves découlant du droit d'être entendu garanti par l'art.
29 al. 2 Cst.

En l'espèce, il ressort des déclarations conjointes
de F.________ et B.________ que la recourante a été informée
pour la première fois des actes d'ordre sexuel dont
O.________ a été la victime, peu après les vacances de l'été
1992; G.________ n'était pas présent et n'était ainsi pas en
mesure de confirmer ou d'infirmer la teneur des déclarations
faites par la jeune fille aux enseignants. Par la suite,

l'auteur de ces actes a fait l'objet de plusieurs entretiens
avec la directrice et les enseignants, concernant son attitu-
de, ses agissements et l'éventualité de le renvoyer de l'éco-
le X.________. Ainsi, la recourante connaissait, dès le mois
de septembre 1992, la situation et les risques que le jeune
homme faisait courir aux autres élèves, au point qu'il n'a
été sursis à la décision de le renvoyer que pour lui
accorder
une dernière chance. De plus, les notes de supervision éta-
blies par G.________ ne constituent qu'un résumé de synthèse
des observations faites par les collaborateurs de l'école,
qui ont auditionné les élèves impliqués et ont retranscrit
avec précision leurs déclarations et aveux. Dans cette me-
sure, elles n'apportent aucun élément propre à atténuer la
gravité des actes commis à l'encontre de O.________, fondée
sur les dépositions de F.________ et B.________. Celles-ci
fournissent des détails révélant que l'expression utilisée
de
"forcée à le caresser" est un euphémisme édulcorant la réali-
té et ne permettant pas d'infirmer les aveux et témoignages
plus précis et plus crus des élèves impliqués. Le Tribunal
cantonal n'a donc pas versé dans l'arbitraire en retenant
que
le contenu des notes de supervision n'était pas de nature à
ébranler les constatations de fait sur lesquelles les juges
du fond avaient fondé l'appréciation de la gravité de l'in-
fraction commise par la recourante.

A cet égard, cette dernière ne saurait adopter un
comportement contradictoire en procédure, lorsqu'elle dénie
leur force probante aux termes "d'agression sexuelle" dans
les notes de supervision et demander simultanément de tenir
compte de ces dernières lorsqu'elles minimisent le comporte-
ment pénalement répréhensible de l'auteur des agissements
sexuels, à la faveur d'un résumé réducteur.

L'autorité intimée n'est par conséquent pas tombée
dans l'arbitraire en considérant que les notes de
supervision
de G.________ ne constituaient pas des moyens de preuve qui

auraient conduit le Tribunal correctionnel du district
d'Aigle à statuer différemment s'il en avait eu connaissance
dans la procédure principale et en rejetant la demande de
révision pour ce motif; de même, elle n'a pas violé le droit
d'être entendue de la recourante en considérant, au terme
d'une appréciation anticipée non arbitraire des preuves, que
l'audition de G.________ en qualité de témoin n'amènerait
aucun élément nouveau ou plus précis, dès lors qu'il n'avait
pas eu un contrôle immédiat des élèves en cause et, partant,
qu'il n'avait pas pu examiner concrètement la situation
comme
leurs enseignants l'avaient fait (cf. ATF 125 I 417 consid.
7
p. 430).

4.- Le recours doit par conséquent être rejeté aux
frais de la recourante, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ).
Cette dernière versera en outre à O.________ et à
B.________,
prises solidairement, une indemnité de dépens réduite de 500
fr., compte tenu du fait que, même si elles ont conclu subsi-
diairement au rejet du recours, elles n'ont développé qu'une
argumentation succincte tendant au prononcé de son irreceva-
bilité (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Met à la charge de la recourante un émolument ju-
diciaire de 2'500 fr. et une indemnité de 500 fr. à verser à
O.________ et B.________, créancières solidaires, à titre de
dépens;

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Ministère public et à la Commission
de
revision pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

_____________

Lausanne, le 1er février 2001
PMN/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.727/2000
Date de la décision : 01/02/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-01;1p.727.2000 ?
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