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30/01/2001 | SUISSE | N°4C.253/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 janvier 2001, 4C.253/2000


«/2»

4C.253/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

Séance du 30 janvier 2001

Présidence de la Cour: M. Walter, président.
Présents: M. Leu, M. Corboz, Mme Klett et M. Nyffeler, juges.
Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

F.________, défendeur et recourant, représenté par Me Domi-
nique Warluzel, avocat à Genève,

et

les époux B.________, demandeurs et intimés, tous deux repré-
sent

és par Me David Lachat, avocat à Genève;

(convention de réservation; légitimation active; rembourse-
ment d'acompte; culpa in c...

«/2»

4C.253/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

Séance du 30 janvier 2001

Présidence de la Cour: M. Walter, président.
Présents: M. Leu, M. Corboz, Mme Klett et M. Nyffeler, juges.
Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

F.________, défendeur et recourant, représenté par Me Domi-
nique Warluzel, avocat à Genève,

et

les époux B.________, demandeurs et intimés, tous deux repré-
sentés par Me David Lachat, avocat à Genève;

(convention de réservation; légitimation active; rembourse-
ment d'acompte; culpa in contrahendo)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) F.________ était propriétaire d'un appar-
tement en duplex, à Nyon. Cet appartement, acquis en mars
1990, était issu de la réunion d'une part de deux apparte-
ments figurant au cadastre sous le feuillet ..., et d'autre
part d'une pièce et d'une terrasse, appartenant précédemment
à un autre appartement enregistré au cadastre sous le feuil-
let ...; au registre foncier, l'appartement figurant sous
feuillet ... et la pièce correspondant au feuillet ...
étaient restés distincts. En avril 1995, F.________ avait
remis à bail son bien aux époux W.________ pour une durée
initiale de trois ans; en dernier lieu, le contrat se renou-
velait de mois en mois, et était résiliable moyennant un
préavis de trois mois.

b) F.________ a décidé de mettre en vente son ap-
partement. Il a fait paraître une annonce dans la presse le
14 avril 1998, décrivant l'appartement comme comportant une
surface de 275 m2 habitables, avec 250 m2 de terrasses et
quatre garages. Le prix demandé s'élevait à 1 680 000 fr.
Les
époux B.________ se sont intéressés à l'achat. Ils ont
visité
l'objet à deux reprises en avril 1998 et ont demandé une op-
tion d'achat jusqu'au 7 mai 1998. Ils ont été informés du
fait que des locataires occupaient les lieux et qu'il conve-
nait de résilier le bail moyennant un préavis de trois mois.

Sur ces bases, les époux B.________ ont formulé une
offre d'achat pour un prix de 1 500 000 fr., frais de
notaire
compris, et cela par le truchement de l'agence immobilière
X.________ en charge de la vente. Celle-ci a confirmé aux
époux, le 29 avril 1998, l'accord de principe du vendeur. Le
5 mai 1998, les époux B.________ ont demandé à l'agence
immobilière qu'on leur remette l'acte d'achat de l'apparte-

ment par F.________, sur lequel figuraient les servitudes.
L'intéressée a accepté de leur soumettre ce document par let-
tre du 6 mai 1998. Les époux B.________ ne l'ont cependant
jamais reçu.

Le 12 mai 1998, F.________ a établi une "convention
de réservation" de l'appartement que les parties ont signée.
La convention ne visait que le feuillet ... du cadastre en
mentionnant que lui étaient rattachés une cave et quatre ga-
rages. Le prix indiqué était de 1 500 000 fr., payable sous
la forme d'un premier acompte de 75 000 fr. à la signature
de
la "convention de réservation", le solde, à savoir
1 425 000 fr., devant être versé à la mise à disposition des
locaux, fixée au 1er septembre 1998. Le document en question
comportait encore une clause pénale, aux termes de laquelle,
si les locaux n'étaient pas mis à disposition de l'acquéreur
à la date convenue, soit le 1er septembre 1998, le vendeur
s'engageait à payer une indemnité s'élevant à 500 fr. par
jour, à compter du 15ème jour de retard.

Le 19 mai 1998, F.________ a résilié le bail des
époux W.________ pour le 31 août 1998. Par télécopie du même
jour il en a informé le notaire D.________ en invitant
celui-ci à mentionner dans son projet d'acte que les ache-
teurs s'engageaient à lui payer un montant additionnel de
75 000 fr. à la signature, ce qui portait le montant total
des arrhes à 150 000 fr. F.________ avait déjà reçu, le 12
mai 1998, un chèque à son ordre de 75 000 fr., émis par la
SI
l'Idylle qui appartenait aux époux B.________. Le 22 mai
1998, les parties se sont rencontrées chez le notaire pour
convenir des conditions de la vente. Les époux ont visité à
nouveau l'appartement le 5 juin 1998 pour participer à la
rédaction d'un inventaire détaillé.

c) Le notaire a établi un projet d'acte authentique
le 5 juin 1998. L'acte portait sur la copropriété par étages

figurant au feuillet ... (appartement duplex de 225 m2 et
terrasses de 216 m2) ainsi que sur une place de
stationnement
figurant sous feuillet ... et trois garages figurant sous
feuillets ..., ... et ... rattachés à la parcelle de base
1135 du Registre foncier de Nyon. La vente était convenue
sans garantie pour les défauts connus ou cachés, l'acheteur
y
renonçant expressément. Le prix devait être acquitté selon
les modalités suivantes: 75 000 fr. déjà payés, 75 000 fr. à
verser à la signature du contrat de vente, et 1 350 000 fr.
le jour de la réquisition du transfert de propriété. La clau-
se pénale prévue dans la "convention de réservation" n'était
pas reprise.

Ce projet a été transmis aux parties le même jour
afin qu'elles lui apportent leurs commentaires éventuels et
lui donnent leur approbation. Un rendez-vous pour la signa-
ture de l'acte définitif a été pris pour le 15 juin 1998.

B.- Le 6 juin 1998, F.________ a approuvé sans ré-
serve le texte rédigé par le notaire. En revanche, par
lettre
du 8 juin 1998, adressée à F.________, les époux B.________
accusaient réception du projet de contrat établi par "son no-
taire" en déplorant le retard que celui-ci avait mis à le
leur communiquer, ce qui leur laissait peu de temps avant la
date prévue pour la signature, le 15 juin 1998. Spécifiant
qu'ils allaient transmettre le dossier à leur avocat, ils
précisaient d'ores et déjà que, pour eux, ce projet était
inacceptable. Ils s'indignaient, par ailleurs, du fait
qu'ils
n'avaient jamais reçu, en dépit de leurs multiples rappels,
la copie de l'acte d'achat de l'appartement par F.________;
ce document indiquait les servitudes et aurait dû leur parve-
nir avant le 12 mai.

F.________ a répondu aux époux B.________ le 9 juin
en exprimant sa consternation et en s'étonnant de leur posi-
tion compte tenu de leur comportement antérieur. Il
déplorait

également le fait qu'il avait évincé un autre acquéreur po-
tentiel et réservait tout éventuel dommage que l'attitude
des
époux pourrait lui occasionner.

Par lettre du 9 juin, les époux B.________ énumé-
raient alors différents griefs: modification des conditions
de paiement du prix de vente par l'adjonction d'un acompte
supplémentaire dont il n'avait jamais été question, non-ré-
ception de l'acte d'achat qu'on leur avait pourtant promis,
étonnement devant le fait que le projet d'acte notarié por-
tait sur des surfaces habitables de 225 m2 et des terrasses
de 216 m2 alors que la surface de l'appartement devait
s'étendre à 275 m2 et celle des terrasses à 257 m2 selon les
éléments en leur possession, mention dans l'acte de vente de
trois garages et d'une place de stationnement alors qu'ils
avaient conclu l'achat portant sur quatre garages, absence
de
mention de la cave double dans l'acte.

Par courrier du 12 juin, F.________ a contesté les
griefs articulés par les époux B.________, en leur fournis-
sant diverses explications; il leur reprochait de s'arrêter
à
des futilités et les invitait à se déterminer rapidement.

Le lendemain, les époux B.________ ont écrit au no-
taire pour lui demander des explications sur les différences
de métrage entre les plans qu'ils avaient reçus et ce qui
ressortait du projet d'acte de vente. Ils ont simultanément
annulé le rendez-vous prévu pour la signature de l'acte, le
15 juin 1998.

Le lendemain, les époux B.________, F.________ et
le notaire échangeaient de nombreuses télécopies contenant
diverses explications et reproches réciproques. F.________,
dans un nouveau courrier adressé aux époux, a en particulier
reconnu qu'un malentendu s'était produit et que l'erreur qui
figurait dans l'acte rédigé par le notaire lui avait
échappé;

il indiquait qu'il avait enjoint à ce dernier de corriger le
point. Il invitait les époux à se déterminer sur la vente,
étant donné qu'en cas de renonciation de leur part, la nais-
sance de litiges portant sur la réparation des préjudices
qui
lui étaient causés était prévisible.

Les époux B.________ ont alors répondu qu'ils re-
nonçaient à l'achat et réclamaient une indemnisation de
150 000 fr., soit 75 000 fr. à titre de remboursement des
arrhes versées et 75 000 fr. pour rupture du contrat en rai-
son des irrégularités commises. F.________ s'est opposé à
ces
prétentions; selon lui, l'appartement vendu était bien celui
que les époux avaient visité à plusieurs reprises et tout
n'était dû qu'à une erreur de transcription du notaire ne
leur ayant causé aucun préjudice. Les époux B.________ ont
maintenu leur position par courrier du 15 juin. Par
télécopie
du même jour, F.________ a pris acte de leur prise de posi-
tion. Depuis ce moment, les parties ont correspondu par l'in-
termédiaire de leurs conseils, les époux B.________
réclamant
le remboursement du montant de 75 000 fr. qu'ils avaient ver-
sé à F.________ et celui-ci s'y opposant.

En raison de l'échec de la vente, F.________ a con-
clu avec les époux W.________ un nouveau contrat de bail,
échéant au 30 juin 2000 pour un loyer de 90 000 fr. par
année
(soit un montant inférieur au précédent).

C.- Par demande déposée en conciliation le 9 octo-
bre 1998, les époux B.________ ont assigné F.________ en
paiement de 75 000 fr. avec intérêts.

Dans sa réponse, F.________ a conclu à ce que le
Tribunal lui donne acte de ce qu'il s'engageait à verser aux
époux demandeurs la somme de 33 247 fr.50 constituant la dif-
férence entre la somme reçue de 75 000 fr. et le dommage
qu'il encourait du fait du désistement des acheteurs. Ce pré-

judice, estimé à 41 752 fr.50, était constitué selon lui par
la perte de location de l'appartement jusqu'à l'échéance
d'un
nouveau bail ainsi que par les honoraires dus à son avocat.
Il invoquait la responsabilité précontractuelle des deman-
deurs à l'appui de ses prétentions.

Par jugement du 16 septembre 1999, le Tribunal de
première instance de Genève a admis la demande.

Saisie par F.________, qui a contesté la légitima-
tion active des demandeurs, la Cour de justice du canton de
Genève a confirmé le jugement du Tribunal de première instan-
ce par arrêt du 16 juin 2000.

D.- F.________ recourt en réforme au Tribunal fé-
déral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt de la Cour de
justice et à la réforme dudit arrêt, en ce sens que les de-
mandeurs sont déboutés de toutes leurs conclusions; il
invite
également le Tribunal fédéral à lui donner acte de son enga-
gement à verser aux demandeurs 20 418 fr.50, soit la diffé-
rence entre la somme reçue de 75 000 fr. et la somme de
54 581 fr.50 compensée à titre de dommages et intérêts.

Les demandeurs concluent au rejet du recours dans
la mesure où il est recevable et à la confirmation de
l'arrêt
attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Les demandeurs ont versé 75 000 fr. le 12
mai 1998 en exécution de la "convention de réservation" du
même jour au moyen d'un chèque émis par une société immobi-
lière à l'ordre du détenteur. La cour cantonale a considéré
que ce paiement constituait un acompte sur le prix de vente

(et non des arrhes ou un dédit), et que le rapport noué
entre
les parties dans ce contexte l'était bien entre le
défendeur,
d'une part, vendeur du bien immobilier, et les époux deman-
deurs, d'autre part, acquéreurs dudit bien. De l'avis des
premiers juges, le fait que le paiement ait eu lieu par l'in-
termédiaire d'une société tierce était irrelevant: il s'agis-
sait d'un cas type d'attribution indirecte. Il s'ensuivait
que le paiement effectué par la société immobilière devait
être attribué aux demandeurs qui, ce faisant, avaient
exécuté
leur obligation découlant de la "convention de réservation".

Cela étant, la cour cantonale a constaté que la
cause en vertu de laquelle ce paiement avait été effectué ne
s'était jamais réalisée - faute pour la vente d'avoir été
passée en la forme authentique, condition indispensable à sa
validité. Les dispositions sur l'enrichissement illégitime
(art. 62 ss CO) devaient donc trouver application.
S'agissant
d'un cas d'attribution indirecte, les demandeurs avaient la
légitimation active.

b) La cour cantonale est parvenue à la conclusion
que l'on ne pouvait pas reprocher aux demandeurs d'avoir com-
mis une culpa in contrahendo dans le cadre des négociations.
Ces derniers s'étaient engagés sérieusement durant les pour-
parlers, en payant d'emblée un acompte de 75 000 fr. sur la
vente future, et avaient poursuivi normalement les discus-
sions. Elle a relevé qu'en réalité les négociations avaient
été émaillées de divers incidents, essentiellement dus au dé-
fendeur, de nature à ébranler la confiance que les époux de-
mandeurs pouvaient placer en ce dernier. A ses yeux, il
était
même évident que c'était le défendeur qui avait violé les rè-
gles de la bonne foi durant les pourparlers, alors que les
demandeurs avaient respecté leurs devoirs en la matière.

Dans ces circonstances, la condamnation du défen-
deur à payer aux demandeurs la somme de 75 000 fr. prononcée

en première instance a été confirmée, sans qu'il soit néces-
saire d'examiner l'existence du préjudice allégué par le dé-
fendeur.

2.- a) La qualification d'acompte donnée au verse-
ment des 75 000 fr., la non-venue à chef du contrat de vente
concerné par ce
paiement, de même que l'applicabilité des
dispositions sur l'enrichissement illégitime ne sont à juste
titre pas remises en question par le défendeur. Celui-ci per-
siste toutefois, dans un premier moyen de recours, à contes-
ter la légitimation active des demandeurs. Il soutient que
la
créance en enrichissement illégitime, soit la légitimation
active, appartient à la société immobilière qui a émis le
chèque au moyen duquel l'acompte a été effectué. A l'appui
de
sa thèse, il invoque un arrêt Utzinger (ATF 70 II 117), où
le
Tribunal fédéral a reconnu la qualité pour agir en enrichis-
sement illégitime à une épouse qui avait versé une somme à
un
créancier de son mari dans le but de régler une dette qui de-
vait finalement se révéler inexistante.

Le défendeur fait valoir que l'on ignore le motif
juridique pour lequel la société immobilière a payé la somme
de 75 000 fr. pour le compte des demandeurs; l'on ne saurait
pas si ce montant provient directement des avoirs de la so-
ciété ou s'il s'agit d'un emprunt contracté par les deman-
deurs; le dossier ne permettrait pas à la Cour de justice
d'admettre que ce seraient les demandeurs qui se seraient
trouvés appauvris du fait du paiement; la cour aurait dû
constater que la société immobilière avait effectué le paie-
ment en son nom, par le débit de son compte bancaire et,
qu'en conséquence, seule celle-ci pouvait être considérée
comme l'appauvrie.

Le défendeur ajoute qu'il a un intérêt juridique
digne de protection à ce que le défaut de légitimation
active
des demandeurs soit constaté, car admettre leur qualité pour

agir sans éclaircissement des rapports juridiques entre ces
derniers et la société immobilière l'exposerait à se voir re-
chercher une seconde fois en enrichissement illégitime,
cette
fois-ci par la société immobilière.

b) La cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral
en analysant la situation d'espèce comme cas d'attribution
indirecte. On est en présence d'un rapport triangulaire, à
savoir un rapport juridique entre A et B (A étant ici les
demandeurs débiteurs du défendeur B), avec l'intervention
d'un tiers C (en l'occurrence la société immobilière), qui
n'a aucun lien avec B mais qui paie la dette de A en vertu
d'un rapport existant entre lui-même et ce dernier (cf. von
Tuhr/Peter, Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligatio-
nenrechts, 3ème éd., p. 199-200)

Dans un tel cas, chacune des deux relations causa-
les sur lesquelles se fonde le versement peut être entachée
d'un vice. Le droit de répétition naît donc pour ou contre
chacune des personnes entre lesquelles s'est opérée l'action
viciée parce que sans cause (von Tuhr/Peter, op. cit., p.
477). Partant de cette prémisse, le Tribunal fédéral, dans
sa
jurisprudence la plus récente en matière d'assignation -
dont
il n'y a pas lieu de s'écarter -, a exclu, en principe, la
possibilité d'une action directe de l'assigné pour enrichis-
sement illégitime de l'assignataire en cas de vices
affectant
le rapport de couverture, le rapport de valeur ou les deux
rapports à la fois (ATF 117 II 404 consid. 3a; 116 II 689
consid. 3b/aa; 121 III 109; là-dessus, cf. Köndgen, RSDA
1996
p. 30 ss; Honsell, AJP 1995, 1209; Th. Koller, RJB 1995 797;
Wiegand, RJB 1997 128). Le Tribunal fédéral a certes réservé
le droit de l'assigné de rechercher directement l'assignatai-
re lorsque l'attribution faite par le premier au second est
viciée en soi, mais uniquement dans des cas exceptionnels
(ATF 121 III 109 consid. 4a).

On considère qu'il y a appauvrissement de l'assi-
gnant, et non de l'assigné, et enrichissement de l'assigna-
taire, dans les relations triangulaires où le rapport de va-
leur est vicié (cf. Keller/Schaufelberger, Ungerechtfertige
Bereicherung, 3ème éd., p. 35-36; Schulin, Commentaire bâ-
lois, n° 31 ad art. 62 OR; Gauch/Schluep/Schmid/Rey, Schwei-
zerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, 7ème éd., n°
1539d). Cette solution doit également prévaloir, sauf situa-
tion exceptionnelle, dans le cas du tiers payant à un créan-
cier une dette du débiteur, comme dans la situation
illustrée
plus haut par von Tuhr/Peter.

c) Le défendeur invoque en vain l'arrêt Utzinger
(ATF 70 II 117). Le Tribunal fédéral y a posé que, lorsqu'un
tiers paye une dette qui s'avère n'avoir jamais existé, et
pour déterminer qui a été appauvri, il ne faut pas se lier à
une règle abstraite, mais rechercher chaque fois d'après la
situation d'espèce qui doit être considéré comme ayant été
lésé par le paiement de la dette inexistante.

Le Tribunal fédéral a précisé que le cas Utzinger
était exceptionnel, vu la relation maritale unissant le dé-
biteur et le tiers payant, ainsi que l'existence d'une quit-
tance libellée au nom de l'épouse. Or, dans notre espèce,
ces
éléments exceptionnels n'existent pas.

d) C'est donc à juste titre et en parfaite confor-
mité avec la jurisprudence et la doctrine que la cour canto-
nale a admis la légitimation active des demandeurs.

La crainte exprimée par le défendeur de se voir
également rechercher par la société immobilière pour enri-
chissement illégitime est infondée. La jurisprudence a en
effet clairement exclu que l'assigné (ici la société immobi-
lière) puisse actionner l'assignataire en enrichissement il-
légitime (ATF 121 III 111). Il apparaît, de surcroît que,

dans le cadre d'une seconde demande, le défendeur pourrait
faire valoir avec succès qu'il n'est plus enrichi dès lors
qu'il a été condamné à payer aux demandeurs la somme de
75 000 fr. litigieuse.

3.- a) Dans un second moyen de recours, le défen-
deur soutient que la Cour de justice a violé le droit
fédéral
en refusant d'admettre que la renonciation par les
demandeurs
à l'achat de l'appartement constituait une culpa in contra-
hendo de leur part.

Le défendeur fait valoir que le moment déterminant
pour trancher ce point était le 12 juin 1998 - date à la-
quelle les demandeurs ont indiqué renoncer à l'achat de l'ap-
partement et ont, parallèlement, réclamé le remboursement
des
75 000 fr. versés à la signature de la "convention de réser-
vation" ainsi que le paiement d'une indemnité "pour rupture
de contrat"; tous les événements ultérieurs seraient irrele-
vants.

Sur ce, le défendeur analyse les griefs invoqués
par les demandeurs pour se dérober à la vente. Selon lui,
l'erreur relative aux parts de copropriété vendues a mani-
festement été le fait d'un malentendu et non d'une manoeuvre
qu'il aurait orchestrée. Il nie toute désinvolture ou dé-
loyauté de sa part, dans la mesure où il pensait que le no-
taire avait fourni des indications correctes, et où le malen-
tendu a été rapidement dissipé. Il n'aurait pas été loyal de
la part des demandeurs de refuser de conclure en se
prévalant
d'une erreur rectifiée ensuite par l'homme de loi.

Le défendeur conteste le reproche qui lui a été
adressé d'avoir requis du notaire qu'il modifie, dans son
projet d'acte authentique, les conditions de paiement
prévues
dans la "convention de réservation", imposant un nouvel
acompte de 75 000 fr. à verser à la signature de l'acte. Il

expose que ce point avait été abordé déjà lors d'une réunion
tenue le 22 mai 1998 chez le notaire, au cours de laquelle
les demandeurs auraient eu la faculté de manifester leur op-
position supplémentaire à cette exigence.

Le défendeur formule des critiques similaires à
l'encontre des considérations de la cour cantonale sur l'er-
reur des demandeurs quant aux garages. Les inexactitudes re-
levées par ces derniers avaient été dissipées et rectifiées,
ou étaient en passe de l'être, le 12 juin 1998 lorsqu'ils
ont
décidé d'annuler la vente.

Le défendeur expose enfin les données permettant de
chiffrer le dommage que lui a causé le comportement des de-
mandeurs.

b) La responsabilité résultant d'une culpa in con-
trahendo repose sur l'idée que, pendant les pourparlers, les
parties doivent agir selon les règles de la bonne foi. L'ou-
verture des pourparlers crée déjà une relation juridique en-
tre elles et leur impose des devoirs réciproques. Chacune
est
ainsi tenue de négocier sérieusement conformément à ses véri-
tables intentions; il lui appartient en outre de renseigner
l'autre, dans une certaine mesure, sur les circonstances pro-
pres à influencer sa décision de conclure le contrat, ou de
le conclure à des conditions déterminées (ATF 121 III 350
consid. 6c p. 354; 116 II 695 consid. 3 p. 698; 105 II 75
consid. 2a p. 79 ss et les arrêts cités). La partie qui ne
respecte pas cette obligation répond de ce chef non
seulement
lorsqu'elle a fait preuve d'astuce au cours des pourparlers,
mais déjà lorsque son attitude a été de quelque manière fau-
tive, qu'il s'agisse de dol ou de négligence, dans les limi-
tes tout au moins de la responsabilité qu'elle encourt sous
l'empire du contrat envisagé (ATF 101 Ib 422 consid. 4b p.
432 et les références). Sans doute n'existe-t-il pas un de-
voir général de renseigner l'autre partie sur tous les élé-

ments essentiels du contrat. Nul n'est tenu d'être plus cir-
conspect, dans l'intérêt de son adversaire, que celui-ci ne
l'est lui-même et ne peut l'être (ATF 102 II 81 consid. 2b
p.
84); le devoir d'information ne concerne pas les circonstan-
ces que l'autre partie est censée connaître elle-même. Mais
il incombe à chacun de ne pas donner de faux renseignements
et d'éviter de provoquer un vice du consentement par inadver-
tance, laisser-aller ou ambiguïté. La culpa in contrahendo
suppose que l'on cache à l'autre partie quelque chose
qu'elle
ne connaît pas et n'est pas tenue de connaître, ou encore
que
l'on s'abstienne de redresser une erreur que l'on a pu cons-
tater chez elle.

c) En l'espèce, rien parmi les faits retenus dans
l'arrêt attaqué ne permet d'admettre que la responsabilité
précontractuelle des demandeurs est engagée. La validité du
contrat qu'il s'agissait de conclure dépendait de l'obser-
vation de la forme authentique. Cette forme solennelle,
comme
les autres formes légales, a notamment pour fin d'empêcher
les parties d'agir avec précipitation (Schwenzer,
Commentaire
bâlois, n° 2 ad art. 11 CO et les références doctrinales ci-
tées). Dans le cas des demandeurs, elle devait leur
permettre
notamment d'examiner le projet d'acte qui leur était soumis
pour vérifier s'il correspondait bien à leur intention et vo-
lonté, afin qu'ils puissent se déterminer en connaissance de
cause sur l'offre de conclure du défendeur. Avant la passa-
tion du contrat de vente, les demandeurs avaient uniquement
des devoirs précontractuels à l'égard du défendeur en ce
sens
qu'ils étaient tenus de se comporter à son endroit conformé-
ment aux règles de la bonne foi. Cela n'impliquait toutefois
nullement que les demandeurs fussent contraints de
poursuivre
les négociations qu'ils avaient entreprises avec le défen-
deur. De fait, chaque partie est libre de mettre un terme
aux
pourparlers sans devoir rendre de compte à l'autre partie.
Pour que les demandeurs puissent se voir reprocher, éventuel-
lement, une violation de leurs devoirs précontractuels, il

faudrait que, immédiatement après avoir eu connaissance des
faits propres à les dissuader de conclure, ils aient poursui-
vi les négociations ou du moins pas informé l'autre partie
de
leur intention de se retirer de l'affaire; ils auraient
alors
été tenus de réparer le dommage que leur inaction aurait cau-
sé au défendeur.

Lorsqu'ils ont eu connaissance de faits propres à
les dissuader de conclure, les demandeurs ont réagi sans
violer les règles de la bonne foi, au contraire. Dès qu'ils
ont reçu le projet d'acte de vente du 5 juin 1998 et
constaté
qu'il contenait des données imprécises, erronées ou ne cor-
respondant pas au contenu de la "convention de réservation"
et des pourparlers, ils ont immédiatement réagi le 8 juin et
le 9 juin pour enfin, après avoir reçu des déterminations
insatisfaisantes, déclarer le 12 juin 1998 renoncer à
l'achat
de l'appartement. Et l'on ne peut pas dire que les observa-
tions négatives qu'ils ont faites portaient sur des points
négligeables. Il s'agit en effet, selon les constatations
souveraines des premiers juges (art. 63 al. 2 OJ), d'erreurs
sur la désignation des parts de copropriété à vendre, de la
modification des conditions de paiement convenues, de diffé-
rences dans les surfaces de l'appartement et des terrasses,
d'imprécisions sur la nature exacte des garages et de
déterminations insuffisantes ou contestables du défendeur
sur
leurs critiques.

Est, en particulier, infondé le reproche adressé
par le recourant aux intimés d'avoir appris déjà le 22 mai
1998 qu'il demandait un deuxième acompte de 75 000 fr., et
non pas le 8 juin à la lecture du projet d'acte de vente. Le
défendeur affirme en effet que la question de ces 75 000 fr.
a été abordée lors de la réunion du 22 mai; or, l'arrêt at-
taqué retient que cette modification des conditions de paie-
ment n'a pas été discutée entre les parties ou en tout cas
que le défendeur n'a pas démontré, ni même allégué, l'asser-

tion en question. D'ailleurs, comme l'a relevé avec perti-
nence la cour cantonale, une telle constatation ne pourrait
être source de culpa in contrahendo, car il n'y aurait rien
de répréhensible de la part des demandeurs à avoir attendu
la
réception de l'acte complet avant de prendre position.

d) La violation des devoirs précontractuels des
demandeurs n'ayant pas été établie, cela suffit pour rejeter
les conclusions compensatoires du défendeur fondées sur la
culpa in contrahendo. Il n'y a donc pas lieu d'examiner si
c'est à juste titre que la cour cantonale a jugé, en outre,
que le défendeur n'avait,
de son côté, pas respecté les
exigences de la bonne foi et que c'est à lui qu'incombait
l'échec des pourparlers.

Enfin, l'inexistence d'une culpa in contrahendo à
la charge des demandeurs rend superflu l'examen de la nature
et de la quotité du dommage allégué par le défendeur.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 4000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera aux intimés, créan-
ciers solidaires, une indemnité de 5500 fr. à titre de dé-
pens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

___________

Lausanne, le 30 janvier 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.253/2000
Date de la décision : 30/01/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-30;4c.253.2000 ?
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