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29/01/2001 | SUISSE | N°H.236/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 janvier 2001, H.236/00


«AZA 7»
H 236/00
H 237/00 Kt

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Beauverd, Greffier

Arrêt du 29 janvier 2001

dans la cause

Caisse de compensation des entrepreneurs, Riond-Bosson,
Tolochenaz, recourante, représentée par la Fédération
vaudoise des entrepreneurs, Riond-Bosson, Tolochenaz,
elle-même représentée par Me Benoît Bovay, avocat, place
Benjamin-constant 2, Lausanne,

contre

1. A.________ A.________,
2. B.________ A.________,

3. M.________ A.________,
intimés, tous les trois représentés par Me José Coret,
avocat, avenue d'Ouchy 14, Lausanne,

et
...

«AZA 7»
H 236/00
H 237/00 Kt

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Beauverd, Greffier

Arrêt du 29 janvier 2001

dans la cause

Caisse de compensation des entrepreneurs, Riond-Bosson,
Tolochenaz, recourante, représentée par la Fédération
vaudoise des entrepreneurs, Riond-Bosson, Tolochenaz,
elle-même représentée par Me Benoît Bovay, avocat, place
Benjamin-constant 2, Lausanne,

contre

1. A.________ A.________,
2. B.________ A.________,
3. M.________ A.________,
intimés, tous les trois représentés par Me José Coret,
avocat, avenue d'Ouchy 14, Lausanne,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- La société A.________ SA, fondée en 1975, était
affiliée à la Caisse de compensation des entrepreneurs
(ci-après : la caisse). Le 21 septembre 1998, son siège a
été transféré de C.________ à X.________ sous la nouvelle
raison sociale H.________ SA (ci-après : la société).
Par jugement du 29 septembre 1998, le Président du
Tribunal du district de Lausanne a prononcé la faillite de
la société.
Par trois décisions du 10 novembre 1999, la caisse a
réclamé à A.________, B.________ et M.________ A.________,
en leur qualité respectivement d'ex-présidents et ex-mem-
bres du Conseil d'administration de la société, le payement
d'un montant de 159 244 fr. 25, somme représentant les
cotisations AVS/AI/APG/AC encore dues. Les trois destina-
taires de ces décisions ont formé opposition.

B.- Le 21 janvier 2000, la caisse a porté le cas
devant le Tribunal administratif du canton de Fribourg
(ci-après : la juridiction cantonale fribourgeoise) en
concluant à la condamnation des trois opposants au payement
du montant précité.
Par jugement du 7 février 2000, ladite juridiction a
nié sa compétence à raison du lieu et, partant, déclaré
irrecevable l'action dont elle était saisie.

C.- L'affaire ayant été d'office transmise au Tribunal
des assurances du canton de Vaud (ci-après : la juridiction
cantonale vaudoise), celui-ci a, lui aussi, décliné sa
compétence à raison du lieu et retourné le dossier à la
juridiction cantonale fribourgeoise (jugement du 26 avril
2000).

D.- Par acte du 15 juin 2000, le Président de la Cour
des assurances sociales de la juridiction cantonale fri-
bourgeoise a fait savoir à la caisse que, son jugement du

7 février 2000 étant entré en force, il lui appartenait de
saisir le Tribunal fédéral des assurances d'un recours
contre le jugement de la juridiction cantonale vaudoise du
26 avril 2000.

E.- Agissant par la voie du recours de droit adminis-
tratif contre les refus de statuer de la juridiction can-
tonale fribourgeoise des 7 février et 15 juin 2000, d'une
part, et de la juridiction cantonale vaudoise du 26 avril
2000, d'autre part, la caisse demande au Tribunal fédéral
des assurances, sous suite de frais et dépens, de désigner
la juridiction cantonale compétente à raison du lieu pour
connaître les actions en réparation du dommage dirigées
contre A.________, B.________ et M.________ A.________.
Les intimés s'en remettent à justice quant aux con-
clusions de la recourante, sauf en ce qui concerne les
frais et dépens.
L'Office fédéral des assurances sociales s'est abstenu
de présenter des déterminations.

Considérant en droit :

1.- Les décisions litigieuses n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le
Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner
si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation,
ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière
manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été
établis au mépris de règles essentielles de procédure
(art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2 OJ).

2.- La recourante se plaint d'un déni de justice for-
mel ensuite des refus des juridictions cantonales fribour-

geoise et vaudoise d'entrer en matière sur son action en
réparation du dommage résultant de la faillite de la
société.

a) Tandis que le recours a été déposé en temps utile
contre le jugement de la juridiction cantonale vaudoise du
26 avril 2000, le délai pour recourir contre le jugement de
la juridiction cantonale fribourgeoise du 7 février 2000
était en revanche échu au moment du dépôt du recours.
L'écriture du 15 juin 2000 de la juridiction cantonale
fribourgeoise - à qui le dossier avait été retourné par la
juridiction cantonale vaudoise - constitue toutefois un
refus de statuer, lui-même attaquable par la voie du
recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral
des assurances (art. 97 al. 2 en liaison avec l'art. 128
OJ).

b) Bien que cela ne figure pas expressément aux
art. 29 et 30 Cst. les garanties de procédure judiciaire
comprennent le droit de toute personne désireuse d'intro-
duire une action et d'accéder aux tribunaux. Le droit à un
procès équitable proscrit donc le déni de justice (Auer/-
Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse,
Vol. II, Berne 2000, n. 1170 p. 565; cf. également le
nouvel art. 29a Cst, adopté le 12 mars 2000 en votation
populaire mais qui n'est toutefois pas encore entré en
vigueur).

3.- a) En l'occurrence, pour qu'il y ait conflit
négatif de compétences, il ne suffit pas que les juridic-
tions cantonales fribourgeoise et vaudoise se soient toutes
deux déclarées incompétentes pour connaître du litige.
Encore faut-il que l'une ou l'autre de ces juridictions
soit effectivement compétente (cf. Haefliger, Alle
Schweizer sind vor dem Gesetze gleich, Berne 1985, p. 116).

b) En ce qui concerne la compétence à raison du lieu
de l'autorité cantonale de recours dans les procès en
réparation du dommage selon l'art. 52 LAVS, l'art. 81 al. 3
RAVS dispose que la caisse de compensation doit, dans les
30 jours à compter du moment où elle a eu connaissance de
l'opposition, porter le cas par écrit devant l'autorité de
recours du canton dans lequel l'employeur a son domicile. A
ce sujet, le Tribunal fédéral des assurances a jugé, à
réitérées reprises, que l'art. 81 al. 3 RAVS ne règle pas
expressément la compétence à raison du lieu de l'autorité
cantonale de recours saisie d'actions en réparation du
dommage intentées contre des personnes morales ou contre
leurs organes. Selon la jurisprudence, l'action doit être
introduite en pareils cas devant l'autorité de recours du
canton dans lequel la personne morale a, ou avait jusqu'à
la faillite, son siège, cela sans égard au domicile des
organes mis en cause (ATF 110 V 358 consid. 4b, 109 V 101;
VSI 1995 p. 198 s. consid. 3a). En outre, le Tribunal
fédéral des assurances a jugé que le principe susmentionné
vaut aussi en cas de transfert du siège ou du domicile peu
de temps avant le prononcé de la décision en réparation du
dommage ou avant l'introduction de l'action en réparation
du dommage, la règle de l'art. 200 al. 4 RAVS n'étant pas
applicable (VSI 1995 p. 199 consid. 3a).

c) En l'espèce, la société avait son siège à
X.________ au moment du prononcé de la faillite, comme cela
ressort d'un extrait du Registre du commerce de V.________.
Par ailleurs, il n'y a pas de motif, dans le cas particu-
lier, de s'écarter de la règle selon laquelle l'action en
réparation du dommage doit être introduite devant l'auto-
rité de recours du canton dans lequel la personne morale
avait son siège au moment de la faillite, en l'occurrence
le canton de Fribourg. Ainsi, contrairement à ce que sou-
tient la juridiction cantonale, il n'est pas déterminant
que la faillite a été prononcée par une juridiction vau-

doise ni que le dommage consiste en des cotisations dues
essentiellement pour la période durant laquelle la société
avait son siège dans le canton de Vaud, dès lors qu'il est
établi que la société avait son siège dans le canton de
Fribourg au moment de la faillite.

d) Vu ce qui précède, la juridiction cantonale fri-
bourgeoise n'était pas en droit de se déclarer incompétente
à raison du lieu pour connaître de l'action en réparation
du dommage intentée par la caisse.
Toutefois, avant de signifier son refus de statuer par
acte du 15 juin 2000, elle avait déjà refusé d'entrer en
matière sur cette action par son jugement du 7 février
2000, entré en force. Or, la sécurité du droit exige que le
régime juridique défini par le prononcé d'une juridiction
administrative ayant force de chose décidée ne puisse être
remis en cause. Cette exigence ne saurait cependant préva-
loir lorsque, comme en l'espèce, le prononcé en cause
entraîne une violation grave de garanties essentielles
(dans ce sens : Moor, Droit administratif, Vol. II, Berne
1991, p. 215) ou conduit à une situation choquante pour le
sens du droit ou pour l'équité (Knapp, Précis de droit
administratif, 4ème édition, Bâle et Francfort-sur-le-Main
1991, n. 1191 p. 259). Ainsi, dans la mesure où, en
l'espèce, la sécurité du droit n'est pas sérieusement mise
en danger, le jugement d'irrecevabilité de la juridiction
cantonale fribourgeoise du 7 février 2000 doit être déclaré
nul, du moment qu'il viole d'une manière particulièrement
grave une garantie essentielle et que le vice dont il est
entaché est facilement décelable (ATF 122 I 99 con-
sid. 3a/aa, 117 Ia 220 s. consid. 8a et les références;
Häfelin/Müller, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungs-
rechts, 3ème édition, Zurich 1998, n. 769 p. 196).

e) Cela étant, il convient de renvoyer la cause au
Tribunal administratif du canton de Fribourg en l'invitant

à entrer en matière sans tarder sur l'action en réparation
du dommage introduite par la caisse contre A.________,
B.________ et M.________ A.________.

4.- a) Le recours est dès lors bien fondé dans la
mesure où il est dirigé contre le refus de statuer de la
juridiction cantonale fribourgeoise.
La procédure, qui ne concerne pas l'octroi ou le refus
de prestations d'assurance n'est pas gratuite (art. 134 OJ
a contrario). En principe, des frais judiciaires ne peuvent
être mis à la charge d'un canton qui n'est pas partie au
procès et dont les intérêts pécuniaires ne sont pas en
cause (art. 156 al. 2 en liaison avec l'art. 135 OJ).
Toutefois, conformément à l'art. 156 al. 6 OJ, il y a lieu
de déroger à ce principe lorsque la décision attaquée (en
l'occurrence le refus de statuer) viole de manière quali-
fiée le droit d'accéder à un tribunal et cause de ce fait
des frais aux parties (arrêts non publiés B. du 13 juillet
2000, H 290/98, B. du 24 novembre 1999, C 179/98 et C. du
3 novembre 1998, K 163/97). Aussi, les frais de justice
seront-ils supportés pour une moitié par l'Etat de
Fribourg.
La recourante, qui a conclu à l'octroi de dépens, ne
saurait toutefois en prétendre, aucune indemnité pour les
frais de procès n'étant allouée, en règle générale, aux
organismes chargés de tâches de droit public (art. 159
al. 2 in fine OJ; ATF 118 V 169 s. consid. 7 et les
références).

b) En tant qu'il remet en cause le jugement d'irrece-
vabilité de la juridiction cantonale vaudoise du 26 avril
2000, le recours est mal fondé et la recourante supportera
les frais de justice pour l'autre moitié (art. 156 al. 3
OJ). Elle versera en outre aux intimés une indemnité à
titre de dépens partiels (art. 159 al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis dans la mesure où il est dirigé
contre le refus du Tribunal administratif du canton de
Fribourg de statuer sur l'action en réparation du dom-
mage introduite par la recourante contre A.________,
B.________ et M.________ A.________. Le dossier de
l'affaire est renvoyé à ladite juridiction pour
qu'elle statue sans délai sur le fond de la cause.

II. Le jugement du Tribunal administratif du canton de
Fribourg du 7 février 2000 est nul.

III. Le recours est rejeté en tant qu'il est dirigé contre
le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 26 avril 2000.

IV. Les frais de justice, d'un montant de 1000 fr., sont
mis à la charge de la recourante pour une moitié et
sont couverts par l'avance de frais de 1000 fr.
qu'elle a versée; la différence, d'un montant de
500 fr., lui est restituée.
Les frais de justice seront supportés pour l'autre
moitié par l'Etat de Fribourg.

V. La recourante versera aux intimés la somme de 500 fr.
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de
dépens réduits pour l'instance fédérale.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des
assurances sociales, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 29 janvier 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.236/00
Date de la décision : 29/01/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-29;h.236.00 ?
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