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01/02/2001 | SUISSE | N°1P.440/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 février 2001, 1P.440/2000


«AZA 1/2»

1P.440/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

1er février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Favre.
Greffier: M. Thélin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par la

Société Immobilière de M o n t e n a i l l e s SA, à
Lausanne, représentée par Me Benoît Bovay, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 2 ju

in 2000 par le Tribunal administratif
du
canton de Vaud dans la cause qui oppose la recourante au Syn-
dicat des améliorat...

«AZA 1/2»

1P.440/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

1er février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Favre.
Greffier: M. Thélin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par la

Société Immobilière de M o n t e n a i l l e s SA, à
Lausanne, représentée par Me Benoît Bovay, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 2 juin 2000 par le Tribunal administratif
du
canton de Vaud dans la cause qui oppose la recourante au Syn-
dicat des améliorations foncières du Mont-sur-Lausanne, re-
présenté par Me Pierre Jomini, avocat à Lausanne;

(remaniement parcellaire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Depuis 1949, la Société Immobilière de
Montenailles SA est propriétaire des parcelles n° 1015,
1018,
1042 et 1504 de la commune du Mont-sur-Lausanne, d'une sur-
face totale de 36'239 m2. D'après une délimitation de l'aire
forestière achevée en été 1997, 8'136 m2, soit notamment tou-
te la parcelle n° 1018, sont soumis au régime forestier; par
ailleurs, la parcelle n° 1015 comporte une ancienne ferme ac-
tuellement affectée à l'habitation.

Un plan de zones entré en vigueur en 1968 a attribué
ces terrains à la zone sans affectation spéciale, où les
constructions non agricoles étaient admises à raison d'une
habitation (villa ou maison familiale) par parcelle de
4'500 m2 au minimum.

En 1979, la commune du Mont-sur-Lausanne a adopté un
nouveau règlement des constructions; celui-ci prévoyait des
zones nouvelles telles que, en particulier, une zone
agricole
et une zone intermédiaire; il anticipait l'élaboration d'un
plan correspondant. Dans l'intervalle, jusqu'à l'entrée en
vigueur de ce futur plan, la réglementation nouvelle mainte-
nait le régime existant pour la zone sans affectation spécia-
le; le gouvernement cantonal a approuvé ces dispositions
alors même que ledit régime n'était en principe plus admis
par la législation en vigueur. L'élaboration du nouveau plan
n'est toutefois pas intervenue.

En 1983, la commune a remplacé le règlement de 1979
par un autre qui anticipait lui aussi une révision du plan
de
1968; les dispositions transitoires de ce nouveau texte ont,
cette fois, supprimé la possibilité d'édifier des villas ou
maisons familiales dans la zone sans affectation spéciale.

Enfin, un plan général d'affectation, avec le règle-
ment correspondant, ont été adoptés le 30 septembre 1991 par
le Conseil communal du Mont-sur-Lausanne, et approuvés le 6
août 1993 par le Conseil d'Etat du canton de Vaud. Ce plan
prévoit, notamment, plusieurs périmètres attribués à une
"zone de verdure et d'habitat groupé", qui ne sont cependant
pas immédiatement constructibles: chacun d'eux devra d'abord
faire l'objet d'un plan de quartier ou plan partiel d'affec-
tation, accompagné de son propre règlement; le plan général
définit seulement le coefficient d'utilisation du sol. La
partie non forestière des parcelles n° 1015 et 1504 se
trouve
ainsi dans le périmètre n° 18 "Montenailles"; celle de la
parcelle n° 1042 est attribuée au périmètre n° 17
"Valleyre".
Le plan général prévoit un coefficient de 0,4 pour ces deux
périmètres.

B.- En rapport avec l'élaboration du plan général
d'affectation, la commune a demandé la création d'un
syndicat
d'améliorations foncières ayant pour but, outre la construc-
tion de chemins et de canalisations d'assainissement, le re-
maniement parcellaire "en corrélation avec l'adoption d'une
zone agricole liée à une zone à bâtir". Le Conseil d'Etat a
donné suite à cette demande par arrêté du 19 mars 1982.

Le périmètre général du remaniement, avec un sous-
périmètre assujetti à la péréquation réelle, ont été soumis
à
l'enquête publique en mai 1983. Les surfaces soumises à la
péréquation réelle et attribuées à une zone à bâtir, selon
le
plan d'affectation alors en voie d'élaboration, devaient fai-
re l'objet d'estimations distinctes, d'une part à l'ancien
état, à leur valeur de terrain agricole, et d'autre part au
nouvel état, à leur valeur de terrain à bâtir. Par ailleurs,
l'entrée en vigueur du plan d'affectation et de son
règlement
était, pour ces immeubles, reportée au moment de l'inscrip-
tion du nouvel état au registre foncier.

Les quatre parcelles de la société Montenailles SA
sont incluses dans le périmètre général et dans celui de la
péréquation réelle.

Trois autres enquêtes publiques furent organisées
ultérieurement, portant notamment sur des modifications du
sous-périmètre, l'avant-projet des travaux collectifs et di-
verses taxes-types. A l'occasion de l'enquête publique de no-
vembre 1992, la société a contesté, notamment, la taxe-type
retenue pour l'établissement du nouvel état dans les périmè-
tres n° 17 "Valleyre" et 18 "Montenailles", qui s'élevait à
350 fr./m2. A ce sujet, le Tribunal administratif du canton
de Vaud a donné gain de cause à l'opposante par un arrêt du
30 octobre 1995, au motif que la notion de taxe-type du
droit
cantonal n'était pas respectée, et que l'évaluation litigieu-
se anticipait de façon inadmissible l'estimation des terres
à
effectuer lors de la délimitation des nouvelles parcelles.

C.- Du 23 novembre au 23 décembre 1998, le syndicat
a soumis à l'enquête publique une nouvelle estimation des
terres et un projet de nouvel état.

D'après ce projet, la forêt est estimée à 1 fr./m2
tant à l'ancien qu'au nouvel état. La société Montenailles
SA
en reçoit 7'278 m2 (parcelles n° 2909, 2911 et 2913 NE);
elle
a droit à une soulte de 858 fr. pour le solde de sa préten-
tion de 8'136 m2.

Par ailleurs, cette propriétaire reçoit la parcelle
n° 3126 NE, contenant 5'405 m2, située dans le périmètre n°
18 "Montenailles". Ce bien-fonds est donc affecté à la "zone
de verdure et d'habitat groupé" avec coefficient 0,4, subor-
donnée à l'établissement préalable d'un plan partiel d'affec-
tation. La parcelle se compose d'une surface de 2'616 m2 es-
timée à 20 fr./m2 tant à l'ancien qu'au nouvel état, compor-
tant l'ancienne ferme sise sur la parcelle n° 1015 AE; il

s'agit d'une surface dite "attenante" à ce bâtiment, arrêtée
à quatre fois la surface des planchers, non soumise à la pé-
réquation réelle. La parcelle comprend en outre 2'789 m2 es-
timés à 343'047 fr. au nouvel état, soit 123 fr./m2; cette
surface-ci correspond à la prétention restante de 25'487 m2
à
l'ancien état.

Cette prétention était estimée à une valeur agricole
comprise entre 1 fr. et 3 fr.30/m2, selon la qualité et la
situation du terrain; il s'y ajoutait une valeur de "conve-
nance à bâtir" de 3 fr./m2 pour la parcelle n° 1042 AE et de
3 fr.90/m2 pour la parcelle n° 1015 AE, afférente aux possi-
bilités de construire qui avaient existé sous le régime de
la
zone sans affectation spéciale. L'estimation a été ensuite
multipliée par un coefficient fixé à 2,2623 pour assurer la
répartition, sur l'ensemble des surfaces soumises à la péré-
quation réelle, de la plus-value résultant de la
délimitation
des zones à bâtir: ce coefficient est égal au rapport des va-
leurs totales desdites surfaces, respectivement au nouvel
état et à l'ancien. La valeur de la prétention restante
s'établit ainsi à 342'191 fr., soit environ 13 fr.40/m2.
Pour
la parcelle n° 3126 NE, la propriétaire doit une soulte de
856 fr. qui compense, à 2 fr. près, celle relative à la fo-
rêt.

Selon le rapport de la Commission de classification,
également soumis à l'enquête publique, les attributions de
terrain situé dans les périmètres assujettis à des plans par-
tiels d'affectation futurs sont intervenues "sans
contraintes
de surface minimale à attribuer, ni de contraintes liées à
l'emplacement des parcelles"; celles-ci ne constituent que
la
"matérialisation [d'un] droit en m2 de plancher dans le
futur
PPA, droit garanti [...] par un CUS déjà fixé".

D.- Sans succès, la société a fait opposition au
projet en contestant, notamment, la réduction des surfaces
au

titre de la péréquation réelle et l'estimation du nouvel
état. La Commission de classification a maintenu son projet
par décision du 14 juin 1999.

L'opposante éconduite a recouru au Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud. Le 6 avril 2000, cette juridiction
a entendu les parties et a procédé à l'inspection des lieux.
Les représentants du syndicat ont alors indiqué que les
plans
partiels d'affectation auraient dû, de préférence, être éta-
blis avant l'attribution des terres au nouvel état, et que
dans le périmètre n° 18, un nouveau remaniement parcellaire
devrait impérativement être exécuté conjointement avec l'éla-
boration du plan de quartier, notamment en raison de l'exi-
guïté de certaines parcelles. Le tribunal a constaté que le
périmètre comprenait du terrain en forte pente, entouré de
forêt, dans sa partie supérieure, et du terrain moins acci-
denté dans sa partie inférieure. Il a rejeté le recours par
arrêt du 2 juin 2000.

E.- Agissant par la voie du recours de droit public,
la société Montenailles SA requiert le Tribunal fédéral d'an-
nuler l'arrêt du Tribunal administratif. Invoquant la garan-
tie de la propriété inscrite à l'art. 26 al. 1 Cst., elle
tient pour inadmissible de réduire dans une proportion consi-
dérable, selon le système de la péréquation réelle, ses sur-
faces à l'ancien état; elle tient également pour
inacceptable
de lui attribuer du terrain qui n'est pas immédiatement cons-
tructible et qui devra, au contraire, faire l'objet d'un nou-
veau remaniement parcellaire et d'un plan d'affectation sup-
plémentaire.

Invités à répondre, le Syndicat des améliorations
foncières du Mont-sur-Lausanne conclut à l'irrecevabilité ou
au rejet du recours; le Tribunal administratif propose son
rejet.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- A l'appui de ses conclusions tendant à l'irrece-
vabilité du recours, le syndicat intimé fait valoir que la
propriétaire n'a pas contesté l'incorporation de ses immeu-
bles dans le sous-périmètre d'application de la péréquation
réelle, lequel a fait l'objet d'enquêtes publiques spécifi-
ques, et qu'elle présente des arguments nouveaux par rapport
à ceux soulevés après l'enquête publique de novembre 1992,
contre la taxe-type de 350 fr./m2. Il est vrai que les criti-
ques générales dirigées contre la péréquation réelle,
fondées
sur les art. 22ter aCst. ou 26 al. 1 Cst., auraient pu être
soulevées déjà à un stade antérieur (ATF 122 I 120 consid.
2b
p. 123). Néanmoins, les décisions incidentes, à l'exception
de celles concernant la compétence ou les demandes de récusa-
tion, peuvent toujours être attaquées avec la décision
finale
(art. 87 al. 3 OJ, dans sa teneur depuis le 1er mars 2000).
Pour le surplus, les propriétaires sont certes liés, en prin-
cipe, par les mesures que le syndicat a soumises à l'enquête
publique et qu'ils n'ont pas contestées, mais chaque enquête
ouvre une procédure distincte et nul n'est tenu par les mo-
tifs qu'il a - ou n'a pas - soulevés à la suite d'une
enquête
antérieure. Enfin, la recourante se plaignait déjà de l'in-
certitude concernant l'avenir de la planification communale.

La recourante ne saurait non plus être éconduite en
raison du fait que lors de la prise de voeux de février
1997,
elle a elle-même souhaité recevoir du terrain dans les futu-
res zones de verdure et d'habitat groupé. En effet, elle a
simultanément élevé des réserves quant à l'estimation du sol
au nouvel état et elle avait même, à ce sujet, obtenu l'annu-
lation de la taxe-type de 350 fr./m2; de plus, elle était
propriétaire d'un bâtiment sis dans l'un des périmètres
concernés.

2.- La recourante conteste que la péréquation réel-
le, telle que prévue par la législation vaudoise et réalisée
dans le remaniement parcellaire du Mont-sur-Lausanne, soit
compatible avec l'art. 26 al. 1 Cst.

La garantie constitutionnelle du droit de propriété
n'exclut pas que, dans le cadre d'un remaniement
parcellaire,
un propriétaire foncier puisse être contraint d'abandonner
ses immeubles et d'en recevoir d'autres en échange. Elle ga-
rantit toutefois que l'échange intervienne conformément au
principe de la compensation réelle. Ainsi, les propriétaires
des surfaces agricoles incorporées dans un remaniement par-
cellaire ont le droit d'exiger, au nouvel état,
l'attribution
de terres équivalentes en quantité et en qualité, pour
autant
que le but du remaniement et les nécessités techniques le
permettent (ATF 122 I 120 consid. 5 p. 127, 119 Ia 21
consid.
1a p. 24). Sous la même condition, les propriétaires qui ont
cédé du terrain destiné à la construction doivent recevoir
des immeubles de même valeur; l'attribution d'une surface in-
férieure à celle de l'ancien état satisfait à la
compensation
réelle si la valeur se trouve néanmoins conservée par
l'effet
d'une plus-value. Celle-ci peut résulter du remaniement ou
de
mesures d'aménagement du territoire telles que, par exemple,
une augmentation de l'indice d'utilisation (ATF 122 I 120
consid. 5 p. 127, 116 Ia 41 consid. 5a p. 50, 100 Ia 223
consid. 3a p. 227).

Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion d'examiner
le remaniement avec péréquation réelle prévu par le droit
vaudois. En sus des opérations ordinaires d'un remaniement
parcellaire, la péréquation réelle consiste en une redistri-
bution des terres connexe à la délimitation ou à l'extension
de la zone à bâtir, tendant à réaliser l'égalité de traite-
ment des propriétaires. Les terres à l'ancien état sont esti-
mées selon leur valeur avant
l'établissement du plan d'affec-
tation, en tenant compte notamment de leur rendement agrico-

le, de leur équipement éventuel et des possibilités objecti-
ves de bâtir dans un proche avenir; pour la confection du
nouvel état, elles sont estimées à nouveau, à leur valeur
d'après le statut qui leur est conféré par le plan. Chaque
propriétaire reçoit des parcelles en zone à bâtir ou en zone
agricole, en proportion de la valeur de l'ancien état de pro-
priété. La double estimation des terres entraîne que la
plus-value des surfaces classées en zone à bâtir ne profite
pas seulement aux propriétaires de ces surfaces à l'ancien
état, mais qu'elle est au contraire répartie entre tous les
propriétaires du périmètre, quel que soit l'emplacement de
leurs parcelles à l'intérieur de celui-ci. Le remaniement à
péréquation réelle constitue un exemple des régimes de
compensation que les cantons peuvent instituer conformément
à
l'art. 5 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du terri-
toire (ATF 122 I 120 consid. 3 p. 124).

Déjà avant l'entrée en vigueur de cette disposition
légale fédérale, le Tribunal fédéral avait jugé que le droit
cantonal peut valablement prévoir, sans violer la garantie
constitutionnelle du droit de propriété, le prélèvement
d'une
part même importante de la plus-value résultant de mesures
d'aménagement du territoire (ATF 105 Ia 134 consid. 3b p.
141). Cette garantie n'exclut pas non plus qu'un prélèvement
de ce genre intervienne dans le cadre d'un remaniement par-
cellaire, selon le système de la péréquation réelle, dans le
but de répartir la plus-value entre tous les propriétaires
qui pouvaient espérer une attribution de leur terrain à la
zone à bâtir. La valeur des immeubles qu'un propriétaire re-
çoit au nouvel état doit cependant correspondre, au minimum,
à celle des biens-fonds qui lui sont enlevés.

3.- Pour s'opposer au principe même de la péréqua-
tion réelle, la recourante fait valoir qu'elle perd près de
90 % des surfaces non forestières possédées avant le remanie-
ment. Elle soutient aussi que ces surfaces étaient aptes à
la

construction, puisque la planification communale les
attribue
à une zone d'habitat groupé; elle en déduit que celles-ci
auraient donc dû être estimées à la valeur de terrain cons-
tructible déjà à l'ancien état.

a) Le propriétaire a le droit d'exiger que lors de
la double estimation des terres, qui est l'élément essentiel
du système de la péréquation réelle, ses parcelles de l'an-
cien état soient estimées au minimum à leur valeur vénale
avant l'élaboration du plan, et que les terrains reçus au
nouvel état soient estimés au maximum à leur valeur vénale
après la mise en vigueur de cet acte. En l'occurrence, la re-
courante ne conteste pas sérieusement l'estimation de ses
terrains selon le statut qui leur était conféré par le
régime
de la zone sans affectation spéciale; en particulier, elle
ne
cherche pas à démontrer que les valeurs de "convenance à bâ-
tir" retenues par la Commission de classification n'aient
pas
dûment pris en considération les perspectives de construire
qui semblaient, le cas échéant, exister à moyen ou à long
terme pour ces biens-fonds.

b) La recourante fait aussi valoir que la commune du
Mont-sur-Lausanne est la seule, dans tout le canton de Vaud,
a avoir entrepris d'appliquer le système du remaniement avec
péréquation réelle sur un vaste territoire et à un grand nom-
bre de propriétaires. Il semble effectivement que dans les
autres communes, les organes responsables de la
planification
locale soient généralement peu favorables à l'utilisation de
cet instrument de répartition de la plus-value mis à disposi-
tion par la législation cantonale; cela ne démontre
toutefois
pas que ledit instrument soit en lui-même incompatible avec
la garantie de la propriété. Enfin, il importe encore moins
que la réalisation du plan approuvé en 1993 eût été possible
aussi sans péréquation réelle, ni que le parlement cantonal
ait récemment refusé un projet de loi tendant à un prélève-

ment de seulement 25 % de la plus-value résultant de la créa-
tion ou de l'extension de zones à bâtir.

c) Le système de la péréquation réelle ne se justi-
fie toutefois que si le terrain concerné reçoit un statut
défini conformément aux buts et aux principes de l'aménage-
ment du territoire. L'affectation du sol et l'intensité de
son utilisation doivent donc être fixées de façon stable,
avec force obligatoire pour les propriétaires et pour les
autorités, conformément à l'art. 21 LAT (cf. ATF 123 I 175
consid. 3a p. 182/183).

En l'occurrence, le périmètre n° 18 "Montenailles"
ne reçoit pas, d'après le plan général d'affectation
approuvé
en 1993, le statut de terrain à bâtir. Au contraire, jusqu'à
la mise en vigueur d'un plan de quartier ou plan partiel
d'affectation, accompagné de son propre règlement, ce périmè-
tre demeurera inconstructible. A première vue, l'élaboration
du plan définitif nécessitera une procédure complète de pla-
nification, comportant un examen par le Conseil communal et
une décision de cette assemblée soumise au référendum facul-
tatif; en effet, il est douteux qu'un plan de quartier "de
compétence municipale", selon les art. 72a à 72d de la loi
cantonale sur l'aménagement du territoire et les construc-
tions (LATC), introduits par une loi du 4 février 1998, soit
envisageable en l'espèce. Le cas échéant, un tel plan est
adopté par la Municipalité, à l'issue d'une procédure analo-
gue à celle du permis de construire.

S'ils s'entendent dans ce but, les propriétaires du
périmètre peuvent requérir collectivement l'établissement
d'un plan de quartier, ordinaire ou, éventuellement, "de com-
pétence municipale", mais les autorités ne sont pas tenues
d'adopter les modalités qu'ils proposent (art. 67 al. 2
LATC). En particulier, aucune disposition ne leur garantit
le
droit d'obtenir la concrétisation de l'indice d'utilisation

de 0,4 prévu par le plan général. Ils n'ont pas non plus le
droit de construire selon le régime général d'une zone à bâ-
tir, dans l'hypothèse où le plan de quartier n'est pas
adopté
à l'issue d'un certain délai (cf. ATF 115 Ia 333 consid. 6e
p. 343). Dans son arrêt du 30 octobre 1995, le Tribunal admi-
nistratif faisait d'ailleurs allusion au "risque d'attente,
voire d'échec, des plans partiels d'affectation envisagés"
(consid. 2b). Au regard de cette situation, le périmètre n°
18 doit être assimilé à une zone dont l'affectation est dif-
férée, au sens de l'art. 18 al. 2 LAT (ATF 112 Ia 155
consid.
2f p. 160; arrêt du 5 mars 1998 in SJ 1998 p. 636, consid.
2e/aa p. 641). On observe que même selon la typologie du
droit cantonal, les terrains "dont l'affectation sera
définie
ultérieurement par des plans d'affectation ou de quartier"
font partie des zones intermédiaires (art. 51 al. 1 LATC),
distinctes des zones à bâtir.

L'estimation à 123 fr./m2 n'apparaît donc pas justi-
fiée par de nouvelles possibilités d'utilisation de la par-
celle n° 3126 NE, mais seulement par l'expectative que des
droits de bâtir y soient créés par un plan d'affectation fu-
tur.

d) Cette estimation est fondée sur la méthode dite
de la "centralité", d'après laquelle il existe une relation
connue, variable selon que l'emplacement de l'immeuble est
plus ou moins avantageux, entre le prix de revient d'une
construction et la valeur du terrain où elle se trouve
(Wolfgang Naegeli/Heinz Wenger, L'estimation immobilière,
Genève 1997, p. 28 et ss; cf. ATF 114 Ib 286 consid. 6-7 p.
294, 102 Ib 353 consid. 2 in fine p. 355). La Commission de
classification a appliqué cette méthode sur la base du prix
de revient, supposé, d'un volume construit qu'elle a évalué
à
partir de la surface du périmètre et d'un indice d'utilisa-
tion de 0,4. Elle a imputé les coûts présumés de l'étude du
futur plan de quartier et des travaux d'équipement; elle a
en

outre déduit un escompte pour prendre en considération le dé-
lai qui s'écoulera jusqu'à l'adoption du plan. Selon son rap-
port, elle a évalué ce délai à quinze ans dès 1993, par ana-
logie avec le laps de temps au delà duquel, d'après la légis-
lation cantonale, les propriétaires ou autres intéressés peu-
vent éventuellement demander la révision d'un plan d'affecta-
tion entré en vigueur (art. 75 al. 2 LATC). Sur ce point,
l'approche de la Commission confirme que l'affectation à
l'habitat groupé, esquissée dans le plan général de 1993,
est
une simple hypothèse, et que les propriétaires recevant du
terrain dans le périmètre n° 18 ne pourront raisonnablement
prévoir ni le moment où ils pourront construire, ni
l'étendue
effective des droits de bâtir qui leur seront finalement
conférés.

Dans ces conditions, l'estimation de la parcelle n°
3126 NE à une valeur de terrain à bâtir, même réduite d'un
escompte, apparaît surfaite et, par conséquent, incompatible
avec l'art. 26 al. 1 Cst. L'estimation est d'ailleurs aussi
contraire à l'art. 86 al. 1 let. b de la loi cantonale sur
les améliorations foncières: cette disposition prévoit que,
pour la préparation du nouvel état, l'estimation intervient
derechef, comme à l'ancien état, sur la base des "possibili-
tés objectives de construire dans un proche avenir", mais
compte tenu "de la nouvelle réglementation". Or, au stade
actuel de la planification communale, le périmètre n° 18
doit
manifestement être tenu pour inconstructible dans un proche
avenir. Ainsi, la recourante se plaint à bon droit de ne pas
recevoir, avec la parcelle précitée, du terrain
correspondant
à sa prétention.

4.- Il ressort du rapport de la Commission de clas-
sification et de l'arrêt attaqué qu'à l'intérieur du périmè-
tre n° 18, les parcelles attribuées au nouvel état ne sont
pas délimitées en vue d'une utilisation réelle par leurs pro-
priétaires; au contraire, ceux-ci ne reçoivent que des surfa-

ces virtuelles, vouées à un remaniement supplémentaire qui,
lui, aboutira à une configuration correspondant au futur
plan
de quartier. Cette issue de l'opération actuellement en
cours
est compliquée et insolite; elle ne répond pas aux objectifs
ordinaires d'une amélioration foncière et, dans une large me-
sure, elle équivaut à suspendre le droit de propriété pour
un
laps de temps prolongé et indéterminé. On peut donc douter
que ce résultat soit compatible avec l'art. 26 al. 1 Cst.;
il
semble plutôt que les propriétaires aient le droit d'obtenir
des biens-fonds adaptés à la nature ou à l'utilisation ac-
tuelle du sol. Cette question peut toutefois rester
indécise,
puisque le recours de droit public doit de toute manière
être
admis en raison de la surestimation du terrain attribué à la
recourante.

5.- La partie qui succombe, en l'occurrence le syn-
dicat intimé, qui ne figure pas au nombre des collectivités
mentionnées à l'art. 156 al. 2 OJ, doit acquitter
l'émolument
judiciaire et les dépens à allouer à la recourante qui ob-
tient gain de cause.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule l'arrêt attaqué.

2. Met à la charge du Syndicat des améliorations
foncières du Mont-sur-Lausanne:
a) un émolument judiciaire de 4'000 fr.;
b) une indemnité de 2'000 fr. à payer à la
recourante à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et au Tribunal administratif du canton de
Vaud.

Lausanne, le 1er février 2001
THE/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.440/2000
Date de la décision : 01/02/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-02-01;1p.440.2000 ?
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