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29/01/2001 | SUISSE | N°I.356/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 janvier 2001, I.356/00


«AZA 7»
I 356/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Beauverd, Greffier

Arrêt du 29 janvier 2001

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, Vevey, recourant,

contre

S.________, intimée, représentée par Me Jacques Micheli,
avocat, place Pépinet 4, Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- S.________, mariée et mère de famille, a présenté,<

br> le 29 juin 1995, une demande de rente de l'assurance-
invalidité.
Après avoir recueilli de nombreux renseignements médi-
caux, l'...

«AZA 7»
I 356/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Beauverd, Greffier

Arrêt du 29 janvier 2001

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, Vevey, recourant,

contre

S.________, intimée, représentée par Me Jacques Micheli,
avocat, place Pépinet 4, Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- S.________, mariée et mère de famille, a présenté,
le 29 juin 1995, une demande de rente de l'assurance-
invalidité.
Après avoir recueilli de nombreux renseignements médi-
caux, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de
Vaud a rendu une décision, le 4 décembre 1997, par laquelle
il a rejeté la demande, motif pris que l'assurée ne souf-
frait pas d'une atteinte à la santé invalidante.

B.- Saisi d'un recours contre cette décision, le Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud a confié une exper-
tise psychiatrique au docteur G.________, médecin associé
au Département universitaire de psychiatrie adulte de
X.________. Dans un rapport du 16 novembre 1999, ce médecin
a diagnostiqué un syndrome douloureux somatoforme persis-
tant et une dysthymie chez une personnalité de fonctionne-
ment prépsychotique; il a conclu à une incapacité de
travail de 100 % depuis le mois de juin 1992.
Par jugement du 4 janvier 2000, la juridiction canto-
nale a «réformé» la décision entreprise, en ce sens que
l'assurée s'est vue reconnaître le droit à une rente entiè-
re d'invalidité à partir du 1er juin 1994.

C.- L'office AI interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, en concluant à son annulation.
S.________ conclut au rejet du recours, avec suite de
frais et dépens, tandis que l'Office fédéral des assurances
sociales propose implicitement son admission au terme d'un
préavis circonstancié.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le droit de l'intimée à une
rente entière d'invalidité à partir du 1er juin 1994.
Le jugement entrepris expose de manière exacte et
complète les dispositions légales et les principes juris-
prudentiels applicables en matière d'évaluation de l'inva-
lidité. Il suffit donc d'y renvoyer.

2.- En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs
impératifs des conclusions d'une expertise médicale judi-
ciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre
ses connaissances spéciales à la disposition de la justice

afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de
fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une
raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que
celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexper-
tise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de
manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécia-
listes émettent des opinions contraires aptes à mettre
sérieusement en doute la pertinence des déductions de
l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une inter-
prétation divergente des conclusions de ce dernier par le
juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la
forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 352 sv.
consid. 3b/aa et les références; VSI 2000 p. 154 con-
sid. 2b).
L'élément décisif pour apprécier la valeur probante
d'une pièce médicale n'est en principe ni son origine, ni
sa désignation sous la forme d'un rapport ou d'une experti-
se, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a;
Spira, La preuve en droit des assurances sociales, in :
Mélanges en l'honneur de Henri-Robert Schüpbach, Bâle,
Genève et Munich 2000, p. 268; Omlin, Die Invalidität in
der obligatorischen Unfallversicherung, thèse Fribourg
1995, p. 297 sv.; Morger, Unfallmedizinische Begutachtung
in der SUVA, in RSAS 32/1988 p. 332 sv.). Il importe, pour
conférer pleine valeur probante à un rapport médical, que
les points litigieux importants aient fait l'objet d'une
étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des exa-
mens complets, qu'il prenne également en considération les
plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été
établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la des-
cription du contexte médical et l'appréciation de la situa-
tion médicale soient claires et enfin que les conclusions
de l'expert soient dûment motivées (ATF 125 V 352 con-
sid. 3a et les références).

3.- a) En l'espèce, le docteur G.________ a rendu son
rapport d'expertise à la suite de deux consultations médi-
cales et après avoir pris connaissance du dossier que l'au-
torité cantonale a mis à sa disposition. Son appréciation
tient également compte des résultats d'un examen psycholo-
gique effectué à X.________, à sa demande.
A l'examen clinique, l'expert a constaté que l'image
que se fait l'assurée de son corps est perturbée, au point
qu'elle est convaincue de souffrir d'une affection somati-
que très grave. Bien que cette interprétation démontre un
fonctionnement relativement fragile du niveau prépsychoti-
que, il a exclu une pathologie psychotique floride avec
hallucinations et délires. En outre, l'expert a constaté
que la symptomatologie entrait dans le cadre d'une dysthy-
mie (dépression chronique de l'humeur), sans avoir l'inten-
sité suffisante pour constituer un état dépressif majeur.
A l'issue de l'examen psychologique effectué à
X.________, la psychologue E.________ a conclu à «une
production à l'examen de personnalité sous-tendue par des
troubles des repères identitaires ainsi que par une
imparfaite constitution du Moi, cet aménagement étant
protégé par des défenses de registre supérieur (état-
limite). Niveau de fonctionnement prépsychotique».
Se fondant sur l'ensemble de ces constatations, le
docteur G.________ a posé le diagnostic de dysthymie et de
syndrome douloureux somatoforme chez une personnalité de
fonctionnement prépsychotique. Il a conclu à une incapacité
de travail de 100 % sans changement depuis 1992.

b) L'office recourant fait valoir que les troubles
décrits dans le rapport d'expertise ne présentent pas une
gravité telle que l'intimée ne soit pas en mesure, en fai-
sant preuve de toute la bonne volonté que l'on peut exiger

d'elle, d'exercer une activité lucrative. Se référant à sa
détermination du 3 décembre 1999 sur le rapport d'experti-
se, il allègue que l'expert ne fait pas état d'une grande
pathologie psychiatrique et que les «quelques difficultés
psychiques» constatées «font partie de l'existence selon le
cours normal des choses et l'expérience de la vie». Le
recourant fait par ailleurs remarquer que la réalité même
du diagnostic de syndrome douloureux somatoforme est sujet-
te à controverse dans la communauté scientifique.

c) Ces arguments sont dénués de pertinence et ne jus-
tifient pas que l'on s'écarte des conclusions de l'expert
judiciaire.
D'une part, le recourant ne se fonde sur aucune donnée
médicale concrète pour affirmer que les troubles psychiques
présentés par l'intimée ne sont pas invalidants.
D'autre part, contrairement à ce qu'il laisse enten-
dre, des troubles somatoformes douloureux peuvent parfaite-
ment entraîner une incapacité de travail durable conduisant
à l'invalidité. Dans un récent arrêt (cf. VSI 2000 p. 152),
le Tribunal fédéral des assurances a défini, en se fondant
principalement sur une étude de Mosimann (Somatoforme Stö-
rungen : Gerichte und [psychiatrische] Gutachten, in RSAS
1999, p. 1 ss et 105 ss), la tâche du médecin ou de l'ex-
pert, lorsque celui-ci doit se prononcer sur le caractère
invalidant de tels troubles. Or, dans le cas particulier,
l'expert a indiqué que les douleurs sont au centre des
préoccupations de l'intimée, laquelle a requis à réitérées
reprises la mise en oeuvre d'investigations médicales. Ces
constatations sont décisives pour admettre l'existence d'un
syndrome douloureux somatoforme persistant selon la défini-
tion qu'en donne la classification internationale des trou-
bles mentaux et des troubles du comportement CIM-10 établie
par l'OMS. Cela étant, elles sont suffisantes pour qu'on
puisse se convaincre, en accord avec les critères dégagés
par la jurisprudence (cf. VSI 2000 p. 154 s. consid. 2c),

du caractère invalidant du trouble somatoforme douloureux
présenté par l'intimée.

d) Avec les premiers juges, on doit ainsi admettre que
l'incapacité de travail de 100 % présentée par l'intimée
depuis le mois de juin 1992 entraîne une perte de gain de
plus de 66 2/3 %, ce qui justifie l'octroi d'une rente
entière d'invalidité à compter du 1er juin 1994 (art. 28 et
29 LAI), la demande du 29 juin 1995 ayant été présentée
tardivement au sens de l'art. 48 al. 2 LAI.
Le recours se révèle ainsi mal fondé.

4.- L'intimée, qui est représentée par un avocat,
obtient gain de cause, si bien qu'elle a droit à une indem-
nité de dépens à la charge de l'office recourant, qui suc-
combe (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le recourant versera à l'intimée la somme de 1500 fr.
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de
dépens pour l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 29 janvier 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de
la IIIe Chambre : Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.356/00
Date de la décision : 29/01/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-29;i.356.00 ?
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