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29/01/2001 | SUISSE | N°4C.334/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 janvier 2001, 4C.334/2000


«AZA 1/2»

4C.334/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

29 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

PBBG Gérances et Gestions Immobilières S.A., à Lausanne, de-
manderesse et recourante, représentée par Me Bernard Katz,
avocat à Lausanne,

et

1. Hélène Ostrini, à Perroy, défenderesse et intimée,
2. Patrick Ostrini, à P

erroy, défendeur et intimé,
tous deux représentés par Me Nathalie Fluri, avocate à
Lausanne;

(contrat de courtage)

Vu les p...

«AZA 1/2»

4C.334/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

29 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

PBBG Gérances et Gestions Immobilières S.A., à Lausanne, de-
manderesse et recourante, représentée par Me Bernard Katz,
avocat à Lausanne,

et

1. Hélène Ostrini, à Perroy, défenderesse et intimée,
2. Patrick Ostrini, à Perroy, défendeur et intimé,
tous deux représentés par Me Nathalie Fluri, avocate à
Lausanne;

(contrat de courtage)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) A la suite d'un partage successoral, Hélène
Ostrini, épouse de Patrick Ostrini, a acquis la propriété de
la parcelle n° 3894 de la Commune de Pully, sise au chemin
du
Grillon.

En 1995, les époux Ostrini ont envisagé de cons-
truire sur ce bien-fonds une villa individuelle, qu'ils en-
tendaient occuper eux-mêmes, ainsi qu'un immeuble comportant
deux appartements. Ils ont ainsi mandaté l'architecte Armin
Siegwart. Après que le plan établi par ce dernier a été sou-
mis à l'enquête publique de la Commune de Pully, Hélène Os-
trini a obtenu le permis de construire.

Les conjoints Ostrini avaient le projet de consti-
tuer sur la parcelle n° 3894 une propriété par étages (PPE)
horizontale comprenant deux lots, afin que la construction
de
leur villa sur le lot n° 1 soit financée par l'acquéreur des
appartements à construire sur le lot n° 2. Dans ces condi-
tions, ils ont tenté de vendre le second lot de la PPE à des
tiers en faisant paraître une annonce dans un quotidien. Com-
me aucun amateur ne s'était présenté, Hélène et Patrick Os-
trini, sur le conseil de leur architecte, ont pris langue en
décembre 1995 avec PBBG Gérances et Gestions Immobilières
S.A. (ci-après; PBBG), anciennement Gérances et Gestions Im-
mobilières PBBG S.A.; ils ont confié à cette entreprise, ac-
tive notamment dans le courtage immobilier, le soin de trou-
ver le copropriétaire prêt à acheter le lot n° 2 de la PPE.
Entre Noël et Nouvel An 1995, un représentant de PBBG,
Thierry Martin, a rencontré le couple Ostrini dans le bureau
de l'architecte Siegwart, en présence de ce dernier. A cette
occasion, les conjoints Ostrini ont donné verbalement mandat
à PBBG de vendre un des lots de la PPE avec le projet de

construction d'un bâtiment de deux appartements. Le 22 jan-
vier 1996, PBBG a ainsi adressé aux époux Ostrini un
courrier
intitulé "mandat exclusif de courtage", dont la teneur est
la
suivante:

"Concerne: - Projet de construction sur la parcelle
N° 3894 sise chemin du Grillon à Pully
- Mandat exclusif de courtage

Madame, Monsieur,

Faisant suite à l'aimable entretien que M. Martin a eu avec
MM. Armin Siegwart, architecte, et Patrick Ostrini, nous
avons l'avantage de vous confirmer le contrat de courtage
suivant:

1. Conditions générales

a) Le prix de vente minimum exigé pour chaque appartement
nous sera communiqué par vous-mêmes.

b) Un descriptif détaillé de la construction nous sera
remis
par l'architecte. Ce dernier contiendra la liste des maté-
riaux utilisés pour les revêtements de sols ainsi que les
budgets prévus pour:

- cuisine
- aménagement salles de bains
- etc.

c) Il conviendrait d'être en possession d'un futur
règlement
de PPE (nous pouvons également fournir cette prestation) ain-
si que de la répartition des millièmes.

d) Le budget et la campagne d'annonces seront définis avec
notre accord. Trois annonces seront commandées par nos ser-
vices et payées par nos soins.

e) Un panneau de vente sera élaboré par vos soins, sur une
base que nous vous fournirons, et ce dernier sera placé, si
possible, sur la parcelle N° 1813.

2. Honoraires de courtages

a) Appartement de 4 pièces (115 m2 environ)

Selon les normes S.V.R. annexées : Fr. 28'000.-

Montant forfaitaire arrêté : Fr. 20'000.-

b) Appartement de 7 1/2 pièces (180 m2)

Selon les normes S.V.R. annexées : Fr. 38'500.-

Montant forfaitaire arrêté à : Fr. 30'000.-

Tout en restant à votre disposition, nous vous présentons,
Madame et Monsieur, l'expression de nos sentiments distin-
gués.

Gérances et Gestions Immobilières

PBBG SA

Durée du mandat : 22.1.96 au 30.4.96

Signé le 26 janvier 1996

pour accord :".

Le 26 janvier 1996, Patrick Ostrini a contresigné
cette écriture. Le même jour, il a envoyé à PBBG le pli qui
suit:

"Concerne : Mandat de vente

Messieurs,

Je me réfère à l'entretien téléphonique de ce jour avec Mon-
sieur Thierry Martin lors duquel j'ai confirmé l'octroi du
mandat exclusif de courtage à votre société pour le lot n° 2
de la parcelle 3894 du chemin du Grillon à Pully.

Je vous communiquerai au plus vite le prix de vente minimum
pour les appartements.

...

Annexe : confirmation signée".

b) PBBG a établi un dossier de présentation de la
parcelle n° 3894, lequel a été adressé le 26 février 1996 à
Esteban Zombory et Daniel Hernandez. Ce dossier de présenta-
tion prévoyait que la parcelle en cause, d'une surface
totale
de 1319 m2, devait être divisée en deux lots de copropriété

horizontale, soit un lot n° 1 de 700 m2, destiné au proprié-
taire du bien-fonds, et un lot n° 2 de 500 m2, le solde de
119 m2 constituant des parties communes; le prix demandé
pour
le lot n° 2 était fixé à 300 000 fr. PBBG a relancé à plu-
sieurs reprises les couples Zombory et Hernandez, en particu-
lier par lettre du 12 avril 1996.

Le 25 avril 1996, au cours d'une rencontre qui a
réuni Thierry Martin, l'architecte Siegwart, les conjoints
Ostrini et Daniel Hernandez, celui-ci a indiqué que, n'étant
pas séduit par le projet de Siegwart, il voulait se délier
du
mandat d'architecte que les époux Ostrini avaient conféré,
car il souhaitait une autre répartition du volume. Cette opi-
nion était partagée par Esteban Zombory, lequel avait précé-
demment informé par téléphone des collaborateurs de PBBG que
seul l'achat de la parcelle nue l'intéressait, à l'exclusion
du projet de construction.

Daniel Hernandez a finalement renoncé à acquérir le
lot de PPE qui était offert à la vente, car il préférait
construire à sa convenance plutôt que d'acquérir un apparte-
ment présenté sur la base de plans déjà mis à l'enquête. Il
a
alors continué à chercher une parcelle dans la région de
Pully-Lutry.

Quant à Hélène Ostrini, elle s'est résolue à ne pas
réaliser le projet de construction et à vendre l'entier du
terrain non bâti. A cette fin, les époux Ostrini ont fait pu-
blier le 11 juin 1996 dans le journal "24 Heures" l'annonce
suivante:

"Pully-La Rosiaz, magnifique parcelle de 1319 m2,
coefficient
0,2, calme, proche des écoles, Fr. 725 450.-, possibilité de
créer 3 logements. Réponse assurée aux offres correspondan-
tes. Ecrire sous chiffre S 022-439559, à Publicitas, case
postale 3540, 1002 Lausanne 2".

Les familles Zombory et Hernandez s'étant montrées
intéressées à l'achat de la parcelle, Patrick Ostrini a lui-
même repris contact avec Daniel Hernandez.

c) Le 12 novembre 1996, Hélène Ostrini a vendu con-
ditionnellement aux époux Zombory et Hernandez une part de
copropriété de respectivement 570/1000èmes et 430/1000èmes
de
la parcelle n° 3894; la vente était subordonnée à la réalisa-
tion de deux conditions, soit, d'une part, que les conjoints
Zombory reçoivent une autorisation de l'autorité cantonale
compétente conformément à la loi fédérale du 16 décembre
1983
sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger
(LFAIE, RS 211.412.41) et, d'autre part, que les acheteurs
obtiennent un permis de construire deux villas mitoyennes
sur
le bien-fonds. Sur la base de cette promesse d'achat, Hélène
Ostrini a mis à l'enquête le projet de construire sur sa par-
celle une habitation individuelle comprenant deux villas mi-
toyennes avec garage extérieur, ce dont a eu connaissance
PBBG par la publication du 26 novembre 1996 intervenue dans
la Feuille des Avis Officiels du canton de Vaud (FAO). Les
deux conditions dont dépendait la vente immobilière s'étant
réalisées, les époux Zombory et Hernandez ont acheté la par-
celle n° 3894 en copropriété pour le prix de 600 000 fr.; le
28 janvier 1997, leurs parts de copropriété ont été
inscrites
au registre foncier sous les numéros de parcelle 6724 et
6725.

A la suite d'une publication dans la FAO du 18 fé-
vrier 1997, PBBG a appris que Hélène Ostrini avait vendu la
parcelle n° 3894 aux époux Zombory et Hernandez. Le 24 fé-
vrier 1997, cette société a adressé la lettre suivante à
Hélène Ostrini:

"Concerne: Parcelle n° 3894, chemin du Grillon, à
Pully
Vente à M. et Mme Zombory et à M. et Mme
Hernandez

Madame,

Faisant suite à la mise à l'enquête parue en décembre der-
nier, nous constatons avec plaisir que vous avez pu vendre
la
totalité de votre parcelle à M. et Mme Zombory et à M. et
Mme
Hernandez, clients dont nous vous avions transmis les réfé-
rences en février et avril 1996.

Nous sommes également heureux que vous ayez pu trouver un
terrain d'entente avec M. Hernandez, conformément à notre
séance en nos bureaux, l'an dernier.

Afin que nous puissions clore ce dossier et vous transmettre
notre note d'honoraires, nous vous saurions gré de bien vou-
loir nous communiquer les prix appliqués, ceci en vue du cal-
cul de nos honoraires".

Le 4 mars 1997, les conjoints Ostrini, se déclarant
surpris du contenu de ce pli, ont adressé une fin de non-
recevoir à PBBG. Ils ont fait valoir principalement que l'ob-
jet du mandat de PBBG était la vente d'appartements, alors
que le client, qui a pris contact avec eux à la suite d'une
annonce et qui s'est révélé être Daniel Hernandez, était in-
téressé à l'achat du terrain. PBBG a maintenu sa position
par
lettre du 26 mars 1997, à laquelle elle a joint une facture
d'un montant de 32 695 fr.50, correspondant à une indemnité
de courtage, selon les normes de la corporation, de 5% sur
les premiers 500 000 fr. et de 3% sur le solde, le prix de
vente ayant été estimé à 690 000 fr. Cette note est demeurée
impayée.

B.- PBBG a fait notifier des poursuites à chacun
des époux Ostrini, puis, après l'opposition totale formée
par
les poursuivis, a ouvert action à leur encontre le 6 juin
1997 devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois;
elle
a conclu à ce que Patrick Ostrini et Hélène Ostrini, conjoin-
tement et solidairement entre eux ou chacun pour la part que
justice dira, lui doivent paiement de 32 695 fr.50 plus inté-
rêts à 5% l'an dès le 16 avril 1997, la mainlevée définitive
des oppositions aux commandements de payer étant prononcée.

Les défendeurs se sont opposés aux conclusions de
la demanderesse.

Par jugement du 22 mars 2000, la Cour civile a en-
tièrement débouté la demanderesse. En substance, l'autorité
cantonale a retenu que le défendeur, en contresignant le 26
janvier 1996 l'écriture de la demanderesse du 22 janvier
1996, a conclu un contrat de courtage avec cette dernière.
Sur le moyen des défendeurs selon lequel le contrat ne lie-
rait pas Hélène Ostrini, qui n'a pas apposé sa signature sur
l'écriture en cause, la Cour civile a notamment exposé que
l'on pouvait se demander si cette lettre ne constituait pas
une simple confirmation d'un contrat passé oralement précé-
demment. Elle a toutefois laissé le problème indécis, étant
donné que les conclusions de la demande devaient être de tou-
te manière rejetées. Les juges cantonaux ont ainsi examiné
la
prétention de la demanderesse au regard du principe jurispru-
dentiel dit de l'équivalence, qui veut que la naissance du
droit au salaire du courtier suppose que le contrat
principal
corresponde au but assigné par le courtage à l'activité du
courtier, question qui doit être tranchée normalement
d'après
le résultat économique escompté lors de la conclusion du con-
trat de courtage. Interprétant le contrat signé le 26
janvier
1996, les magistrats vaudois ont constaté que le contrat en-
visagé dans la convention portait sur deux appartements à
construire sur un terrain de 500 m2, qui devait constituer
le
lot n° 2 d'une propriété par étages, le lot n° 1 devant res-
ter propriété de la défenderesse en vue de la construction
d'une villa. Or, dès l'instant où le contrat principal fina-
lement conclu par les défendeurs avait concerné la vente de
la totalité de la parcelle n° 3894 et non un lot de
propriété
par étages à constituer sur le bien-fonds et qu'il avait
trait à un terrain sans construction, ce contrat divergeait
sur deux points essentiels du contrat souhaité par les man-
dants, de sorte que l'équivalence économique entre les deux
accords faisait clairement défaut. La cour cantonale a
encore

considéré que l'objet du contrat de courtage n'avait pas été
modifié après sa passation, ni expressément ni par actes con-
cluants.

C.- La demanderesse exerce un recours en réforme
au Tribunal fédéral contre le jugement précité en reprenant
ses conclusions d'instance cantonale.

Les défendeurs proposent le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Interjeté par la partie qui a intégralement
succombé dans ses conclusions en paiement et dirigé contre
un
jugement rendu en instance cantonale unique par un tribunal
supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile
dont
la valeur
litigieuse dépasse le seuil de 8000 fr. (art. 46
OJ), le recours est recevable, puisqu'il a été déposé en
temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises
(art.
55 OJ).
b) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche
pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang cons-
titutionnel (art. 43 al. 1 2ème phrase OJ) ou la violation
du
droit cantonal (ATF 126 III 189 consid. 2a, 370 consid. 5;
125 III 305 consid. 2e).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que

celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et
les
arrêts cités). Dans la mesure où la recourante invoquerait
un
état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision
attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des excep-
tions qui viennent d'être rappelées, il ne serait pas possi-
ble d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs
contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de
preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent prendre de
conclusions nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il
n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al.
1
OJ), ni par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2).

2.- La recourante soutient que le fait que toute
la parcelle a été vendue n'affecte en rien l'obligation con-
tractuelle des intimés de lui verser la commission de courta-
ge due pour l'indication et la négociation de l'affaire con-
clue avec les époux Zombory et Hernandez. Elle prétend que
les défendeurs ont accepté que la surface à vendre soit modi-
fiée et se réfère à une jurisprudence cantonale genevoise
(SJ
1977 p. 33 ss), qui a admis que le principe d'équivalence
était réalisé, lors même que, contrairement à la présente
querelle, la surface effectivement vendue avait diminué par
rapport aux prévisions originaires des parties. Selon la re-
courante, ni dans les souhaits des intimés, ni dans le con-
trat de courtage, pas plus que dans le dossier de présenta-
tion établi par la recourante, il n'aurait été question de
la
vente de lots de copropriété déjà construits. Au moment des
démarches de la demanderesse en vue de la vente, les cons-
tructions immobilières n'étaient qu'au stade du projet; plu-
sieurs variantes de construction étaient d'ailleurs envisa-
gées quant au lot n° 2, ce qui attesterait que toutes les op-

tions, y compris la vente d'une parcelle non bâtie, étaient
maintenues par les mandants. Du reste, les intimés ont parti-
cipé à la réunion du 25 avril 1996 où les amateurs ont men-
tionné leur intérêt pour une parcelle vierge, si bien que
les
défendeurs savaient qu'ils entendaient acquérir une telle
parcelle. Du moment que les parties ont prévu un courtage
portant sur un bien-fonds avec un projet de construction,
les
amateurs intéressés pouvaient acheter la parcelle bâtie ou
non bâtie. A en croire la recourante, la condition de l'équi-
valence serait remplie, au moins partiellement puisque la
vente effective d'un terrain nu serait "comprise dans la ven-
te de la parcelle bâtie". Si la demanderesse devait se voir
refuser toute indemnité, cela reviendrait à consacrer un sys-
tème où le mandant pourrait priver indûment le courtier de
sa
rémunération, en concluant lui-même un contrat principal lé-
gèrement modifié par rapport au contrat envisagé tout en sau-
vegardant le but économique escompté.

3.- a) Sur la base de l'état de fait déterminant
(art. 63 al. 2 OJ), il n'est pas douteux que les plaideurs
étaient liés par un contrat de courtage au sens des art. 412
ss CO. Si le défendeur a expressément accepté l'offre de la
demanderesse de passer un tel contrat en signant pour accord
l'écriture de celle-ci du 22 janvier 1996 qui prévoyait sa
commission, la défenderesse y a consenti par actes
concluants
en laissant la recourante, dont la spécialisation dans le
courtage immobilier rendait ses services onéreux (art. 412
al. 2 CO; ATF 82 IV 145 consid. I 2a), exercer en sa faveur
une activité d'intermédiaire pour favoriser la vente d'une
partie de son bien-fonds, et cela sciemment comme l'atteste
la rencontre à laquelle elle a participé le 25 avril 1996,
qui a réuni, outre son conjoint, un représentant de PBBG,
l'architecte Siegwart et un amateur (cf. sur la conclusion
du
contrat de courtage par actes concluants: arrêt du 29 septem-
bre 1992 dans la cause 4C.66/1992, consid. 2b publié in: SJ

1993 p. 189; Engel, Contrats de droit suisse, 2e éd., p.
522;
Caterina Ammann, Commentaire bâlois, n. 5 ad art. 412 CO).

b) L'autorité cantonale n'a pas déterminé si les
services que devait rendre la demanderesse correspondaient
aux tâches de courtier indicateur et/ou négociateur. Il im-
porte peu, du moment que le droit à la commission est soumis
aux mêmes conditions, quelle que soit la nature du contrat
de
courtage. En effet, l'art. 413 al. 1 CO dispose que le cour-
tier a droit à son salaire dès que l'indication qu'il a don-
née ou la négociation qu'il a conduite aboutit à la conclu-
sion du contrat.

4.- a) Il résulte de la teneur de la norme susrap-
pelée que le droit au salaire du courtier est singulièrement
fonction de l'existence d'un lien de causalité entre l'acti-
vité qu'il a manifestée et la conclusion du contrat princi-
pal; il suffit qu'il existe un lien psychologique entre les
efforts du courtier et la passation du contrat principal
(ATF
84 II 542 consid. 5; Caterina Ammann, op. cit., n. 8 ad art.
413 CO).

En l'espèce, l'existence d'un tel lien psychologi-
que ne saurait être niée, puisque c'est la demanderesse qui
a
informé les défendeurs que les futurs acquéreurs, à savoir
les couples Zombory et Esteban, étaient intéressés à l'achat
de la parcelle n° 3894, amateurs auxquels elle avait en
outre
adressé un dossier de présentation détaillé du bien-fonds.
La
Cour civile s'est implicitement dispensée d'examiner ce
point, au motif qu'il n'y avait pas équivalence économique
entre le résultat prévu par le contrat de courtage et celui
effectivement obtenu par le courtier. La solution qui sera
apportée à cette dernière question conditionne désormais
l'issue de la querelle.

b) aa) De la norme ancrée à l'art. 413 al. 1 CO, il
découle que le droit à la commission du courtier est lié à
la
conclusion par le mandant d'un contrat (dit principal) con-
forme à ses attentes, en ce sens qu'il permet à ce dernier
d'obtenir le résultat économique assigné au courtier par le
contrat de courtage (principe d'équivalence). Autrement dit,
ce n'est pas une identité juridique qui est requise entre
l'affaire escomptée et le contrat fourni par le courtier,
mais bien une équivalence économique (ATF 114 II 357 consid.
3a; Caterina Ammann, op. cit., n. 4 ad art. 413 CO; Pierre
Turrettini, Le contrat de courtage et le salaire du
courtier,
thèse Genève 1952, p. 105/106). L'application du principe
d'équivalence suppose donc que l'on examine si le contrat
effectivement conclu représente la même valeur et peut rem-
plir la même fonction que le contrat souhaité par le mandant
(Christian Marquis, Le contrat de courtage immobilier et le
salaire du courtier, thèse Lausanne 1993, p. 401). Il suffit
cependant que les intentions principales du mandant soient
réalisées, de légères différences ou des dérogations de peu
d'importance ne devant pas porter préjudice au courtier
(Pierre Turrettini, op. cit., p. 109). Ainsi, lorsque le
prix
de vente demandé dans le contrat de courtage n'a qu'une va-
leur indicative (cf. à ce propos ATF 76 II 147 consid. 1),
le
courtier possède une marge de négociation. Dans un arrêt
déjà
ancien, le Tribunal fédéral a évoqué une marge normale de né-
gociation de 2% (consid. 4 non publié de l'ATF 84 II 521 re-
produit in: SJ 1960 p. 56). Récemment, dans une espèce où le
contrat de courtage imposait au courtier de signaler toutes
les offres inférieures au prix indicatif, la juridiction fé-
dérale a admis une marge de négociation plus élevée, en ce
sens qu'elle a considéré que le résultat économique atteint
par le courtier, inférieur de 3,63 % au prix indicatif brut,
était conforme aux attentes du mandant (arrêt non publié du
16 juin 1999 dans la cause 4C.183/1998, consid. 3).

Lorsque la réalisation du principe d'équivalence
est en jeu, il convient de ne pas perdre de vue que le con-
trat de courtage peut être modifié, notamment quant au but
économique visé par le mandant. Une telle modification con-
tractuelle peut intervenir par actes concluants des parties
contractantes (Oser/Schönenberger, Commentaire zurichois, n.
17 ad art. 413 CO; Bruno von Büren, Schweizerisches Obliga-
tionenrecht, Besonderer Teil, p. 207; Marquis, op. cit., p.
402).

bb) In casu, les juges cantonaux n'ont pas constaté
la volonté réelle des parties quant à l'objet du contrat de
courtage passé par les parties sur la base de l'offre de la
demanderesse du 22 janvier 1996. Le recours au principe de
la
confiance se révèle donc indispensable pour déterminer ce
point (ATF 126 III 25 consid. 3c, 59 consid. 5b, 375 consid.
2 e/aa; 125 III 305 consid. 2b p. 308).

Selon les termes limpides de l'offre de la recou-
rante, les intimés devaient raisonnablement comprendre que
le
courtage avait pour objet la vente d'un bâtiment comprenant
deux appartements à construire sur le lot de copropriété n°
2
de la parcelle n° 3894. Ainsi, les honoraires de la demande-
resse étaient calculés, selon les normes de la Société vau-
doise des régisseurs (SVR), en fonction d'un appartement de
4
pièces d'environ 115 m2 de surface et d'un second logement
de
7 pièces et demie ayant une superficie de 180 m2. De plus,
dans ses conditions générales, à la lettre a, l'accord préci-
sait que les mandants devaient communiquer au courtier le
prix de vente minimum exigé pour chaque appartement. Le jour
même où il a contresigné l'écriture en cause, soit le 26 jan-
vier 1996, le défendeur s'est du reste engagé par écrit à
transmettre au plus vite l'information requise.

Toutefois, l'intimé Patrick Ostrini, pour une rai-
son que l'on ignore, n'a jamais fait savoir à la demanderesse

le prix de vente minimum afférent à chaque appartement.
C'est
sans doute la raison pour laquelle la recourante a adressé
un
mois plus tard, le 26 février 1996, aux couples Zombory et
Hernandez un dossier de présentation qui se rapportait à la
vente du même lot n° 2 de copropriété horizontale, mais sans
constructions, au prix de 300 000 fr. pour une surface de
500 m2. Or, les défendeurs ont toléré en toute connaissance
de cause que la recourante déploie une activité tendant à la
vente d'une part non construite de la parcelle n° 3894. On
en
veut pour preuve que lors de l'entrevue du 25 avril 1996,
qui
réunissait notamment un représentant de la demanderesse et
les défendeurs, ceux-ci n'ont émis aucune protestation sur
cette nouvelle manière d'agir du courtier dans le cadre de
sa
recherche d'amateurs. Partant, il appert que les défendeurs
ont sciemment accepté de modifier par actes concluants l'ob-
jet du courtage, lequel ne devait plus porter que sur la ven-
te d'un terrain non bâti de 500 m2, et cela au prix
indicatif
de 300 000 fr., puisqu'il n'a pas été constaté que les défen-
deurs avaient la volonté de faire de ce prix une limite infé-
rieure au-dessous de laquelle le courtier n'avait droit à au-
cun salaire.

L'interprétation objective des manifestations de
volonté des parties ayant permis de dégager le but
économique
espéré par les défendeurs, c'est-à-dire la vente d'un
terrain
nu au prix de 300 000 fr., il y a lieu maintenant de recher-
cher si le contrat qui a bien été passé par les défendeurs
avec les tiers que lui a présentés la demanderesse doit être
jugé conforme à leurs attentes sur le plan économique.

cc) En janvier 1997, la défenderesse a retiré
600 000 fr. de la vente en copropriété aux conjoints Zombory
et Hernandez de la totalité de la parcelle n° 3894. La super-
ficie du bien-fonds étant de 1319 m2, il s'ensuit que la ven-
te immobilière s'est réalisée au prix de 454 fr.90 par m2
(600 000: 1319).

Le contrat de courtage modifié d'entente entre les
plaideurs concernait la vente d'un lot de 500 m2 de la même
parcelle au prix indicatif de 300 000 fr. Les défendeurs es-
comptaient ainsi pouvoir vendre ce terrain à 600 fr. le m2
(300 000: 500).

Partant, le contrat principal effectivement conclu
l'a été à un prix de la surface au m2 inférieur de 145 fr.10
à celui désiré par les mandants. En d'autres termes, la dif-
férence par rapport au prix indicatif dépasse les 24%
((145,10: 600) x 100). Dans ces conditions, on ne saurait ad-
mettre que le contrat de vente pour lequel la demanderesse
s'est entremise a permis aux intimés d'atteindre le but éco-
nomique qu'ils poursuivaient.

Le contrat principal n'étant pas équivalent sous
l'angle du résultat économique au contrat désiré par les man-
dants, la demanderesse n'a pas droit à sa commission. C'est
le résultat auquel est parvenue la Cour civile.

5.- En définitive, le recours doit être rejeté et
le jugement attaqué confirmé, mais par substitution
de mo-
tifs. Vu l'issue du litige, les frais et dépens de la procé-
dure fédérale doivent être mis à la charge de la recourante
qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme le jugement at-
taqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera aux intimés,
créanciers solidaires, une indemnité de 3000 fr. à titre de
dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois.

___________

Lausanne, le 29 janvier 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.334/2000
Date de la décision : 29/01/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-29;4c.334.2000 ?
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