La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2001 | SUISSE | N°U.27/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 janvier 2001, U.27/00


«AZA 7»
U 27/00 Kt

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön et Spira, Jaeger,
suppléant; Addy, Greffier

Arrêt du 29 janvier 2001

dans la cause

M.________, recourant, représenté par Me Jean-Marie
Allimann, avocat, rue de la Justice 1, Delémont,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy

A.- M.________ travaillait comme maçon dans l'entre-
prise

S.________ SA, à D.________. A ce titre, il était
assuré auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (CNA) ...

«AZA 7»
U 27/00 Kt

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön et Spira, Jaeger,
suppléant; Addy, Greffier

Arrêt du 29 janvier 2001

dans la cause

M.________, recourant, représenté par Me Jean-Marie
Allimann, avocat, rue de la Justice 1, Delémont,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy

A.- M.________ travaillait comme maçon dans l'entre-
prise S.________ SA, à D.________. A ce titre, il était
assuré auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (CNA) contre le risque d'accident
professionnel et non professionnel.
Le 6 avril 1994, l'assuré a trébuché sur une pierre et
s'est blessé au genou gauche en effectuant des travaux de
rhabillage sur un chantier. Son médecin traitant, le doc-

teur K.________, spécialiste FMH en médecine générale, a
posé le diagnostic de suspicion de lésion du ménisque et a
attesté une incapacité de travail de 100 % dès le 8 avril
1994. La CNA a pris en charge le cas.
Malgré les soins qui ont été prodigués à l'assuré,
notamment sous la forme d'un traitement conservateur puis,
le 22 août 1994, d'une révision chirurgicale, le genou
gauche est resté douloureux et les tentatives de reprise du
travail se sont révélées infructueuses. Aussi le docteur
K.________ a-t-il adressé M.________ au service orthopédi-
que de l'Hôpital X.________, où l'on a pratiqué, le
20 janvier 1995, une résection partielle de la corne posté-
rieure du ménisque interne du genou. A la suite de cette
intervention, l'assuré a séjourné à la Clinique Z.________,
du 5 avril au 5 mai 1995. Les médecins ont diagnostiqué une
inflammation du genou gauche avec suspicion d'algodystro-
phie et ont préconisé une reprise du travail à 50 % dès le
15 mai 1995, en relevant que le déficit de flexion était
difficile à objectiver et qu'il fallait en outre tenir
compte d'une certaine tendance à l'exagération de la part
de l'assuré (rapport de sortie de la Clinique Z.________ du
5 mai 1995). A la suite de l'échec d'une nouvelle tentative
de reprise du travail, celui-ci a derechef été soumis à des
examens médicaux qui ont permis de mettre à jour une mala-
die de Sudeck à la jambe gauche (rapport du 6 décembre 1995
des docteurs E.________ et W.________ de l'Hôpital
X.________).
Dans un rapport du 27 mars 1996, le docteur
P.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a considé-
ré, sur le vu des pièces médicales au dossier et après
avoir examiné l'assuré, que la capacité de travail de
celui-ci était nulle en l'état actuel des choses, en ajou-
tant qu'il ne semblait pas y avoir de composante psychogène
à cette situation. Ce médecin s'est toutefois ravisé dans
un rapport du 29 mai 1996, aux termes duquel il a noté
qu'il y avait «indiscutablement chez l'assuré une exagéra-

tion de la symptomatologie» et qu'une reprise du travail
était exigible dès le 3 juin 1996.
Par décision du 7 juin 1996, la CNA a mis fin au ver-
sement des indemnités journalières à partir du 3 juin 1996.
Invoquant l'avis de son médecin traitant, M.________ a fait
opposition à cette décision. Il a alors été examiné par un
autre médecin d'arrondissement de la CNA, le docteur
B.________, lequel a relevé l'existence d'une composante
psychogène «non négligeable», concluant que l'incapacité de
travail n'était que partiellement imputable aux lésions du
genou gauche et qu'une nouvelle hospitalisation de l'assuré
à la clinique Z.________ était souhaitable (rapport du
26 juin 1996). Celle-ci s'est déroulée du 12 au 30 août
1996; à son issue, la capacité de travail de l'assuré a été
évaluée à 50 % dans sa profession de maçon (rapport de
sortie de Z.________ du 13 septembre 1996). A l'occasion
d'un examen final du 29 octobre 1996, le docteur B.________
a confirmé cette appréciation, en précisant qu'un «travail
léger en sollicitation alternée ou en position assise
pourrait être effectué sans aucune restriction à plein
temps, plein rendement». Il a en outre estimé le taux de
l'atteinte à l'intégrité à 15 %.
Sur la base de ces constatations médicales et afin de
tenir compte des circonstances particulières du cas, la CNA
a repris jusqu'au 31 décembre 1996 le versement, interrompu
depuis le 3 juin 1996, des indemnités journalières (lettre
du 13 décembre 1996). Elle a par ailleurs octroyé à l'assu-
ré, d'une part une rente d'invalidité fondée sur une perte
de gain de 30 % avec effet au 1er janvier 1997 et, d'autre
part, une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux
de 15 % (décision du 16 juin 1997). Saisie d'une opposi-
tion, la CNA l'a rejetée par une nouvelle décision du
10 septembre 1997.

B.- M.________ a recouru contre cette dernière déci-
sion devant la Chambre des assurances du Tribunal cantonal

de la République et canton du Jura.
Cette autorité a requis de l'Office de l'assurance-
invalidité du canton du Jura (ci-après : l'office AI)
l'édition du dossier AI de l'assuré. Ce dossier contenait
en particulier un rapport du 15/17 avril 1996 émanant du
Centre d'observation professionnelle de l'assurance-invali-
dité de S.________ (COPAI), ainsi qu'une décision du
17 septembre 1996 par laquelle l'office AI mettait l'assuré
au bénéfice d'une rente entière d'invalidité à compter du
1er avril 1995.
Par jugement du 16 décembre 1999, le tribunal cantonal
a rejeté le recours dont il était saisi.

C.- M.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il requiert l'annulation, en
concluant, sous suite de frais et dépens, au versement
d'une rente d'invalidité d'un taux de 50 % au moins dès le
1er janvier 1997, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité pour
atteinte à l'intégrité de 20 %.
Tout en déclarant qu'elle renonçait à répondre au
recours, la CNA a conclu à la confirmation de l'arrêt atta-
qué. L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas
déterminé.

Considérant en droit :

1.- Sont litigieux en instance fédérale aussi bien le
taux de la rente d'invalidité que celui de l'indemnité pour
atteinte à l'intégrité.

2.- Les premiers juges ont correctement exposé les
dispositions légales et la jurisprudence applicables en
matière d'évaluation de l'invalidité, si bien qu'il suffit
de renvoyer à leur jugement.

On ajoutera toutefois que, dans un arrêt récent G. du
26 juillet 2000 (I 512/98), destiné à la publication, le
Tribunal fédéral des assurances a précisé sa jurisprudence
concernant la coordination de l'évaluation de l'invalidité
dans les différentes branches de l'assurance sociale. Il a
notamment confirmé le caractère uniforme de la notion d'in-
validité dans ces différentes branches, ainsi que son effet
de coordination dans l'évaluation de l'invalidité. En re-
vanche, il a renoncé à la pratique consistant à accorder en
principe plus d'importance à l'évaluation effectuée par
l'un des assureurs sociaux, indépendamment des instruments
dont il dispose pour instruire le cas et de l'usage qu'il
en a fait dans un cas concret. Cependant, il faut éviter
que les assureurs procèdent à des évaluations divergentes
dans le même cas. Cela implique qu'une estimation d'un
assureur entérinée par une décision entrée en force ne peut
pas simplement restée ignorée de l'autre. Le second assu-
reur ne saurait pour autant se contenter de reprendre, sans
plus ample examen, le taux arrêté par le premier. Afin que
soient garantis les droits respectifs et l'information né-
cessaire, l'art. 129 al. 1 OLAA fait expressément obliga-
tion à l'assureur-maladie ou une autre assurance sociale de
notifier sa décision à l'autre assureur lorsque celle-ci le
touche dans ses intérêts, lui ouvrant ainsi un droit de re-
cours. Dès l'instant où une telle décision lui a été noti-
fiée, un assureur ne peut s'écarter que très exceptionnel-
lement de l'évaluation qui la fonde. Tel peut être le cas,
par exemple, lorsque cette évaluation repose sur une erreur
de droit ou sur une appréciation insoutenable (ATF
119 V 471 consid. 2b) ou encore lorsqu'elle résulte d'une
simple transaction conclue avec l'assuré (ATF 112 V 175 s.
consid. 2a). A ces motifs de divergence déjà reconnus anté-
rieurement par la jurisprudence, il faut ajouter des me-
sures d'instruction extrêmement limitées et superficielles,
ainsi qu'une évaluation pas du tout convaincante ou enta-
chée d'inobjectivité (arrêt G. du 26 juillet 2000, déjà

cité). Dans l'arrêt ATF 119 V 468, le Tribunal fédéral des
assurances a considéré comme insoutenable une appréciation
des organes de l'assurance-invalidité, au motif qu'elle
s'écartait largement de l'évaluation de l'assureur-acci-
dents, laquelle reposait sur des conclusions médicales
convaincantes concernant la capacité de travail et l'acti-
vité exigible, ainsi que sur une comparaison des revenus
correctement effectuée (ATF 119 V 474 consid. 4a).

3.- a) En l'espèce, l'office AI a fixé, dans sa déci-
sion du 17 septembre 1996, le taux d'invalidité du recou-
rant à 100 % dès le 1er avril 1995. Il a principalement
fondé son opinion sur les constatations du docteur
Y.________, médecin-conseil au COPAI. Selon ce médecin, la
fonction articulaire du genou gauche de l'assuré «est très
diminuée, surtout la flexion et la force», l'hypotrophie
très nette du quadriceps montrant bien que l'intéressé
«ménage au maximum son membre inférieur gauche». Le docteur
Y.________ considère par ailleurs que les possibilités mé-
dicales sont arrivées à leur terme et qu'il ne faut pas
s'attendre à une amélioration de la fonction articulaire,
ajoutant «qu'on sent un découragement qui va dans le sens
d'un état de dépression réactionnelle, chez un homme à
personnalité passive, incapable de faire face à cette
situation». Il en conclut, à l'instar des spécialistes de
la réadaptation qui ont observé le recourant en atelier,
que celui-ci ne peut plus travailler dans sa profession de
maçon, ni d'ailleurs dans toute autre activité, car ses
douleurs sont telles qu'elles rendent illusoires la mise en
oeuvre de mesures de reclassement et le retour dans le
circuit économique.
Bien que la décision précitée de l'office AI, duement
notifiée à la CNA, fût en force lorsque celle-ci a statué
sur le droit du recourant à une rente d'invalidité, l'ap-
préciation du premier assureur n'est pas de nature à lier
le second. D'une part, parce qu'il est douteux que les

mesures d'instruction mises en oeuvre par l'office AI sur
le plan médical soient suffisantes pour que l'on puisse
s'en tenir, sans autre examen, à l'évaluation de l'invali-
dité effectuée par cet office. D'autre part, du fait qu'il
apparaît que la plupart des médecins consultés dans le
cadre de ce dossier, y compris d'ailleurs le docteur
Y.________, ont clairement laissé entendre que l'incapacité
de travail du recourant n'était, selon toute vraisemblance,
pas seulement d'origine somatique, mais également d'origine
psychique; or, la responsabilité de l'intimée pour des
troubles d'ordre psychique ne peut être engagée que si
ceux-ci sont dans un rapport de causalité naturelle et adé-
quate avec l'accident assuré, ce que les pièces médicales
au dossier ne permettent toutefois pas de trancher.

b) De leur côté, la CNA et les premiers juges ont
estimé le degré d'invalidité du recourant à 30 %. Pour
arriver à ce chiffre, ils se sont essentiellement basés sur
l'appréciation rendue par le docteur B.________ dans son
examen final du 29 octobre 1996. D'après ce médecin, la
capacité de travail du recourant, actuellement de 50 %
comme maçon, est entière dans une activité adaptée (travail
léger en sollicitation alternée ou en position assise).
Cette appréciation ne convainc pas pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, on comprend mal que, tandis que le doc-
teur B.________ relève «qu'en l'état actuel des choses
l'assuré a du mal à être en permanence sur les jambes, ne
peut pas s'agenouiller et ne peut pas monter aux échelles»,
il puisse dans le même temps retenir une capacité de tra-
vail de 50 % comme maçon. De tels empêchements sont à
l'évidence incompatibles avec les exigences requises par
cette profession. Il apparaît ensuite que ce médecin fait
purement et simplement abstraction, dans son appréciation,
des douleurs dont se plaint l'assuré. Pourtant, selon les
constatations faites au COPAI, la mise en oeuvre de mesures
de réadaptation professionnelle et la reprise d'une activi-

té lucrative ne sont pas envisageables en raison même de
ces douleurs. Le docteur B.________ ne pouvait donc passer
sous silence l'incidence de celles-ci sur la capacité de
travail du recourant, cela d'autant moins que dans un pré-
cédent rapport du 26 juin 1996, il avait lui-même constaté
une incapacité de travail due précisément à ces douleurs,
et avait préconisé une nouvelle hospitalisation à
Z.________ pour «réévaluer le cas dans toute sa complexi-
té». Or, les médecins de Z.________ n'ont pas fourni tous
les renseignements utiles pour trancher le cas, dans la
mesure en particulier où ils n'ont rien dit de précis à
propos de l'origine des douleurs, de leur causalité avec
l'accident assuré ainsi que de leurs conséquences sur la
capacité de travail du recourant, mais se sont bornés à
relever que les plaintes subjectives de celui-ci n'étaient
pas corrélées par les constatations faites au plan clinique
(rapport de sortie du 13 septembre 1996, p. 5).

c) Dans ces conditions, un complément d'instruction
sous la forme d'une expertise médicale s'avère nécessaire.
Celle-ci devra déterminer précisément dans quelle mesure le
recourant est empêché de travailler en raison des séquelles
accidentelles qu'il présente, et cela aussi bien d'un point
de vue somatique que psychique. L'expert fera en particu-
lier la lumière sur l'origine des douleurs
dont se plaint
le recourant, sur leur incidence sur la capacité de travail
de celui-ci ainsi que sur leur causalité avec l'événement
assuré.
Dans cette mesure, le recours est bien fondé et il
convient de renvoyer le dossier à la juridiction cantonale
pour qu'elle procède à ce complément d'instruction et rende
ensuite un nouveau jugement sur le droit du recourant à une
rente d'invalidité.

4.- En ce qui concerne l'indemnité pour atteinte à
l'intégrité, le recourant n'apporte aucun élément suscep-

tible de remettre en cause l'appréciation de l'intimée et
des premiers juges, puisqu'il se limite à affirmer que le
taux d'atteinte est de 20 et non de 15 %, sans étayer son
propos de faits ou d'éléments précis. Sur ce point, son
recours apparaît manifestement mal fondé.

5.- Vu le sort de la cause, le recourant a droit à des
dépens partiels (art. 159 al. 1 en relation avec l'art. 135
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis et le jugement du
16 décembre 1999 de la Chambre des assurances du Tri-
bunal cantonal de la République et canton du Jura est
annulé dans la mesure où il porte sur le droit du
recourant à une rente d'invalidité. Le recours est
rejeté pour le surplus.

II. La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour
instruction complémentaire et nouveau jugement au sens
des considérants.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. L'intimée versera au recourant la somme de 2000 fr. à
titre de dépens pour l'instance fédérale.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal cantonal de la République et canton du Jura,
Chambre des assurances, et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 29 janvier 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de
la IIIe Chambre : Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.27/00
Date de la décision : 29/01/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-29;u.27.00 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award